Wat PHRA SINGH VORAMAHAVIHARN (1)
WAT PHRA SINGH VORAMAHAVIHARN (วัด พระสิงห์)
(Le temple du Buddha Sihing)
(Première partie)
L’entrée principale du Wat Phra Singh
Ce jour là, un pèlerinage urbain de 500 moines prend son départ au Wat Phra Singh. En file indienne, les religieux vont se rendre au Wat Chédi Luang après avoir parcouru la ville, en reliant différents sanctuaires, sur un tapis de pétales de fleurs jaunes et les pieux encouragements des fidèles agenouillés tout au long du parcours. (Photos du 9 avril 2014).
Avis aux touristes :
Le Wat Phra Singh est à Chiang-Mai ce que Notre Dame est à Paris.
Le Wat possède cinq entrées mais seuls deux accès permettent aux visiteurs d’y pénétrer.
L’un se situe à L’Est et l’autre à l’Ouest.
L’accès Est : l’accès principal. (Numéroté 1 sur le plan.)
Adresse : Rue Rachadamnoen (ถนน ราชดำเนิน) (Rat-cha-Dame-nène)
L’entrée est à l’extrémité de la rue Rachadamnoen.
L’accès ouest : Rue Ratchamanka - soï 9 - (ถนน ราชมรรคา - ซอย 9)
(Numéroté 4 sur le plan.)
Téléphone : 081.883-8752
E-mail :
Intérêt : ♥♥♥♥♥
Le Wat Phra Singh Woramahaviharn est l’un des 272 temples (chiffre 2004) royaux que compte la Thaïlande, d’où son épithète de ‘’Woramahaviharn‘’ (วรมหาวิหาร) (Parfait et grand viharn)
Photo 1 : Situation du Wat Phra Singh dans Chiang-Mai intra-muros.
Photo 2 : Le plan du Wat Phra Singh.
Photo 3 : Le supérieur (เจ้าอาวาสวัด) du Wat Phra Singh, Phra Ratcha Singha Wora Muni (พระราชสิงหวรมุนี) (Photo du 16.08.2015).
La signification du nom du Wat : ‘’Phra Singh‘’
A l’origine le Wat portait le nom de ‘’Wat Phra Chiang‘’, c’est-à-dire le temple de la ville. Puis, sans doute pour mieux le différencier des autres temples, il prit le nom de Wat Li Chiang Phra parce qu’il était voisin d’un marché connu sous le nom de ‘’Li‘’.
‘’Wat Li Chiang Phra‘’ peut donc se traduire par : le temple du marché ‘’Li‘’ du Vieng, Xieng, ou Chieng et aujourd’hui … Chiang … c’est-à-dire, dans les quatre cas, de la ville fortifiée qu’était alors Chiang-Mai.
Lorsque le Phra Bouddha Sihing, une image (statue) de bouddha originaire soi-disant du Sri Lanka, l’île du lion, est venue prendre place dans ce Wat, ce dernier prit tout naturellement le nom de … Wat du Bouddha (Phra) venant de Singhala (de l’île au Lion ou Lanka) puis, la paresse aidant, la contraction de Phra Singh l’emporta.
Autrement écrit le Phra Singh n’est pas la traduction de … Bouddha Lion, mais une contraction de : ‘’Bouddha venant de l’île du lion‘’ c’est-à-dire de Lanka.
L’histoire du Wat Phra Singh :
L’histoire du Wat Phra Singh c’est aussi quelques pages d’Histoire de la ville de Chiang-Mai. Alors tournons ces pages une à une.
Tout commença par l’érection d’un Chédi.
Au XIVe siècle le 7ème roi de la dynastie de Mengrai, Chao Kham Fu (เจ้าคำฟู) (1328-1337) décède. Il s’était alors établi à Chiang Saen, et avait confié le trône de Chiang-Mai à son fils Pha Yu (ผายู) (1336-1355) appelé aussi Hrayū.
De ce fait Chao Kham Fu fut incinéré à Chiang-Saen et son fils Pha Yu emporta ses cendres à Chiang-Mai. Ces cendres furent déposées du côté de la porte Suan Dok, dans Chiang-Mai intra-muros, puis recouvertes d’un Chédi.
Dans les mois qui suivirent, autour de ce Chédi, un modeste Wat fut construit et appelé le Wat Li Xieng Phra, (วัดลีเชียงพระ).
