MURIER A PAPIER (Le)
MÛRIER A PAPIER ou MÛRIER DE CHINE ou
BROUSSONETIA PAPYRIFERA (L)
Au Lanna : Tone-Po-sa ต้นปอสา
Connaître la petite histoire, celle des mûriers, pour mieux comprendre la grande, celle du broussonetia papyrifera.
L'une des espèces de mûriers les plus courantes en France, c'est le mûrier noir ou ''mûros nigra, Linn''. Il y en a beaucoup sur les bas côtés des chemins. Ce sont les Romains qui l'importèrent en Gaule, vers 52 av. JC.
Puis un autre type de mûrier, le mûrier blanc ou ''morus alba Linn'' plus connu sous le nom de mûrier du ver à soie, fit son entrée sur le sol français quelques siècles plus tard. C'était un mûrier qui venait de Chine.
Les Chinois furent les premiers à cultiver le mûrier et à élever le ver à soie, et cela 2.700 ans avant JC. Leurs méthodes de culture et d'élevage se répandirent en Inde, en Perse et jusqu'à Constantinople.
Sous le règne de l'empereur byzantin Justinien, (527-565) des moines vont divulguer ce type d'agriculture jusqu'en Grèce. Vers 1440 le mûrier blanc s'installe en Calabre et en Sicile. Puis il va se répandre dans le Piémont.
Le roi de France Charles VII, (1403-1422-1461) dont le nom est souvent lié à celui de Jeanne d'arc, en fera alors cultiver quelques pieds dans les environs de Marseille.
Puis viendront, l'avènement de Charles VIII, (1470-1483-1498) et les guerres d'Italie. L'élite militaire française se prendra alors d'engouement pour cet arbuste et en rapporta dans ses bagages ou … avec son butin ?!...
Le roi lui-même, en fera planter à Montélimar vers 1494.
Olivier de Serre (1539-1619)
Mais ce seront Henri IV, (1553-1589-1610) contre l'avis de Sully, et olivier de Serre qui ''lanceront'' véritablement cette culture, à Lyon, Tour, Orléans, entre autres villes, et Paris ; où seront plantés en 1601, à l'extrémité du jardin des Tuileries, entre 15.000 à
Louis XIII (1601-1610-1643) négligera ce type de culture et de manufacture. Mais Colbert, (1619-1683) relancera cet artisanat en prenant les grands moyens puisqu'il s'attaquera au droit de propriété en obligeant un certain nombre de particuliers à planter sur leurs terres des mûriers blancs au frais de l'état.
Comme par hasard, ces pieds de mûrier dépérissaient dans l'année !....
Lorsque Colbert mis la main à la bourse, en offrant un franc vingt par pied de mûrier qui subsisterait plus de trois ans, les muriers blancs, sans doute par enchantement, atteignirent alors leurs trois ans … en parfaite santé !...
Vraisemblablement pour améliorer cette culture, en 1749 un autre type de mûrier fut introduit en France, le murier à papier, ou morus papyrifera selon la classification de Linnée de l'époque.
Comme les vers à soie ne le trouvèrent pas à leur goût, l'idée germa alors de le cultiver pour en faire du fourrage à bestiaux. Mais ces morus papyrifera, tous des mâles, car l'espèce est dioïque, partagèrent le sort des plantes d'ornementation, parce que l'idée tomba à l'eau !...
Trente sept ans plus tard, en 1786, un naturaliste Français, Pierre Marie Auguste Broussonet, (1761-1807) (*) rapporta en France un individu femelle du mûrier à papier.
Il le découvrit à l'occasion d'un voyage en Angleterre, quelque part en Ecosse, et tout à fait par hasard. C'était un arbre qu'on cultivait sans savoir de quelle espèce il relevait.
(*) Broussonet s'écrit aussi Broussonnet, avec 2 ''n''.
Pour être bref, le mûrier à papier, comme cela vient d'être écrit, est une plante dioïque. Il y a un individu mâle qui engendre des fleurs mâles, et un individu femelle qui crée des fleurs femelles.
Alors que les autres mûriers sont monoïques. C'est-à-dire que les fleurs femelles et les fleurs mâles, bien que séparées les unes des autres, naissent sur un seul et même arbre.
