MerveilleuseChiang-Mai

MerveilleuseChiang-Mai

ROUTE DES IMAGES DE BON AUGURE (La) - 1

                    

                     ROUTE DES IMAGES DE BON AUGURE (La)

                                                          ou

                ROUTE DES GENIES PROTECTEURS DE LA VILLE (La)

 

                                      Première partie

 

 

                                                             Avertissement :

Vous ne trouverez pas dans les guides le circuit que je vous propose, car les monuments qui le composent n'ont pas la stature et la communication dont bénéficient les sites en tête du hit parade des ''choses'' à voir à Chiang-Maï.

Cependant ces constructions témoignent de la culture du Lanna tout autant, si ce n'est plus, que les sites les plus en vue, et que – trop souvent - les touristes se contentent de photographier sans en connaître leur histoire, ou leur légende ?!...

Nombre de Wats sont ainsi devenus des ''rendez-vous touristiques'' orphelins du bouddhisme et de son enseignement !... (Ce n'est que mon avis !...)

Avec cette chronique vous saurez tout, ou presque, concernant les images de bon augure de la route nord.

 

 

    

 

 

Photo 1 : Le Rajasi du Nord.

Photo 2 : Proposition du circuit à faire à bicyclette ou à moto.

Attention : Nous sommes hors les murs. Pour une question de facilité de lecture j'ai mis le nord sur la gauche.

Photo 3 : L'éléphant de l'Ouest, Phaya Muang Man Muang Yak (พญายัเมืองมานเมือง). Le grand ''bâton '', c'est une tige de canne à sucre donnée en offrande.

 

 

Encore aujourd'hui, à Chiang-Maï et dans tout le Lanna, l'animisme et le bouddhisme cohabitent. Les commerces florissants d'amulettes et de talismans ne me démentiront pas, d'autant que la plupart de ces objets sont fabriqués avec la bénédiction de moines bouddhistes portant, ou non, le titre de Luang Po (หลวงพ่อ) ou Luang Pou (หลวงปู่).

 

Plus on remonte dans le temps, et plus l'animisme prend le pas sur le Bouddhisme. Car les premières communautés humaines recherchèrent d'abord des protections collectives ''surnaturelles'' en relation avec la nature, puis avec l'arrivée du bouddhisme ces protections devinrent … ''divines''.

Ce besoin de protection des populations se concrétisa au Lanna avec, entre autres, l'Indakhila, c'est-à-dire le pilier de la cité, et aussi au moyen de génies protecteurs ou d'images (statues) de bon augure.

 

Alors quand il s'agissait de prendre les armes pour vaincre un adversaire, il fallait d'abord neutraliser, voire détruire, les symboles où les sites censés le protéger.

Sans le savoir les hommes des temps jadis, ceux du XVe siècle  en ce qui nous concerne, commençaient par se livrer une guerre … ''psychologique'' … qui consistait à ébranler et à neutraliser les soi-disant puissances protectionnistes de l'adversaire, tout en s'en remettant aux siennes propres, pour obtenir la victoire.

Car chacun des belligérants possédait ses ''images'' protectrices ou … ses amulettes géantes ?!... (*)

 

Ce sont ces ''amulettes géantes'' ou monuments que je vous propose de découvrir.

Ces monuments ou ''anusari'' (อนุสาวรีย์) en langue vernaculaire se situent sur la route nord, c'est-à-dire sur la voie royale, celle qui était réservée au souverain et … par où arrivaient les ennemis, c'est-à-dire les Birmans … du temps de Phra Chao Kawila (1742-1782-1802-1815) (พระเจ้ากาวิละ) ; car selon les époques les ennemis venaient d'horizons différents.

 

Pour bien comprendre l'état d'esprit des Phra Chao (พระเจ้า) (**) ou rois qui ont été à l'origine de ces édifices il suffit de regarder les diagrammes ou mandalas (***) de la ville de Chiang-Maï aux périodes concernées. Dans cette chronique j'en présente deux.

 

Le premier de ces mandalas représente la ville de Chiang-Maï au moment de sa fondation.

A l'époque une ville ne pouvait prendre forme qu'en fonction d'un certains nombre de critères dont le thème astral de son fondateur, dans le cas présent, celui de Phra Chao Mengraï (1239-1260-1317) (พระเจ้าเม็งราย)

Bien qu'ayant fait sien le bouddhisme d'Hariphunchai (Lamphun), Phra Chao Mengraï n'avait pas pour autant renié ses anciennes croyances. De ce fait il a protégé ''sa ville'' en la dotant de génies protecteurs ou de ''Devas Putra'' (เทวบุตร) ou encore de ''Arak'' (อารักษ์) pour ne citer que ces noms ?!....