Dès qu’il fut couronné roi de Chiang-Mai vers 1345, Pha Yu devenu Chao Pha Yu (เจ้าผายู) (1336-1355) invita le Maha thera Abhayaculā, résidant alors à Lamphun, à demeurer au Wat Li Xieng Phra avec une dizaine de ses moines ou Bhikkhu-s. (*)
(*) Le Bhikkhu est un religieux bouddhiste de plus de vingt ans qui a reçu l’ordination majeure ou Upasampada. De ce fait il appartient à la communauté du Sangha.
Le Chédi du Wat Phra Singh (Numéroté 8 sur le plan)
Photo 1 : Cette photo date des années 1950. Elle montre le Wat depuis l’ouest.
C’est une photo de photo qui se trouve actuellement, en 2015, dans l’ubosot.
Photo 2 : Le sommet du Chédi vue depuis l’Est. A gauche le grand Viharn, à droite un bout de toiture d’une construction légère et démontable en bambou, dressée à l’occasion d’une fête, et au fond la toiture de l’ubosot. (Photo de 2009)
Photo 3 : Le Chédi vu depuis le sud-ouest. (Photo de 2010)
Photo 4 : En 2015 le Chédi a été recouvert de plaques en cuivre signées des fidèles, qui déposèrent une offrande à l’occasion de cette signature, et acquirent ainsi des mérites. (Photo du 8 mars 2015).
Photo 5 : Un exemple de revêtement en cuivre signé des fidèles, sur un petit Chédi voisin.
Le Chédi du Wat Phra Singh (Numéroté 8 sur le plan)
La construction d’un Chédi, d’un Stūpa ou d’un Caitya, voire d’un Ku, était à l’origine une coutume indienne pour couvrir les cendres d’un individu et lui rendre hommage. Les bouddhistes se sont appropriés de cette coutume en la rattachant à un événement de la vie de Bouddha. Avec le temps elle est devenue comme une concrétisation et une affirmation de leur foi.
Sous le Chédi ou à l’intérieur de leur chambre sont déposées des reliques, telles que des cendres, des textes ou autres objets sacrés comme des images (Statues) de Bouddha.
Ce Chédi, construit sous le règne de Chao Pha Yu (เจ้าผายู) (1336-1355) et rénové à maintes reprises mesure 76 coudées (34 mètres 90) de hauteur et s’élève sur une base carrée de 48 coudées (19 mètres 38) de côté. Il est de style Lanna et devait, à l’origine, compter d’avantage d’éléphants sur son pourtour. La présence de ces éléphants signifierait l’adoption du bouddhisme Cingalais par les rois du Lanna, avant cette époque.
Ce Chédi fut l’un des tout premiers édifices du Wat. Au fur et à mesure des années et des siècles des bâtiments ont été construits autour de lui. De ce fait le Wat Phra Singh est comme un album de famille où chaque édifice rappelle … l’une des riches heures de Chiang-Mai.
Nota bene : Ce n’est pas ce Chédi qui contenait les cendres du 7ème roi de la dynastie Mengraï, Chao Kham Fu (เจ้าคำฟู) (1328-1337) mais celui qui suit !...
Quelques autres Chédi-s, ku-s, pāsāda-s ou … reliquaires
Photo 1 : Lors des travaux de rénovation du Wat Phra Singh en 1925 sous l’autorité de Phra Kruba Sri Vichaï ce Ku ou reliquaire qui demandait réparation se serait ouvert accidentellement. De ce fait il a été découvert à l’intérieur trois urnes (de gauche à droite) l’une était en cuivre, l’autre en argent, et la petite dernière en or, ainsi qu’une plaque où il était gravé que ce Ku avait été construit par le roi Chao Pha Yu pour y reposer les cendres de son père Chao Kham Fu. Ces objets de grande valeur auraient disparu lors de la seconde guerre mondiale ou … selon une autre source … auraient permis le financement des travaux en cours ?!...
Cette photocopie a été réalisée à partir d’une photo parue dans un livre signé de Camille Notton … ‘’Chronique de Xieng-Mai‘’ paru en 1932.
