MerveilleuseChiang-Mai

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PHRA BOUDDHA SIHING (2) (Le)

                            LE PHRA BOUDDHA SIHING

                                                       OU

                            SINHALA DE CHIANG-MAI

 

                                     (Ma lecture de la chronique)

 

 

                                     Deuxième partie

 

 

Avec la première partie de cette série de chroniques, il a surtout été question de l’iconographie (*) vraisemblable du Phra Sihing, c’est-à-dire d’une image (**) fidèle, trait pour trait, aux images coulées au Sri Lanka.

 

Or il s’avère qu’aucune des trois images, dont on prétend que l’une d’elles serait le vrai et l’unique Phra Sihing, ne répond à l’iconographie des images Sri Lankaises.

 

De ce fait, on ne peut qu’en déduire, si l’image a réellement existé, qu’elle a disparu depuis fort longtemps et qu’une autre aurait été fondue pour la remplacer, et … sans tenir compte de l’iconographie des images Sri Lankaises.

 

On peut aussi imaginer que cette image n’a peut-être jamais existé et que c’est pour donner le change qu’une légende a été créée de toute pièce en jonglant avec brio, et sans souci de vraisemblance tant avec les mythes, que la tradition et l’Histoire.  

 

 

Toujours est-il qu’en 2015, les Phra Sihing sont nombreux, et que pour trois d’entre eux, en fait un peu plus, l’un d’eux pourrait être le vrai et l’unique … Phra Sihing  ?!...

 

Alors compte tenu des ces trois images dont l’une pourrait être le vrai et l’unique Phra Sihing, il reste à savoir où et quand chacune d’elle aurait été coulée.

 

Pour tenter de le savoir je vous propose de découvrir l’une des versions, la plus connue (***), concernant la légende du Phra Sihing.

 

(*) L’iconographie est la description de l’ensemble des caractéristiques propres à une image : attitudes, gestes, et formes de différents éléments (Tête, corps, habit etcetera …)

(**) Une statue anthropomorphe a pour objet d’honorer une personne, voire une idée au travers d’une personne, par exemple la statue de la liberté.

Une image de Bouddha, contrairement à la statue lambda, est habitée ; elle a une vie et incarne la présence même du Bouddha, d’où ses pouvoirs et sa puissance d’action. C’est pourquoi, concernant une représentation du Bouddha il vaut mieux employer le mot d’image plutôt que celui de statue.

(***) Cette version la plus connue est contenue dans la Jinakalamali de Ratanapañña thera ou Ratanapanyā thera. Elle fut terminée d’écrire vers 1516/17.

 

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Photo 1 : Sri Lanka – Un bouddha en forêt … peut-être celui dont parle Emile Delmas (1834-1899) p.214 dans son livre ‘’Java Ceylan, les Indes‘’ ?!...

Photo 2 : Chiang-Mai - le Bouddha Sihing devant le Viharn lors du Songkran 2015.

Photo 3 : Sri Lanka – Un Bouddha de bronze datant de la fin de la période Anuradhapura.

 

(En B. S. 700, (1) vivaient dans l'île de Lanka vingt theras exempts de passions. Le roi de Sïhala, désireux de voir une image du Buddha, se rendit au monastère et s'adressa en ces termes à l'assemblée des theras : « De son vivant, le Buddha est venu trois fois dans cette île de Laňka ; reste-t-il encore quelqu'un qui l'ait vu ?» A ce moment, par l'effet de la puissance des theras, le roi des Nâgas apparut sous l'aspect d'un jeune homme, et pour dissiper les doutes du roi de Sïhala, créa une image du Buddha. Le roi adora cette image durant sept jours et sept nuits ; puis il fit venir les meilleurs fondeurs et leur fit exécuter en cire d'abeille une statue du Buddha identique à celle qui avait été créée par le roi des Nâgas, et (après en avoir pris un moulage en creux) y fit couler un alliage d'or, d'argent et d'étain. Quand ils eurent achevé de la frotter et de la polir, l'image apparut brillante et resplendissante, comme celle du Buddha vivant. Le roi de Sïhala lui rendit toutes sortes d'honneurs et après lui, tous ses descendants adorèrent successivement la statue de Sïhala.) (Traduction de la Jinakalamali de George Cœdès – 1886/1969) … à suivre.  

 

D’après la légende donc, vers 150 av JC, (1) le roi de Lanka, c’est-à-dire ‘’Dushta-Gàmani‘’ (-161/-137) dont l’île aurait été visitée à trois reprises par Bouddha, voulait une image aussi fidèle que possible du saint homme.

 

En fait au Sri Lanka, d’après le ‘’Mahàvamsa‘’ (Chap. 29-30-31), (2) ‘’tout‘’ commença par la construction du grand Stupa Mahāthūpa ‘’Swarnamalee chetiya‘’ qui s’élève au nord d’Anurādhapura, la première capitale de l’île.

 

On peut lire dans ce Mahàvamsa le passage suivant, que ma plume a résumé : Pour déterminer le tracé des fondations du grand stupa, le roi Dushta-Gàmani invita les theras les plus illustres d’Inde et du Sri Lanka. Tous répondirent à l’invitation et se présentèrent avec une suite nombreuse pour assister à cette cérémonie.

Le roi posa la première pierre au centre de la future construction, présenta ses respects aux religieux présents et donna la parole à Piyadassi (Priyadarçin) de Crāvasti (Sàvatthi), (3) dont le prêche éleva à la sainteté nombre de participants.

 

Au centre du premier sanctuaire, ou chambre de la relique construite pour y placer le bol du Bouddha, un arbre de la Bodhi en pierres précieuses fut installé, avec à son côté Est, une image de Bouddha en or, conçue, elle aussi, au moyen de matières précieuses. Bouddha était dans l’attitude qu’il avait à Uruvilvā, durant son éveil.

 

Une relique est nécessaire dans la conception d’une image de Bouddha. Alors il fut demandé à un certain Sonottara, âgé de seize ans, d’aller s’emparer d’une relique détenue par les nāgas. Grâce à sa jeunesse et à la ruse qu’il déploya, Sonottara rapporta cette relique au temple. Elle fut mise dans une cassette et quelque temps après, à la demande du roi cette relique prit l’apparence de Bouddha au moment de son éveil. (4)

 

Pendant une semaine le roi Dushta-Gàmani et son peuple adorèrent cette image et, le huitième jour le sanctuaire (Chambre de la relique) où reposait cette image du Bouddha, fut clos au moyen d’un rocher. ‘’.

