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PHYLLANTHUS ACIDUS (L) Skeels (1909) - Mayom


PHYLLANTHUS ACIDUS (L) Skeels  (1909)

 

                                             OU

 

             GIREMBELLIER (Le) ou CHERIMBILLIER (Le)

                                Au Lanna : TON MAYOM (ต้น มะยม)

 

     

 

 

Au tout début de la classification linnéenne le phyllanthus acidus fut l'un des trois genres de caramboliers :

Photo 1 : Carambolier axillaire qui devint averrhoa (*) carambola de Linnéus. (มะเฟือง) Son fruit – varie entre 3 et 15 cm de long)

Photo 2 : Carambolier cilindrique (**) qui devint averrohoa bilimbi de Linnéus.(ต้นตะลิงปลิง). Sa fleur et son fruit – varie entre 2 et 6 cm de long.

Photo 3 : Carambolier à fruits ronds qui devint averrhoa acida de Linnéus. Sa fleur et son fruit – 3cm de diamètre pour les plus gros.)

(*) Linné dédia ce genre à un médecin arabe de Cordoue : Averrhoes ou Averroes ou Mohammed Abū al-Walid ibn Achmed Roschd (1126-1198 ou 1206/17 ?...)

(**) C'est bien : cilindrique et non cylindrique.

 

 

 

Le commun des mortels a donné au ''Phyllanthus acidus (L) Skeels une quantité considérable de noms ; en voici quelques uns :

France : cherimbillier, cerisier de Tahiti, girembellier, groseiller des Antilles, phyllanthe sour, surelle, surette de la Martinique.

Brésil : groselha – Birmanie : thinbozihpyoo – Chine : yè xià zhū shŭ (叶下珠属) – Inde : chalmeri, chota aonla, harfauri, harparauri en sanscrit : skandhaphara, rata-nelli, siri-nelli et lavali.

Vietnam : chûm ruôy, tâm ruôt. Cambodge : kântûet, kântouot srôk, sloek. Laos : Nhom baan, mak-nhom et Thaïlande : mak-yom (หมักยม) ou (หมากยม) ou yom (ยม) et au Lanna (Thaïlande) : mayom (มะยม) 

 

Les botanistes de leur côté n'ont pas manqué de décrire, et par voie de conséquence de nommer cet arbre. Parmi les noms qui lui ont été donnés ceux qui suivent se rapportent incontestablement au phyllanthus acidus et sont donc synonymes, sauf pour l'averrhoa acida qui pourtant est le basionyme de cette espèce.

 

Averrhoa acida L (*)

Cicca acida (L) Merr.

Cicca acidissima Blanco

Cicca disticha L

Cicca nodiflora Lam.

Cicca racemosa Lour.

Diasperus acidissimus (Blanco) Kuntze

Phyllanthus acidissimus (Blanco) Müll.Arg

Phyllanthus cicca Müll.Arg (1863)

Phyllanthus cicca var. bracteosa Müll.Arg

Phyllanthus cochinchinensis (Lour) Müll.Arg

Phyllanthus distichus (L) Müll.Arg.

Phyllanthus distichus f. nodiflorus Lam. Müll.Arg.

Phyllanthus longifolius Jacq. (1797)

Tricarium cochinchinense

 

 

(*) L'Averrhoa acida (L) est le basionyme (1er nom de l'espèce) du phyllanthus acidus. Or compte tenu de la description, que fait le fils de Linné, du fruit de l'Averrhoa acida (L), celui-ci se rapporterait beaucoup plus à l'Averroha bilimbi ?!...

De ce fait et pour d'autres raisons, ce nom est donc à utiliser avec beaucoup de circonspection.

 

 

Mais son nom scientifique ou binominal est :

Phyllanthus acidus (L) Skeels (1909)

 

       

 

 

        Les toute premières gravures du Phyllanthus acidus (L) Skeels (1909)

                                        Avec ses tout premiers noms.

 

Photo 1 : Une planche du ''Neli-pouli'' extraite du 3ème volume t.47 de ''Hortus Indicus Malabaricus'' (1682) de Hendrik Van Rheede (1636-1691) alors gouverneur du Malabar Néerlandais.

