C - SIROJ PHUANGBUBPHA
SIROJ PHUANGBUBPHA (สิโรจน์ พวงบุบผา)
(Prononcer : Sirot’ Pouang-Boub’-Pa)
Adresse : 152/40 Lanceo Crib, Salakang sub-district,
Bang Krui district, Nonthaburi 11130
Tél : 089 241 4761
E-mail : siroj60@gmail.com
Lorsque mes pas me conduisent à Bangkok j’essaie toujours d’aller ‘’glisser‘’ un œil du côté de la galerie de la reine (The Queen’s Gallery) au bout, ou au début, de l’avenue Ratchadamnoen Klang (ราชดำเนินกลาง). Il y a en cet endroit, moult artistes thaïlandais à découvrir.
Cette année, je n’ai pas été déçu du voyage. Pourtant l’exposition en cours, située au premier étage, hormis quelques toiles qui ont attiré mon attention et qui la méritaient, n’a pas été à l’origine d’une grande et véritable émotion.
L’exposition en cours s’intitulait : The 4th Asia Plus Art Exibition. C’était la résultante d’un 4ème concours de peinture (ประกวดจิตรกรรมเอเซีย พลัส ครั้งที่ 4 ภายใต้แนวคิด) dont le thème était ‘’Mouvements de lumières et de couleurs‘’ (ลีลาแสงและสี)
Photo 1 : L’œuvre primée, une toile de 200 x 150 cm s’intitulait ‘’Mara n° 11‘’ (มารผจญ) (Mara pha·djon) (Affronter Mara –le mal-). Elle était signée de M. Sitthivut Yawichaï (สิทธิวุธ ยาวิชัย) un étudiant de l’université de Silpakorn de Bangkok.
(Montant du prix : 150.000 Bahts.)
Photo 2 : 5ème Prix, une toile de intitulée ‘’Maison‘’ (บ้าน) qui était signée par Mlle Saonodiana Bilign (นาง สาวนอเดียนา บีฮิง) une étudiante de la Faculté des Beaux Arts du Prince de Songkla – Université de Pattany.
Photo 3 : Œuvre n° 60 intitulée ‘’Portrait de femme‘’, une toile de 150 x 200 de Nang Sao Nurun Friradao dign (น.ส. นูรุลฟิรดาวส์ ดิง) de l’université de Songklanakarin – Pattany.
Heureusement, la curiosité et moi ne font qu’un. De ce fait, au lieu d’aller directement du premier au troisième étage voir à l’œuvre quelques jeunes artistes stagiaires venus des différents horizons thaïlandais, je me suis arrêté sur le palier du deuxième étage car … dans la salle d’exposition attenante, alors fermée au public, il y avait une atmosphère … des grands jours. Un accrochage était en cours !...
J’ai risqué un pas dans la salle, et la première toile qui tomba sous mes yeux eut le don de me séduire. Alors, me faisant le plus petit possible, j’ai cherché à en voir une deuxième, puis une troisième quand un jeune garçon, une toile à la main et le sourire aux lèvres, s’approcha de moi. A ma grande surprise, au lieu de me prier de faire demi-tour, celui-ci m’invita à poursuivre ma visite.
Sans me faire répéter la proposition, j’ai sorti mon appareil photos et … j’ai … le plaisir aidant, matraqué à tour de bras chacune des toiles pour ne rien rater et avoir quelques clichés à présenter.
Ce fut un vrai plaisir, tant pour la vue que pour l’esprit. Car chaque toile est comme une encyclopédie de l’enluminure religieuse bouddhique des temps présents. Autrement écrit, du Jérôme Bosch dans un style siamois d’aujourd’hui.
Avec ces œuvres l’imagerie bouddhique, tout en restant fidèle aux textes d’origine, a trouvé un style qui lui sied comme un gant. Les peintures du passé laissent place à des compositions modernes qui s’inscrivent parfaitement dans une continuité traditionnelle mais … résolument contemporaine.
Les premières toiles de l’exposition ‘’Contemporary laithong painting 2014‘’:
‘’La laithong peinture contemporaine de 2014 ‘’.
Photo 1 : ‘’Garuda‘’ (ครุฑ - Khrut) (toile de 120 x 100 cm)
Guruda est un oiseau mythique mi-aigle et mi-homme. Il est le vāhana (monture) du dieu Vishnu, Narai en Thaïlande. C’est aussi l’un des emblèmes de la Thaïlande.
Photo 2 : ‘’L’Himaphan géométrique (หิมพานต์ เรขาคณิต) (toile de 90 x 160 cm)
L’Himaphan (prononcer Himapane) est un lieu extraordinaire de la cosmologie bouddhique se nichant, d’après la tradition, quelque part sur les flans de l’Himalaya.
Le mot ‘’géométrique‘’ a été donné du fait de l’aire en forme de losange dans laquelle a été peinte l’Hymaphan.
Photo 3 : ‘’Dawadugn 3‘’ (ดาวดึงส์ ๓) (toile de 120 x 100 cm)
Le Dawadugn est le nom d’un des nombreux paradis bouddhiques.
Pour en revenir au jeune homme, un tantinet timide et très réservé venu me voir, j’ai découvert par la suite qu’il était l’auteur des toiles en question. Alors j’ai voulu en savoir un peu plus à son sujet.
Ce jeune peintre, Siroj Phuangbubpha (สิโรจน์ พวงบุบผา) est né le 3 Janvier 1984 ou 2527 (année bouddhique) dans un village du centre de la Thaïlande, situé au nord d’Ayutthaya. Ce qui signifie qu’aujourd’hui, en 2014, il est âgé de trente ans.
Après une scolarité passée dans l’école de son village, à 15 ans, il entre au collège de ‘’Sawaengha Wittayakhom School‘’ (โรงเรียนแสวงหาวิทยาคม) ; une école secondaire professionnelle de sa région.