 

Dans une autre traduction c’est un ascète nommé Sonuttara doué de 6 facultés paranormales qui va chercher la relique chez les nāgas se trouvant dans les eaux du Gange ?!...

 

Conclusion : Les deux textes, la Jinakalamali et le Mahàvamsa, ont de très nombreux points communs. De ce fait, il ne fait aucun doute qu’il est question du même événement. L’auteur de la Jinakalamali, le thera Ratanapannā s’est inspiré du Mahàvamsa. (La Jinakalamali pourrait être une œuvre orale collective que le thera Ratanapannā aurait transcrite en y rajoutant … ‘’son petit grain de sel‘’ ?...qui sait ?...)

 

Nota bene : Comme il est difficile de faire état de tous les textes existant sur cet événement, sachez que dans une autre traduction le roi Dushta-Gàmani frappe l’un des ouvriers à la main ; ce serait alors la raison pour la quelle le Phra Sihing aurait les doigts ondulants, tout du moins … celui de Chiang-Mai.

  

(1) Dushta-Gàmani ou Dutugemunu : La date de BS 700 (*) donne très exactement 157 av JC (BS 700 – 543 (**) = 157), encore qu’à cette époque nous ne sommes pas à 10 ans près, d’autant que le Cingalais Louis Corneille Wijesinha (1834-1895) donne dans sa traduction du Mahàvamsa : 101 – 77 ?!...

Donc cette date (BS 700) correspond au règne du roi Dushta-Gàmani (-161/-137) appelé aussi Duttha-Gàmani (Le désobéissant) et, Dharma-Gàmani (Le juste) après son décès. Gàmani est un nom Bouddhique, alors il ne fait aucun doute sur sa religion. Il est le réunificateur de l’île de Ceylan en rattachant à son royaume de Ruhuna, ou Rohana, au sud de Lanka, le royaume de Raja-Rata, au nord de Lanka, où régnait Elara (-205/-161) un roi tamoul de la dynastie des Chola.

D’un côté, il aurait tué 32 princes pour arriver au pouvoir, et de l’autre, fait construire 80.000 œuvres pieuses dont le Lohaprāsāda, et le Ruwanweliseya contenant le bol de Bouddha et sa ceinture.

(*) L’abréviation ‘’BS‘’ signifie Buddha Sakarāja, c’est-à-dire l’année où est né Bouddha. Cette année marque le début de l’ère bouddhique. ‘’CS‘’, que nous allons rencontrer, signifie Cula Sakarāja et désigne une petite ère à l’intérieur de l’ère bouddhique.

L’abréviation ‘’AD‘’ signifie  Anno Dommini, c’est-à-dire l’année où est né le Christ. Cette année marque le début de l’ère chrétienne.

(**) Le chiffre de 543 correspond au nombre d’années censées se situer entre la naissance de Bouddha de celle du Christ.

(2) Le Mahàvamsa est une chronique écrite en Pāli qui conte, chronologiquement et sans interruption, les événements qui ont marqué l’île du Sri Lanka. Il commence avec la naissance de Bouddha (BS) pour se terminer avec le règne du roi Mahasena (334-361).

C’est un texte en vers, mais qui s’apparente plus à une prose rythmée, facile à retenir, qu’à une poésie. Sa transcription par le moine Mahànama date du VIe siècle, et sa toute première traduction, non complète, est de George Turnour (1799-1843), en 1837.

(3) Crāvasti, Sàvatthi ou Shravasti, était du temps de Bouddha la capitale du Kosala et l’une des six grandes villes de cette région. C’était aussi tout à côté de Crāvasti que s’élevait le célèbre monastère  de Jetavana très fréquenté par Bouddha. Cette aire géographique, située près du Népal, fait partie aujourd’hui de l’état de l’Uttar Pradesh.

(4) La traduction est ambigüe, à moins que ce soit le texte original. Car de deux choses l’une, ou une relique a été mise dans l’image, ou la relique s’est transformée en une image ?...  Mais il est bien écrit que la relique prit ‘’l’apparence de Bouddha au moment de son éveil‘’ c’est-à-dire en position ‘’samādhi‘’ et non ‘’māravijaya‘’ (prenant la terre à témoin) comme le Phra Bouddha Sihing de Chiang-Mai ?!....   

 

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Photo 1 : L’aire de la légende du bouddha Phra Sihing.

Photo 2 : Le sud de l’inde et le Sri Lanka.

Photo 3 : L’empire indien des Chola à ses débuts (Il fut beaucoup plus grand) et le petit royaume Sri Lankais de Rohana ou Ruhuna après l’invasion des Chola du Sri Lanka, ou en -161 avant la reconquête de l’île par Dushta-Gàmani.

 

Il existe donc à Lanka une image de Bouddha exceptionnelle. Sa notoriété et ses prodiges vont franchir les mers et se répandre en Asie du Sud-est, à savoir la vallée du Ménam ou l’ex royaume môn Dvāravatī (Thaïlande) et la Birmanie. Comme cette image demeure au Sri Lanka son nom fut tout trouvé c’est le Bouddha Sihing ou Sinhala, c’est-à-dire le Bouddha de l’île du tueur de Lion. (Sinha signifiant lion, et le suffixe ‘’la‘’ sous-entendant l’idée de trancher et de tuer.)

 

Lorsque le thera Phra Ratanapannā achève la rédaction de la Jinakalamali vers 1516, le Sri Lanka, après bien des vicissitudes, est alors comme le détenteur et le protecteur de la tradition et de la doctrine bouddhique theravada.

 

C’est au Sri Lanka, sous le règne du roi Vattagamani (-103 & -89/-77), que furent couchés par écrit, en langue Palie et pour la première fois, lors du IVe concile bouddhique ou ‘’Potthakārohasamgiti‘’ les textes sacrés du bouddhisme à savoir : le Vinaya-Pitaka (Les règles monastiques), les 5 recueils du Sutta-Pitaka (Les prêches et dialogues de Bouddha.) et les 7 traités de l’Abhidharma-Pitaka (Les commentaires sur les écrits précédents). Ces textes auparavant se transmettaient oralement.

 

C’est aussi à Lanka qu’on décompte nombre de reliques, et non des moindres, de Bouddha. (1) Il y aurait, entre autres reliques :

-       Une mèche de cheveux. (2)

-       La vertèbre cervicale. (3)

-       Le bol à aumônes (4)

-       La ceinture de l’habit

-       La clavicule droite. (4)

-       La dent (5)

 

Cette énumération, comme écrit plus haut, est loin d’être exhaustive.