Photo 2 : Une planche d'un ''acidus longifolius'' extraite du 2ème volume t.194 du ''Plantarum rariorum horti caesarei Schoenbrunnensis descriptiones et icones'' (1797) de  Nicolas Joseph Freihen von Jacquin (1727-1817).

Photo 3 : Une planche du ''carambolier à fruits ronds'' extraite du 5ème volume t. 335 de ''Flore médicale des Antilles'' (1827) de Michel Etienne Descourtilz (1775-1835).

Photo 4 : Une planche d'un ''cicca acidissima Blanco'' extraite de l'ouvrage ''la flore des Philippines'' (Flora de Filipinas) de Francisco Manuel Blanco (1778/80-1845). Cet ouvrage fut édité en 1837 et réédité en 1845 ; puis à nouveau réédité entre 1877 et 1883 enrichi des commentaires de Celestino Fernandez-Villar (1838-1904).

 

 

 

Signification du nom binominal :

Phyllanthus acidus (L) Skeels (1909)

 

Le genre : 

Phyllanthus est formé de deux mots d'origine grecque.

1.- Phyllon - phyllo (φύλλον) qui veulent dire ''feuille'', que les botanistes ont contracté en ''phyll''.

2.- Anthus, un mot latinisé qui vient du grec ánthos (ἄνθος), qui signifie ''fleur''.

La juxtaposition de ces deux mots vient du fait que les fleurs, qui sont minuscules, se développent en grappe sur un rameau qui a poussé à partir de la base du pédoncule d'une feuille.

 

Ce genre a été créé par Linné en 1753.

 

L'espèce :

Acidus, le ''ac'' de acidus (acu, acer aqu) est une racine latine qui se retrouve en français dans une quantité de mots. Ces derniers, au sens propre comme au sens figurer, impliquent l'idée de pointe ou de sensations désagréables.

L'aquilon est un vent piquant, et l'acupuncture une pratique médicale à base d'aiguilles. (acu a formé : aigu et aiguille.)

Acidus, forme latinisée de ''acide'' se rapporte au fruit qui est comestible mais … piquant au goût, c'est-à-dire … acide comme dirait Monsieur de La Palice !...

 

(L) est, en botanique, la norme abréviative de Carl Von Linné (1707-1778), un médecin suédois passionné de botanique. Sa passion l'a conduit à entreprendre une classification des plantes. Alors ce (L) indique qu'il avait répertorié cet arbre en 1753 sous le nom de Averrhoa acida.

C'est lui qui a créé le système binominal servant à répertorier chacune des plantes (genre + espèce). Trois siècles plus tard cette méthode est toujours en vigueur.

 

L'abréviation botanique du botaniste.

Skeels est la norme abréviative de Homer Collar Skeels (1873-1934).

Cet américain, citoyen des Etats-Unis, est né à Saint Louis dans l'Illinois.

A l'âge de 25 ans (1898) il entre au collège supérieur d'agriculture de l'université du Michigan (Michigan State University – MSU) à East Lansing d'où il sortira avec le grade de bachelier en science.

Il consacrera toute sa vie à l'agriculture et la botanique. De ce fait il œuvrera dans différents services du ministère de l'agriculture des Etats-Unis.

En 1934 il est botaniste à la division des plantes étrangères.

Ses travaux lui ont donné une réputation à l'échelle nationale et plus particulièrement en tant qu'expert dans l'identification des graines.

Avec un échantillonnage de plus de 45.000 graines venant du monde entier, il a vraisemblablement constitué la plus importante collection de graines des Etats-Unis, voire du monde.

 

Il fut membre de l'Association américaine pour l'avancement de la science (AAAS) ainsi que de la Sté botanique d'Amérique, de la Sté biologique, et de l'académie des sciences, ces trois dernières sont toutes situées à Washington.

