MerveilleuseChiang-Mai

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PHIS ET GENIES - 1ère partie - GENERALITES

 Avertissement :

Cette chronique appartient à une série de huit chroniques qu'il est préférable de lire dans l'ordre suivant :

 Dans la catégorie lexique :

- Phis et génies. (1ère  partie) – Généralités.

- Phis et génies. (2ème partie) – Les génies et le bouddhisme.

- Phis et génies. (3ème partie) – Les génies et leur contexte.

 Dans la catégorie au sujet de l'auteur.

- C.V. de L'AUTEUR - 1b - DIVINATION OU COUPS DE POT ?...

- C.V. de L'AUTEUR - 1c - ESPRIT ES-TU LA ?...

 Dans la catégorie lexique :

- khouanes – (1ère  partie) - La définition d'un khouane.

- khouanes – (2ème partie) - L'avant cérémonie du soukhouane.

- khouanes – (3ème partie) - La cérémonie du soukhane.)

 

 

                                        

                           PHIS ET GENIES.

                                         (1ère partie)

                                     GENERALITES

 

Bien avant l'arrivée des hommes sur les terres où se constituera le royaume du Lanna, celles-ci étaient déjà occupées et habitées par une multitude de génies et d'esprits, des ''phis'' (ผี) en langage du pays.


Ils étaient partout, dans les sols, les eaux, les airs, les nuages, les forêts, les arbres et toutes choses constituant la réalité et les concepts de cette région.

 

Ils étaient, et sont si nombreux qu'un homme qui chercherait à les énumérer n'aurait pas assez de temps, sa vie durant, pour le faire.

 

Car outre les éléments naturels, il existe un esprit pour chaque animal, qu'il soit sauvage ou domestique, pour chaque insecte, chaque plante, chaque chose.

 

Il y a aussi des génies qui sont liés aux activités humaines, comme la chasse, la pêche, l'agriculture, l'élevage, l'artisanat, etc. etc. …

 
 

L'homme ne peut rien faire et rien entreprendre sans qu'un génie ne soit concerné.

Ainsi par exemple, il y a des génies qui sont liés aux maladies, à la protection des biens, à la mort, à l'accouchement, etc. etc. …

Il y a encore des génies qui sont attachés à des concepts abstraits comme la justice, le partage, l'amitié, l'amour, la guerre, le voyage, etc. etc. …


Et, comme pour compliquer un peu plus les choses, ces génies varient d'un muang (région) à l'autre. Un génie de grande notoriété dans un muang donné, peut être totalement inconnu dans le muang voisin.

De même, un génie de rang supérieur peut se retrouver quelques kilomètres plus loin un génie sans grade !...

 

Bref, tous ces multiples esprits étaient là dès l'origine du monde. Car ils sont à la base de son organisation, de son bon ordre et de l'harmonie universelle.

 

Ce sont eux qui ont organisé l'univers, son bon fonctionnement, et qui très scrupuleusement veillent sur sa bonne marche et son bon ordre.

 

N'étant pas véritablement d'un ''esprit'' belliqueux et animés par de méchantes intentions, bien que certains d'entre eux sont prétendus mauvais, et que les bons se compteraient sur les cinq doigts d'une main, ces phis laissèrent les nouveaux venus s'installer parmi eux.


Alors les hommes, pour s'attacher leurs bonnes grâces et se les concilier, mirent tout en œuvre pour ne pas leur déplaire, et respecter l'organisation qu'ils avaient mis en place.


Ils allèrent même jusqu'à offrir le git et le couvert à certains d'entre eux ; et plus particulièrement à ceux qu'ils redoutaient le plus, mauvais comme ''bons''.

 

Car même parmi les bons esprits, la susceptibilité peut être mère de détestables réactions ?!...

 

 

 

La cérémonie dédiée à Indrakhin, le génie protecteur de la ville de Chiang-Mai, est l'occasion pour chacun de ses habitants, durant trois jours, d'apporter une offrande dans l'espoir d'une année belle et prospère. Tout commence par un défilé avec à sa tête le maire (1er homme à gauche sur la 3ème photo) et les notables. Ils sont suivis par des danseuses, musiciens, ainsi que de nombreuses et nombreux porteurs d'offrandes. (Photos prises en 2010)

 

Les phis, en toute simplicité, acceptèrent toutes les offrandes des hommes. Et jamais ils ne demandèrent plus, que ce qu'ils recevaient. Car les hommes avaient tendance à se montrer généreux vis-à-vis d'eux.

 

De leur côté les hommes, tout en se gardant de ne pas les offenser, continuèrent par delà les siècles à les traiter avec respect, prévenance et … générosité.