 

Dans le monde theravadin les reliques sont supposées posséder des pouvoirs magiques extraordinaires. (6) Ce seraient elles qui apporteraient la prospérité, la sécurité et le bonheur dans le royaume où elles se trouvent. De ce fait les rois bouddhistes n’auront jamais assez de reliques car leur prestige et leur autorité en dépend, et chacun d’eux, au fond d’eux-mêmes rêve de devenir le nouvel Ashoka.

 

D’un autre côté, plus un roi bouddhiste possède de reliques et plus il va faire des envieux et des jaloux parmi ses confrères de même confession !... Ce qui va donner naissance à des guerres entre royaumes bouddhiques pour s’approprier des reliques d’autrui. De ce fait les reliques changent de royaume mais … sont en principe … préservées.

 

Cependant il y a aussi les rois de confession différente pour lesquels les reliques ne représentent rien. Alors au cours de leurs sacs, des reliques peuvent être détruites, voire fondues pour récupérer les métaux précieux, ce qui a été le cas lorsque les Chola ont envahi le Sri Lanka en 993. Cette année là, la capitale Anuradhapura a été brûlée non sans que les vandales aient fait main basse sur les objets en or dont, peut-être le bouddha Phra Sihing ?!....

 

Bref, le Sri Lanka n’a pas échappé aux invasions destructrices. Mieux, ou pire, au IVe siècle le grand stupa où, selon la légende, se serait trouvé le Bouddha Sihing a été détruit par les cinghalais eux-mêmes sous le règne du roi Mahāsena (277/304) (7), puis reconstruit ?!.....

Les courants bouddhiques n’étaient pas sans s’affronter et parfois de façon violente.

 

(1) Sur le bûcher de Bouddha il aurait été trouvé 7 reliques : l’os frontal, deux clavicules et quatre dents. Concernant ces quatre dents, la première fut destinée aux dieux, la seconde aux Nāgas, la troisième au roi du Gāndhāra un royaume situé au Nord-ouest de l’inde, et la quatrième au roi du Kalinga, un royaume se trouvant dans le Sud-est du Nord de l’Inde.

Puis un Brahmane, Drona partagea les cendres en huit. L’empereur Ashoka, en son temps, refit un nouveau partage ?!...

(2) De passage au Sri Lanka, 9 mois après son éveil dit la légende, Bouddha lui-même, aurait remis à Mahā Sumana le dieu du pic d’Adam une touffe de ses cheveux  ?!... (Elle serait au reliquaire ou dagoba Mahiyangana).

(3) L’arahant Sarabhū (Çarabhu) aurait retirée la vertèbre cervicale du bûcher et l’aurait apportée à Lanka … 250 ans avant l’arrivée du Bouddhisme ?!... (Elle aurait été déposée, elle aussi, au reliquaire Mahiyangana surélevé à cette occasion)

(4) Le dieu Indra aurait remis cette clavicule droite au novice Sumanas à la demande de l’empereur Ashoka. Ce dernier l’offrit au roi Tishya Devānampriya pour renforcer sa foi. Mahinda, le fils d’Ashoka, venait tout juste de le convertir. C’est aussi ce Mahinda  qui offrit le bol à aumônes à Tishya Devānampriya.

(5) Il s’agit de la quatrième dent. Elle venait donc du Kalinga. Dès son arrivée au Sri Lanka cette relique exceptionnelle fut d’emblée mise sous surveillance royale. C’est pourquoi son sanctuaire était solidaire de la résidence royale et se déplaçait au gré du changement de cette résidence. De ce fait elle symbolisa très vite la légitimité royale Sri Lankaise et fut considérée comme la protectrice de l’île, c’est-à-dire son palladium.

(6) Vers 161 le roi Dushta-Gàmani partit en guerre contre le roi tamoul Elara de la dynastie des Chola, avec une relique attachée à sa lance pour protéger son armée ; et le Sangha (communauté des moines) avait été invité à le suivre pour lui porter chance.

(7) La destruction du stupa Maha vihara, dont les matériaux ont servi à l’édification du stupa ‘’Jethavanaramaya‘’, a été la conséquence de la lutte entre les tenants du Bouddhisme Mahayana et ceux du Bouddhiste Theravada. Rien n’est dit concernant les reliques contenues dans la chambre de la Maha vihara. (Mahàvamsa – Chap. 37.)  Les cholas les auraient-ils emportées en 993 ?...

 

Pour que les événements relatés dans la chronique du Phra Sihing soient plus compréhensibles au lecteur, des explications à leur sujet vont suivre, ainsi qu’une chronologie bâtie d’après des faits historiques, dont les dates sont quand même à considérer avec prudence.

 

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           Quelques unes des Dagobas (Chedis ou Stupas) Sri Lankaises …

                                   … renfermant des reliques de Bouddha.

Photo 1 : L’actuelle dagoba de Mahiyanganaya. L’ancienne et soi-disant première dagoba construite au Sri Lanka renfermerait ou aurait renfermé ( ?) quelques cheveux de Bouddha. (Photo : www.lanka.com/about/destinations/mahiyangana/)

Photo 2 : Le grand Stupa Mahāthūpa ‘’Swarnamalee chetiya‘’ ou ‘’Ruwanwelisaya‘’ construit par le roi ‘’Dushta-Gàmani‘’ (-161/-137). C’était à l’intérieur de l’ancien stupa que soi-disant se trouvait le Bouddha Phra Sihing. (Photo : sans auteur connu)

Photo 3 : Le Jetavanarama construit par le roi Mahāsena (277-304) de sombre réputation, pour expier ses fautes. Il serait le reliquaire de la ceinture et du bol à aumônes de Bouddha. 

 

Au début du Ve siècle, d’après le pèlerin chinois Fa-hien le bouddhisme en Inde est en voie de disparition, les lieux saints sont à l’abandon. Mais le Sri Lanka est devenu un haut lieu du bouddhisme.

 

Puis au Xe siècle, toujours en Inde, et après une brève renaissance, le bouddhisme a complètement disparu. Du côté de Lanka il est mis à mal par les tamouls, car en 993 Rajaraja Chola 1er (985/1014) débarque sur l’île à la tête de ses troupes. C’est alors la fin de l’ère … ‘’Anuradhapura‘’, auparavant, jamais les tamouls n’avaient fait de la destruction un tel … art.  