Photo 2 : Le Ku de la photo précédente n’a pas été reconstitué. Par contre les latérites (roches) ayant servi à sa construction sont aujourd’hui entassées à l’endroit même où il s’élevait. (Numéroté 18 sur le plan) (Photo du 06.08.2015)
Photo 3 : Un autre Chédi, un peu oublié, en forme de mandapa construit vraisemblablement au XVIe siècle. (Numéroté 6 sur le plan) (Photo du 06.06.2015).
Au décès de Chao Pha Yu, son fils Kilana ou Chao Kü Na (เจ้ากือนา) (1355-1385) lui succéda. Lors de son règne, au Sud-ouest du Chédi du ‘’Wat Li Xieng Phra‘’, Chao Kü Na fit construire une crypte (*) dans l’intention d’y installer le Phra Bouddha Sihing, qui alors se trouvait, d’après la légende, à Sukhothai avant 1378 et à Ayutthaya après 1378 ?!... (**)
Lorsque la mort emporta Chao Kü Na vers 1385, son frère, Thāo Mahābrahmā appelé aussi Thāo Maha Phrom, (ท้าวมหาพรหม) et alors vice-roi de Chiang-Rai, leva une armée pour aller soi-disant assister aux funérailles du roi de Chiang-Mai, son aîné.
En fait Thāo Mahābrahmā partait à la tête d’une armée dans l’intention d’usurper le trône de Chiang-Mai et de devenir roi à la place de son neveu le futur ‘’Chao Sen Muang Ma‘’ (เจ้าแสนเมืองมา) (1385-1401).
A Chiang-Mai le grand conseiller d’alors ‘’Sen Pha Nong‘’, (แสนผานอง) qui assurait l’intérim du pouvoir… veillait et déjoua ses plans. Le félon défait, s’en alla demander protection au roi d’Ayutthaya, qui dut voir arriver … un allié ?!...
(*) La date de 1378 est à considérer ici, avec précaution. Elle est plus à prendre comme un point de repère. Cependant !... le fait de construire une ‘’crypte‘’ pour une image (Statue) qu’on n’a pas !... pourrait signifier ‘’qu’on‘’ c’est-à-dire que … Kü Na avait – peut-être – l’intention d’aller la chercher manu militari là où elle était, d’autant que dans la ‘’Jinakālamālī‘’ un texte du XVIe siècle, il est écrit : ‘’Thāo Mahābrahmā quitta Chiang-Mai avec une armée, demanda à son frère aîné Kilanārāja (Kü Na) de la renforcer, et à la tête de 80.000 hommes, il arriva à proximité de Khamphaeng Phet.‘’ ?!... Ville où était alors le Phra Bouddha Sihing convoité par Thāo Mahābrahmā !...
La crypte dont il est question est donnée comme la traduction du mot ‘’Guhā‘’. En fait le guhā n’est pas une crypte, c’est-à-dire une pièce sous terre ou à ras du sol, mais un stupa, ou Ku, dont la chambre sacrée (Mulagandhakuti) est en hauteur et sans ouverture sur l’extérieur, sauf la porte. (a) Mais dans certaines constructions cette chambre peut-être ouverte sur un ou plusieurs de ses côtés afin de permettre à l’image (Statue) d’être vue depuis l’extérieur. Dans le cas présent l’image était … cachée.
(a) En sanscrit le mot ‘’guhā‘’ signifie grotte. Il viendrait du mot ‘’guth‘’ qui veut dire ‘’dissimulé, caché‘’. CQFD.
Nota bene : Dans le monde bouddhique theravada l’autorité et le prestige d’un roi dépendait des reliques, des livres saints et des images de Bouddha en sa possession ; car ces biens précieux étaient supposés posséder des pouvoirs magiques extraordinaires. Ils étaient alors le garant de la prospérité, de la sécurité et du bonheur dans le royaume, ainsi que du crédit que portait la population à son roi.
Comme certaines images, par exemple celle du Bouddha Sihing, étaient soi-disant plus ‘’puissantes‘’ et plus ‘’protectrices‘’ que d’autres, pour rehausser sa gloire un roi se devait de les acquérir.
La ruse, la guerre, tout était bon pour posséder un Bouddha dit d’exception, entre autres … le Bouddha Sihing.
