MerveilleuseChiang-Mai

MerveilleuseChiang-Mai

CONTRAVENTION (LA)

LA CONTRAVENTION

 

 

Si les habitants de Chiang-Mai racontent autant d'histoires sur les Farangs que les Farangs en racontent sur eux, les uns comme les autres devraient avoir, en permanence, les oreilles qui sifflent.

 

Or à Chiang-Mai les habitants n'ont pas plus mal aux oreilles qu'ailleurs !...

 

Et cela, sans doute parce que certaines histoires rapprochent les deux communautés, en particulier celles qui concernent la police de leur ville !...

 

 

Mais avant de m'attarder sur l'une des pratiques favorites de la police de Chiang-Maï, et il faut dire aussi … de toute la Thaïlande, il est bon de savoir que dans ce royaume les motocyclistes n'ont pas encore compris la nécessité de porter un casque.

 

D'abord, parce que cet ustensile a le désagrément de décoiffer. Et ensuite, parce que les motocyclistes sont convaincus que le bouddha suspendu à leur cou, ou l'image sainte collée sur leur véhicule les protègent infiniment plus qu'un couvre-chef antichocs.

 

Alors, avec une conviction propre au royaume du Lanna, c'est-à-dire aussi laxiste que peu efficace, lors de ses opérations de contrôle de port de casque, la police s'emploie beaucoup plus à racketter les motocyclistes qu'à faire de la prévention.

 

Et c'est donc, à mon avis, beaucoup plus pour améliorer son ordinaire, que pour protéger ses ouailles, que la police tend des souricières et verbalise à tour de bras.

 

Pour cela, elle sévit lors de périodes mensuelles qui sont presque toujours les mêmes, se poste souvent aux mêmes endroits de la ville, et opère principalement un peu avant midi, car c'est à cette heure que la circulation connaît un regain d'affluence !...


Ce jour là donc, je sortais d'un magasin d'antiquités situé tout à l'autre bout de Thanon Thaphae, une rue qui conduit à la place du même nom. Et comme je n'avais aucun but précis dans l'esprit, d'un regard je cherchais où pouvoir conduire mes pas.

 

Ce fut alors qu'une armada de policiers attirât mon attention. Elle était installée au carrefour qui précède le pont Nawarat. Comme à son habitude, le dispositif brillait par son ampleur, car le petit personnel en uniforme ne manquait pas.

 

Cependant pour compter parmi les spectateurs de ce grand spectacle offert gratuitement par la maréchaussée, il fallait tout comme moi marcher à pied, et remonter à contresens la rue Thaphae.

 

En effet, l'une des nombreuses particularités de Chiang-Maï est de disposer d'un système de circulation à sens uniques … unique en son genre.

 

Alors, entre autres choses, il permet à un promeneur remontant une voie à contresens d'avoir le privilège de voir les coulisses d'un piège monté par la police.

 

Tandis que ceux pour lesquels la souricière est tendue, ils ne découvrent leur infortune qu'au dernier moment. C'est-à-dire une fois dans la gueule du loup !....

 

Mais il n'est pas rare qu'un motocycliste piégé fasse demi- tour et, au risque de provoquer un accident, voire de se tuer, remonte le sens interdit dans lequel il roulait avec, à ses trousses, un jeune policier. Car les ''anciens'' flics n'ont plus la conscience professionnelle des plus jeunes et surtout … leur sportivité !... 

 

Donc, tant par curiosité que parce que j'avais du temps à perdre, je pris la direction inverse à celle que j'envisageais et me dirigeai vers le fameux carrefour.

Là, les policiers n'avaient que l'embarras du choix pour arrêter les motocyclistes sans casque et les automobilistes sans ceinture de sécurité. Leur nombre était même très insuffisant malgré ce que j'ai pu dire auparavant.


J'étais donc à regarder le fonctionnement de la souricière, quand une moto montée par deux Farangs s'arrêta à deux pas de moi.

 

Lui, installé à l'avant, devait avoir la trentaine. Et elle, assise à l'arrière, comptait une bonne cinquantaine.

 

Tout donnait à penser qu'il devait s'agir d'un fils et de sa mère en vacances. Et comme aucun d'eux ne portait de casque, ils furent interpellés.

 

Le garçon ne m'était pas vraiment sympathique. S'il n'y avait eu que lui sur la moto, il n'y aurait jamais eu l'anecdote qui va suivre.