 

Le second mandala concerne la … ''refondation'' de Chiang-Maï par le plus grand des Phra Chao du Lanna, c'est-à-dire Phra Chao Tilokaraja, dit Tilok (1441-1487). (พระเจ้าติโลกราชะ).

Ce roi, tel un roi universel ou ''Chakravartin'' à l'instar des monarques khmers, fit de Chiang-Maï le centre du monde avec pour ''Mont Mérou'' le Chedi Luang.

Comme ce fut un conquérant, tout en gardant les protections de Chao Mengraï, il fit construire huit sites sacrés à l'extérieur de la ville, un par point cardinal. Il s'agit donc de huit temples.

Ces sites sacrés en dehors de la ville caractérisent, on ne peut mieux, l'expansion territoriale du Lanna de l'époque.  

 

Après ses/ces heures de gloire le Lanna tomba sous la férule birmane pendant plus de deux cent ans, de 1558 à 1774.

Avec le ''départ'' des Birmans sonna l'ère de Phra Chao Kawila  (พระเจ้า). C'est lui qui va relever Chiang-Maï de ses ruines, la repeupler, et faire construire ou reconstruire, voire réhabiliter ses images de bon augure ou ses génies protecteurs.

 

 

(*) Alors qu'il était l'un des grands généraux du roi Taksin, (1734-1768-1782) (ตากสิน) Chao Phraya Chakri, (1737-1782-1809) (เจ้าพระยาจักรี) le futur roi Rama Ier, avait toujours à ses côtés, à dos de son éléphant, une image de Bouddha. C'était elle qui, soi-disant, lui donnait la victoire !...

(**) Autrefois, au Lanna, le titre de ''Phra Chao'' n'était attribué qu'aux images de Bouddha. Avec l'avènement de Tilokarāja, qui fut en son temps considéré à l'égal des rois d'Ayutthaya, ce titre lui fut décerné et … le sera à tous les rois du Lanna, y compris à ceux des temps passés.

(***) Le mandala est un mot sanscrit qui signifie cercle. Avec le temps le sens mot a évolué et sert maintenant à désigner un espace sacré, ou une aire protégée.

 

 

      

 

 

Photo 1 : L'une des rares statues de Phra Chao Mengraï. Elle se trouve au Wat Phra Singh, côté nord du grand Viharn. (Photo de 2011)

Photo 2 : Le diagramme de Chiang-Mai à sa création en 1296. La ville n'a alors que quatre portes. Les ''planètes'' sont à considérer en tant que divinités ou nava-grāhas.

1/ La porte Nord, Dej muang, (เดชเมือง) a un nom qui se rapporte au pouvoir, au feu et à la clarté. Elle est réservée au souverain de la cité (muang) et mise sous les bons auspices (gouvernée) de la Lune.

2/ La porte Sud,  Montri Muang, (มนตรีเมือง) est destinée aux dignitaires de la cité, ou conseillers du roi et gouvernée par Jupiter.

3/ La porte Ouest, Boriwan Muang, (บริวารเมือง) s'ouvre sur la montagne, lieu éternel de méditation, de ce fait elle destinée aux disciples de la cité, à ses partisans et ses serviteurs (de Bouddha ?...) en recherche de spiritualité. C'est vénus qui gouverne cette porte.

4/ La porte Est, Mula Muang, (มุลเมือง) est celle du tout venant, du peuple. ''Mula'' est un mot dont les définitions ne manquent pas. C'est l'origine et le fondement (un mot à prendre dans son double sens). Mercure, planète de la duplicité, du double langage, gouverne cette porte.

 Concernant les quatre autres directions :

1/ Le Nord/Est, Sri muang, (ศรีเมือง) correspond à la gloire de la cité (muang) c'était là que s'élevait un ficus ou banian (ต้นไทร) dit l'arbre Nikhrodh (ต้นไม้นิโครธ) l'orgueil et la protection surnaturelle de Chiang-Maï (son bras armé) qu'un moine birman, expert en magie, Phra Thera Mang Lung Luang (พระเถระมังลุงหลวง) à la solde d'Ayutthaya, fit abattre pour que Chiang-Maï perde de sa puissance.

2/ Le Sud/Est, Utasaha muang, (อุตสาหะเมือง) porte un nom qui évoque l'effort, la fatigue et la peine. C'était et c'est encore une aire où l'artisanat prospère. Sature en est le maître.

3/ Le Nord/Ouest, Ayu muang, (อายูเมือง) se réfère à l'âge de la cité. C'est là que trône le soleil.

4/ Le Sud/Ouest, Kalakini, (กาลกรรณีเมือง) a un nom qui se traduit par malchanceux et malheur. C'est un endroit maudit que gouverne Rahu (Rahu est l'un des deux nœuds lunaires, à savoir la tête du dragon, mais je l'associe aussi à Uranus qui était inconnu à l'époque).