En cet établissement, il va montrer une aptitude pour les arts en général et la peinture en particulier, ce qui va le conduire, après un cycle d’étude de 3 ans (1999-2002) à entrer au collège des beaux arts de Suphanburi (วิทยาลัยช่างศิลปสุพรรณบุรี – collège of fine arts), la grande ville voisine, en 2002.
Aux Beaux Arts de Sunphanburi, entre 2002 et 2005, il commence sa collection de prix et de distinctions. Jugez-en plutôt :
- 1er prix de peinture traditionnelle Thaïe.
- 1er prix d’architecture Thaïe
- 2ème prix de dessin
- 1er prix de sculpture
Et, comme pour couronner ce panel de récompenses il a été sélectionné par la Sté ‘’Kanoksin export import co ltd‘’ pour illustrer leur calendrier 2006 dont le thème était … la biographie de Bouddha.
Avec un tel palmarès il ne pouvait être qu’admis à la grande université de Silpakorn, l’université des beaux arts de Bangkok (2005-2010).
C’est dans ce prestigieux établissement, qu’il obtiendra :
- Le B.F.A (Baccalauréat Fine Art) - (Peinture)
- Le M.F.A (Master Fine Art) - (Peinture) (*)
Les deux diplômes dont rêvent tous les artistes peintres en herbe.
(*) La thèse de Siroj Phuangbubpha, dont les directeurs ont été les artistes peintres M. Chalood Nimsamer (ชลูด นิ่มเสมอ) (1929) et M. Thongchai Srisukprasert (ธงชัย ศรีสุขประเสริฐ) (1963) originaire de Chiang-Mai pour ce dernier, a eu pour sujet : ‘’La laithong peinture contemporaine‘’. (จิตรกรรมลายทองร่วมสมัย - Contemporary ‘’laithong‘’ Painting), comme le nom de l’exposition présentée dans la présente chronique. Siroj Phuangbubpha a de la suite dans les idées.
Nota bene : De fait, il suffit de lire cette thèse pour comprendre la démarche artistique et intellectuelle de Siroj Phuangbubpha et découvrir ce qu’il appelle la laithong peinture contemporaine dont il se réclame.
Il apparaît alors comme un garçon persévérant qui durant ses études, et peut-être même bien avant, n’avait qu’une idée en tête, ‘’faire‘’ de la peinture ‘’laithong‘’, sa spécificité et, vraisemblablement, redonner une actualité et une modernité à cette peinture faite d’ors, qui en tant qu’art traditionnel avait tendance à … ronronner ?!...
La suite des toiles de l’exposition ‘’Contemporary laithong painting 2014‘’:
‘’La laithong peinture contemporaine de 2014 ‘’.
Photo 1 : ‘’Le monde, ou domaine de Bouddha‘’ (พุทธภูมิ) (toile de 170 x 130 cm)
Photo 2 : ‘’L’Himaphan n° 5‘’ (หิมพานต์ ๕) (toile de 120 x 100 cm)
L’Himaphan est un lieu extraordinaire de la cosmologie bouddhique se nichant, d’après la tradition, quelque part sur les flans de l’Himalaya. Il s’agit, avec cette toile, d’une cinquième interprétation de l’artiste de ce lieu mythique.
Photo 3 : ‘’Les trois mondes‘’ (ไตรภูมิ) (toile de 160 x 130 cm)
Dans la cosmologie bouddhique ces trois mondes, nom titre de la cosmologie, ont pour objet de permettre à tout un chacun de renaître dans certaines conditions.
Il y a le monde du désir sensuel (Kāmabhūmi - กามภูมิ), celui de la forme (Rūpabhūmi - รูปภูมิ) et le monde sans forme (Arūpabhūmi - อรูปภูมิ).
Ces mondes sont peuplés d’êtres extraordinaires dont : quatre lions royaux, dix éléphants précieux et sept grands poissons pour ne citer que ceux-là, car il y en a beaucoup d’autres.
Sont représentés ici les quatre derniers poissons d’un épisode. Ces derniers mesureraient plus de 1.000 yojana et seraient d’une puissance extraordinaire. Il y a : Ānanda, Timinda, Ajjhāroha et Mahātimi.
Dès 2005, alors dans la cour des grands, il participe à de nombreuses compétitions picturales, comme le ‘’28ème Bualuang‘’ (*) en 2006.
Cette même année il se présente à un concours créé à l’occasion du 100ème anniversaire du ‘’Sanam Chandra Palace‘’ (พระราชวังสนามจันทร์) de Nakhon Pathom ; un palais commandé par le roi Chulalongkhorn (Rama V) et devenu l’une des résidences de son fils, le roi Vajiravudh (Rama VI). Un prix spécial lui sera décerné.
En 2007, il emportera le 1er prix du ‘’29ème Bualuang‘’ et réitéra ce ‘’fait d’armes‘’ en 2009 et 2010 lors des 31ème et 32ème éditions. En 2008 il n’obtiendra que … le 2ème prix ?!... Un beau quarté malgré tout … non ?!...
C’est aussi en 2006 qu’il est sélectionné pour réaliser quelques unes des peintures murales de l’aéroport de Suvarnabhumi de Bangkok et de la banque nationale de Thaïlande.
Malgré un emploi du temps bien chargé, Siroj Phuangbubpha met à profit son temps libre pour créer les premières toiles qui vont constituer la collection de cette exposition 2014.
(*) Le ‘’bualuang‘’ (บัวหลวง) pourrait se traduire par le ‘’Lotus prestigieux‘’. Cette compétition du ‘’Lotus prestigieux‘’ a été créée par une des fondations de la ‘’Bangkok Bank‘’.
La banque récompense les œuvres primées par un prix et en échange intègre ces toiles à sa collection. (Il est rare qu’une banque ne récupère pas d’une main ce qu’elle donne de l’autre ?!... et … en réalisant de belles plus-values, car ces œuvres ne peuvent que prendre de la valeur au fil des ans !...)