Charles Louis L'Héritier de Brutelle, (1746-1800) un magistrat français, féru de botanique et ami de Broussonet, considéra cette différence, ainsi que quelques autres au niveau des fleurs, suffisantes pour créer, en 1799, un genre nouveau le …Broussonetia. Il l'appela ainsi en hommage à son ami Broussonet ; celui-là même qui rapporta en France l'individu femelle de l'ex morus papyrifera Linn.
Le Broussonetia papyrifera appartient à la famille des moraceae. Une famille de plus de mille quatre cents espèces et de soixante-dix genres, dont le Broussonetie ou Broussonetia, qui compte à l'heure actuelle plus d'une trentaine d'espèces à lui tout seul. (*)
(*) Broussonetia ancolana – cucullata – kaempferi (Koemferi) – Kassi – Kazinoki (Kadsinoki – kaminoki) - Kurzii (Hook.f.) – maculata – nana - navicularis – navifolia – tinctoria (aurantiaca (Khun)) – xanthoxylon – zeylanica - etc…
Le broussonetia kurzii (Hk.f.) corner ou conner (Au Lanna, Sa-let – สะแล ou Phak-salet ผักสะแล) est un murier à papier endémique du Lanna, donc de Chiang-Maï, et des régions avoisinantes. (L'Inde du nord, le pays Shan, (Nord de
Le Broussonetia papyrifera est un arbre à la croissance rapide, qui atteint huit à douze mètres de hauteur, voire une quinzaine de mètres, et qui peut vivre entre cent et cent-cinquante ans.
Il est originaire d'Asie (*) et pousse aussi bien en zone tropicale que tempérée.
(*) Chine, Corée, Japon, Taïwan, Tibet, Birmanie, et tout le Sud-est Asiatique y compris
C'est donc un arbre qui supporte le froid (- 5°). Cependant des Broussonetia papyrifera ''français'' ont survécu aux rigueurs de l'hiver 1820 ; un hiver où le thermomètre descendit, paraît-il, jusqu'à … moins 12°. (*)
(*) Ces Broussonetia français devaient être déjà d'un âge certain, car de jeunes plants n'auraient pas résisté !...
Son bois, de couleur jaune pâle est de très mauvaise qualité. Il est poreux, creux, cassant et prend mal le poli.
Autrement écrit, il est fortement déconseillé d'accrocher une balançoire à l'une de leurs branches. Il y va de la vie de la branche et … de celui qui utilisera la balançoire !...
Son écorce, fine et ligneuse, servait en Chine et au Japon à fabriquer un papier de luxe très recherché pour l'impression en taille douce.
Au neuvième siècle de notre ère les chinois s'en servir de support pour imprimer le premier papier monnaie, c'est-à-dire l'ancêtre de notre billet de banque !...
En Polynésie, où il fut introduit, à partir de ses fibres des étoffes végétales, des tapas, étaient et sont encore tissées, ainsi que des cordages.
Ses rameaux portent des poils, ce qui fait dire qu'ils sont pubescents. Lorsqu'ils sont blessés ou coupés, ils répandent un latex de couleur blanche.
Le Broussonetia papyrifera a des feuilles très particulières. Elles changent de forme au fur et à mesure que l'arbre prend de l'âge. D'abord très découpées et très lobées, elles s'ovalisent avec les ans.
Et il n'est pas rare, bien au contraire, de voir sur un même rameau des feuilles de différentes formes, surtout lorsque l'arbre est très jeune.
Le Broussonetia papyrifera se reproduit de différentes manières, semences, drageons, marcottages, boutures et par bout de racines. Lorsqu'il trouve un sol à sa convenance il risque de devenir envahissant, et un danger pour la survie des espèces avoisinantes car c'est un grand buveur !... qui ne doit penser qu'à lui !....
Comme c'est une espèce dioïque il y a donc deux types d'individus, un arbre mâle et un arbre femelle.
Chaque type d'arbre féconde une fleur différente.
L'individu mâle développe un chaton oblong, de couleur verte, constitué par les étamines. A l'extrémité de chacune d'entre elles, se trouve une anthère ou sac à pollen.
Pour qu'il y ait fécondation il faut qu'un tiers, comme le vent ou les insectes, transporte le pollen contenu dans les anthères de la fleur mâle sur les glomérules de l'arbre femelle.
L'individu femelle (le pistil) donne naissance à une inflorescence globulaire de couleur verte, les glomérules. Chacun d'eux font environ un centimètre de diamètre.