Photo 3 : Le diagramme de Chiang-Mai à son apogée vers le milieu du XVe siècle. La ville est alors dotée de six portes. La 5 & 6ème sont ignorées ?!... (La porte Suan Prung (Sud) et Porte Sri Phum (Est)). Mais dans ce cas ce sont les points cardinaux qui comptent et non les portes.

Les huit sites sacrés sont comme des ''planètes'' autour du mont Méru symbolisées par le Chedi Luang. La distance qui les relie au Chedi Luang varie d'un site à l'autre.

Photo 4 : Phra Chao Tilokarāja, dit Tilok (1441-1487). (พระเจ้าติโลกราชะ) Une représentation en cire du monarque se trouvant au musée Inthakhin de Chiang-Mai. (Photo de 2009).

 

 

1ère étape : Wat  Inthakhin Sadü Muang.

(Adresse : 11, rue Intrawarorot - ถนน อิทวโรรส)

 

A/ Le musée du Wat Inthakhin Sadü Muang (พิพิธภัณฑ์ท้องถิ่นจังหวัดเชียงใหม่)

Ce Wat possède un petit musée qui mérite une visite.

                                                   Attention :

Le musée ferme entre 12 et 14 heures – son entrée est gratuite.

Cette visite permet de remonter le temps et de se familiariser avec les grandes figures du Lanna que sont Mengraï et surtout Tilokarāja. Ces Phra Chao ont, pour le premier, fondé la ville en lui donnant ses génies protecteurs et, pour Tilokarāja, contribué à l'expansion du Lanna tout en faisant bâtir dans et autour de Chiang-Maï de grands monuments comme le Wat Chet Yod et … deux gros éléphants Phuaks (*) à l'entrée de la porte Nord.

 

 

(*) Phuak est improprement traduit par blanc. Les éléphants blancs n'existent pas. Ce sont seulement des éléphants qui ont des caractéristiques albiniennes, de ce fait ils sont dits de couleur phuak, comme celle d'un légume homonyme de la région.

 

 

    

 

 

                 Quelques uns des tableaux Présentés aux visiteurs du musée. 

Photo 1 : Une tradition Shane attachée à Chiang-Maï – Le ''Poï Sang Long'' (ปอยส่างลอง) une ''fête'' lors de la quelle un jeune garçon un ''enfant de cristal'' va entrer au Wat et revêtir l'habit safran pour quelques temps. (Photo 2011)

Photo 2 : L'éléphant qui rapporta de Lampang le bouddha d'émeraude pour être installé dans une niche du Chedi Luang. C'est ce Bouddha qui aujourd'hui est au Wat Phra Keaw de Bangkok. (Photo 2011)

Photo 3 : Le roi Tilokarāja et le moine architecte de l'école Cinghalaise Mun Dam Phra Khot (หมื่นด้ำพร้าโคต), un ami d'enfance du souverain. (Photo 2013)

 

 

B/ Le Viharn Luang Pho Khao (พระวิหาร หลวงพ่อขาว)

Ce Viharn vient de resurgir de terre, à l'emplacement exact d'un ancien édifice. C'est un bel exemple de l'architecture Lanna.

Le Chedi qui se trouve à son extrémité ouest serait le Chedi du Wat Inthakhin. Un Wat qui à l'origine était partie prenante du ''Wieng Kéo'' c'est-à-dire le palais de cristal ou encore le palais de pierres précieuses ou … palais royal de Phra Chao Mengraï !... (*)

Ce Viharn abrite le ''Phra Luang Pho Khao'', un immense bouddha blanc dans la neuvième attitude, ''la victoire sur Māra''. Il est en position assise dite en ''samādhi'' et fait face à l'Est.  

Il aurait été construit ou réhabilité sous le règne de Chao Phra Kawila (1742-1782-1802-1816) (พระเจ้ากาวิละ). Pour fêter sa ''résurrection'' ou sa ''naissance'' ( ?...) une grande cérémonie fut célébrée en avril 1794, à l'occasion du nouvel an T'aï (Songkran).

En ce temps là, Chiang-Maï renaissait de ses cendres.

 

 

(*) Le palais royal était aussi appelé le Xayaphum (ไชยะพูม) et encore ''plus précisément'' ( ?...) ''Raxavang Ho Kham'' (ราชวังหอคำ) c'est-à-dire la ''résidence royale du palais royal''.