 

C’est aussi lors du Xe siècle que la ville de Nakhon Si Thammarat, (Ligor) alors principauté de Trambralinga et vassal du royaume de Srivijaya, fait son entrée sur la scène politique régionale. Les revenus qu’elle tire de ses installations portuaires (1) ont du faire naître chez son souverain des visées impérialistes. Ainsi, par exemple …..

 

923 : (2) Phraya Satakarāja ( Atrāsataka – Trabaka baka - Traphaka) roi de Lamphun (Hariphunchaï) à la tête d’une armée part à la conquête de Lopburi (Lavo – Lo-Hou) où règne le roi Ucchitthak Cakravarrtirāj (Ucchitta - Uchitajakraphad).

Tandis que les deux armées s’affrontaient, arrive une armada de Nakhon Sri Thammarat (Sri Dharma Nagara) commandée par son roi Surajitarāja (Sujita – Jivaka – Vararāja).

 

De ce fait les deux premiers belligérants, chacun de leur côté, prirent la fuite vers Lamphun. Alors tandis que Lopburi tombait entre les mains du roi de Nakhon Si Thammarat, l’ex-roi de Lopburi, arrivé le premier près de Lamphun et la ruse aidant, s’accapara du trône de cette ville.

 

Ensuite, vers 924, le fils du roi de Nakhon Sri Thammarat devient roi de Lopburi ?!... Trois ans plus tard, le roi Purabakusala Kambōjarāja (Kambōjarāja), fils de Surajitarāja roi de Nakhon Sri Thammarat, part à la conquête de Lamphun. Cette expédition se soldera par un cuisant échec.

 

En raison de ce qui précède, il n’est pas impossible que ce soit un roi de Nakhon Si Thammarat (Ligor) qui soit devenu le roi d’Angkor en 1002 sous le nom de Jayavīravarman (1002-1010). (3)

 

Au Cambodge, le rival de Jayavīravarman, Suryavarman Ier, finira par vaincre Jayavīravarman mais … nul ne sait ce qu’est devenu Jayavīravarman ?....  aurait-il été tué ?... serait-il rentré chez lui à … Nakhon Si Thammarat (Ligor) ?... d’autant que … à nouveau !... et deux ans plus tard environ !...

 

(1) Nakhon Si Thammarat (Ligor) était un port entrepôt. C’est-à-dire un endroit ou les navires faisaient escale pour entreposer ou échanger leur cargaison, réparer et s’approvisionner, mais aussi, permettre aux équipages de se reposer et … de prier, d’où la construction de sanctuaires bouddhiques et brahmaniques … dans un premier temps. Car les sanctuaires bouddhiques finiront par supplanter les temples brahmaniques.

Nakhon Si Thammarat devait sa richesse à l’isthme de Kra. Car les cargaisons des bateaux mouillant dans l’un des ports entrepôts de l’isthme, mettaient 10 jours par voie terrestre pour rejoindre la mer opposée, au lieu des deux mois nécessaires pour contourner la péninsule malaise en passant par le détroit de Malacca.

(2) 923 à … 20 ou 30 ans près. 923 est la date donnée par Camille Notton, ancien consul de Chiang-Mai, dans sa traduction de la chronique de Lamphun.

(3) Avec l’aide de quelques espions en place à Angkor, le roi de Nakhon Si Thammarat a très bien pu être informé de la situation politique et arriver avec ses troupes au moment le plus favorable pour prendre le pouvoir.

Cependant, il semblerait qu’il soit arrivé un peu tard puisque le successeur de Jayavarman V, Udayādityavarman mourut …. ‘’prématurément‘’ … et sans qu’on sache comment ?!... Mais … vraisemblablement … avec l’aide d’un prétendant au trône ?!...

Cette façon de faire, l’envoi d’un espion, fut employée par Mengraï pour prendre Hariphunchaï (Lamphun). L’espion, Ài Fa, mit alors 7 ans pour offrir Hariphunchaï sur un plateau à son maître.

 

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Photo 1 : La route maritime contournant la péninsule malaise.

Photo 2 : L’isthme de Kra.

Photo 3 : La route maritime via l’isthme de Kra. Les cargaisons passaient d’une rive à l’autre en traversant la bande de terre à dos d’animaux. [Il est question aujourd’hui de percer un canal. Sous le règne du roi Naraï (1629-1688) c’était aussi d’actualité ?!...]

 

Au XIe siècle :

 

1012 : le roi de Nakhon Si Thammarat a des visées impérialistes sur le Cambodge. Une revanche ?... ou un hasard ?...

 

Sūryavarman 1er, roi du Cambodge l’apprend et demande de l’aide à l’empereur indien de la dynastie des Chola. De ce fait le roi de Srivijaya, dont Nakhon Si Thammarat est le vassal, se met aux côtés de son vassal et entre lui aussi en guerre. En réalité, entre les Chola et Srivijaya, il s’agit beaucoup plus de contrôler les mers, plutôt que de soutenir des vassaux.

 

Le premier raid Chola contre Srivijaya, mais sous toute réserve, aurait eu lieu en 1017 ?!... (Sous toute réserve je le rappelle)

 

1025 : Rajendra Chola Ier (1014/1045) lance un grand raid contre Srivijaya dont il sortira vainqueur. Sūryavarman 1er, roi du Cambodge poursuivra son règne et le roi de Nakhon Si Thammarat en sera pour ses frais.

 

1044 : En Birmanie, Anawratha ou Anôrahta monte sur le trône de Pagan. Il se convertit au bouddhisme theravada vers 1056 et cherche à s’approprier de livres saints et de reliques. Il en demande au roi môn de Thaton (Sudhammavatī) qui … refuse de les lui donner.

 

1057 : Alors Anawrahta à la tête de son armée part pour Thaton. Après quelques mois de siège il pénètre dans la ville, s’approprie manu militari des livres saints du Bouddhisme et des reliques. Ensuite il met la ville à sac et déporte 30.000 personnes dont le roi môn Manuha à Pagan.

 

1058 : A Lanka, Vijaya bāhu Ier (1055-1110) de la dynastie de Polonnāruvā fait face à une nouvelle invasion tamoule. Il demande alors une aide militaire à Anawratha.

 

1071 : Lanka a retrouvé son indépendance. Vijaya bāhu Ier pour redonner vie au Bouddhisme, que l’invasion chola avait mené à mal, se tourne à nouveau vers Anawratha. Il obtient de lui les textes sacrés et l’envoi de moines. C’est à cette occasion que les birmans recevront en remerciement une copie de la dent de Bouddha.