(**) Pho Khun Lithaï ou Dhammarāja (1347-1374) le roi de Sukhothai, après avoir confié l’administration de Sukhothai à sa sœur cadette Mahādevī et celle de Kamphaeng Phet à son grand conseiller, s’était retiré à Phitsanulok (a) avec le Bouddha Sihing. Une image (Statue) que cherchait alors à posséder, depuis déjà quelques années, un certain Vattitejo.
C’est pourquoi, dès le décès du roi Lithaï, Vattitejo devenu entre temps roi d’Ayutthaya sous le nom de Boromma Ratchathirat 1er (1370-1388), s’attaqua au royaume de Sukhothai. Ce ne sera qu’après plusieurs échecs qu’il réussira à s’emparer du Bouddha Sihing et à l’emporter à Ayutthaya en, ou vers, … 1378 pour l’installer au Wat Phra Sri Sanphet. (วัดพระศรีสรรเพชญ์)
(a) Sukhothai, Kamphaeng Phet et Phitsanulok étaient alors les trois grandes villes du royaume de Sukhothai.
Le Ku Laï (กุลาย) - (Numéroté 10 sur le plan)
Photo 1 : Le côté Nord du Ku. (Photo du 08.03.2015)
Photo 2 : Les côtés Ouest et Sud du Ku. (Photo 05.05.2013)
Photo 3 : Le côté Sud du Ku. (Photo du 06.08.2015)
Le Ku Laï (กุลาย) - (Numéroté 10 sur le plan)
Photo 1 : Le Wat Pa Daeng, (วัดป่าแดง) possède lui aussi un ‘’Ku‘’ accolé à son Viharn. Ce Wat est situé hors-les-murs à l’Ouest de Chiang-Mai, et fut en son temps l’un des grands centres Bouddhiques du Lanna, (Photo du 17.04.2013)
Photo 2 : Le Viharn et la chambre du Ku (Mulagandhakuti) communiquent au moyen d’un court tunnel fermé par une porte. Cette porte donne sur le mur intérieur ouest du viharn. Ordinairement, elle est plus ou moins cachée par le Phra Bouddha Sihing, sauf lors des fêtes de Songkran car l’image est sortie du Viharn pour être vénéré des fidèles. (Photo du 15.04.2015)
Photo 3 : Le Ku et le Viharn vus sous l’angle Ouest/Sud (Photo du 08.03.2015)
Le Ku Laï (กุลาย) - (Numéroté 10 sur le plan)
Ce Ku, appelé Ku Laï doit vraisemblablement son nom au Viharn qui a été construit contre lui, le Viharn Laï Kam. Peut-être a-t-il été appelé, à un moment donné, le Ku du Viharn Laï Kam et, par suite de contractions diverses est-il devenu Ku Laï. Toujours est-il que dans le contexte présent ‘’Laï‘’ sans Kam ne veut rien dire.
Le présent Ku, ou pāsāda, a vraisemblablement été reconstruit au cours du XIXe siècle. Il s’agit d’un corps de bâtiment qui s’élève sur une base carrée à redents et supporte une toiture (Harmikā ?...C’est-à-dire territoire des divinités ?...) composée de quatre terrasses à redents, superposées et allant decrescendo pour se terminer par une espèce d’usinā (Chignon de Bouddha). (Le stupa de sa base à son sommet est en parfaite concordance avec le corps du Bouddha.).
Ce genre de construction peut être ouvert sur un, ou plusieurs de ses côtés pour permettre aux fidèles de voir l’image logée dans son Mulagandhakuti (chambre).
Il existe un autre pāsāda au Wat Phra Singh. Ce dernier s’élève dans l’ubosot. A la différence du Ku Laï il est intérieur et ouvert sur ses quatre côtés.
Ce Ku Laï a donc été construit à la demande, et lors du règne du roi Chao Kü Na (เจ้ากือนา) (1355-1385) au XIVe siècle pour abriter le Phra Bouddha Sihing.
Actuellement ce Ku possède sur chacun de ses trois côtés une niche qui abrite un bouddha de type Phra Sihing de l’école de Chiang-Saen, mais un Phra Sihing dit : Phra Sing 2 ; car le pan du manteau (Sanghāti) qui retombe sur l’épaule gauche de l’image est plus long que sur un Phra Singh I. Par ailleurs les jambes sont repliées selon le mode ‘’virāsana‘’ et non ‘’vajrasana‘’ enfin, pour nous arrêter là, le Chignon (Usnīna) n’est plus un simple bouton mais une excroissance beaucoup plus importante que le ‘’bouton‘’ d’une image de style Phra Singh I.