 

 

    

 

 

Photo 1 : Le nouveau Wat Inthakhin, vu du Nord-est. (Photo 2013)

Photo 2 : Le Phra Luang Pho Khao, longtemps à la rue – c'est le cas de la dire – et retrouvant un toit au fil des ans. (Photo 2009)

Photo 3 : Le nouveau Wat Inthakhin, vu du Sud-est. Derrière le Wat s'élève le Chedi Inthakhin et sur la gauche se dessine le Chedi Sadü Muang. (Photo 2013)

 

 

C/ Le Chedi Sadü Muang (เจดีย์สะดือเมือง)

Le Chedi qui s'élève de l'autre côté de la rue, dans la cour de la Cité des arts et du centre culturel, pourrait être le Chedi Sadü Muang (เจดีย์สะดือเมือง), c'est-à-dire le Chedi du nombril de la ville.

Il y a beaucoup d'hésitation quant à son nom. Pour les uns c'est le Chedi Inthakhin, pour les autres le Chedi Sadü Muang ou encore le Chedi octogonal (เจดีย์ทรงแปดเหลี่ยม) un Chedi qui renfermerait de saintes reliques dans l'état de cendres.

En ce qui me concerne je penche pour le Chedi Sadü Muang, d'une part parce qu'il est construit sur une base d'un double carré (*) et que le carré symbolise la terre, et d'autre part parce que de ce double carré s'élève un volume octogonal dont chacune des faces est orientée très précisément vers une direction cardinale. (J'ai vérifié ce fait au moyen d'une boussole.)

 

Le centre de la base de ce Chedi serait alors le point d'intersection des différents axes cardinaux, et de ce fait la matérialisation du centre de l'univers, donc du royaume … de la ville et par voie de conséquence … son nombril ?!... (Ce n'est que mon avis)

Pour bien comprendre cette notion de ''nombril de la ville'' il faut savoir que le plan de Chiang-Maï est celui d'un corps humain, dont, par exemple, la porte Chang-Phuak serait la tête !.... (Nous reviendrons sur ce sujet.)

 

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que pour les gens du Lanna, le monde des hommes est la reproduction du monde divin. Autrement dit, chaque édifice, y compris les maisons individuelles, (**) sont autant de mont Méru s'élevant dans la mer de lait.

 

Enfin, c'était quelque part en ces lieux, et jusqu'au XIXe, qu'était conservé le sao muang ou Inthakhin.

D'après les chroniques il s'agirait d'une colonne en pierre précieuse que le dieu Indra aurait fait don aux hommes pour leur assurer sa protection et leur donner la prospérité, à la condition d'honorer ce sao muang, et de vivre selon certaines règles sociales qui avec le temps seront les huit préceptes bouddhiques.

Aujourd'hui l'Inthakhin se trouve au Wat Chedi Luang. (Pour en savoir plus sur le  ''Sao Inthakhin'' , lire les chroniques qui lui sont consacrées.)

 

 

(*) Le premier carré qui s'élève du sol mesure huit mètres de côté. Le second, construit par-dessus le premier, ne fait que sept mètres de côté. Leurs côtés sont parallèles.

Ensuite c'est la structure octogonale qui prend de la hauteur.

 (**) Si vous êtes un tant soit peu observateur, vous constaterez qu'entre les bâtiments du Lanna, dont l'architecte a respecté la tradition, il y a toujours un espace. Ce vide ou cette cour (Khuong - ข่วง) est censée symboliser la mer de lait d'où s'élève le mont Mérou.      

 

 

      

 

 

                                                       Le Chedi Sadü Muang

Photo 1 : Phra Luang Pho Khao, avant d'être … relogé et le Chedi Inthakhin. (Photo 2008) Le Wat a été reconstruit autour de l'image de Bouddha.

Photo 2 : Le Chedi Sadü Muang vu depuis le musée et centre culturel. Il s'agit de sa face ouest. Tout derrière apparaît le toit du Wat Inthakhin. (Photo 2013)

Photo 3 : La face Nord du Chedi Sadü Muang, (La niche nord est évidée.) à droite le musée et centre culturel de Chiang-Maï. (Photo 2013)

Photo 4 : La Face Sud du Chedi Sadü Muang. (Photo 2008)

 

 

2ème étape : Le palais du roi Nawarat (หอคำ เจ้าแก้วนวรัฐ )

(Adresse : Vista hôtel, 252, rue Phra Pok Klao – Entrée libre et gratuite.)

 

Beaucoup de touristes passent près de ce site sans s'y arrêter, alors qu'une dizaine de minutes suffisent pour en faire le tour et, pour les plus curieux, quelques autres pour découvrir d'un peu plus près l'un des fleurons de l'architecture du Lanna. Un fleuron qui est aussi le dernier palais ou ''Ho Kham'' (หอคำ) du dernier ''roi'' de Chiang-Maï.