En 2007 133 artistes avaient été sélectionnés et 78 toiles présélectionnées. Le 1er prix se montait à 200.000 bahts (environ 5.000 €) et comportait un voyage d’étude de deux semaines en Allemagne se clôturant par une exposition internationale d’art contemporain en Italie.
A l’’occasion du 84ème anniversaire du roi Rama IX (5 décembre 2011) un grand concours de peinture fut organisé. Tout un chacun pouvait y participer en rejoignant un groupe d’âges, par exemple les 9 – 13 ans.
Le grand gagnant, de la grande catégorie fut, là encore, Siroj Phuangbubpha.
Il présenta une toile de 170 x 170 cm, usant de la peinture or, ou plus précisément de la peinture ‘’Laithong‘’.
Ce tableau portait le titre de : ‘’Phrohm Viharn Dharma 1‘’ (พรหมวิหารธรรม ๑) ce qui pourrait se traduire par : ‘’Sublime garant des préceptes ou de la doctrine n° 1‘’.
Nota bene : Ces trois photos de presse ont été prisent sur le net. (Aucun nom d’auteur ne figurait !... alors il m’est difficile d’en mentionner un !...).
Qu’est-ce que la … ‘’Laithong painting‘’ ?...
De toute évidence, dans l’art traditionnel de la laque noir et or, Siroj Phuangbubpha a voulu se démarquer de ses prédécesseurs. Pour cela il a appelé son art et sa technique ‘’Laithong painting‘’ et non ‘’Lai-rot-nam‘’ (ลายรดนำ) comme il était d’usage.
‘’Lairotnam‘’ se traduit par laque noir et or, mais l’expression se constitue de deux mots dont l’un signifie dessin (lai - ลาย) et l’autre arrosé (rotnam - รดนำ). Dans le cas présent le mot arrosé recouvre un sens religieux, c’est lui qui sert à désigner une cérémonie d’aspersion. De fait, ces dessins ‘’arrosés‘’ décoraient alors les meubles où se rangeaient les livres saints du bouddhisme, le tripitaka ou les trois corbeilles … les trois mondes.
Pour mieux percer les intentions de l’artiste concernant cette appellation particulière et nouvelle, examinons plus en détail le mot ‘’laithong‘’.
Le mot de ‘’Laithong‘’ (ลายทอง) est une association de deux mots thaïs traduit phonétiquement et non littéralement, en anglais.
Le premier ‘’lai‘’ (ลาย) signifie : dessin, motif, raie et rayure ; et le second ‘’thong‘’ (ทอง) or.
L’artiste met donc l’accent sur le dessin de couleur or, mais aux ors multiples et variés. Il ne s’agit donc plus de remplir, avec une couleur or uniforme, différents espaces, mais d’utiliser les différentes nuances d’ors pour créer des univers particuliers.
Dans un cas l’or participe à une œuvre statique et pourrait être remplacé par une autre couleur sans mettre en cause les dessins, alors que dans le cas de l’œuvre de Siroj Phuangbubpha, les ors sont primordiaux car ils donnent vie à l’œuvre. Sans eux il n’y a plus d’œuvre.
A noter que les créations de l’artiste ne servent pas à décorer ou orner les meubles du culte, (Il en décore quand même) mais à transposer sur toile certains épisodes de la cosmologie bouddhique. On ne sort pas du religieux et du sacré, c’est-à-dire … de la tradition. Une tradition qui connaît avec Siroj Phuangbubpha un ‘’sacré‘’ renouveau.
Pour être plus complet, il faut savoir que le mot anglais ‘’Painting‘’ signifie peinture, mais aussi décoration, ornementation voire ‘’gouachage‘’ et badigeonnage. Ce n’est donc pas par hasard si Siroj Phuangbubpha se réfère à ce mot d’autant que sa technique diffère de celle de ses aînés mais … il serait trop long de l’expliquer dans cette chronique et surtout, j’en suis incapable.
Toujours est-il qu’au moyen de cette technique Siroj Phuangbubpha a créé un certain nombre d’œuvres qu’il présente à l’occasion d’une exposition intitulée : ‘’COMTEMPORARY LAITHONG PAINTING 2014‘’ une exposition solo, la deuxième du genre puisqu’en 2010 il exposa sur le même thème au musée de la banque thaïe, la ‘’Bangkok bank‘’.
2 exemples de ‘’Lairotnam‘’ (laque noir et or)
Photo 1 : Un meuble bibliothèque, un parmi tant d’autres.
Photo 2 : Une toile prise au Wat Chet Yod de Chiang-Mai.
C’est vraiment du noir et or sans vie, point.
2 exemples de ‘’Laithong painting‘’ (laithong peinture)
2 œuvres de Siroj Phuangbubpha (สิโรจน์ พวงบุบผา)
Photo 3 : Un meuble bibliothèque de 130 x 80 x 50 cm.
(Nota bene : l’éclairage a ‘’tué‘’ les couleurs c’est pourquoi vient la photo suivante.)
Photo 4 : La façade d’un meuble bibliothèque de 130 x 80 x 50 cm photographiée dans de bonnes conditions par le service photographique de Siroj.
Les ors donnent vie à l’œuvre, sans eux l’œuvre deviendrait tout autre.
L’exposition ‘’COMTEMPORARY LAITHONG PAINTING 2014‘’
Cette exposition se compose d’une quarantaine d’œuvres, réalisées entre 2005 et 2014 ; Les plus anciennes, peintes entre 2005 et 2007, forment le 1er volet de cette collection. Elles ‘’illustrent‘’ certains épisodes de la cosmologie bouddhique contenus dans les ‘’trois mondes‘’ ou ‘’Traibhūmi Brah R’van‘’ (ไตรภูมิพระร่วง) rédigé par le futur roi de Sukhothai Lidaiya ou Phaya Lithai (พญาลิไท) en 1345.
Les autres toiles, celles du 2ème volet, créées entre 2008 et 2014, sont des œuvres où l’imaginaire de l’artiste se focalise sur un sujet bien précis pour transmettre le message bouddhique.