 

 

La classification du Phyllanthus acidus (L) Skeels (1909)

Le Phyllanthus acidus appartient à la famille des ''Euphorbiacées'' (Euphorbiaceae) ou des ''Phyllanthacées'' (Phyllanthaceae) selon les classifications ; une classification en perpétuelle évolution.

 

La famille des ''Euphorbiacées'' regroupe environ 7 à 8.000 espèces de plantes (arbres, arbustes et herbes) dicotylédones, c'est-à-dire dont la graine, qui se développe à l'intérieur du fruit, donne naissance à deux feuilles primordiales.

Ces espèces se répartissent en 250 genres environ. L'espèce d'où a été tiré le nom de la famille est l'euphorbe dont le suc, comme celui des autres espèces, est toxique.

D'après le Larousse les fleurs des individus de cette famille sont rudimentaires et leurs fruits à trois coques.

 

La famille des ''Phyllanthacées'' compte quelques 1.800 espèces qui se répartissent en une soixantaine de genres qui tous appartenaient à la famille des ''euphorbiacées'' sauf l'Hymenocardia que certains botanistes avaient classé dans la famille des ''hymenocardiacées''.

 

                

 

 

L'aire d'implantation du Phyllanthus acidus (L) Skeels (1909)

 

Le Phyllanthus acidus est originaire de l'Inde, y compris le Pakistan, et du Sud-Est Asiatique au sens le plus large (Twaïwan – Philippines – Indonésie). Ses aires de prédilection sont les zones tropicales où il a été implanté.

 

Ainsi il aurait été introduit à la Réunion, alors l'île de Bourbon, vers 1764 par Joseph Brenier, un ancien gouverneur de l'île ; et en Amérique centrale, en l'île saint Vincent (Petites Antilles) par l'infortuné capitaine du Boutny,  William Bligh. Le phyllanthus serait arrivé à bord de la ''providence'' en 1793 en compagnie du fameux … arbre à pain (Artocarpus altilis).

 

Pour information, il existe une espèce de phyllanthus au nord du Brésil, en Guyane française très exactement. Elle fut décrite par le pharmacien et botaniste français Jean-Baptiste-Christian Fusée-Aublet (1720-1778) et porte aujourd'hui le nom de ''phyllanthus brasiliensis (Aubl.) Poir.'' après avoir eu celui de ''Conami brasiliensis Aublet''. Ce qui signifie qu'il existe des espèces propres à des aires tropicales autres que l'Inde et le Sud-est Asiatique mais qui ne sont pas de l'espèce … ''acidus''.

 

Ainsi l'île de Madagascar compterait plus de soixante espèces et l'Afrique plus de cent cinquante.  

 

 

Description du Phyllanthus acidus (L) Skeels (1909)

 

       

 

 

                     Quelques Phyllanthus acidus ou ton mayom (ต้น มะยม)

                             (Ils poussent dans le Sud-Est de Chiang-Mai.)

 

 

 

Le tronc et les branches du phyllanthus acidus :

Le phyllanthus acidus est un arbre qui peut atteindre les 10 mètres de haut, et les 20 à 25 centimètres de diamètre. Son tronc monte droit alors que ses branches, très cassantes, sont noueuses et partent dans tous les sens. Elles forment un véritable imbroglio.

 

Le tronc comme les branches sont couverts d'une écorce noirâtre, rugueuse et couverte de multiples excroissances (lenticelles proéminentes) qui donnent l'impression que l'arbre est malade, comme porteur d'une espèce de peste bubonique végétale, cela lui donne un aspect  repoussant.

 

     

 

La feuille du phyllanthus acidus :

La feuille du phyllanthus acidus est pennée, ce qui signifie qu'il s'agit d'un rachis (rameau) porteur de folioles alternes.

 

La foliole, de forme ovale, se caractérise par une base obtuse et arrondie, un apex lancéolé, et un bord lisse. Elle est pennée c'est-à-dire avec une nervure centrale d'où partent environ 5 à 6 paires de nervures secondaires. Elle mesure entre 3 à 7 centimètres de long sur 3,5 ou 4 centimètres de large.