 

Ce ''Ho Kham'' a été construit en 1897 à la demande de ''Chao Kaew Nawarat'' (1862-1911-1939) (พลตรี เจ้าแก้วนวรัฐ) qui fut le 36ème et dernier roi du Lanna, mais aussi le 9ème descendant de la dynastie Kawila.

En fait, pour être plus exact, son titre fut celui de prince gouverneur ou Chao Luang de Chiang-Maï, que Bangkok supprima à sa mort.

 

L'année de son décès coïncida avec la mise en place d'une ''Taïfication'' sans précédent de la part de Bangkok dirigée alors par le dictateur Plaek Phibun Songkhram (1897-1964) (แปลก พิบุล สงคราม). Cette politique signa la mise à mort de la culture du Lanna.

''Chao Kaew Nawarat'' a donné son nom au pont qui enjambe la Mae Ping, et  relie la rue Tha Phae à la rue Charoen Muang.

 

Entre les murs du jardin de ce palais il y a maintenant un hôtel, l'hôtel Vista, qui un temps durant, en soirée, proposait aux touristes des ''Khan Toke'' (*) qui se déroulaient à l'intérieur du ''Ho Kham'' d'où le nom de ''Kum kaew Khan Toke'' (คุ้มแก้วขันโตก) pour désigner ces manifestations culturelles.

En 2013 ces soirées n'existent plus, mais qui dit qu'elles ne reprendront pas dans les années à venir ?!... C'est pourquoi je les signale.

 

 

(*) Le ''Khantoke'' (ขันโตก) est un plateau rond doté de pieds, qui est utilisé comme table basse à l'occasion de divers type de repas genre mariages, funérailles et bien d'autres. L'invité est alors assis à même le sol.

Le khantoke Yuan, en bois de tek est propre au Lanna, alors qu'en Isaan c'est le Khantoke Lao en lattes de bambou ou rotin.

Ce plateau a donné son nom à des repas-spectacles où les danses locales, comme la danse du sabre, la danse des adorateurs du feu ou encore la danse Noï Jai Ya,  et bien d'autres s'enchaînent pour le plus grand plaisir des dîneurs, mais aussi des artistes, qui en redécouvrant leur passé pour re-chorégraphier ces danses, participent à la renaissance de la culture propre au Lanna.     

 

 

    

 

 

            ''Ho Kham'' ou palais royal de ''Chao Kaew Nawarat'' (Photos 2013)

Photo 1 : Le ''Ho Kham'' vu de face (Ouest).

Photo 2 : Le ''Ho Kham'' vu de son angle Ouest-sud.

Photo 3 : Détail de la face Sud du ''Ho Kham''.

 

 

3ème étape : La porte Chang-Phuak (ประตูช้างเผือก)

 

La porte Chang-Phuak s'est d'abord appelée ''Pratou Hua Wiang'' (ประตูห้วเวียง) (1) C'est-à-dire la porte principale de la ville, celle qui est en tête de toutes les autres ; mais aussi la porte de la tête de la ville, le mot tête étant à prendre en compte comme une partie du corps humain.

Les T'aïs considèrent que leurs cités sont dotées d'une vie et qu'elles bénéficient d'un corps, d'un esprit comme tout un chacun, d'où le Wat Sadü muang, c'est-à-dire le Wat du nombril de la cité et … la porte de la tête de la ville.

 

C'était, à la création de la cité, la porte réservée au seul souverain ; la porte auspicieuse par excellence parce que dirigée vers le nord selon la grande tradition du Yonok, (2) le petit royaume dont hérita de son père Phra Chao Mengraï, le fondateur de Chiang-Maï et … du Lanna.

 

Comme chacune des portes de la ville cette porte fut mise sous la protection d'une divinité ou nava-graha, la Lune (3) et dotée d'une inscription et d'un dessin cabalistique en propre. Un gardien lui fut attribué, en l'occurrence Khandha Rakkhito (คันธรักขิโต).

 

Il semblerait, mais rien n'est moins sûr car les chroniques laissent à interprétation, que Mengraï ait fait installer un Kumphan (4) auprès de chacune des portes, dont celle du  nord. Puis, par la suite, il aurait fait déplacer ces Kumphans pour remplacer ceux de la porte sud et nord par … un éléphant Phuak, dit blanc, symbole de puissance.