Dans les deux cas, chacune des créations de Siroj Phuangbubpha (สิโรจน์ พวงบุบผา) allie avec bonheur le naturel et le surnaturel. Il fait même du naturel, c’est-à-dire des arbres, des rochers et autres éléments de la nature des sujets fantastiques.
Ces créations aux formes surprenantes ont pour objet de capter l’attention du … ‘’regardant‘’ et d’autant plus, qu’elles sont peuplées de personnages tout aussi extraordinaires sortis de la tradition, mais aussi d’une espèce de fonds culturel commun à quelques civilisations, un fonds sur lequel nous reviendrons.
Photo 1 : ‘’Jambudvipa n°1‘’ (ชมพูทวีป) (toile de 170 x 130 cm)
Dans la cosmologie bouddhique des ‘’Trois mondes‘’ le mont Meru est entouré de quatre îles-continents. La nôtre, notre terre, celle ou naissent les bouddhas, les saints, les bodhisattvas tire son nom de l’arbre qui s’élève en son centre : le Jambu, (Jambousier) d’où … Jambudvipa.
Notre terre ou Jambudvipa est située au Sud du mont Méru, et les trois autres îles-continents, le Pubbavideha à l’Est, l’Uttarakuru au Nord, et l’Aparagoyāna à l’Ouest.
Autrefois, le Jambudvipa était le nom de la région Indienne où est né le Bouddha.
Photo 2 : ‘’Maiden tree n°2 ‘’ (นารีพล ๒) (toile de 160 x 120 cm)
Photo 3 : ‘’Maiden tree n°4 ‘’ (นารีพล ๔) (toile de 150 x 120 cm)
Dans la cosmologie bouddhique, ‘’Les Trois mondes‘’, il est écrit que le ‘’Jambudvipa‘’ est habité ou couvert pour un tiers par les hommes, et pour les deux tiers restants, les eaux et les forêts.
Dans les forêts de l’Himaphan ou Himavanta, lieux de délices, s’étend une immense parcelle de ‘’nārīphala‘’ ou ‘’nārīphon‘’ (นารีพล). Les fruits de ces arbres les nārīphon ne sont rien d’autres que des jouvencelles irrésistibles qui font chavirer le cœur du premier homme venu, lequel doit résister à la tentation.
Lorsque ces fruits merveilleux se détachent de leur arbre, des nuées d’oiseaux viennent les dévorer.
Nota bene : Siroj Phuangbubpha a traduit ‘’Nariphon‘’ par ‘’Maiden tree‘’ c’est-à-dire ‘’arbre à jeunes filles.‘’ Georges Cœdès et Charles Archaimbault, traducteurs des trois mondes appellent ces arbres Nārīphala.
Photo 1 & 2: Détails de la toile Mainden tree n° 2 (นารีพล ๒) (Nariphon n° 2)
Photos 3 : Détails de la toile Mainden tree n° 4 (นารีพล ๔) (Nariphon n° 4)
Il est clair que, dans un cas comme dans l’autre … celui qui ne résiste pas à la tentation … va droit aux enfers.
Avec les toiles créées entre 2005 et 2007, et plus particulièrement l’arbre ‘’nārīphala‘’, c’est-à-dire l’arbre porteur de jouvencelles, Siroj Phuangbubpha (สิโรจน์ พวงบุบผา) a voulu mettre en garde son public vis-à-vis du désir sensuel et de la convoitise que peuvent susciter ces créatures de rêves. Le premier monde des trois mondes ne s’appelle-t-il pas le monde du désir sensuel ou Kāmabhūmi (กามภูมิ) ?!...
A noter que la vie de ces pucelles, elles auraient moins de 16 ans, lorsqu’elles se détachent de leur arbre, se termine par le don de leur corps, un acte plus que méritoire. Des nuées d’oiseaux se précipitent alors sur elles pour les dévorer. Le renoncement du corps dans le bouddhisme ancien était une pratique très courante.
La légende du Bodhissatva Sujāti raconte comment ce prince a nourri ses parents des lambeaux de sa chair, et comment le renoncement de son corps l’a conduit à la Bouddhéité et au trône de son pays.
Hier encore, à Bangkok, nombre de Siamois ordonnaient qu’après leur mort leur corps soit mangé par les vautours sacrés du Wat Saket. Pour des raisons sanitaires, l’incinération prendra le pas sur cette pratique très méritoire. En certains endroits du Tibet cette façon de faire perdure.
Photo 1 : ‘’Orahan‘’ (อรหัน) (toile de 100 x 120 cm) อรหัน
Les ‘’orahan‘’ ‘’Kinari‘’ sont des être mi-homme/mi-oiseau peuplant la forêt de l’Himaphan
Photos 2 et 4 : Gros plans sur deux des ‘’Orahan‘’ (อรหัน) de la toile précédente.
Photo 3 : Un bronze de 70 x 82 x 45 cm intitulé ‘’Orahan‘’ de Thongchai Srisukprasert (ธงชัย ศรีสุขประเสริฐ) qui fut l’un des deux directeurs de thèse de Siroj Phuangbubpha (สิโรจน์ พวงบุบผา).
Cet exemplaire a été photographié au Moca, le grand musée d’art contemporain de Bangkok. Il est en compagnie de 4 autres bronzes de Thongchai Srisukprasert : Kama-Tanha, les trois mondes, enchantement et un quatrième dont je n’ai pas photographié l’intitulé. Ce sont aussi des représentations d’êtres hors du commun.
Photo 1 : ‘’Les Fleurs du Parichat‘’ (ดอกปาริชาติ) (Parichat Flowers)
Une toile de 120 x 170 cm.
Le Parichat (ปาริชาติ ou ปาริฉัตร) (Pāricchattaka) est l’arbre du ciel d’Indra, le paradis du dieu Indra ou Phra Indra (พระอินทร์). Ce paradis porte le nom de Swarga (สวรรค์) ou sawankhalok, Indraloka. C’est le séjour des 33 dieux.
