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PHIS ET GENIES - 2ème partie - LES GENIES ET LE BOUDDHISME

 Avertissement :

Cette chronique appartient à une série de huit chroniques qu'il est préférable de lire dans l'ordre suivant :

Dans la catégorie lexique :

- Phis et génies. (1ère  partie) � Généralités.

- Phis et génies. (2ème partie) � Les génies et le bouddhisme.

- Phis et génies. (3ème partie) � Les génies et leur contexte.

Dans la catégorie au sujet de l'auteur.

- C.V. de L'AUTEUR - 1b - DIVINATION OU COUPS DE POT

- C.V. de L'AUTEUR - 1c - ESPRIT ES-TU LA

Dans la catégorie lexique :

- khouanes � (1ère  partie) - La définition d'un khouane.

- khouanes � (2ème partie) - L'avant cérémonie du soukhouane.

- khouanes � (3ème partie) - La cérémonie du soukhane.)

 

 

              LES GENIES ET LE BOUDDHISME

                               Deuxième partie

 

 Avec l'arrivée du bouddhisme au Lanna, le monde des esprits s'est encore enrichi et même hiérarchisé, mais sans vraiment remettre en cause la notoriété des génies terrestres.

 

Car c'était avec ces génies, et nuls autres, que traitaient alors les paysans.

 

 

Dans le Lanna du XIIIe siècle, chacun avait au moins deux métiers. Celui de cultiver la terre pour se nourrir et une toute autre activité, comme le travail du bois ou des métaux, pour tenter d'améliorer l'ordinaire.

 

Ce qui signifie que chacun avait affaire à des divinités bien précises, ''concrètes'', héritées des ancêtres, et dont il était persuadé que sa survie dépendait.

 

Alors comme ces nouvelles divinités proposées par le bouddhisme n'intervenaient pas directement dans son train de vie, que tout ce qui les concernait paraissait bien compliqué, le monde agraire les ignora.

 

Il s'intéressa d'autant moins à elles que le bouddhisme lui-même les ''véhicule'' beaucoup plus comme un héritage reçu des hindous, et non comme des entités essentielles à la transmission de l'enseignement du Bouddha.

 

 

Du fait de cet héritage, la plupart de ces divinités portent des noms indiens, Brahma, (พระพรหม) (Phra Phrom) Chiva, (พระศิวะ) (Phra Shiwa) Vishnou, (พระวิษณุ) (Phra Wishnou) pour ne citer que les plus connus.

 

Mais on pourrait mettre à leur suite bien d'autres noms, Ganesha, (พระพิฆเนศ) (Phra Phik-net) la déesse Lakshmi, (พระลักษมีเทวี) (Phra Laksami théwa) et la déesse Ouma ou Umâ, (พระอุมาเทวี) (Phra Ouma théwa) la mère de Ganesha et autre épouse de Vishnou.

 

 

 

 Deux représentations parmi de très nombreuses de Ganesha. A gauche une statue de Ganesha dans la cour du Wat Tha-Maï-I (วัดท่าไม่อิ) elle est plutôt débonnaire, et à droite une sculpture au ciment d'un Ganesha surplombant une des portes du Wat Chaï-ya- (วัดไชย). Ces deux temples se situent très au sud de Chiang-Maï, en rive du Ping.

 


L'une des grandes spécificités de ces trois premiers dieux, c'est d'intervenir directement auprès des hommes lorsque besoin s'en fait sentir, et pour les instruire.

 

Pour cela ils vont jusqu'à prendre apparences, humaine, animale, voire mythique. (Lire à ce sujet le tout dernier chapitre de la légende du souriceau d'or aux yeux de béryl.)

 

 

Ces divinités vivent dans un monde surnaturel et très hiérarchisé. Elles sont plutôt favorables aux humains, et pour que les choses soient bien claires, les bouddhistes en ont fait des auxiliaires du Bouddha.

 

Bouddha (*) étant devenu, qu'on le veuille ou non, comme l'être suprême.

 

Et qu'est que l'être suprême, sinon dieu ?!...

 

Bouddha n'est pas un dieu. Je sais, mais je serai curieux de savoir comment il est pressenti ou ressenti par ceux qui se tiennent devant ses représentations !...

 

Je vais souvent dans des temples, et je vois beaucoup plus de gens en situation de prière, c'est-à-dire de demande plutôt qu'en position de méditation, c'est-à-dire de recueillement et de concentration.

 

Alors, que faut-il en déduire ?....

 

 

 

(*) Le mot de Bouddha désigne un être qui a atteint le suprême et parfait éveil, l'illumination. De ce fait il n'est plus dépendant du cycle des renaissances. (Samsara) Mais son karma n'est pas encore terminé car il a pour mission de guider les hommes.