 

Au XIIe siècle :

 

De 1130 à 1176 : Le Trambralinga aurait été, d’après D.K. Wyatt  sous le contrôle du Sri Lanka. [Dynastie des Polonnāruvā, règnes de Gajabāhi II (1132-1153) et Parākkama Bāhu 1er (1153-1186)]. La ville de Nakhon Si Thammarat serait alors devenue un important centre d’études bouddhiques.

 

Cet avis de D.K. Wyatt semble être corroboré par la recrudescence et le grand nombre des vestiges bouddhiques de cette époque au Trambralinga. Par ailleurs ces ruines pourraient être la preuve que nombre de dignitaires avaient adopté le bouddhisme theravada. Car la construction d’œuvres pieuses permet à ceux qui les financent d’obtenir des mérites ?!...

D’où … plus il y a d’œuvres pieuses, et plus il y avait de mécènes bouddhistes !...

 

1160 : Au Sri Lanka, le roi Parākkama Bāhu 1er décrète que l’école du Maha Vihara (Bouddhisme theravada) est la seule et unique école orthodoxe du bouddhisme Sri Lankais.

 

1176 : Le roi birman Narapatisithu (1174/1211) aurait poussé ses conquêtes jusqu’à Nakhon Si Thammarat (Royaume de Trambralinga) et aurait imposé sa suzeraineté au Trambralinga avec l’accord  du roi du Sri Lanka, Parākkama Bāhu 1er. Sans doute que les prétentions de ce dernier ne devaient plus être en rapport avec ses possibilités militaires. D’ailleurs, sa dynastie ne lui survivra pas et laissera place à celle des Kalinga.

A la fin de ce XIIe siècle, le bouddhisme Sri Lankais n’est plus, et depuis longtemps, la permanence d’un bouddhisme orthodoxe hérité de l’Inde de l’empereur Ashoka.

 

Tout comme le roi du Sri Lanka a accepté que la Birmanie reprennent sa suzeraineté sur le Trambralinga, le bouddhisme Sri Lankais, devenu une école ‘’Cingalo-indochinoise‘’, laisse le leader-cheap au theravada birman qui se diffusera dans la vallée du Ménam, le Cambodge et le Laos sans oublier … le Lanna … souvent oublié ?!....

 

Au XIIIe siècle :

 

Au début du XIIIe siècle Nakhon Sri Thammarat met en œuvre Le Phra Borommathat chédi, le stupa de la grande et noble relique.

En fin du XIIIe siècle Nakhon Si Thammarat, ou la cité état de Trambralinga semble contrôler l’ensemble de la péninsule malaise.

 

Vers 1214/1220 : Au Cambodge, décès de Jayavarman VII (1181-1201 ou 1220) le fondateur d’Angkor Thom (Angkor la grande). C’est sous son règne que l’empire khmer connu sa plus grande expansion, et que le bouddhisme mahayana devint religion d’état.

La date de l’avènement de son successeur, Indravarman II, est tout aussi imprécise que celle du décès de Jayavarman VII.

Mais comme Jayavarman VII il s’attacha au bouddhisme mahayana.

 

Vers 1220/1238 : Au nord de la plaine du Chao Phraya, non loin de la ville de Sukhothai, deux chefs de village que lie une amitié père/fils, Pha Muang chef de Muang Rat et Bang Klang Hao chef de Bang Yang, descendants d’immigrés T’aïs venus du sud de la chine, entrent en conflit avec le gouverneur khmer de Sukhothai.

 

Entre 1225 et 1270 : Le royaume de Srivijaya (Çrīvijaya) se disloque en une quinzaine d’états vassaux dont … le Tāmbralinga (Nakhon Si Thammarat.

 

En 1230 une inscription à Chaya (ancien site de Grahi) fait du roi de Nakhon Si thammarat un roi indépendant !...

 

1243 : Indravarman II  ( ?-1243) meurt. Jayavarman VIII, son successeur, ne monte sur le trône qu’après un interrègne de quelques années et vraisemblablement violent. Soutenu par les Brahmanes  ce roi çivaïte sera d’un anti-bouddhisme porté à son paroxysme.

Ses partisans, ou son cercle d’influence, n’auraient guère dépassé Angkor et ses proches environs.

 

1247 : Candrabhānu, roi bouddhiste de Nakhon Si Thammarat (Royaume de Trambralinga) débarque au Sri Lanka à la tête d’une armée, soi-disant pour … demander des reliques ?!...

Cette demande, appuyée par une force qui n’a pas lieu d’être, conduit le roi Sri Lankais Parākkamabāhu II (1236-1271) de la dynastie de Dambadeniya, à l’affrontement. Candrabhānu doit battre en retraite.

Battu, malgré sa supériorité en armements, Candrabhānu se réfugie dans le nord de l’île, où il existait un royaume indépendant le Parākramabāhu. Il en deviendra le souverain. Mais en 1258 il devra payer tribu aux Pāndya (Tamouls) venus envahir son royaume.

 

1249 : Du côté de Sukhothai Bang Klang Hao (บางกลางหาว), le père de Ramkhamhaeng, est élu roi sous le nom de Sri Indraditiya ou Pho Khun Sri Indraditya.

1256 Le roi Rocarâja (Pho Khun Sri Indraditya) eut envie de voir la mer.

1257 : Le frère aîné de Ramkhamhaeng, Bang Muang ou Pho Khun Bang Muang accède au trône de Sukhothai. C’est le deuxième roi de Sukhothai.

 

1258 : A 19 ans, Ramkhamhaeng bat Khun Sam Chon roi de Muang Chot venu en conquérant. (Je donne cette information sous toute réserve car elle ne figure que sur la face n°1 de la stèle de Ramkhamhaeng. Une stèle qui, à mon avis, est un faux, un faux très réussi, mais un faux.)

 

1262 : Candrabhānu, 15 ans après son débarquement au Sri Lanka, depuis son royaume Sri Lankais de ‘’Parākramabāhu‘’ repart en guerre contre Parākkamabāhu II. Cette seconde tentative lui coûtera la vie.

 

1277 : Couronnement de Ramkhamhaeng qui devient le troisième roi de Sukhothai (1277/1298). Depuis 10 ans un certain Wareru (1253/1307) est à son service.

 

1281 : Wareru en compagnie d’une proche de Ramkhamhaeng, pour éviter la colère de ce dernier, fuit à Martaban et en prend le pouvoir. (1)

 

1287 : Chute de Pagan – Wareru donne le nom de Ramana à son royaume. C’est aussi la triple alliance entre le Lanna, Phayao et Sukhothai que rappelle le monument des trois rois à … Chiang-Mai.