 

Car si les génies ne sont pas foncièrement ''mauvais'' ils n'hésitent pas à punir, et parfois très sévèrement, tous ceux qui enfreignent, consciemment ou inconsciemment, les règles de l'harmonie universelle.

 

Autrement dit lorsqu'un homme s'engage dans une entreprise, il doit toujours au préalable en référer au génie concerné afin d'obtenir son accord.

 

Et si à l'arrivée son opération est vouée à la réussite, il doit toujours donner une part de ses gains au génie à qui il doit son succès.

 

Ainsi par exemple, il n'y a une bonne récolte de riz, que lorsque trois facteurs entrent en ligne de compte et se conjuguent, le travail de l'agriculteur, les bonnes conditions météorologiques, et la participation des génies concernés.

 

Sans cette part qui revient aux génies, il ne peut y avoir de bonnes récoltes.

 

Inversement, lorsqu'un homme est en but avec une difficulté, comme la maladie, la perte de quelque chose, ou une mauvaise récolte, c'est qu'il n'a pas respecté l'ordre universel, et que les génies l'ont puni.

 

Chacun est directement responsable de ses malheurs. Car les génies punissent toujours à bon escient.

 

Alors en cas de déconvenues la victime ne peut que s'en prendre à elle.

 

C'est parce qu'elle a commis un interdit, sciemment ou inconsciemment, voire seulement en rêve, que le, ou les, génie(s) concerné(s), auxquels rien n'échappe, l'ont puni.

 

De ce fait, les esprits sont beaucoup plus craints qu'aimés. Ce ne sont certes pas des ennemis mais certainement pas des amis.

 

Néanmoins pour se mettre sous la protection de certains génies et lutter contre les maléfices de quelques autres, les hommes inventèrent et développèrent tout une gamme d'artifices visant à rendre allégeance ou à se défendre, de ces esprits.

 

Les talismans, les amulettes, les tatouages, l'eau consacrée, les formules magiques, les pierres magiques qui rendent son porteur invisibles aux mauvais esprits, et que sais-je encore, appartiennent à cette panoplie de subterfuges.

 

Pour conclure sur ces généralités, force est de constater que les esprits et les hommes vivent et vivaient alors, dans les temps jadis, dans une parfaite symbiose.

 

 

Puis, au XIIIe siècle, des idées nouvelles, dont le Bouddhisme, apparurent.

 

Mettant en pratique leur ''esprit'' de tolérance, et peut-être aussi parce qu'il leur était difficile de faire autrement, les missionnaires du Bouddha prirent en compte cette situation et composèrent avec elle, comme ils composèrent avec bien d'autres choses.


Alors au lieu d'être éradiqués, comme ce fut le cas en occident lors de l'arrivée du Christianisme, les cultes locaux furent intégrés au Bouddhisme.

 

C'est ainsi que de bons génies devinrent de précieux auxiliaires du Bouddha et des défenseurs de sa loi. Mais sans jamais être élevés à de hauts rangs hiérarchiques.

 

Le plus bel exemple se trouve en Birmanie avec les ''nats''. (*)

 

(*) Les ''nats'' sont des génies Birmans. Ils s'appellent ''nèqs'' dans le nord-ouest du Pakistan où résident quelques minorités Birmanes.

D'après Mme Denise Bernot ce mot serait une translittération qui correspondrait à la graphie du mot et non à sa prononciation.

A l'origine, bien avant l'arrivée du bouddhisme, les ''nats'' étaient des ''héros'' de légendes locales victimes de malemort. (Mort brutale non naturelle) Des cultes leurs étaient alors rendus.

C'est le roi Anôratha, (Anuruddha ou encore Anawrahta) (1044-1077) l'unificateur de la Birmanie et celui qui imposa le bouddhiste, vraisemblablement pour souder cette unification, qui en fit entrer 37 dans le panthéon Bouddhiste.

Faute d'avoir pu éliminer les croyances qui se rattachaient à eux, il avait judicieusement en fin politique, préféré temporiser plutôt que de s'aliéner un peuple disparate qui n'avait que faire de ses projets de grandeur.

Au cours de l'histoire certains de ces nats ont laissé place à d'autres. Mais le chiffre de 37 a toujours été respecté.

Donc en Birmanie, tout comme au Lanna, le bouddhiste a du composer avec les croyances d'antan.

En Birmanie, il existe encore aujourd'hui des ''naguedo'', littéralement des épouses de naq, des hommes comme des femmes, dont le rôle est d'entrer en relation avec les esprits pour répondre aux questions de leurs consultants.

Je ne commettrais surtout pas l'erreur de les comparer à nos médiums, mais … il y a un peu de cela.