Le Parichat a la particularité d’exaucer les souhaits.
On trouve son nom sous différentes orthographes : Parijata, Pārikā, Pārikajāti, Pāricchattaka, pour ne citer que celles-là.
Nota Bene : le Parichat du ciel d’Indra n’a rien à voir avec l’arbre corail c’est-à-dire l’erythrina crista-galli qui est aussi appelé Parichat. Il s’agit donc d’un homonymat.
Photo 2 : Le paradis d’Indra tel qu’il est représenté dans un manuscrit datant de 1805. Au centre, sur le dos de l’éléphant Airawata, la monture du dieu Indra, le pavillon d’Indra. A droite l’arbre ‘’Parichat‘’ et à gauche la Chédi Phra Chula Mani (เจดีย์พระจุฬามณี) (Cūlāmanicetiya) contenant deux dents de Bouddha. (Le Chédi du Wat Ket Karam à Chiang-Mai porte ce nom. C’est un des 12 grands chédis du Lanna)
Cette gravure est extraite du Livre ‘’Thaï art et Culture‘’ de Henry Ginsburg ; quant au manuscrit il se trouve à la Chester Beatty Librairy de Dublin.
Photo 3 : Le lac Anotatta (สระอโนดาต) (Arnodard Pond) (toile de 200 x 150 cm)
Le lac Anotatta ou Anodat est l’un des sept grands lacs de l’Himavanta, qui tous ont les mêmes dimensions. Le lac Anotatta est entouré de cinq montagnes, le mont Sudassanakūta (สุทัสสนกูฏ), tout en or, Citrakūta (จิตรกูฎ), de couleur bleue, Kālakūta (กาฬกูฎ), tout en cristal de roche, Gandhamādanakūta (คันธมาทนกูฏ), constituée d’émeraudes, et Kailāsakūta (ไกรลาสกูฏ), tout en argent.
Le flanc des montagnes qui font face à un point cardinal ressemble à un animal : une vache, un lion, un cheval et un éléphant. Ces animaux symbolisent le samsāra c’est-à-dire le cycle des existences et aussi les quatre dangers de la vie. Leur tête est orientée suivant la course du soleil.
La vache d’argent, à l’Est, correspond à la naissance, de sa gueule coule le fleuve Gangā (Gange).
Le lion de cristal, au Sud, représente la vieillesse, de sa gueule coule l’Indus.
Le cheval de diamant, à l’Ouest, symbolise la maladie, de sa gueule coule l’Oxus.
L’éléphant d’or, au Nord, figure la mort, de sa gueule coule le Tarim, ou Jaxart ?!... Ces fleuves ont pour ‘’mission‘’ symbolique de faire connaître, ou d’emporter, le dharma (Enseignement de Bouddha) vers les mondes les plus lointains.
Nota bene : Selon les traductions des textes sacrés les noms de fleuves changent, ainsi que l’ordre des animaux. Je me suis surtout tenu à la traduction de Georges Cœdès et Charles Archaimbault (1973) et à une certaine logique par rapport à d’autres textes.
Photo 1 : Sur cet ancien document, dont je n’ai pas trouvé l’origine, j’ai numéroté en rouge les 7 lacs. Le lac Anodat porte le n° 3.
L’aire du lac n° 1 est celui de l’éléphant (แดนช้าง - หัตถีมุข) (pays de l’éléphant Hatthimouk) – l’aire du lac n° 2 est celui de la vache (แดนโค - อุสภมุข) (pays de la vache Usaphamouk) – l’aire des lacs 5 & 7 est celui roi-lion (แดราชสิห์ - สีหมุข) (pays du rajasiha Sihamouk) - l’aire des lacs 4 & 6 est celui du cheval (แดนม้า - อัสสมุข) (pays du cheval Atsamouk).
On voit que le pays de la vache est aussi l’embarcadère où viennent se baigner les reusi-s (ฤาษี) et ascètes ainsi que ceux qui possèdent la science ou des pouvoirs magiques (วิทยาธร) car l’eau de ce lac a de multiples fonctions sortant de l’ordinaire ; de ce fait c’est en cet endroit que viennent se baigner les dieux et déesses … entre autres baigneurs.
Photos 2 & 4 : Deux détails, celui de la vache et du cheval, de l’œuvre de Siroj Phuangbubpha (สิโรจน์ พวงบุบผา).
Photo 3 : Une ancienne représentation du lac Anodat. Seule la vache est à son bon emplacement.
La deuxième partie de l’exposition a pour thème la forêt de L’Himaphan ou Himavanta. Cette forêt se situerait, d’après les légendes, au pied de l’Himalaya, c’est-à-dire au sud-ouest du Chomputaweep (ชมพูทวีป) un vaste continent que beaucoup identifie à l’Inde.
A l’origine des temps, lorsque les hommes dominaient leurs pulsions, ils pouvaient accéder à cette forêt extraordinaire qui faisait la jonction entre le Chomputaweep et le centre de l’univers, c’est-à-dire le Mont Meru ; ce qui signifie que les hommes pouvaient librement aller d’un plan céleste à un autre. De ce fait, cette voie … ‘’sacrée‘’ fut symboliquement assimilée à la voie préconisée par Bouddha.
Aujourd’hui les hommes ont perdu leur innocence d’antan alors ils ont perdu la faculté de voir, et à plus forte raison celle d’aller et venir dans cette forêt, devenue invisible au genre humain.
Dans cette forêt extraordinaire vivent des créatures tout aussi extraordinaires au point qu’un être humain vivant en son sein, a peut-être l’apparence d’un homme mais il est … tout … sauf un homme … au sens ou nous l’entendons.
Dans cette forêt chaque créature peut s’accoupler avec qui bon lui semble et ainsi être à l’origine de nouvelles espèces.