 

(1) Wareru - วาเรรุ, (Makatho - มะกะโท, Māgadu, Fa Roua - ฟ้ารั่ว), originaire de Martaban, entre au service de Rama Khamhaeng vers 1270. Dix ans plus tard il séduit l’une de ses filles, Me Nang Soy Da (เเม่นางสวยตา) et s’enfuit avec elle à Martaban. En cette ville, par le biais de sa sœur, il approche le roi Aleimma (Alimamang) (อลิมามาง) dont il usurpe le trône après l'avoir assassiné.

 

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Photo 1 & 2 : La statue du roi Rama Khamhaeng à Sukhothai réalisée en 1973 par le sculpteur Sanan Silakorn (สนั่น ศิลากรณ์) (1919-1986) l’un des élèves préférés de Silpa Bhirasi. (Photos : 13.02.2014)

Photo 3 & 4 : Une partie du modèle qui a servi à couler la statue du roi Rama Khamhaeng. Ce modèle est exposé à la galerie des sculptures de Bangkok, en l’Université des beaux arts Silpa Bhirasi. (Photos : 07.11.2011) 

 

La chronologie événementielle qui précède peut paraître … fastidieuse. Cependant elle permet de se faire une idée sur la complexité des bouleversements de l’époque et de les resituer au mieux les uns par rapport aux autres, même si souvent leur datation varie d’une chronique à l’autre.

 

Cette chronologie permet aussi de tirer de l’oubli des ‘’petits‘’ événements sans lesquels les ‘’grands‘’ n’auraient jamais eu lieu et, de ce fait, de mieux comprendre ces grands événements.

 

Ainsi :

1/ L’image de Bouddha dont il est question dans le Mahàvamsa n’est à l’origine d’aucun prodige. C’est une image qui ressemble à beaucoup d’autres au Sri Lanka et qui, peut-être, leur a servi de modèle ?!...

 

Ce sont les auteurs de la Jinakālamāli et autres légendes continentales de la même époque qui donnent à cette image le nom de Bouddha Sihing, sous-entendu venant du Sri Lanka, c’est-à-dire digne d’intérêt, et qui font aussi de ce Bouddha Sihing une image douée de prodiges extraordinaires.

 

Par ailleurs quand on compare le mode de fabrication des images (Statues en bronze), il s’avère que les Sri Lankais ne procèdent pas de la même manière que les continentaux décrits dans la Jinakālamāli.

  

2/ Le Sri Lanka a subi moult invasions. Alors non seulement l’île n’a pas été une forteresse mettant le bouddhisme à l’abri des envahisseurs, mais l’un de ses rois, Vijaya Bāhu 1er (1055-1110) a fait appel à la Birmanie pour que le bouddhisme Sri Lankais retrouve sa pureté originelle.

 

Par ailleurs, lors des invasions successives le Mahàvamsa n’a jamais évoqué le cas d’une image demandant une protection particulière.

 

3/ Ce n’est qu’au cours du XIIIe siècle que le bouddhisme Sri Lankais a commencé à retrouver son leader cheaps que Nakhon Sri Thammarat semblait vouloir lui ravir ?!...

 

Très schématiquement et pour mieux comprendre la suite :

A/.- Le Sri Lanka a reçu le bouddhisme de L’Inde.

B/.- Du Sri Lanka il est allé à Pegu/Thaton où les môns l’ont quelque peu adapté, tandis qu’au Sri Lanka il sera mis à mal à cause des envahisseurs.

C/.- Le roi birman Anawratha, déporte les môns de Thaton à Pagan où le bouddhisme va prendre des … ‘’couleurs‘’ birmanes.

D/.- Ce bouddhisme birman est ensuite allé au Sri Lanka à la demande d’un roi de ce pays ; ensuite par le biais de missions il s’est répandu dans tout le Sud-est Asiatique, dont Sukhothai et l’extrême nord de la Thaïlande d’aujourd’hui c’est-à-dire Chiang-Saen et au-delà.

E/.- Vers la fin du XIIIe siècle le Sri Lanka a retrouvé son leader cheaps parce que dépositaire d’un bouddhisme d’une grande pureté. De ce fait tous les objets et les textes venants, ou censés venir, du Sri Lanka, étaient sacrés et indiscutables, comme d’ailleurs les paroles des missionnaires Sri Lankais.

 

4/ Vers le premier quart du XIIIe siècle Nakhon Sri Thammarat (Ligor) est devenue un centre bouddhique important, et un état puissant au point de régner sur Lopburi, d’envoyer des troupes jusqu’à Lamphun (Hariphunchaï), d’avoir eu – peut-être - un roi qui aurait régner à Angkor sous le nom de Jayavīravarman et d’aller ‘’s’accaparer‘’ du patrimoine cultuel (reliques) du Sri Lanka à défaut, peut-être, de le … ‘’conquérir‘’ et d’en faire un vassal, voire une colonie ?!...

 

 En résumé, nul ne sait ce qu’est devenue l’image Sri Lankaise dont il est fait référence dans le Mahàvamsa. Par contre il est évident que cet épisode du Mahàvamsa a été … ‘’repris‘’, on dirait aujourd’hui ‘’copier/coller‘’ par l’auteur de la Jinakālamāli.

 

Ainsi l’image du Phra Sihing, par le biais de ce tour de passe-passe ne pouvait être que l’image de bouddha lui-même, une image authentifiée par le seul nom de … Sri Lanka, celui-ci étant alors comme un imprimatur.

 

Cependant, ce tour de passe-passe littéraire ne nous indique pas l’origine matérielle du Phra Sihing. Alors, essayons d’en savoir plus en revenant à la légende tel que la rapporte la Jinakālamāli.

 

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Photo 1 : Une image Si Lankaise d’un Bouddha en pierre de la période d’Anuradhapura (Ve et VIe siècle).

Photo 2 : Une image Si Lankaise d’un Bouddha en bronze (H.12.7cm) de la période d’Anuradhapura (VIIIe et IXe siècle).

En cinq siècles la position du bouddha reste la même (Samādhi) ainsi que le croisement des jambes (Virāsana).