 

Le karma d'un bouddha ne prend fin qu'avec celui de son enseignement. C'est à ce moment qu'il atteint un état particulier qui s'appelle, le nirvana.

 

Comme les mots pour décrire cet état sont insuffisants, voire inconsistants, alors pour faire court, disons que ''l'énergie cosmique'' du bouddha retourne dans le Brahman original, dont tout, c'est-à-dire chaque être, tire son origine.

 

 

Vingt quatre Bouddha auraient déjà précédé le Bouddha de notre époque, Siddhārtha Gautama Bouddha, ou Shâkyamuni. Il y aurait eu parmi les tout premiers, Vipasyin, Sikhin, Visvabhuj, Krakucchanda, Kanakamuni, Kasyapa, et ses trois prédécesseurs seraient Kakusandha, Konakamana et Kassapa.

 

Le prochain Bouddha, le successeur de  Shâkyamuni est d'ores et déjà appelé Maitreya, et selon certains il se serait déjà manifesté aux hommes sous l'aspect de bodhisattva.

 

(Les bodhisattvas sont de futurs bouddha qui déjà, ne sont plus dépendant des lois naturelles. Ils peuvent être à plusieurs endroits à la fois � don d'ubiquité, se déplacer à la vitesse de la pensée, entrer dans un lieu en passant au travers des murs, etc. etc. ...)

 

 

Les Bouddha servent d'exemple aux hommes. Ils les aident à trouver le chemin de l'illumination, sans pour autant intervenir directement dans leur vie.

 

Donc Bouddha est bien un guide et un instructeur pour aider les hommes à atteindre le nirvana, et non pas un dieu.

 

Cependant, dans son livre ''Etude sur l'iconographie du Bouddhisme de l'Inde'', Alfred Foucher, (1865-1952) écrit : ''Si l'on en croit les textes, Çakyamuni lui-même n'aurait toujours nié qu'il fût un Dieu que parce qu'il était bien davantage. ''  Alors ?!...

 

 

 

       

 

Au centre une peinture murale prise à l'intérieur du Wat Kou-Sua, (วัดกู่เสือ) situé dans le sud-est de Chiang-Maï extra-muros. Et de chaque côté, vraisemblablement deux damnés condamnés à supporter un certain laps de temps un escalier conduisant à un sanctuaire. Ils sont visibles au Wat Kou-Tao (วัดกู่เต้า) à un kilomètre au nord de la ville intra-muros.

Nota bene : Il est possible d'échapper à ces souffrances. Pour cela il suffit de vivre en conformité avec la morale bouddhiste !... Alors maintenant vous savez ce qu'il vous reste à faire. Quand viendra l'heure vous ne pourrez pas dire ''Je ne savais pas '' !...

 

Dans ce monde céleste, le bouddhisme a aussi mis en place des démons qui vivent dans des enfers dont les gens ne savent pas vraiment grand-chose.

 

Comme ces êtres démoniaques n'interviennent pas directement sur terre, les paysans d'alors ne les considérèrent pas mieux que les divinités hindoues précédentes.

 

 (*) Sans entrer dans les détails, ces mondes infernaux seraient constitués de huit enfers chauds et de huit enfers froids.

 Il existe à Phayao (พะเยา) un temple, le Wat sri khom kham (วัดศรีโคมคำ) dans la cour duquel quelques scènes de mortels en enfers sont ''représentés'', histoire de mettre en garde les vivants d'aujourd'hui.

 Il y aurait la même chose dans deux temples de Nan, (น่าน) au Wat Phumin, (วัดภูมินทร์) et au Wat Phra tat kao noï, (วัดพระธาตุเขาน้อย)

Ces deux villes furent attachées au Lanna. 

 

 

Quant aux autres divinités, les ''arahant'', (*) de saints hommes, issus du monde du bouddhisme, dont surtout des bonzes, mais aussi des rois ou des hommes d'exception, les fidèles n'en retiennent que les figures qu'elles ont connues de près ou de loin ; ou encore, beaucoup entendu parler.

 

 

 

(*) Arahant ou Arhant en pali, (Arha en sanscrit) et Lo-han (羅漢) (*) en Chinois, est le dernier état de l'homme ''méritant''  qui a atteint la sagesse, c'est-à-dire le nirvana.

 

C'est la finalité à laquelle devrait conduire toute pratique du bouddhisme theravâda. Les trois premiers stades en termes pali sont, sotapanna, sakadagamin et anāgāmi.

 

Ces ''subtilités'' d'états du monde bouddhisme theravâda, n'ont pas la simplicité qui sied à un brave paysan. La seule trinité qui lui dise vraiment quelque chose, c'est la conjugaison entre son travail, le temps et le concours d'un génie pour avoir de quoi manger.