Photo 1 : l’image du Phra Bouddha Sihing, sur son autel du Viharn Laï Kam. C’est un bouddha de type Singh 1. (Photo du 02.03.2013)
Photo 2 : Un gros plan sur la niche du mur nord du Ku Laï. Elle abrite un Bouddha de type Singh 2. (Photo du 06.08.2015)
Après deux mois et douze jours passés à Ayutthaya, Thāo Mahābrahmā (*) et le roi d’Ayutthaya partirent de conserve attaquer Chiang-Mai. Leur expédition se solda par un échec.
De retour à Ayutthaya Thāo Mahābrahmā poussa l’hospitalité jusqu’à lier une idylle, et peut-être plus, avec la femme de son protecteur. Ce dernier, devant se douter de … ‘’quelque chose‘’ … invita son protégé à retourner d’où il venait.
Thāo Mahābrahmā obtempéra et prit alors la direction de Chiang-Mai en emportant avec lui le Phra Bouddha Sihing que lui avait remis … en cadeau ?... sa maîtresse, c’est-à-dire la femme du roi d’Ayutthaya. (**)
A Chiang-Mai Thāo Mahābrahmā fut reçu par son neveu ‘’Lakkhapurāgama‘’ plus connu sous le nom de Chao ‘’Sen Muang Ma‘’ (1385-1401) qui installa le Phra Bouddha Sihing à Chiang-Mai (**) et, pas rancunier ( ?) mais méfiant, renvoya son oncle à Chiang-Rai.
(*) D’après la légende que narre la Jinakālamālī ce serait la mère du gouverneur de Kamphaeng Phet qui après avoir séduit le roi d’Ayutthaya, aurait fait convoyer, suite à une ruse, le Phra Sihing à Kamphaeng Phet ?...
Ensuite, la Jinakalamali raconte que Thāo Mahābrahmā, à la tête d’une armée est venu camper devant Kamphaeng Phet pour se faire remettre le Phra Sihing. (Pas un mot sur sa félonie envers son neveu dans la Jinakālamālī ?!...)
La version du … ‘’ Thāo Mahābrahmā félon‘’ fuyant Chiang-Mai après avoir été défait, et demandant l’aide du roi d’Ayutthaya est tirée des chroniques de Chiang-Mai ?!....
Outre ces deux sources (La Jinakālamālī et les chroniques de Chiang-Mai) dont chacune traite de l’acquisition du Phra Bouddha Sihing par Thāo Mahābrahmā roi de Chiang-Rai, (Il y a au moins accord sur ce point.) l’historien allemand Hans Penth (1937-2009) dans son ‘’histoire de Chiang-Raï‘’ donne une autre version. Il écrit qu’entre 1385 et 1390, Thāo Mahābrahmā avait obtenu de Kamphaeng Phet le Phra Bouddha Sihing et … le Bouddha d’émeraude ?!...
Qu’ensuite, au décès de son frère, Thāo Mahābrahmā avait tenté d’usurper le trône de Chiang-Mai. Et enfin que son neveu, devenu roi de Chiang-Mai sous le nom de ‘’Chao Sen Muang Ma‘’ (เจ้าแสนเมืองมา) (1385-1401) était allé capturer son oncle à Chiang-Raï.
A Chiang-Raï Chao Sen Muang Ma s’était alors approprié du Phra Bouddha Sihing et l’avait emporté à Chiang-Mai … accompagné du prisonnier Thāo Mahābrahmā.
Pour avoir été enduit de chaux le Bouddha d’émeraude n’avait pas été trouvé et de ce fait était resté à Chiang-Raï. (J’ai aussi lu que Thāo Mahābrahmā était passé à Lamphun pour s’approprier d’un Bouddha de cristal ?!...).
La version de Hans Penth semble la plus logique … pour un occidental. D’autant que tout donne à penser que Thāo Mahābrahmā a du trahir son aîné en rentrant directement à Chiang-Rai et en gardant pour lui … ‘’tout seul‘’ … toutes les images. De ce fait, certain de sa puissance grâce aux images, et prenant le décès de son frère pour un signe du destin il a du prendre la route de Chiang-Mai certain de réaliser son projet … usurper le trône !....