Lorsque vient la période de fécondation ce glomérule donne naissance à un fruit. Pour cela, il laisse éclore, sur toute sa surface, des ''petits tubes'' de couleur orange/rouge d'environ un centimètre de long, qui font penser à de minuscules tentacules de méduse. A l'extrémité de chacun d'eux il y a une toute petite graine d'un millimètre ou deux.
Les graines, au lieu de se trouver à l'intérieur du fruit, sont donc à l'extérieur de celui-ci.
Lorsqu'on coupe le fruit en deux, il y a à l'intérieur un endocarpe (*) blanc auquel sont rattachés les ''petits tubes'' oranges portant une graine à leur extrémité.
A l'intérieur du fruit ces ''tubes'' sont blancs, et dès qu'ils sortent du fruit, ils sont rouges/orangés.
A l'intérieur il y a aussi des petits tubes avec, dirait-on, une toute petite graine à leur extrémité. Ces ''tubes'' donnent l'impression de ne pas avoir grandi.
(*) L'endocarpe est comme un axe qui traverse le fruit en son milieu. Il est attaché, et dans le prolongement, de la queue du fruit. Il ne va pas jusqu'à son extrémité.
D'après certains botanistes, le fruit serait comestible, mais beaucoup trop fragile pour être commercialisé. Il est effectivement très très fragile, un petit rien l'abime.
En tout cas les habitants de Chiang-Maï ne le mangent pas et disent qu'il est impropre à la consommation ?!...
Qui croire ou écouter ?!...
Bien évidemment, les individus mâles ne sont porteurs d'aucun fruit. (Certaines évidences sont toujours bonnes à rappeler.)
Petite pharmacopée des mûriers de Chine.
L'écorce serait fébrifuge, (Qui fait baisser la fièvre.) et astringente. Elle serait aussi un excellent remède en cas d'hydropisie. (Œdème causé par l'accumulation d'un liquide organique dans une partie du corps.)
Les feuilles sont employées comme lénitifs, et diurétiques. Prises en décoction, elles seraient laxatives, et en tisane anti blennorragiques. ( ?...) En certains endroits, elles se mangent en guise d'épinards.
Le fruit aurait aussi des propriétés diurétiques, laxatives, ophtalmiques, toniques et stimulantes.
En nouvelle Calédonie l'arbre à Tapa, ou le Broussonetia, est une plante qui protège. Alors il est conseillé à ceux qui consultent un guérisseur de lui en offrir. Car au moment de ses invocations il communiquerait, paraît-il, beaucoup mieux avec les esprits.
Personnage en papier mâché fait à partir du ปอสา.
A Chiang-Maï, ces arbres courent les rues, ou plutôt ombragent nombre de petits commerces le long des rues. Ils servent aussi à la fabrication de papier ; et entre dans la composition de nombreux ''souvenirs'' à base de papier qui peuvent être proposés aux touristes.
Photo 1/ Fibres du mûrier de Chine allant servir à la fabrication de papier.
Photo 2/ L'un des nombreux traitements par où passent les fibres.
Photo 3/ les plaques dans lesquelles sèche la pâte à papier. (*)
(*) Une chronique plus détaillée reviendra sur la fabrication artisanale du papier.
Si vous passez par Chiang-Maï, vous pouvez visiter cette fabrique, ''Préservation house''. Elle se trouve dans le village de Bane-Tone-pao- (บ้านต้นเปา). Fax : 053 387 154 – Tél : 053 339 196
www.thaitambon.com Vous tomberez sur OTOP. (En haut et à droite de la page du site, il y a la possibilité de le lire en anglais.)
(Pour en savoir plus sur OTOP voir la rubrique OTOP dans photos)
Ce village est à
De Chiang-Maï, en allant droit devant vous à partir du pont Nawarat (สะพานนวรัฐ) et en ayant la place Tha phae dans le dos, vous ne pouvez pas le manquer.
Entre autres noms du Broussonetia papyrifera, citons pour terminer …mûrier d'Espagne – Broussonetia de Mandchourie – Papyrier et … 构树 … ce qui signifierait Kou-chou – Keou-py-cheou – tchou etc… car en Chine aussi, les noms pour désigner le Broussonetia papyrifera ne manquent pas !...
Comme quoi, les hommes sont partout les mêmes !...
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