 

(*) J'ai donné le nom en Chinois, parce que si vous visitez des temples chinois de Chine, vous découvrirez dans la plupart d'entre eux des salles où se côtoient des multitudes de ''Lo-han'' ; et personnellement je me suis longtemps demandé ce que pouvait signifier l'existence de ces salles et la présence de cette statuaire.          

 

 

 

 

 Une statuaire de deux arahants, à gauche un arahant des temps anciens vu au Wat Pa-Gniou, (วัดป่างิ้ว) très au sud de Chiang-Maï, et à droite un Arahant des temps modernes vu au Wat Kou-Tao (วัดกู่เต้า) (Déjà cité). Dans les deux cas, ce sont des religieux, mais il y a aussi des laïcs, des femmes ?... je ne sais pas.

 

 

Alors la boucle est bouclée, et on en revient aux divinités du terroir, à celles que les bouddhistes ont intégré à leur panthéon, un peu contraint et forcé, mais à l'échelon le plus bas.

 

Car le comportement de certains de ces génies n'est pas toujours conforme à la morale bouddhiste. Ils sont tous à l'image des hommes, puisqu'inconsciemment ce sont les hommes qui les ont créés. Alors quand on sait jusqu'ou peut aller la bassesse humaine !....

 

J'ajouterai, pour remettre les plateaux de la balance en équilibre, que par le passé, de leur côté, les bouddhistes n'ont pas été sans accepter des compromis qui n'étaient guère en leur honneur. Mais la propagation de l'enseignement du Bouddha passait avant tout !...

 

 

Bref, ce sont ces génies qui ont toujours ''aidé'' le monde rural à vaincre ses craintes et ses difficultés. Alors le moins que les bouddhistes pouvaient faire, c'était de glorifier certains d'entre eux en les mettant à l'honneur, même à l'échelon le plus bas de leur panthéon !.....

 

 

Au Lanna, ainsi qu'au Siam et au Laos, on appelle ces génies des Phis, (ผี) mais aussi des Yang-s, Yakkha-s, Yak-s (ยักษ์) (Démons) des Nhak-s (*) ou des Nhakkhini-s (*) lorsqu'ils sont de sexe féminin.

 

Les Yak-s et Nhak-s sont des démons à l'image de nos ogres, qui se nourrissent de chair humaine.

 

 

(*) Je tiens ces noms de livres anciens, où chaque auteur orthographiait selon son sentiment. D'un livre à l'autre la phonétique aboutit au même résultat.

 

 

 

 

 Sculptures au ciment en bas de l'entrée du Wat Kou-Tao (วัดกู่เต้า) représentant différents types de génies aux prises entre eux. Ce Wat est très attaché à la Birmanie et à son architecture. Il vaut une visite, non seulement pour son chédi à la forme particulière, mais aussi pour ses magnifiques décorations intérieures.  

 

 

En Birmanie on les nomme Nât-s, au Cambodge Neak Ta-s et Arak-s, les seconds étant des génies dangereux ; au Viêt-Nam, Thánh-s pour les bons et Qui-s ou Ma-s pour les malfaisants et les démons.

 

Cette rapide énumération des génies de la péninsule indochinoise vise à montrer que le bouddhisme a partout eu affaire avec des génies locaux. Dans aucune de ces régions il n'a trouvé de terrain vierge et favorable à une implantation ''pure et dure''.

 

Alors une coexistence-pacifique a vu le jour. Les deux cultes se sont comme perpétués de conserve, voire quelque peu interpénétrés.

 

 

Aujourd'hui les fidèles qui fréquentent les temples, et dont la faim ne hante plus les ''esprits'', (leur esprit à eux) continuent d'honorer les Phis de leurs ancêtres. Ils ne les renieraient pour rien au monde.  Et, bien évidemment ils se disent de bons bouddhistes, d'où qu'ils soient.

 

Ce qui signifie qu'il n'y a pas une � ''universalité'' du bouddhisme theravâda, mais des formes de pratiques, différentes d'une région à une autre, qui toutes se réclament du label bouddhiste.

 

 

Avant de conclure, le plus bel exemple qu'on puisse donner de cette coexistence-pacifique, entre les esprits et le bouddhisme, c'est la maison des esprits qui se trouve à l'intérieur de chaque temple, sous un gros arbre consacré.

 

Au Lanna, quand il est décidé de construire quelque chose, y compris un temple, les initiateurs du projet, des bonzes pour un temple, doivent demander au génie habitant les lieux destinées à la construction, son consentement.

 

En principe, le génie l'accordera toujours.

 

Alors pour marquer le respect qui lui est du, avant de poser la première pierre, ou de creuser le premier trou, on cherchera d'abord l'endroit favorable où installer sa ''maison''.

 

 

Ensuite des offrandes lui seront faites ad vitam aeternam.

 

 

 

Je vous laisse maintenant découvrir la chronique suivante :

- LES GENIES ET LEUR CONTEXTE



07/09/2010
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