L'éléphant phuak du Sud aurait été appelé Pra Chakkrawan (ปราจักรงาล) parce qu'il mettait soi-disant en fuite tous les ennemis venant de Chakkrawan (vraisemblablement tout un monde de pays, vrais ou imaginaires, situés dans les quatre directions de l'univers) ; et celui du nord aurait été nommé Pra Muang Man Muang Yak (ปราเมืองมานเมือง) parce qu'il était soi-disant capable de neutraliser tous les pouvoirs de deux mauvais génies, ''Phraya Man'' un géant originaire de ''Man'' et, ''Phraya Yak'' un monstre résidant au royaume des Yaks. (5)

Si aujourd'hui les génies, bénéfiques ou maléfiques, ont toujours droit de cité, (Les amulettes individuelles portées sont conçues à leur intention) à l'époque ces génies devaient être auréolé d'une super puissance et effrayer d'autant plus le commun des mortels, d'où le besoin alors de contrebalancer les craintes et les peurs collectives au moyen … ''d'amulettes géantes''. Ce que sont, à mon avis, ces ''protecteurs''.

 

Sous le règne du roi ''Saen Muang Ma'' (1385-1401) (แสนเมืองมา) deux éléphants phuaks auraient aussi été construits auprès de cette porte, et ce serait depuis l'érection de ces derniers que la porte aurait pris le nom de Porte Chang-Phuak. (Nous reviendrons plus en détail, lors de la 4ème étape, sur cet épisode.)

 

Sous le règne du roi Tilokarāja (1441-1487) cette porte nord aurait été (encore ?...) dotée de deux éléphants dits blancs et de deux rajasis, qui sont des lions conquérants et royaux.

Pour donner une superpuissance à ces deux couples de ''protecteurs'' dont rien n'est dit sur leur sexe, le moine ''Mun Dam Phra khot'' ou ''Mun Dam Phra Khot'' (หมื่นด้ำพร้าโคต) un fidèle conseiller de Tilokarāja et l'architecte qui termina le Chedi Luang, aurait placé dans le cœur de ces ''images'' des formules magiques tirées du Véda. (Textes sacrés de l'Inde)

 

Cette porte Nord ne manquait pas de raison pour devenir la … ''Porte Chang-Phuak'' non ?...

 

Nota bene : Pour les amateurs de Jazz, il y a porte Chang-Phuak, dans Chiang-Maï intra-muros, un café qui tous les soirs propose du Jazz. Il s'agit du ''Café North Gate'' Jazz co-op'' au 95 1-2 rue Sri Phum. Un café situé sur le boulevard intérieur et non extérieur, longeant le rempart.   

 

 

(1) Tout près de la porte Chang-Phuak, dans la ville intra-muros, il y a un Wat qui porte deux noms, celui de Wat Hua Khuong (วัดหัวข่วง) c'est-à-dire le Wat de la tête de la ville ou de la cour, et celui de Wat Sen Muang Ma Luang (วัดแสนเมืองมาหลวง) c'est-à-dire le Wat des cent mille muangs (Royaume) et de la Lune royale. La lune étant le luminaire qui ''gouverne'' la porte Chang-Phuak. (La lune n'est pas une planète mais en astrologie elle est considérée à l'égal des planètes.)

Ce Wat, de par son nom, pourrait être aussi un Wat dédié au roi ''Saen Muang Ma le grand ou le puissant'' (1385-1401) (แสนเมืองมาหลวง) ?....

(2) Le mot de Yonok (โยนก) Youn (ยูน) ou Yuan (ยวน) sert à désigner l'ensemble des wiangs ou cités satellites de Chiang-Raï que Mengraï avait soumis à son autorité, et qui constituèrent le royaume de Yonok, un embryon du Lanna.

Les Birmans donnèrent aux habitants de Chiang-Maï le nom de Yuon Chiang-Maï et à ceux de Lampang celui de Yuon Lakon.

(3) En arpentant le début de la rue Chotana je me suis longtemps demandé pourquoi il y avait autant d'horloger au mètre carré. Et puis un jour … Euréka !…

Les gens du Lanna vivaient, et vivent encore en partie, selon le calendrier lunaire. Car c'était alors, et encore maintenant, la Lune qui déterminait les dates des grands événements, donc le cours du temps. Alors quoi de plus logique que de voir des horlogers, qui vendent des instruments à ''mesurer'' le temps se mettre sous les bons auspices de la Lune qui à Chiang-Maï gouverne la porte Chang-Phuak.

Les habitants du Lanna ont partie lié avec l'astrologie.

 (4) Les Kumphans (กุมพันธื ou กุมภัณฑ) (Kumbhandas ou Kusmmandas) sont des êtres surnaturels, des demi-dieux qui inspirent la terreur et ne pardonnent rien. Ainsi par exemple, racontent les chroniques, des ''Hôs'', ennemis du Lanna venant du sud de la Chine, des espions donc, pour avoir voulu savoir où Mengraï avait fait déplacé les quatre kumphans trouvèrent la mort au bout de leur curiosité. Et sous le règne de Tilokarāja, le moine ''Mun Dam Phahot'' serait passé de vie à trépas après avoir fait abattre deux Kumphans pour les faire reconstruire au Wat Chedi Luang ...  où ils sont toujours ?!....