 

Le dessous de la foliole est plus pâle que le dessus ; il est même légèrement blanc. Quant à la couleur verte de la foliole, elle est des plus communes.

 

Un court pétiole de 4 ou 5 millimètres la relie au rachis dont la dimension varie entre 25 à 50 centimètres. Les plus longs des rachis sont porteurs d'une quarantaine de paires de folioles.

 

Ces pennes de folioles prennent naissance à l'extrémité des branches et constituent une espèce de bouquet dont les individus ploient sous le poids des folioles. Ces touffes de pennes retombant ressemblent visuellement à la touffe de palmes qu'on voit en haut des cocotiers.

 

Quelques rares pennes poussent sur quelques unes des branches mais ce sont comme des exceptions qui confirment la règle.

 

En Thaïlande et en Indonésie les jeunes feuilles sont cuites et manger en guise de légume. Au Vietnam ces jeunes feuilles, tendres, servent à envelopper une préparation de viande en boulette appelées ''n̟aem''.

En médecine ayurvédique (Inde) les feuilles sont utilisées sous forme de cataplasmes pour traiter la sciatique, le lumbago et les rhumatismes, et en décoction elles seraient diaphorétiques c'est-à-dire qu'elles faciliteraient la transpiration externe et interne du corps.

 

Au Vietnam les petites tiges rassemblées sous frome de bouquet servent de goupillon lors des cérémonies pour répandre l'eau sacrée. Mais nous allons revenir sur l'aspect ''sacré'' du phyllanthus acidus ou … mayom avec le ''petit plus'' en fin de chronique.

 

     

 

La fleur du phyllanthus acidus :

 

Les fleurs naissent sous forme de petits bouquets terminaux, ou de petites grappes qu'on appelle des cymes terminales. Le rachis sur lequel elles apparaissent prend directement naissance sur le tronc de l'arbre ou des branches ainsi que dans les aisselles formées par une branche et un penne de folioles et les aisselles constituées par le rachis et le pédoncule des folioles. Ce sont des fleurs caulifères.

 

Ces fleurs de couleur rose sont vraiment très petites. La circonférence de leur corolle mesure entre deux ou trois millimètres de diamètre. Elles sont portées par un minuscule pédoncule.

 

Ce seraient des fleurs incomplètes dites monoïques, parce qu'elles sont tantôt mâles, et tantôt femelles et se répartissent sur l'arbre au petit bonheur la chance.

 

La littérature sanscrite fait de la fleur du ''lavalî'' (Phyllanthus acidus) l'un des splendides reflets du saphir … rose que porte l'époux de Laksami qui n'est autre que Vishnu, l'un des dieux de la trimurti (trinité brahmanique).

 

     

 

Le fruit du phyllanthus acidus :

Le fruit du phyllanthus acidus est une petite drupe de la grosseur d'une cerise, pour les plus gros, formé de 6 ou 8 lobes contenant chacun une semence sans arille. Ils constituent des grappes imposantes, parfois énormes, mais peuvent être solitaires sans être pour autant plus gros.

Il est vert à sa naissance, et devient jaune cireux à maturation. (*) Ce n'est que vers la quatrième année que la fructification devient importante.

 

Fleurs et fruits coexistent en différentes périodes de l'année. Ce qui signifie qu'il n'y a pas un cycle de floraison suivit d'une période de fructification.

 

Lorsque le fruit arriverait à maturation il exploserait et ses graines se répartiraient dans les alentours. Pour ma part je n'ai jamais constaté ce phénomène, mais vu de nombreux fruits mûrs au sol sans qu'ils aient explosés.

 

Les fruits sont comestibles mais acides. Selon les us et coutumes en vigueur ils serviraient de condiments après avoir été conservés dans du vinaigre. Certains en font des confitures, des conserves, des sirops, des boissons rafraîchissantes et des ''atchars'', achias, achiars, aitchars (tous des mots indien) c'est-à-dire des fruits desséchés.

