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MENGRAI - 07 LA SITUATION GEO-POLITIQUE DU LANNA EN 1296

     LA SITUATION GEO-POLITIQUE DU LANNA

  EN 1296

 

 

 

Lorsque Mengraï décide de la fondation de Chiang-Maï, ce n'est plus un tout jeune homme. Il a près de 55 ans. Un âge où la sagesse a pris le pas sur les impulsions de la jeunesse et où l'on pense beaucoup plus à se retirer du monde qu'à se faire valoir au moyen d'actes inconsidérés.

 

Sa décision n'est donc pas une fantaisie de tout jeune homme et encore moins un caprice de vieillard sénile. C'est tout au contraire un acte mûrement réfléchi et auquel il devait penser depuis fort longtemps.

 

 

Personnellement, en découvrant la vie de Mengraï, cet homme m'a surpris par son bon sens, par sa prudence et par sa pugnacité à toujours obtenir ce qu'il voulait.

 

Depuis son accession au trône, tout laisse à penser que l'une de ses volontés était, très certainement, de vouloir laisser derrière lui une grande œuvre qui le ferait passer à la postérité. Car c'était un homme ambitieux.

 

 

Pour des raisons que je vais expliquer dans les paragraphes suivants, la création du Lanna n'a pas été ce qu'il aurait voulu. Néanmoins il laissera un bel héritage à ses successeurs.

 

Cependant, s'il n'a pas réussi à créer un grand royaume comme son ami Ramkhamhaeng, en fondant Chiang-Maï, et avec les conseils de ce dernier, c'est Mengraï qui enlève la palme de la capitale la plus atypique et la plus attachante,  et non Ramkhamhaeng !...

 

Car à l'instar des plus grands rois du sud-est asiatique, en particulier des rois khmers dont il a forcément entendu parler, il a fondé lui aussi une ville d'exception, à nulle autre pareille, qui a passé l'épreuve du temps et qui aujourd'hui attire nombre de touristes du monde entier.



Une trentaine d'année avant sa naissance, un certain Gengis Khan (v.1167-1222) faisait de son étendard blanc à 9 flammes (9 queues de yack) celui de tous les Turco-Mongols.

 

Et la grande épopée mongole, sans pourtant jamais s'attaquer à Mengraï directement, allait néanmoins le contraindre et le servir tout à la fois.

 

 


La situation territoriale de l'Indochine à la naissance de Mengraï.

A gauche PAGAN suzerain du royaume de Nanzhao, qui va passer sous peu sous la férule des Shino-mongols ainsi d'ailleurs que PAGAN.


Au centre l'empire Khmer à son apogée.

Le Yonok, avec Chiang Saen comme ''capitale'', royaume du père de Mengraï devait être vassal des Khmers. Mais comme il était très au nord de l'empire c'était un vassal plutôt ''libre'' d'autant que les Khmers avaient commencé leur ... décadence, alors !....


Les villes de couleur verte vont alors faire ''l'actualité'' de la région et être au centre de la naissance de nouveaux royaumes.


 

En 1239, lorsque Mengraï vient au monde, à l'ouest et au sud-ouest du petit royaume de son père, le Yonok, le royaume de Pagan est au sommet de sa gloire.

 

Les Birmans ont alors imposé leur hégémonie à leurs voisins les plus proches ; aux Môns de Pegu au sud-est de Pagan, ainsi qu'aux Pyus et aux Shans au nord et nord-est de ce même royaume.  

 

 

Plus au nord du Yonok, le royaume de Dali est devenu le vassal de Pagan et les Mongols, tout en ravageant pour la seconde fois l'Europe orientale, sont en pleine conquête de la Chine du sud.

 

Cette guerre avec la dynastie des Song va durer 45 ans !...

 

 

Enfin, à l'est et au sud du Yonok, le royaume khmer connaît des soubresauts à cause d'histoires religieuses entre les partisans de Bouddha et ceux du dieu Indra. Ce seront les seconds qui l'emporteront … momenta-nément !...