(5) Le nom des éléphants est en fait composé des noms des dangers qu'ils sont censés vaincre. Dans les lignes qui vont suivre nous allons retrouver ces noms. Mais les chroniques sont rédigées de telle façon qu'il est difficile de savoir s'il s'agit des mêmes éléphants ou de nouveaux ?!...

 

 

      

 

 

Photo 1 : L'un des deux Kumphans qui se trouve actuellement au Wat Chedi Luang. Celui-ci est le Kumphan Sud.

Photo 2 : La partie Ouest intra-muros de la porte Chang-Phuak.

Photo 3 : La douve Nord-Ouest vue depuis la porte Chang-Phuak.

Photo 4 : La stèle de la niche de la partie Est de la porte Chang-Phuak.

 

 

4ème étape :

Le Monument de la cour des éléphants (dits blancs)

                                 (อนุสาวรีย์ข่วงช้าง) ou

                     La cour des éléphants (dit blancs) - 

                       Khuong Chang (Phuak) (ข่วงช้าง)

 

           

 

 

Photo 1 : Le plan de la première partie de l'itinéraire de la route des images de bon augure.

Photo 2 : Une photo datant des années 1950 fixant Phra Chakkhavan ou Phaya Prab Chakkrawan (พญาปราขจักรงาล), l'éléphant regardant vers le Nord.

Photo 3 : Photo prise en 2013, sous le même angle que la précédente.

Photo 4 : Le plan de la deuxième partie de l'itinéraire de la route des images de bon augure.

 

 

Le monument se situe à environ cinq cent mètres de la porte Chang-Phuak, au niveau de la gare routière, et en bordure de la rue Chotana qui conduit à la ville de Mérim.

Il  occupe un petit square et se présente sous les formes de deux constructions indépendantes contenues dans un espace rectangulaire de vingt quatre mètres sur douze que délimite un muret de couleur blanche.

Là encore ces deux bâtisses sont comme deux mont Méru au milieu de la mer de lait ou de la cour de pierres précieuses ; le mot Khuong (ข่วง) se traduit par cour. Il est souvent écrit Khuang, mais c'est une erreur.

 

A l'intérieur de chacune de ces niches, au toit arrondi, se trouve un éléphant ''tronc'', c'est-à-dire un éléphant amputé de la moitié de son corps et de ses pattes arrières.

La niche parallèle à la route abrite Phra Chakkhavan ou Phaya Prab Chakkrawan (พญาปราขจักรงาล), qui du haut de ses deux mètres quarante huit regarde dans la direction du nord. (Etait-ce l'éléphant de la porte Sud ?... bien malin qui aujourd'hui, pourrait le certifier !...)

La seconde niche, perpendiculaire à la première, héberge Phaya Muang Man Muang Yak (พญายัเมืองมานเมือง). Ce pachyderme, haut de deux mètres quarante, fait face à l'ouest et voit ainsi défiler le trafic routier en direction de Mérim ou de retour sur Chiang-Maï. (Etait-ce l'éléphant de la porte Nord ?...)

 

    

 

 

Photo 1 : La cour des éléphants sous l'angle Nord-Ouest

Photo 2 : La cour des éléphants, face Nord - Phra Chakkhavan ou Phaya Prab Chakkrawan (พญาปราขจักรงาล)

Photo 3 : Le sanctuaire de Phaya Muang Man Muang Yak (พญายัเมืองมานเมือง) à l'ombre duquel il doit être agréable de sommeiller ?!... 

 

 

Que et qui sont en fait ces deux éléphants ?...

Entre 1296 et 1318 Mengraï, pour protéger Chiang-Maï fit construire à la porte Nord et à la porte Sud un éléphant phuak dit blanc dont les noms précèdent.

Mais le service des ''beaux arts'' de Bangkok qui enregistra sur la liste du patrimoine national ce monument en date du 8 mars 1935, attribua la paternité de celui-ci au roi Saen Muang Ma (1385-1401) (แสนเมืองมา) en se référant à l'événement qui suit.

 

En ce temps là, le roi de Sukhothai, Phra Dhammaraja II ou Li Thaï  (1368-1399) (พระธรรมราชา - ลิไท) (*) entre en conflit avec le roi d'Ayutthaya, Phra Borom Marachathirat 1er (1370-1388) (บรมราชาธิราช).

Ce dernier demanda de l'aide à son voisin du Lanna, le roi Saen Muang Ma (1385-1401) qui répondit favorablement à sa demande ; alors à la tête d'une armée le roi de Chiang-Maï alla camper près de Sukhothai en vue d'attaquer ou de faire le siège de la ville.