 

 

(*) Il y a maintenant en Thaïlande un fruit qui vient d'apparaître et qui ressemble à celui du phyllanthus acidus, mais … il est de couleur rouge. Les Thaïlandais, sans chercher midi à quatorze heures, l'appellent ''mayon dègne'' (มะยมแดง) ou ''mayon farang'' (มะยมฝรั่ง) c'est-à-dire ''mayon rouge'' ou ''mayom étranger'' ?!....

Ce fruit n'a rien à voir avec celui du phyllanthus acidus.

1/ Il est originaire du nord de l'Amérique du Sud.

2/ Il appartient à la famille des myrtacées (myrtaceae) et non des euphorbiacées.

Les Antillais l'appellent : cerisier créole, cerisier de Cayenne … entre autres noms et les botanistes : ''eugenia uniflora Linn''.

 

Nos compatriotes de la Réunion n'ont rien à envier aux Thaïlandais car de leur côté ils appellent le fruit du phyllanthus acidus : le … ''bilimbis rond'', car le fruit du Averrhoa bilimbi ressemble à un … petit concombre ?!... Mais l'averrhoa bilimbi est une espèce et le phyllanthus acidus en est une autre.

Rien ne vaut l'emploie du nom scientifique pour ne pas faire d'erreur.

 

 

     

 

 

                                  Quelques photos du ''Mayom si-dègn''

Au premier coup d'œil il apparait que les feuilles ne sont pas pennées et que les branches ont un aspect différent de celles du mayom … si luang c'est-à-dire jaune.

De fait ce dernier naît sur un phyllanthus acidus de la famille des euphorbiacées, si les botanistes gardent cette classification, alors que le mayom dègne ou cerise de Cayenne prend naissance sur un eugenia uniflora de la famille des myrtacées.

http://academiapiracicabana.blogspot.com/2013_09_01_archive.html (Photo 3)

 

 

     

 

 

Le petit plus !....

 

     

 

 

Photo 1 & 3 : Quelques demeures du Sud-Ouest hors les murs de Chiang-Maï avec ''leur'' mayom les protégeant des mauvais esprits. J'ai même vu un mayom d'environ 1 mètre en pot, tout près de la porte Thaphae intra-muros, en face de l'hôtel Montry ?!...

Photo 2 : Un mayom au carrefour des rues Pracha Samphan (ประชาสัมพันธ์) et Rakaeng (ระแกง) au Sud-est hors les murs de Chiang-Maï. Il est bien planté à … l'Ouest ?!...

Voilà plus de 5 ans que je passais en cet endroit sans jamais l'avoir remarqué !....

C'est bien un arbre discret ! Celui-là a été coupé, mais une maison des esprits a été installée à son pied.  

 

 

 

Le phyllanthus acidus est un arbre très discret, et pourtant il est très répandu. Chiang-Mai et tout le Lanna en est recouvert pour la simple et unique raison qu'il ferait fuir les mauvais esprits, car comme chacun ne le sait peut-être pas le Lanna est un … ''paradis'' … pour les esprits, les bons comme les mauvais ?!...

 

Les ''bons'' sont les bienvenus … encore que !... parfois ils peuvent se fâcher !... mais les ''mauvais'' demandent à s'en protéger ?!... Heureusement le Phyllanthus acidus, ou plutôt le mayom (มะยม) est là, et bien là pour remplir cette fonction.

 

 

Depuis la nuit des temps, celle de l'animiste, dans la région qui deviendra le Lanna et bien au-delà, il se disait que les génies trouvaient refuge dans les arbres. C'est pourquoi il était, et qu'il est toujours, dangereux d'abattre un arbre (*) sans un rituel particulier … les génies n'aiment pas être délogés sans que les humains y mettent les formes.

 

 

(*) Au milieu du XXe siècle la création du réseau routier thaïlandais nécessita d'abattre un certain nombre d'arbres. Les cantonniers ''libres'' qui travaillaient au réseau routier refusaient d'accomplir cette tâche, par crainte des représailles des esprits. Alors ce ''travail'' fut dévolu à des prisonniers qui eux, étaient obligés de se plier aux ordres qui leur étaient donnés !...