 

Comme les Birmans occupèrent le Lanna pendant plus de deux cents ans, deux cent seize très exactement, de 1558 à 1774, le mode de vie de ces derniers, et surtout leurs pratiques religieuses, ne furent pas sans influencer ceux de leurs assujettis.


Il suffit pour s'en convaincre d'aller jeter un œil sur certains wats de Chiang-Maï. Leur architecture parle d'elle-même.

 

 

Parmi de nombreux exemples :

Photo 1, le Wat Pa-pao (วัดปาเป้า) un Wat extra-muros situé au nord de la ville, tout au bord de la douve.

Photo 2, le Chédi Liam, (เจดีย์เหลี่ยม) un Wat extra-muros à 10 kilomètres au sud-est de la ville.

Photo 3, Le chédi du Wat santi-tham, (เจดีย์วัดสันติธรรม) un chédi qui n'est pas sans rappeler le précédent, et qui s'érige dans un Wat extra-muros construit au nord de la ville à un kilomètre de l'angle Nord-Ouest.    

 

Donc au Lanna les esprits et le bouddhisme ont toujours faits ''bon ménage''. Cette façon de concilier les enseignements du Bouddha, et leurs pratiques ancestrales conviennent parfaitement à tous et à chacun.

 

L'astrologie, les communications avec l'au-delà, les prédictions des voyants, les génies protecteurs de la ville, et que sais-je encore, ont parti lié avec le bouddhisme.

 

C'est ce qui a fait écrire, entre autres raisons, au R.P. Léopold Cadière, (*) que la vraie religion des Vietnamiens est le culte des esprits et non le bouddhisme.

 

(*) Léopold Cadière, (1869-1955) est un missionnaire français. Il embarqua pour le Vietnam dès sa sortie du séminaire des missions étrangères en 1892. Il avait alors 23 ans.

Pendant 63 ans il exercera son sacerdoce en divers lieux de la Cochinchine. Parallèlement il étudiera le Vietnamien, l'histoire et les coutumes de ce pays ainsi que sa végétation. C'est lui qui est à l'origine du jardin botanique de Cua-Tung.

Le R.P. Léopold Cadière se liera d'amitié avec Louis Finot, (1864-1935) qui à l'époque se consacrait à la mise en place de l'EFEO. (L'Ecole Française d'Extrême-Orient.) Cette amitié avec Louis Finot le conduira à devenir l'un des correspondants de l'EFEO dans la région.

Ce fut à ce titre qu'il écrira de nombreux articles dans les bulletins de cette école. Le premier d'entre eux, ''Croyances et dictons populaires de la vallée du Nguön-Sôn'' comptera parmi ceux qui composèrent le tout premier BEFEO, celui de 1901 !...

Le R.P. Léopold Cadière a aussi à son actif quelques ouvrages concernant le Vietnam. C'était donc incontestablement l'un des grands spécialistes du Vietnam d'alors.

 

Le bouddhisme n'a fait que se rajouter à une situation existante ; sa métaphysique restait alors hermétique à la plupart des paysans. Alors que le culte des esprits, lié au terroir et à des lieux bien précis, était pour eux d'une réalité autrement plus tangible.

Le cas du Vietnam est aussi celui des autres pays de la région, dont le Lanna. Tous les habitants du sud-est asiatique, ou presque tous, se considèrent comme de bons bouddhistes, mais tous célèbrent pratiquement à longueur d'année leurs génies locaux.

Et pour certains d'entre eux,  communiqueraient avec eux ?!....

 

Personne, pour le moment, ne trouve à redire sur cet héritage, hormis les Farangs qui ne croient pas aux esprits et parlent de survivances animistes.

 

Mais les Farangs n'ont toujours pas démontré de façon rationnelle que les esprits n'existaient pas. D'ailleurs s'ils avaient pu le faire, ils l'auraient déjà fait depuis longtemps.

 

En fait les sociétés humaines, où qu'elles se situent, produisent des concepts dont l'objet est d'apaiser leurs peurs et leurs angoisses du moment.

Elles cherchent toutes, inconsciemment, à se rassurer et à vivre du mieux possible. Mais aucune, pas même celles des Farangs, n'a trouvé ou découvert la vraie raison de notre existence.

Alors les esprits, n'en déplaise aux Farangs, ont encore de beaux jours devant eux, d'autant que parfois certains phénomènes, se rapportant à des ''communications''  avec  de soi-disant esprits, soulèvent nombre de questions qui restent … sans réponse … conforme à notre logique.

Mais nous y reviendrons dans deux des chroniques à  suivre.

 

Je vous laisse maintenant découvrir la chronique suivante :

- LES GENIES ET LE BOUDDHISME.

 

 



06/09/2010
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