Selon les chroniques la suite des événements divergent. Cependant elles tombent toutes d'accord pour dire que durant la nuit, à la tête de son armée le roi de Sukhothai fondit sur le campement des soldats de Chiang-Maï sans crier garde.

Ce fut la déroute et le sauve qui peu pour l'armée du Lanna. Le roi Saen Muang Ma, blessé et sans la moindre monture ne dû son salut qu'à deux de ses soldats rencontrés par hasard, Ai Op (อ้ายออบ) et Aï Yira (อ้ายยี่ระ) qui, en se relayant, portèrent leur souverain jusqu'à Chiang-Maï.

Pour remercier les deux hommes le roi les éleva au rang de ''Phouang-Tchagn Saï'' pour le premier et de ''Phouang-Tchagn Khwa'' pour le second, avec sans doute une charge rémunératrice allant avec le titre ?... (**)

Pour commémorer leur exploit, voire inviter la population à être aussi dévouée pour leur roi, il aurait fait bâtir deux éléphants phuaks dit blancs devant la porte Nord dont le rôle aurait été, pour l'un de veiller ou permettre les entrées, et pour l'autre … les sorties.

En raison des dates qui précède, le monument a du voir le jour vers 1400, et ce serait ces éléphants qui auraient donné son nouveau nom à la porte du Nord.

Oui mais ?!...

Sous le règne du roi Tilokarāja (1441-1487) la porte nord aurait été (encore ?...) dotée de deux éléphants dits blancs  ?!... Des éléphants d'une puissance exceptionnelle puisque qu'à l'intérieur de leur corps des formules magiques issues du Véda y auraient été ''enfermées'' ?!...

S'agit-il des mêmes éléphants remis en état ?... ou de nouveaux ?... rien ne permet de le certifier.

 

Toujours est-il que ces éléphants, aussi puissants furent-ils, laissèrent entrer les armées Birmanes dans Chiang-Maï, qui restèrent au Lanna durant plus de deux cent ans.

 

En 1774 les Birmans sont chassés de Chiang-Maï, alors la ville va renaître de ses cendres sous la férule de son nouveau roi nommé par Bangkok en 1782. Celui-ci, Phra Chao Kawila, (1742-1782-1802-1816) fait table rase d'un certain nombre de … ''protecteurs'', non pour les faire disparaître mais au contraire pour leur redonner leur lustre et leur prestige d'antan, voire plus !.... 

 

Alors en mars 1801 les deux éléphants trônent majestueusement là où ils se trouvent actuellement, à environ cinq cent mètres de leur lieu d'origine, et portent les noms des éléphants d'antan c'est-à-dire Phaya Prab Chakkrawan et Phaya Muang Man Muang Yak.

En 1996 ils seront toilettés et retrouveront leur splendeur du XIXe siècle à l'occasion du 700ème anniversaire de Chiang-Maï.

Ces 700 ans donnent à penser qu'en dépit de certains malheurs les éléphants auraient quand même bien protégé la ville puisqu'elle est toujours … bon pied … bon œil ?!...

 

Qu'en pensez-vous ?!...

 

 

(*) Le nom du roi de Sukhothai n'est pas cité dans les chroniques mais, par recoupement il doit s'agir de Li Thaï.

Ce ne sera qu'entre 1365 et 1378 que Sukhothai deviendra vassal d'Ayutthaya.

(**) Les deux hommes furent en fait élevés au rang de ''Chef de l'ensemble des artisans situés du côté gauche de la route de Vieng Som pour Aï Op et  du côté droit de la même route pour Aï Yira. Ce village se situerait à l'est de Chiang-Maï.

Chiang-Maï était alors ''cernée'' par des villages d'artisans. Chaque village avait une spécialité comme la fabrication de gongs, le travail de l'argent, du bois etc … etc… 

''Phouang (พวง) = groupe, Tchagn (ช่าง) = artisan  et Saï (ซ้าย) = gauche - Khwa (ขวา) = droite.

Rappel : En ces temps là, les rois n'avaient pas d'armée proprement dite. Les armées se constituaient selon les besoins du moment et avec les hommes des environs qui n'avaient pratiquement aucune préparation militaire et maniaient beaucoup mieux les outils que les armes.

 

 

    

 

 

Photo 1 : Phra Chakkhavan ou Phaya Prab Chakkrawan (พญาปราขจักรงาล).

Photo 2 : La cour des éléphants, à gauche le sanctuaire de Phra Chakkhavan et à droite celui de Phaya Muang Man Muang Yak.

Photo 3 : Phaya Muang Man Muang Yak (พญายัเมืองมานเมือง).

Nota bene : Chacun d'eux a eu droit en offrande à une tige de canne à sucre. Tous les jours ils ont des offrandes.  

 

 

La suite en … deuxième partie.

 



25/07/2013
2 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 296 autres membres