 

Par contre, la femme avait quelque chose de touchant. D'autant plus que je la sentais dans ses petits souliers et qu'elle me regardait d'un air quelque peu désespéré en se demandant à quelle sauce elle allait être mangée.

 

Sans doute pour la réconforter, et avec un sourire de circonstance, je lui dis bêtement, mais comment pouvais-je le lui dire autrement ?...

 

.- Ce n'est qu'un mauvais moment à passer, et puis au     retour cela vous fera un bon souvenir à raconter !...

.-   Ah !... Vous êtes Français !...

 

Me répondit-elle, comme soulagée de se sentir un peu moins perdue.

 

.-   Mais comment saviez-vous que nous étions Français ?

.-   Je l'ignorais, lui répondis-je, mais par principe partout où       je vais, je parle d'abord en français. Et souvent j'ai une
     réponse, la preuve.

 

Sur ces mots nous échangeâmes quelques autres paroles.

 

Le garçon, quant à lui, n'avait pas cru bon de desserrer les dents, ni même d'esquisser un soupçon de sourire. Bref, il avait vraiment l'air d'une tête à claques. Et visiblement, nous n'étions pas faits pour nous entendre.


Pendant que nous devisions, le jeune policier, son carnet de souches à la main, nous regardait sans vraiment s'impatienter et tout en se demandant ce que nous pouvions bien nous raconter.

 

Car s'il comprenait éventuellement l'anglais, pour lui le français devait être une langue de barbare.

 

 

Allez savoir pourquoi, mais la sympathie parfois engendre des miracles, et je fus le premier surpris à m'entendre dire à mon interlocutrice :

 

.-   Au fait, pour votre affaire présente, donnez lui deux      cents bahts de la main à la main et cela vous évitera      non seulement la rédaction d'un PV, mais aussi d'en
     avoir quatre cents à payer.

 

     Faites cela bien discrètement et en toute naïveté.  Allez,
     je vous laisse car le Monsieur d'à côté va finir par         s'impatienter.

 

Et sur ces mots je fis demi-tour en saluant ma compatriote qui, d'après son regard, avait retrouvé confiance.

 

Par contre lorsque mes yeux croisèrent ceux de son compagnon, celui-ci resta impassible. Il était droit comme ''i'', un peu crispé, et sa tête à gifles ne jouait pas en sa faveur !...

 

Quant au jeune policier, soulagé de me voir lever le camp, il inclina la tête pour me saluer, et en souriant laissa paraître alors une parure dentaire à faire rêver une jument en mal d'amour.

 

Je n'avais pas fait trois pas que je commençais à regretter les conseils que je venais de donner à ma compatriote !...

 

Certes, cette façon de participer aux frais et débours d'un policier m'avait été racontée maintes et maintes fois. Mais je n'avais jamais été personnellement à même de la vérifier. Alors peut-être qu'au lieu d'aider ma compatriote, je l'avais mise dans une situation encore plus critique ?!...


L'envie de me retourner pour constater de visu ce qui se passait me titilla à plusieurs reprises, mais je n'en fis rien.

 

Car je ne voulais pas faire échouer l'opération, si par hasard elle se déroulait comme je l'avais prévue, ou l'envenimer un peu plus, si le fonctionnaire était un incorruptible !...

 

 

Mais tandis que ces hypothèses trottaient dans ma tête, mon attention fut tout d'un coup attirée par quelques insistants coups d'avertisseur qui retentissaient dans mon dos.

 

C'étaient les deux Français qui s'apprêtaient à me doubler. Lui, toujours aussi tête de mule, et elle tout sourire.

 

En passant à ma hauteur elle me lança :

.- Ça a marché. Merci !...

 

Puis la moto me dépassa et emporta ses deux passagers loin devant moi, dans les abîmes de l'oubli.

 

 

 

Ce fut, avec ces gens, ma première et ma dernière rencontre !...

 

Mais ce fut aussi grâce à elle, que se vérifia ce qu'on m'avait raconté mille et une fois sur certaines pratiques de la gent policière de Chiang-Mai et de toute la Thaïlande que jamais je n'avais eu l'occasion de vérifier … par moi-même !...

 

Et force a été de constater qu'il n'y avait donc pas de fumée sans feu !...

 

 



11/11/2009
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