 

 

 

Avec l'arrivée du bouddhisme, dont les emprunts au brahmanisme ne sont plus à démontrer, les arbres furent associés, quand ils ne l'étaient pas, à nombre de personnalités. Ainsi Bouddha est indissociable de l'arbre de la Bôdhi (โพธิ์) c'est-à-dire l'arbre sous lequel il trouva l'éveil et que les botanistes ont appelé ''ficus religiosa Lin''.

 

Le ''phyllanthus acidus'' est lui indissociable de Phra Yom (พระยน) ou Phaya Yom (พญายม), le terrible dieu de la mort. C'est pourquoi au Lanna on l'appelle ''mayom'', c'est-à-dire l'arbre (ton - ตน) qui produit les fruits (ma - มะ) (*) du dieu Phra Yom (พระยม).

 

 

(*) En fait fruit se dit ''polamaï'' (ผลไม้). ''Ma'' (มะ) est un classificateur, c'est-à-dire une espèce de préfixe, qui sert à la formation du nom de certains fruits. Quant au mot ''mayom'' il peut aussi s'écrire, selon l'accent régional, หมากยม ou หมักยม.

 

 

     

 

 

                       Yama est très présent dans l'iconographie tibétaine

Photo 1 : Une reproduction de Yama figurant dans une reconstitution d'un temple tibétain à Lingshan, construit dans le parc touristique de Lingshan, non loin du lac Taihu et près de la ville de Wuxi dans la province de Jiangsu en Chine. (Photos d'octobre 2011)

Photo 2 : Un diagramme réalisé d'après celui d'Alain Daniélou (Mythes et dieux de l'Inde.p.203) concernant les huit dikpala-s ou gardiens des huit directions. 

Photo 3 : Un bronze d'environ 15 centimètres de haut exposé à la Pagode blanche ou temple des lamas de Pékin (Chine). Il est intitulé ''Gura Senge Dradog'' et daté de la dynastie sino-manchoue des Qing (1644-1911). (Photo d'octobre 2011)

 

 

 

Phra Yom (พระยน) est un dieu qui vient tout droit de l'Inde. En ce pays il porte deux principaux noms. Le premier d'entre eux est : Yamarāja, c'est-à-dire le roi Yama, Yom en thaï, et le second : dhamarāja ce qui signifie qu'il est le roi chargé du respect de la loi divine, le dharmma ou dhamma, c'est-à-dire de l'ordre socio-cosmique en vigueur. Il est le roi juste par excellence parce que l'incarnation de cette loi-de-perfection (Dharma).

 

Sa royauté couvre de nombreux domaines, c'est le roi des ancêtres (Pitri-rāja), le roi des fantômes (Preta-rāja), le roi des morts et le seigneur du Sud (Dakshina-pati), pour ne citer que ces titres car il en a de nombreux autres. Mais c'est un dieu mineur.

 

Sa monture est un buffle noir nommé ''Terrible'', ses ministres portent les noms de Canda (Colère), et de Mahacanda (Fureur), son scribe, Citra-Gupta (multiple-secret) connaît tout sur chacun. Alors à l'heure du jugement qui suit la mort nul ne peut échapper à son sort. Il sera fonction de sa vie menée sur terre. Yama est sans pitié, son nom ne signifie-t-il pas ''celui qui contraint et celui qui entrave'' ?...

 

De ce fait Yama paraît aimable aux vertueux et terrible aux coupables. Cependant il est pratiquement toujours représenté sous l'aspect d'un monstre, sinistre et difforme.

Curieusement … cet aspect monstrueux et difforme est aussi un peu celui des branches de cet arbre … des branches pustuleuses !....

 

     

 

 

Photo 1 : Un PhraYom du Lanna – Wat Si Khom Kham (วัดศรีโคมคำ) de Phayao

Photo 2 : Quelques branches pustuleuses d'un mayom.

Photo 3 : Un Yama Chinois.

 

 

 

Ce roi des enfers est souvent donné comme le fils du soleil, mais certains textes lui en donne d'autres ; le ''Rig-veda'' (10.14.15) par exemple dit que son père est ''Visvasvat'' l'incarnation de la loi des ancêtres et de la morale. (Ce qui ne change pas le rôle de Yama.)