Bref cette forêt est si fabuleuse que Siroj Phuangbubpha (สิโรจน์ พวงบุบผา) lui a consacré un heptaptyque de plus de 6 mètres de long, qu’il a intitulé le royaume de l’Himaphan, tout un programme !...
Le royaume de l’Himaphan (อาณาจักรหิมพาน) (Himmaphan Kingdom) un heptaptyque de 630 x 200 cm
Comme l’auteur des trois mondes ou ‘’Traibhūmi Brah R’van‘’ (ไตรภูมิพระร่วง), Siroj Phuangbubpha (สิโรจน์ พวงบุบผา) en créant chacune de ses œuvres a cherché a inciter son ‘’regardant‘’ à mener une vie conforme à l’idéal bouddhique.
Un bouddhiste se doit de respecter la ‘’loi‘’ (Les 7 préceptes), et à s’engager à faire de bonnes œuvres. Ces observances lui éviteront une descente aux enfers (Les jouvencelles-fleurs) ; par ailleurs il doit aussi être l’auteur de gestes ou d’actions qui sont productives de mérites afin de renaître dans de bonnes conditions. Les hommes qui n’accomplissent pas d’actes méritoires sont voués aux enfers.
Outre ces principes généraux, au moyen ‘’d’écussons‘’ dédiés aux œuvres de nombreux d’artistes d’occident comme d’Asie, Siroj Phuangbubpha a voulu mettre en évidence l’omniscience de Bouddha et signifier que tout remonte à Bouddha.
Quelques toiles ayant pour thème l’Himmaphan :
Photo 1 : ‘’Himaphan 2‘’ (หิมพานต์ ๒) (toile de 200 x 150 cm)
Photo 2 : ‘’Himaphan 4‘’ (หิมพานต์ ๒) (toile de 180 x 140 cm)
Photo 3 : ‘’Himaphan 5‘’ (หิมพานต์ ๔) (toile de 120 x 100 cm)
Photo 1 : ‘’Les racines du ‘’nārīphala‘’ ou ‘’nārīphon‘’ (นารีพล). (รากนารีผล ๑) (Roots Maidentree 1) (toile de 160 x 180 cm)
Dans cette toile les jouvencelles ne sont plus suspendues aux branches du ‘’nārīphala‘’ mais parmi les racines de l’arbre, et enlacées par des êtres au corps vipérin et à tête humaine.
Photo 2 : ‘’Forêt d’imagination‘’ (จินตนาการจากป่า) (Forest for immagination) (toile de 180 x 180 cm). En fait, la forêt se réduit à un arbre. Je dirai même à un ‘’nārīphala‘’, un arbre dont les fruits sont de charmantes jouvencelles.
Photo 3 : ‘’Dimension mondiale‘’ (มิติระหว่างโลก ๓) (Global dimension 3) (toile de 130 x 170 cm) Le monde est partagé entre Bouddha dont le pavillon domine et le Christ dont Saint Pierre de Rome, qui fait face au pavillon bouddhique se retrouve tête bêche. Chacun des demi-mondes est côtoyé par l’un des sept grands poissons royaux qui mesurent quatre millions de toises.
Chacune des œuvres de Siroj Phuangbubpha a le don d’accrocher l’œil du visiteur. La technique employée, (Laithong painting), les circonvolutions en tout genre qui tout en affirmant le caractère extraordinaire de la chose peinte définissent aussi le style de l’artiste, et, la foi de ce dernier sont autant de paramètres qui plaident en faveur de l’émotion ressentie face à chacune de ses toiles.
Outre cette émotion, il y a aussi l’éveil de la curiosité intellectuelle, à savoir découvrir ce qu’est la cosmologie bouddhique, et ce que sont tous les petits médaillons se rapportant à une œuvre artistique ou un artiste. De ce fait, chaque tableau a un côté ludique ; mais le jeu ramène inconsciemment le joueur à la cosmologie bouddhique. Car tout a un sens, rien n’est peint au hasard.
Photo 1 : ‘’Jambudvipa n°2‘’ (ชมพูทวีป) (toile de 100 x 120 cm)
Le Jambudvipa dans la cosmologie bouddhique est notre monde, plus exactement … l’Inde.
Cette toile est parfaite pour mettre en évidence les différents ‘’médaillons‘’ que Siroj Phuangbubpha y a placés.
Quelques uns des médaillons
Photo 2 : ‘’Les cavaliers‘’ de Chalerm Nakhiraks (เฉลิม นาคีรักษ์) (1917-2002), le médaillon situé en haut et à gauche de la toile. (Collection du musée d’art contemporain de Bangkok – Le MOCA)
Photo 3 : Le peintre Chalermchai Kositpipat (เฉลิมชัย โฆษิตพิพัฒน์) (1955) (cliché du 9 juin 2014). Le médaillon est sur la droite. C’est le portrait encadré.
Photo 4 : Le Wat Rong Khun (วัดร่องขุ่น) ou temple blanc. L’œuvre de Chalermchai Kositpipat est, elle aussi pleine de symboles.
Ici, dans le bas, les enfers et la voie qui conduit au saint des saints … un temple bien plus blanc que blanc puisqu’il est immaculé et d’une blancheur éblouissante.
Autrement écrit, Siroj Phuangbubpha (สิโรจน์ พวงบุบผา) ne choisit pas le sujet de ses médaillons au hasard mais en conformité avec le message qu’il veut faire passer.
Pour ceux que cela intéresse, suivent les œuvres d’artistes Thaïlandais que Siroj Phuangbubpha semble affectionner particulièrement. Il y en a bien d’autres mais celles-là figurent le plus souvent dans la plupart de ses toiles.
Photo 1 : ‘’La penseuse‘’ (คิด) (Thing) (1955) un bronze de 75 x 72 cm de Chalood Nimsamer (ชลูด นิ่มเสมอ) (1929). Cette œuvre a obtenu la médaille d’argent à la 6ème exposition d’Art de 1955. (Collection du musée Silpa Bhirasi)
Chalood Nimsamer fut l’un des deux directeurs de thèse de Siroj Phuangbubpha.