Photo 3 : Le Phra Bouddha Sihing de Chiang Mai est lui en position Māravijaya et ses jambes sont croisées sur le mode vajrasana. Iconographiquement il n’a rien des images du Sri Lanka. (Photo du 02.03.2013)

Photo 4 : Le Phra Bouddha Sihing de Bangkok, qui était à Chiang-Mai avant de se retrouver à Bangkok, est lui en position Samādhi et ses jambes sont croisées sur le mode Virāsana.

Cette image dont l’iconographie est proche de celles du Sri Lanka a pu être coulée à Sukhothai et serait – peut-être – le Phra Sihing de la Jinakalamali mais … dont la saga commencerait à Sukhothai et non au Sri Lanka. 

 

Nota bene : Pour une meilleure compréhension les noms propres d’antan sont remplacés par les noms en cours actuellement.

 

George Cœdès (1886/1969) commence sa traduction de la Jinakalamali comme suit :

 

En В. S. 1800, С. S. 618 (1256 A. D.), (1) le roi Rocarâja (2) régnait à Sukhodayapura (3) dans le Syâmadesa,(4) dans la partie sud-est du Jambudïpa. (Voici quelle était son origine) Un habitant de Gogâma, beau et vigoureux, se promenait un jour dans la forêt. Une fille des dieux, qui l'avait aperçu, prit l'apparence d'une femme pour s'unir à lui. De leur union naquit un fils beau et vigoureux que tous les habitants du village s'entendirent pour sacrer roi. Il régna sous le nom de Rocarâja, mais dans la suite fut aussi connu sous le nom de Radrâràja. Une fois, Rocarâja eut envie de voir la mer.

C'est-à-dire !...

 

Vers 1256, un roi de la dynastie des Ruang, Sri Indrāditya, régnait à Sukhothai, (5) une ville située au Nord/ouest du royaume de Lopburi (6) ; Un royaume môn qui couvrait alors une grande partie du bassin qui aujourd’hui s’identifie à la plaine centrale Thaïlandaise. (Voir la carte)

 

Ce roi ne pouvait avoir qu’une naissance hors du commun. De fait, l’une des légendes raconte que son père, un homme de la région, habitait alors le village de Ban Wua, vraisemblablement le village des bovins. (7)

Un jour que ce beau et vigoureux garçon se promenait en forêt, ses pas croisèrent ceux d’une belle et merveilleuse jeune fille, qui peut-être venait d’arriver dans la région en compagnie d’un groupe de migrants t’aïs.

 

Les deux jeunes gens s’aimèrent et de leur union naquit un fils beau et vigoureux, qui fut appelé … Bang Klang Hao (8). Ce dernier devint le chef du village de Bang Yang. Au cours de ses pérégrinations Bang Klang Hao va se lier d’amitié avec le chef d’une principauté voisine, Pha Muang, (9) de la cité état de Muang Rat.

 

Vers les années 1240, (10) un conflit entre des t’ais et les occupants khmers de Sukhothai prend naissance. Ce conflit va s’envenimer au point que les protagonistes vont en arriver aux armes.

 

De ce fait Bang Klang Hao et Pha Muang s’allient et vont se retrouver face à face avec la garnison khmère de Sukhothai, qui est alors  commandée par Khom Samat Klon Lamphong. (11) Les deux alliés sortent victorieux de la rencontre en anéantissant le détachement khmer.

 

Par la suite, à Sukhothai, Pho Khun Pha Muang va faire célébrer l’abhiseka pour introniser Bang Klang Hao. A cette occasion il va lui remettre son titre de ‘’Kamraten an çri Indrapatindraditya‘’ qui lui fut décerné jadis, par le roi d’Angkor, et lui donner pour épouse … sa fille.

 

Très vite Pho Khun Bang Klang Hao (พ่อขุนบางกลางหาว), devenu ‘’Sri Indraditya‘’, (12) s’affirme, vraisemblablement avec l’aide de son beau-père, en tant que suzerain auprès d’un grand nombre de petites cheferies et finit par se trouver à la tête d’un royaume relativement conséquent.

 

Alors, comme le roi birman Anawrahta (1015-1044-1078), Sri Indraditya va se tourner vers le bouddhisme theravada dont Nakhon Sri Thammarat est alors le leader cheaps, et dont quelques uns de ses missionnaires sont venus prêcher à Sukhothai et ses environs.

 

En adoptant le bouddhisme theravada, Indraditya tourne la page khmère  dont la religion d’état était alors le bouddhisme mahayana. La page sera d’autant mieux tournée qu’à Angkor Jayavarman VIII va remplacer le bouddhisme mahayana par la religion hindou. (Le bouddhisme mahayana était aussi la religion des môns de Lopburi.)

 

Puis, toujours comme le roi birman Anawrahta, Sri Indraditya va chercher à rehausser son pouvoir et son prestige en détenant des objets de culte vénérés comme … des palladiums (Bouddha Sihing) et des reliques.

 

J’ouvre une parenthèse pour signaler qu’alors, et tout dernièrement, les images de bouddha considérées comme des palladiums devaient être envoyées à la capitale du suzerain en signe de soumission. Cette … tradition … ne faisait que renforcer le pouvoir et le prestige du suzerain ainsi que la considération ou le profond respect, que lui portaient alors ses sujets.

 

Comme il a été retrouvé au Wat Tra Kuan de Sukhothai un ‘’lot‘’ d’images de bouddha dont certaines seraient les premières de l’art de Sukhothai, car influencées tant par l’art Sri Lankais que l’école de Chiang-Saen qui remonte au XIe siècle, je me demande si ces images ne sont pas autant de signe de soumissions ?!....  

 

 

Bref !... compte tenu de ce qui précède, ce n’est pas un aventurier qui va quitter Sukhothai pour ‘’voir la mer‘’, mais un homme ambitieux, à la tête d’une véritable armée, bien décidé à asseoir son pouvoir et, qui peut savoir … ce qu’il voulait aller chercher du côté de la mer ?!...

 

Alors avec le voyage de Sri Indraditya en direction de la mer va commencer la véritable saga du Bouddha Phra Sihing.

 

(1) Un autre texte donne BS 1700 au lieu de BS 1800, ce qui fait un siècle de différence. Compte tenu du tableau chronologique qui précède et des événements khmers, il ne peut s’agir que de BS 1800.

Alors la date de 1256, à quelques années près, plus ou moins vingt ans, se rapproche le plus de la réalité.

(2) Roca/Radrā, ‘’Roca-rajā‘’ (Brillant-roi) que le ‘’Sihinganida‘’, un autre texte sur le Phra Sihing, appelle Seyyaranga, Suranga, Ranarangā, fut le premier roi de la dynastie des Ruang qui régna sur Sukhothai. Il y régna sous le nom de Sri Indrāditya et fut le père du ‘’fameux‘’ Ramkhamhaeng.