Hélas pour lui, sa manigance tourna au cauchemar, et c’est là qu’il alla frapper à la porte du roi d’Ayutthaya.
Concernant le ‘’vol‘’ (Un vol déguisé en erreur) commis par la mère du gouverneur de kamphaeng Phet, cette dernière se serait engagée auprès du roi d’Ayutthaya à rendre l’image après qu’une copie en ait été faite pour son fils le gouverneur de Kamphaeng Phet ?!...
D’où … Thāo Mahābrahmā a-t-il emporté l’original ou … une copie ?!...
(**) Une légende raconte que le Phra Bouddha Sihing, venant de Chiang-Rai, devait être installé au Wat Suan Dok mais … que la roue du chariot le transportant cassa devant le Wat ‘’Li Xieng Phra‘’.
Voyant en cet incident un signe divin, l’image de Bouddha fut installée au Wat ‘’Li Xieng Phra‘’ qui prendra ensuite le nom de Wat Phra Singh. Cette … ‘’légende‘’ tombe à plat quand on sait que le roi Chao Kü Na (เจ้ากือนา) avait par avance fait construire un Ku ou ‘’guhā‘’ dans l’intention de loger le Phra Bouddha Sihing ?!... Mais les gens du Lanna adorent les légendes, alors pourquoi s’en priveraient-ils ?...
Un fait analogue se rapporte à l’image du Bouddha debout ‘’Phra Chao Khakhing Paya Mengraï‘’ se trouvant au Wat Chao Mengraï de Chiang-Mai … où se trouve aussi une image d’un Phra Bouddha Sihing dont ‘’certains‘’ prétendent qu’elle serait la véritable image du Bouddha Phra Sihing ?!... (Ce qui n’est pas fait pour simplifier les … choses ?!...)
Cette image de ‘’Phra Chao Khakhing Paya Mengraï‘’ originaire de Wiang Kum Kam devait être installée au Wat Chiang-Man. Elle était amarrée dans une charrette qui en cours de chemin se renversa.
Le roi Mengraï en personne, jeune bouddhiste encore attaché aux croyances de ses ancêtres (Croyances animistes), considéra que Bouddha voulait que sa représentation fût honorée en cet endroit. Alors un temple fut construit. Il porte aujourd’hui le nom de Wat Phra Chao Mengraï‘’ après s’être appelé ‘’Wat sri soï tha djègn (วัดศรีสร้อยท้าแจ่ง) puis ‘’Wat Kalacôt‘’ (วัดคาละค้อด).
Les Lions ou Singha-s de l’Entrée principale Est : (Numéroté 1 sur le plan)
Photo 1 : Le Shingha gauche de l’entrée principale.
Photo 2 : L’entrée du Wat Phra Singh avant la rénovation de 1925 avec, parmi les personnages au premier plan … Phra Kruba Si Vichaï (ครูบาศรีวิชัย) le rénovateur du temple et le dernier roi de Chiang-Mai Chao Keo Nawarat (1911-1939) (เจ้าแก้วนวรัฐ) … d’après la légende lue sous la photo, certes pas très bonne mais … historique !...
Photo 3 : L’entrée du Wat Phra Singh presque un siècle plus tard.
Photo 4 : Le Shingha droit de l’entrée principale.
Au Lanna, avant l’occupation birmane, c’étaient de terribles démons comme les Kumbhan-s ou Yaksa-s qui gardaient l’entrée des temples. Ils étaient là pour effrayer les mauvais esprits et les faire fuir. (*)
Avec l’occupation birmane les lions-royaux, dans la plupart des cas, ont remplacés ces terribles géants ou Yaks.
Ces nouveaux venus, originaires d’Inde mais que les Birmans ont incorporé à leur culture sous le nom de ‘’Chinthe‘’ (Chintho, Shintho, Singhas ?!...) en plus d’effrayer les esprits mal intentionnés, symbolisaient, et symbolisent toujours, la vibration primordiale ou le son créateur ‘’Aum‘’ (Om) qui est à l’origine de toutes les autres créations. De ce fait l’un des Lions ouvre la gueule pour émettre le ‘’A‘’ (souffle ascendant - Prāna), tandis que l’autre le ‘’Um‘’ (souffle descendant). Ce souffle créateur porte le nom de ‘’pranayama‘’.