Photo 2 : ‘’Ramana‘’ (รำมะนา) (1950) un acajou sculpté de 47 cm de Chit Rienpracha (ชิต เหรียญประชา) (1908-1994) Cette œuvre a obtenu la médaille d’or à la 2ème exposition d’Art de 1950.
Photo 3 : ‘’Danse‘’ (รำวง) (Rythm) (1956) un bronze de 50 x 50 x 120 cm de Khien Yimsiri (เขียน ยิ้มศิริ) (1922-1971)
Photo 4 : ‘’Siam pays du sourire‘’ (ดินแดนแห่งความยิ้มแย้ม) (Land of Smile) un bronze de 70 x 37 cm de Khien Yimsiri (เขียน ยิ้มศิริ) (1922-1971) (Collection du musée Silpa Bhirasi)
Outre ces œuvres typiquement thaïlandaises il y a aussi des toiles signées d’artistes Occidentaux comme La dame à l’hermine, la Joconde et l’homme de Vitruve de Léonard de Vinci, La création d’Adam et David de Michel Ange, La naissance de Vénus de Botticelli, la Vénus au miroir de Velasquez le déjeuner sur l’herbe de Manet, Bonaparte franchissant le grand Saint Bernard de David sans oublier les … Batman et superman que notre époque a engendrés.
Je ne serai pas complet sur cette exposition si je ne disais pas quelques mots sur les tableaux concernant le roi. La plupart des expositions, pour ne pas écrire toutes, rendent un hommage au souverain Thaïlandais Rama IX. Siroj Phuangbubpha (สิโรจน์ พวงบุบผา) n’échappe pas à la … ‘’coutume‘’ et la suit selon sa technique et son esprit. Examinons deux de ses toiles façon ‘’laithong painting‘’.
Photo 1 : ‘’Le sublime protecteur de la loi bouddhique n°2‘’ (พร้หมวิหารธรรม ๒) (Prohmvihan-dharm 2). Cette toile est pleine de symboles, dont beaucoup se retrouvent sur la photo suivante.
Photo 2 : Un des emblèmes officiels concernant le roi Rama IX. Celui-ci à été créé par Monsieur Siri Nudang (ศิริ หนูแดง) qui remporta le 1er prix (400.000 bahts – environ 10.000 €) d’un concours organisé pour célébrer le 7ème cycle de vie du roi Rama IX. (*)
(*) Un cycle est égal à 12 ans – les 12 signes dit du zodiac chinois – c’est-à-dire 12 ans x 7 cycles = 84 ans le 5 décembre 2011).
Photo 3 : ‘’Le roi de Thaïlande‘’ (ในหลวง) (King).
Cette toile n’est pas sans rappeler le très court métrage consacrer au roi Rama IX qui précède chaque séance cinématographique en Thaïlande. Comme ce film, c’est une mise en images des actes méritoires du roi. On le voit parcourir les campagnes cartes à la main pour l’édification de projets divers, jouer d’un instrument à vent, prendre des photos, être au côté de la reine, recevoir les hommages de ses sujets etc. … etc. … Bref, Rama IX règne selon le dharma, c’est le dharmaraja, de ce fait il se soucie du bien-être de ses sujets ; et ces images renforcent cet aspect de la royauté Thaïlandaise. Un roi dont les mérites ont fait qu’il est roi, et qui conformément au dharma est soucieux du sort de ses sujets les plus humbles.
Quelques commentaires sur la première toile :
Pour bien comprendre le contenu de cette toile il faut savoir que Rama Ier, le fondateur de la dynastie des Chakri et l’ancêtre du roi Rama IX, se disait la réincarnation d’un avatar de Vishnu, Nārāyana, Naraï en Thaïlande. De ce fait il a pris pour symbole l’une des quatre armes de Vishnu, l’arme la plus puissante et la plus terrible de la mythologie hindoue, le ‘’chakra Sudarsana‘’, dont notre bombe atomique ne serait qu’un ersatz. [Les trois autres armes de Vishnu sont la shankha (conque), la gada (masse) et le padma (lotus)].
Le ‘’chakra Sudarsana‘’ a la propriété de prendre forme humaine, au point d’avoir donné naissance au dieu ‘’Sudarshana‘’, mais c’est en tant qu’arme objet qu’elle a été adoptée par le fondateur de la dynastie Chakri et … ses successeurs ; cet objet se présente sous l’aspect d’un ‘’chakra‘’ quelque peu ovalisé. Cette ‘’ovalisation‘’ prend tout son sens quand on analyse le nom de ‘’Sudarshana‘’.
‘’Sudarshana‘’ se compose de deux mots sanscrits, le premier ‘’Su‘’ qui signifie ‘’divin/bon augure‘’ et le second ‘’darshana‘’ qui veut dire ‘’vue/vision‘’. Le ‘’Chakra sudarsana‘’ serait alors comme un œil sur le monde veillant à son bon ordre. De ce fait, comme Vishnu le roi Rama IX serait omniscient.
Siroj Phuangbubpha, au moyen d’un trait noir, a représenté ce ‘’Chakra sudarsana‘’ sous forme d’un ovale contenant un cercle. L’association de ces deux figures géométriques fait penser d’emblée à la schématisation d’un œil. C.Q.F.D.
A l’intérieur du cercle ou de l’iris, figure le monogramme royal, composé de 3 lettres : ‘’ภ‘’ (Ph), ‘’ป‘’ (P) et ‘’ร‘’ (R) (Pho Po Ror), ce qui signifie littéralement : Bhumidol Adulyadej (ภ) Paramarajadhiraja (ป) suivi du symbole ร. (ภูมิพล อดุลยเดช ปรมราชาธิราช ร). (*)
Le roi ou chakravartin est au milieu de son peuple et œuvre selon la doctrine pour son bien être, la preuve !...