 

Ce sera d'ailleurs à la faveur de ces dissensions internes qu'à l'ouest de cet empire, un certain Khun Bang Klang Hao, (ขุนบางกลางหาว) le père de Ramkhamhaeng ami de Mengraï comme je l'ai déjà écrit, va faire sécession en 1238, en compagnie de Khun Pha Müang (ขุนผาเมือง), et donner naissance au royaume de Sukhothaï, l'un des tout premiers royaumes thaï. (1)

 


Une génération plus tard, c'est-à-dire lorsque Mengraï prend la relève de son père à la tête du Yonok, vers 1260, il a alors une vingtaine d'années, la situation a bien évolué.

 

Le royaume de Pagan éprouve alors quelques difficultés avec les Môns de Pegu et les Shans du nord.

 

Les Mongols, tout en continuant leur lutte contre les Song du sud, se rendent maîtres du royaume de Dali, alors vassal de Pagan. Et l'un de leurs chefs, Khoubilaï, qui n'est pas encore Khan, attaque le royaume d'Annam et met à sac la ville d'Hanoï.

 

Enfin, les Khmers avec Jayavarman VIII (1243-1295), plus occupés à saccager les temples bouddhistes pour les réadapter au culte hindouiste qu'à défendre leurs ''frontières'', se voient, au sud de leur empire, chassés de Malaisie, et à l'ouest loin de Sukhothaï, par Khun Bang Klang Hao, (ขุนบางกลางหาว) le père de Ramkhamhaeng et Khun Pha Müang. (ขุนผาเมือง)

 

 

 

Autant dire qu'à l'ouest du Laos occidental, Mengraï sent le vent des flèches et des lances lui raser les deux oreilles. Mais il a les mains libres, ou … presque !...

 

Car pour étendre son territoire, et surtout trouver de nouvelles populations, car un lopin de terre n'a de valeur que s'il est cultivé, il n'a pas d'autre choix que de descendre vers le sud.

 

Aller dans une autre direction ce serait prendre le risque de se heurter à plus fort que lui. Et Mengraï le sait !...

 

Aussi, ce n'est pas par hasard s'il déplace très souvent sa capitale.

 

A chaque fois qu'il change de lieu de résidence, il est à pied d'œuvre pour de nouvelles conquêtes en descendant vers le sud, et il a suffisamment de recul par rapport au nord pour se préparer à répondre à d'éventuelles incursions mongoles.


D'ailleurs ce n'est pas non plus par hasard si, un an après s'être installé à Wiang Kum Kam, vers 1287, avec Ngam Müang roi de Phayao et Ruang dit Ramkhamhaeng roi de Sukhothaï, ils font de conserve le serment de se porter mutuellement aide et assistance en cas de danger.

 

 

 

Il ne faut pas oublier que sept ans auparavant, en Chine, Khoubilaï Khan, devenu Khan et empereur de Chine, avait fondé la dynastie des Yuan !... Et qu'en 1287, c'est-à-dire la même année que ce fameux serment, les Mongols investissaient Pagan.

 

En cette année 1287, le roi du royaume de Pagan, Narathihapati (1254-1287), était assassiné par son fils qui se soumettait alors aux Mongols ; tandis que Trân Nhôn tôn (1278-1293), roi d'Annam, chassait les Mongols de Hanoï.

 

Ce qui signifiait que les Mongols, malgré leurs conquêtes, n'étaient pas invincibles.

 

 

 

Mengraï n'est pas dupe de ses forces. Il est loin d'avoir les armées que lui attribuent les chroniques. Et ses soldats sont de braves paysans certainement plus habiles à cultiver la terre qu'à manier les armes.

 

Alors, dans un premier temps, quand il accède au pouvoir à l'âge de 20 ans, il rassemble sous sa bannière toutes les cités-états qu'il peut réunir mais en versant le moins de sang possible.

 

Car avoir un royaume sans âme ne lui servirait à rien. (2)

 

 

Puis au cours des ans il va beaucoup plus montrer sa force que l'utiliser. Car c'est un homme de dialogue et un parlementaire fin politique qui se sert d'abord du verbe avant d'employer les armes.


Et lorsque qu'il juge que le verbe et les armes sont inadéquats, il utilise alors la ruse et la patience. C'est ainsi qu'en 1281, le 23 avril, à l'âge de 43 ans, il prendra Lamphun, la grande cité de la colonie mône d'Haripunchaï.

 

 

 

Quant à ses deux dernières grandes expéditions, qu'il fera pratiquement coup sur coup, de 1288 à 1290 alors qu'il avait une cinquantaine d'années, elles ressembleront beaucoup plus à des barouds d'honneur qu'à de véritables opérations militaires.