 

En thaïlandais ''yom'' (ยม) a plusieurs significations, celle de pleurer, de se recueillir, de se contrôler, et de paire (jumeaux) ; autant de définitions qui vont dans le même sens … celui de la tristesse et de l'austérité. Quant au mot ''paire'' Yama ne va pas sans sa soeur, sa jumelle, Yami. Il fut avec elle le tout premier mortel.

 

Bref, Yama ou Yom est un dieu devant lequel il vaut mieux filer droit, qu'on soit un homme ou un esprit.

 

 

D'après la tradition le royaume des morts, des esprits et des fantômes est dans la direction de l'Ouest, alors c'est à l'Ouest des maisons qu'il faut planter un … mayom, l'arbre de Yamarāja pour que les mauvais esprits se tiennent éloignés des demeures.

 

Nous avons même vu que dans la maison kalê (lire les chroniques se rapportant à ce sujet) qu'en général il n'y avait pas d'ouvertures sur la face Ouest des maisons, et, quand il y en avait elles étaient toujours fermées pour empêcher les esprits d'entrer.

 

 

C'est dans le Sud-Ouest intra-muros de Chiang-Mai que réside le Kālakinni (กาลกิณี ou กาลรรญี) ou mauvais esprit de la ville. Comme il y a un parc en cet endroit et pas d'habitation, il ne faut pas y chercher de  mayom. Par contre, dans l'aire Sud-Ouest hors les murs je n'ai eu que l'embarras du choix pour en photographier un ?!....

 

Bref, vous verrez nombre de mayoms dans Chiang-Mai et au Lanna sans avoir à les chercher.

 

 

Comme le mayom fait fuir le mal et les mauvais esprits, son bois sert à la confection d'amulettes ; et parmi les amulettes ou objets magiques comme les talismans, il y en a un qui porte le nom de ''rak-Yom'' (รักยม).

 

Le ''rak-yom'' se présente sous l'aspect d'un petit flacon d'huile contenant deux petites figurines de couleur et de sexe différents. L'une est noire, ce serait Yama et l'autre est blanche ce serait Yami. Ces deux petites poupées sont liées entre elles au moyen d'un cordon rouge.

 

Le mot ''rak'' signifiant ''aimer'' le ''rak-yom'' serait comme la symbolisation d'un amour allant au-là la mort. Cet amour d'abord fraternel aurait été chaste, ''sublimé'' et porté à son paroxysme. Mais comment ont fait Yama et Yami qui seraient les parents de l'humanité pour compter autant de descendants sans avoir été … incestueux ?...

 

Toujours est-il que le ''rak-yom'' contiendrait un liquide magique qui aurait le pouvoir de ''charmer'' et d'attirer l'être désiré, ainsi que la fortune, vers celui qui en possède un ; ce qui n'est pas mon cas … alors je ne vous garantie pas la véracité  des pouvoirs du ''rak-yom'' ?!...

 

       

 

 

Personnellement j'ai un logement avec une fenêtre donnant sur l'Ouest et d'où j'aperçois le Doï Suthep, vue très agréable. Je n'ai encore jamais reçu la moindre visite d'un fantôme ou d'un esprit ; et c'est grâce à cette chronique et quelques autres, que j'ai découvert pourquoi !...

 

Au pied de l'immeuble où j'habite, au Sud-Ouest très exactement, pousse un …. Mayom ou ''phyllanthus acidus'', vrai de vrai. D'ailleurs ce sont les photos de ses feuilles et de ses fruits qui illustrent cette chronique et je vous confesse que ce n'est pas moi qui l'aie planté. Il était là dès mon emménagement et je ne l'avais jamais remarqué pourtant il mesure entre cinq ou six mètres ?!...

 

Quand je vous disais que c'était un arbre discret … et qui pousse partout. Toutes les maisons de ma rue ont … leur(s) mayom(s). !...

 

 

                                                              Juillet 2004 – Jean de la Mainate.



31/07/2014
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