1/ A l’intérieur du ‘’ภ‘’ (Ph) il y a quatre images du roi portant l’habit safran (moine). Ce sont grâce à ses mérites que le roi a été porté sur le trône ; et en bon roi bouddhiste il exerce ses fonctions conformément au dharma. De ce fait il est digne de sa fonction et chacun doit le respecter. A noter que les aspects de la ‘’spiritualité‘’ passe avant ceux de la matérialité.
2/ A l’intérieur du ‘’ป‘’ (P) ce sont cinq images qui montrent combien le roi participe de près ou de loin au bien être de ses sujets.
3/ A l’intérieur du ‘’ร‘’ (r) il y a quatre scènes où le roi, en partant de l’image du bas, prend, au fur et à mesure de ces images, la stature du monarque universel. Il est celui dont le ‘’chakra Sudarsana‘’ donne tous les pouvoirs pour protéger son peuple. Là encore, c’est à bon escient que ces images ont été mise dans ce symbole dont il question plus bas.
Sur l’aire comprise entre l’intérieur de l’ovale et l’extérieur du cercle, des deva-s ont été peintes. Ce sont le symbole des forces ascendantes c’est-à-dire allant de la terre vers le ciel, dont bénéficie le roi.
Tout en bas du cercle il y a un lapin revêtu d’un habit de bon augure. Sa présence signifie que le souverain est né en 1927, une année du lapin.
Sous ce lapin de bon augure il y en a 8 autres. Chacun d’eux symbolise une décennie. Le roi est alors âgé de 80 ans.
Sur la gauche, en bas, quelques éléphants dits blancs rappellent la puissance de leur propriétaire, à savoir Rama IX. Ces pachydermes d’exception seraient la manifestation sur terre d’Airawan, l’éléphant sacré du dieu Indra.
Bref, les symboles ne manquent pas, bien au contraire, car je suis loin de les avoir tous énumérés, et à vous de chercher les autres.
(*) Avec le ‘’ภ‘’ (Ph) on devrait écrire Phumidol, en fait Phumiphon, mais la prononciation se situe entre le ‘’B‘’ et le ‘’P‘’. En Thaïlande le ‘’B‘’ l’a emporté sur le ‘’Ph‘’ mais, par exemple, Pékin s’écrit aussi Beijing ?!...
Paramarajadhiraja (ปรมราชาธิราช) signifie littéralement ‘’empereur absolu‘’ (ปรม = absolu et ราชาธิราช = empereur). Le roi de Thaïlande a aussi le titre de ‘’cakravartin‘’ c’est-à-dire de ‘’roi universel‘’.
Le ‘’ร‘’ symbolise la syllabe sacrée ‘’om‘’ que constituent les phonèmes sanskrits ‘’A. U. M.‘’. Une syllabe que l’on trouve au début et en fin de tout mantra, et qui serait le son primordial c’est-à-dire la source ou la mère de tous les sons, le terrible souffle du vajra ; un souffle ou une énergie tout à la fois créatrice, transformatrice et … destructrice.
Cette syllabe est aussi le symbole de l’enseignement du Bouddha, elle est alors assimilée au rugissement du lion, un rugissement irréfutable puisqu’il est la voie de l’ultime.
En tant que dharma-raja, ou roi dharmique, le roi règne selon le dharma, c’est-à-dire l’enseignement du Bouddha qui doit conduire tout un chacun vers le nirvana.
Nota bene : Cette syllabe sacrée (A souffle ascendant et UM souffle descendant) est symbolisée dans la plupart des temples. Souvent il s’agit de deux lions, à l’allure féroce, ou de deux Kumphans (Yaksas) situés de part et d’autre de l’entrée des temples ou des viharns. L’un, est de couleur or ou verte et se rapporte à la première moitié de la syllabe, tandis que l’autre de couleur noir ou rouge figure la deuxième partie de la syllabe.
Parfois ce sont deux dharma-raja, sculptés sur chacun des deux battants de la porte des viharns qui symbolisent cette syllabe (Un dharma-raja par battant). L’un des dharma-raja a la bouche ouverte tandis que l’autre a la bouche fermée. (Par expérience je peux écrire que ce n’est pas toujours le cas.)
Photo 2 : Siroj Phuangbubpha (สิโรจน์ พวงบุบผา)
Photo 3 : ‘’La base du mont Méru‘’ (โคนเขาพระสุเมรุ) (Mount Meru) (toile de 80 x 100 cm)
En conclusion :
Siroj Phuangbubpha (สิโรจน์ พวงบุบผา) a baptisé son exposition ‘’CONTEMPORARY LAITHONG PAINTING 2014‘’ mais à bien y réfléchir il aurait tout aussi bien pu la nommer ‘’LES TROIS MONDES DE SIROJ PHUANGBUBPHA EN LAITHONG PAINTING‘’.
En tout cas, en posant le pied dans la salle où se déroulait cet accrochage j’étais loin d’imaginer où ces toiles allaient me conduire.
D’abord mu par la curiosité, ce fut l’aspect visuel des toiles qui m’a attiré et séduit ; ensuite ce sont les formes et le contenu de ces toiles qui m’ont interpelé. Car, en ce qui me concerne, pour qu’une émotion soit complète le plaisir physique et intellectuel ne doivent faire qu’un.
De ce fait, je me suis trouvé plongé au sein de la cosmologie bouddhique. Mon seul regret, c’est qu’à cause de l’éclairage du moment, le rendu des toiles n’est pas ce qu’il devrait être. Elles sont en réalité beaucoup plus belles. Néanmoins, j’espère qu’avec ces quelques photos vous avoir intéressés à l’œuvre de Siroj Phuangbubpha (สิโรจน์ พวงบุบผา) et … pourquoi pas … à la cosmologie bouddhique des trois mondes.
Si ce n’était pas le cas, je reste persuadé que Siroj Phuangbubpha est un nom d’artiste à retenir.
Jean de la Mainate - Novembre 2014
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