 

Ce qui ne signifie pas que Mengraï n'avait pas réquisitionné un maximum de ses paysans pour l'accompagner. Le nombre impressionne toujours, et Mengraï le savait. Alors il en jouait.

 

 

 

Donc, en se rendant tant à Pegu chez les Môns, qu'à Phukam-Angva chez les Shans, que les Mongols venaient de ''libérer'' du joug de Pagan sans l'avoir expressément voulu, Mengraï vient beaucoup plus à la curée qu'au combat.

 

 

Mais au sud il va trouver des gens soumis à son ami Ramkhamhaeng et au nord, aux Mongols !...

 

 

Au sud, comme Mengraï est un homme d'honneur, qui respecte ses engagements, il ne pouvait que s'incliner devant le savoir-faire diplomatique de son ami Ramkhamhaeng.

 

Et au nord, comme c'est aussi un homme pragmatique, il ne pouvait pas prendre le risque de commettre un précédent avec les Mongols qui aurait pu les attirer jusque sur ses terres.

 

D'ailleurs, il finira, avec son ami  Ramkhamhaeng, par leur faire allégeance en 1294.


Cependant, comme il ne pouvait pas rentrer les mains vides de ces deux expéditions, il sauvera la face en rapportant tributs.

 

De la première, il ramènera … une nouvelle épouse, la fille du roi de Pégou, et de la seconde des artisans au nombre de cinq cents, disent les chroniques.

 

Ces cinq cents déportés par expédition, s'installeront aux alentours de Chiang-Maï et, de génération en génération finiront par faire la renommée artisanale de la ville.

 

Une renommée qui perdure jusqu'à nos jours.

 

 

 

Bref, comme Mengraï ne pouvait plus étendre son royaume du fait qu'il était coincé de tous les côtés, il décida alors de le doter d'une capitale exceptionnelle pour l'époque et pour la région.

 

 

Pour cela il mettra à contribution ses deux amis, Ngam Müang roi de Phayao et Ramkhamhaeng roi de Sukhothaï.

 

 

 

Six ans allaient s'écouler entre la décision de créer une nouvelle capitale et le jour de sa mise en œuvre !...

 

C'est dire que Mengraï n'a pas fait les choses à la légère, comme nous allons le voir !....

 

 

 

 

 

 

 


(1)   Le Lanna a plus d'affinités et de points communs avec le Laos occidental que la
        plaine de Bangkok.

      

 

(2)   Il n'était pas rare, à l'époque, que deux armées face à face se battent par
        l'intermédiaire de champions.
       C'était une manière d'épargner des vies et de désigner un vainqueur.

 

        A Chiang-Mai par exemple, il existe un monument tout près de la rivière Ping, à
       deux pas du consulat des Etats-Unis, qui commémore le sacrifice d'un champion.

 

       Ce jour là, pour gagner la bataille, il fallait que le champion du camp qui serait
       déclaré vainqueur restât sous l'eau le plus longtemps possible.

 

       Alors l'un des deux champions, pour être sûr de donner la victoire à son camp,
       s'attacha une lourde pierre au pied. Ce qui le fit couler et périr noyé.

 

       Mais il resta sous l'eau beaucoup plus longtemps que son adversaire, et pour
       cause !...


       D'ailleurs ce fut son camp qui remporta la victoire … et …haut la main !...

 

 

       Si ce genre de défit avait l'avantage de préserver des vies humaines, encore
       fallait-il que les deux belligérants en acceptassent les règles.

 

       Ce qui, par exemple, était loin d'être le cas avec les Mongols.

 

       Ces nomades sanguinaires frappaient de leurs armes tout ce qui bougeait.

 

       Ils ne savaient pas ce qu'était la pitié, tuaient pour tuer, et avoir ainsi le moins
       d'opposants possible lors d'un éventuel retour.

 

       

       Or les T'aïs n'étaient pas des nomades mais des sédentaires, malgré leur lente
       migration. Ils n'avaient donc pas la même façon d'envisager les choses.

 

       Eux ''militaient'' pour la préservation du ''matériel humain'', non par rapport à des
       idées mais tout simplement par nécessité : le besoin de bras pour cultiver la terre.

 

 



05/12/2009
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