MerveilleuseChiang-Mai

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BOULE DE NEIGE (LA)

LA BOULE DE NEIGE.

 

 

 

 

L'anecdote était vraiment trop belle pour que je la laissasse quelque part dans un coin de ma mémoire. D'autant qu'avec le temps, elle aurait pu disparaître, comme fond la neige sous la caresse d'un rayon de soleil.

 

Celle-ci me fut racontée par Roselyne, dans l'échoppe de Tonio, le seul et unique crêpier Breton d'origine Portugaise de Chiang Mai, et peut-être de toute la Thaïlande.

 

 

 

Roselyne, était venue à Chiang-Maï pour se reposer quelques jours avant de rentrer en France, après avoir passé quelques mois dans la jungle du Népal !...

 

Cette femme de soixante ans, très épanouie, habillée sobrement mais avec des petites touches de coquetterie, œuvre dans une organisation humanitaire.

 

Ce jour-là, comme sa journée de repos se terminait, elle était venue manger une crêpe.

 

 

Tout aussi réservée que moi, alors que nous n'étions que deux dans la crêperie, il avait fallu l'arrivée de Marc Antoine, et de son affreux mais adorable petit chien, pour que nous bavardions ensemble, de tout et de rien.

 

Et puis ce fut à qui racontera le plus émouvant souvenir de sa vie. Et là, je dois reconnaître que Roselyne emporta le pompon avec son anecdote de la boule de neige !

 

 

Tout commença un jour où, un soir, Roselyne ne se souvenait plus exactement, dans un tout petit village népalais perdu quelque part en pleine jungle et où Roselyne remplissait une mission humanitaire.


Ce jour là, un père de famille d'une trentaine d'années, que j'appellerai Shyam, et qui dans le village était un homme parmi les plus ouverts intellectuellement, au cours d'une conversation à bâtons rompus et via un interprète, expliquait à un travailleur humanitaire que son rêve était de voir de la neige.

 

 

Le Népal, pourtant, possède huit montagnes parmi les dix plus hautes au monde, dont l'Everest avec ses 8.848 mètres, mais nombreux sont ses habitants qui n'ont jamais vu de la neige, même en photo !

 

Si à son extrémité nord, celle qui jouxte le Tibet, le Népal atteint des altitudes de plus de 8.000 mètres, à son extrémité sud, c'est à dire à quelques 200 kilomètres en contrebas, les plaines du Teraï, contiguës à l'Inde, ne sont qu'à 60 mètres au-dessus du niveau de la mer !...

 

Cette brusque dénivellation du sol est à l'origine d'une très grande diversité de terrains et de climats, qui vont pour ces derniers du froid sec aux températures tropicales !

 

 

Roselyne donc, qui passait par là par hasard, entendit le désir de cet homme : voir de la neige !

 

Et elle se souvint qu'alors elle n'avait pu s'empêcher de retenir un petit sourire et de penser aux grands magasins métropolitains au moment des fêtes de Noël !

 

Shyam ne demandait vraiment pas grand chose en regard de tout ce qu'exigent de la société et de leurs parents nombre d'enfants ou d'adolescents français, surtout au moment des fêtes de fin d'année !...

 

Alors, Roselyne ne put s'empêcher de regarder Shyam d'un autre œil, et comme avec un petit pincement … quelque part au cœur.

 

 

Puis elle poursuivit son chemin, comme si elle n'avait rien entendu.


Quelques heures plus tard elle tournera la page de cette journée comme elle avait tourné celles des précédentes .Et comme elle tournera toutes celles à venir.

 

Au fil des jours et des mois Roselyne tournera bien d'autres pages !...

 

Et tandis qu'elle poursuivra sa mission, Shyam et son rêve allèrent se perdre quelque part dans la mémoire de Roselyne !...

 

Et puis, un après-midi, alors qu'elle ne les attendait pas, des amis poitevins, car elle est originaire de Poitiers, demandèrent après elle !...

 

 

C'étaient ceux, quand elle est sur le point de partir pour le Népal, qui viennent toujours la saluer dans un grand éclat de rire et lui disent : « quand on passera par là on ira te dire bonjour ! »

 

Et Roselyne, du tac au tac, leur répondait toujours : « Vous venez quand vous voulez, je serais toujours là pour vous accueillir ! »

 

Mais tous, au fond d'eux-mêmes, étaient persuadés que ces phrases n'étaient que des paroles en l'air !...

 

Et puis un beau jour un esprit malin, qui passait par là, les prit au mot.

 

 

 

Ce fut autour d'un verre que tout se décida, à l'occasion d'un apéritif. Ce jour-là, comme souvent, les amis de Roselyne s'étaient tous retrouvés chez l'un d'entre eux.

 

Et si chacun s'était préparé à parler de tout et de rien, aucun parmi eux ne s'était imaginé qu'ils repartiraient tous avec un billet en poche pour le Népal !

 

Et pourtant ce fut ce qui arriva.


Comme ils connaissaient tous Roselyne, ils se mirent à parler d'elle, et l'idée de lui faire une visite surprise surgit dans la conversation.

 

Alors, et sans très bien savoir comment, en fin d'apéritif tout le monde se retrouva embringué dans une histoire de randonnée dans l'Himalaya !....

 

 

 

Quand elle reconnut ses amis poitevins, Roselyne les regarda stupéfaite. Mais eux étaient tout aussi surpris qu'elle.

 

Après des embrassades à n'en plus finir, ils invitèrent  Roselyne à se joindre à eux pour aller gravir les hauteurs himalayennes.

 

Comme un départ de quelques jours lui était tout à fait possible, Roselyne accepta de se joindre à la randonnée avec enthousiasme.

 

Et le lendemain le petit groupe d'amis prit le chemin de la haute montagne en emmenant avec eux Shyam !

 

Car le rêve de ce dernier avait surgi, comme par enchantement, de la mémoire de Roselyne. Et en se rappelant de ce rêve elle se dit que c'était l'occasion ou jamais de jouer au père Noël !

 

 

 

Quand il fut en présence de la neige, Shyam en eut le souffle coupé.

 

Il resta un moment sans bouger tant était vive son émotion. Jamais il n'avait rien vu d'aussi beau, et jamais il n'aurait imaginé que la neige pût avoir une telle apparence.

 

 

Alors, sans rien dire, et oubliant les étrangers qui étaient avec lui, Shyam se dirigea vers l'immense étendue neigeuse.


Il fit quelques pas avec la plus grande prudence et ramassa un peu de neige après avoir retiré ses gants pour mieux la sentir.

 

Puis il en fit une boule qu'il mit précautionneusement dans le fond de la poche du manteau qu'on lui avait prêté.

 

Car pour vivre dans la jungle on n'a pas besoin de vêtements chauds.

 

 

 

Les Français qui l'avaient vu faire se regardèrent avec étonnement, mais se gardèrent de tout commentaire.

 

Roselyne rejoignit Shyam qui était resté comme pétrifié devant pareille beauté.

 

Puis elle lui demanda :

 

 « Mais pourquoi avez-vous mis une boule de neige dans votre poche ? »

 

 

Et Shyam, encore sous le coup de l'émotion, lui répondit :

 

« C'est tellement beau la neige que j'en ai pris un peu pour la rapporter au village et la montrer à mes enfants ! »

 

 

 

Dans la crêperie de Tonio, lorsque tomba la chute de cette anecdote, l'amour et la poésie se donnaient tendrement la main, un infime zeste d'humour déposa un sourire sur nos lèvres … et un ange passa !

 

 

 



08/08/2009
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