(3) Sukhothai est la transformation phonétique de Sukhodayapura et non une corruption. Ce nom sanscrit signifie … la ville (pura) de l’aube (udaya) du bonheur (suka). Autrement écrit, la traduction de bonheur pour ‘’Sukho‘’ et libre pour ‘’Thaï‘’ c’est-à-dire le bonheur libre ou le bonheur Thaï n’est rien d’autre qu’une élucubration de l’esprit qui n’a rien à voir avec la réalité. 

(4) Le toponyme de Syâmadesa, pays des siamois, n’a du apparaître qu’au cours du XIII siècle.

Au XIIe siècle, au Cambodge et à Angkor Vat, au tout début des bas-reliefs de la galerie sud figurent un groupe de guerriers dont l’accoutrement vestimentaire diffère de celui des soldats khmers ; deux courtes inscriptions nous apprennent qu’il s’agit de soldats ‘’Syāms‘’.

En 1282 et pour la 1ère fois, les chinois dans leur ‘’histoire des Yuan‘’ mentionnent le mot de ‘’Sien‘’.

(5) Sukhothai est à l’origine une ville construite par les Khmers, et fut vraisemblablement l’un de leurs avants postes militaires ( ?...).

Trois temples intra-muros et de style khmer, le San Ta Pha Daeng, le Wat Si Sawai ou Sri Savaya et le Wat Phra Phai Luang, attestent de cette origine.

Les t’aïs se sont donc appropriés de la ville de Sukhothai. Nous verrons comment.

(6) La ville de Lopburi se trouve aussi sous les noms de : Lavo – Lavapura.

(7) Gogâma pourrait être une retranscription du mot sanscrit ‘’godhāma‘’ qui se traduirait pas ‘’grande étable‘’ ‘’délices des vaches‘’. C’est sans doute pourquoi Hans Penth propose : ‘’le village des bovins‘’.

(8) Les légendes concernant Bang Klang Hao (บางกลางหาว) (vers 1238-1270) ne manquent pas. J’en ai lu trois. D’une façon générale la parole de cet homme hors du commun, avait le pouvoir de pétrifier ses adversaires, c’est-à-dire les transformer en statue de pierre.

S’agissait-il d’un charisme particulier ?... d’un art de la parole à soulever les foules ?... on pourrait le supposer ?!...

Toujours est-il que sa parole n’était pas sans avoir un pouvoir particulier sur ses contemporains.

(9) Pha Muang devait être beaucoup plus qu’un simple chef de village. En effet cet homme était marié avec une princesse khmère, Nang Sikhara Mahadevi, vraisemblablement une fille de Jayavarman VII. Il possédait l’épée sacrée ‘’Jaya‘’, et portait le titre de ‘’Kamraten an Çri Indrapatindraditya‘’ que lui avait conféré le roi d’Angkor … le roi de Muang Sri Sodharapura ou Sri Yasodhapura.

La Ville de Sri Yasodhapura (Angkor) s’écrivait aussi … Kambujadhipati Sri Yasodhara brah Maha-nagara Indraprastha Rastha Rajadhani.

(10) Entre 1218 et 1243 (plus ou moins quelques années) le Cambodge connaît deux interrègnes qui vont l’affaiblir et profiter aux émancipateurs comme Bang Klang Hao.

L’an 1243 est donné comme le début du règne de Jayavarman VIII (1243-1295) mais il est fort probable qu’il ne monta sur le trône d’Angkor que bien plus tard.

Ce sont des brahmanes qui ont fomenté des troubles pour le mettre au pouvoir afin de retrouver leur hégémonie.

Ce roi hindouiste, Jayavarman VIII, sera possédé d’une rage antibouddhique rarement inégalée. Pour cette raison il sera beaucoup plus préoccupé à détruire tout ce qui rappelle le bouddhisme mahayana de Jayavarman VII et d’Indravarman II (1218-1243 ?) qu’à vraiment gérer son royaume, ce qui favorisera l’émancipation des t’aïs de Sukhothai et des Môns du royaume de Lopburi.

(11) Khom Samat Klon Lamphong (ขอม สมาด โขลญ ลำพง) se trouve aussi écrit : Khlon Lampan, Khlon Lamphong, Khan Luang Khlon Lamphong, Khan Sabaad, Khan Lampong.

(12) Le titre de ‘’Sri Indraditya‘’ peut se traduire par : ‘’Seigneur des hommes‘’ ou ‘’Seigneur de la terre‘’. Un titre qui se passe de commentaire. ‘’Sri Indraditya‘’ a quelque chose du ‘’roi universel‘’.  

 

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Photo 1 : Le San Ta Pha Daeng (ศาล ตา ผา แดง) – Le plus ancien monument Khmer de Sukhothai intra-muros. D’après Jean Boisselier (1912-1996) ce monument aurait été construit sous  Sūryavarman II (vers 1113- vers1150) le bâtisseur d’Angkor Vat. De nouvelles études lui préfèrent le règne de Jayavarman VII (1181-1201).

Pour des raisons historiques je me range du côté de Jean Boisselier. Car Sūryavarman II emmena ses troupes tout au nord de la Thaïlande et n’a pas été sans bâtir des cités garnisons comme Sukhothai, voire peut-être Chiang-Mai dont les plans sont très voisins et dont la construction se serait arrêtée au percement des douves. Par ailleurs il a été découvert dans ce temple cinq statues hindoues de style Lopburi, et Suryavarman II était de religion Civaïte.

Photo 2 : le Wat Si Sawai (วัดศรีสวาย) ou Savaya – Ce sanctuaire intra-muros est aussi dédié à Shiva et doit dater de la même période que le précédent.

Photo 3 : Le Wat Phra Phai Luang - Ce temple Khmer aurait été un sanctuaire ‘’bouddhiste mahayana‘’ et non plus un temple hindou. De ce fait il a du être construit sous Jayavarman VII (1181-1201) qui fut le fondateur d’Angkor Thom (Angkor la grande) et … un fervent bouddhiste mahayana au point de faire du bouddhiste mahayana la religion d’état. C’est sous son règne que l’empire Khmer connu sa plus grande expansion. 

 

 

                                                         Suite avec la troisième partie.

 

 

                                                                 Jean de la Mainate 17 juin 2015

 

 

 

 

 

 



13/07/2015
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