Ces deux lions sont aussi la symbolisation du ‘’rugissement du lion‘’ c’est-à-dire de l’enseignement de Bouddha dont des sutras ou sermons sont qualifiés de ‘’grand rugissement du lion‘’. Parfois la parole de Bouddha est carrément appelée ‘’Singha-nada‘’ c’est-à-dire Singha pour lion et nada pour ‘’son‘’ ou ‘’rugissement‘’. Le rugissement du lion c’est donc Bouddha qui proclame et affirme sa souveraineté et le dharma au sein de l’univers spirituel.
Pour être plus complet il faut savoir qu’il y a aussi deux lions à l’entrée Ouest dont la symbolique est exactement la même que celle des deux lions de l’entrée Est.
En raison de ce qui précède, les lions des entrées du Wat Phra Singh n’ont donc rien à voir avec le nom du Wat.
(*) Les Yaks, de part leur couleur (l’un vert, l’autre rouge ou l’un or et l’autre noir) symbolisaient aussi, et symbolisent toujours, le souffle créateur … ‘’AUM‘’.
Vers le milieu du XVe siècle, Bilaka ou Bilakādhirrāja ou encore Phra Chao Tilokarat (เจ้าติโลกราช) (1441/2-1487), après avoir poussé son père vers la sortie, monte sur le trône de Chiang-Mai. Avec lui le Lanna va connaître son âge d’or.
Le royaume va s’étendre et Chiang-Mai se couvrir de nouvelles constructions (*) dont … vers 1477 la bibliothèque ou ‘’Ho Traï‘’ (หอไตร) (**) du Wat Phra Sing.
Phra Chao Tilokarat, va aussi faire couler de nombreuses images de Bouddha dont, vers 1449, le ‘’Phra Chao Thong Thip‘’ (พระเจ้าทองทิพย์) (Le céleste ou divin Bouddha d’or). Une image de 14 pieds (2 mètres) offerte à la ville de Nan et trônant aujourd’hui au Wat Suan Tan.
(*) Chao Tilokarat va faire rénover de nombreux temples et en construire de nouveaux (ex. Wat Chet Yod) pour donner à Chiang-Mai une nouvelle cosmologie, c’est-à-dire une nouvelle protection divine.
(**) Le Ho Traï (หอไตร) se traduit par tour (หอ) et glorieux (ไตร) voire trois (ไตร) ‘’sous-entendu corbeilles ?...‘’ Le mot ‘’Traï‘’ (ไตร) a plusieurs significations ?!...
Cette tour glorieuse, ou tour aux trois corbeilles, est la bibliothèque du temple où sont conservés et protégés de la fringale des insectes, les textes sacrés dont … les trois corbeilles ?!...
La bibliothèque du Wat ou Ho Traï (หอไตร) - (Numéroté 19 sur le plan)
Photo 1 : Une photo du Ho Traï datant – vraisemblablement – des années 1920
Photo 2 : Le Ho Traï vu du Sud/est.
Photo 3 : Le Ho Traï vu de face (Est)
Photo 4 : Le Ho Traï vu de l’arrière (Sud/ouest)
Le Ho Traï (หอไตร) - (Numéroté 19 sur le plan)
Ce Ho Traï (หอไตร) ou bibliothèque du temple, a vraisemblablement été construit vers 1477 et non 1497 (*) sous le règne de Phra Chao Tilokarat (เจ้าติโลกราช) (1441/2-1487). Là encore il s’agit d’une œuvre type relevant de l’art du Lanna.
Ce hot Traï a été restauré a plusieurs reprises, en particulier après le départ des Birmans, c’est-à-dire sous Phra Chao Kawilorot Suriyawong (1852-1870) (พระเจ้ากาวิโลรสสุริยวงศ์) en 1869 ; puis vers 1927 sous le règne de Chao Kaeo Nawarat (1909-1939) (เจ้าแก้วนวรัฐ) en vue de la visite du roi de Siam Prajadhipok (Rama VII) (1925-1934) (พระปกเกล้า) dans le Nord courant 1926.
(*) Quelques auteurs, se référant sans doute au texte officiel gravé sur une plaque apposée au bas du Hot Traï, donnent la date de 1497 pour la construction de ce Hot Traï, ce qui correspond au règne de Chao Muang Kaeo (1495-1526). Cependant, le règne de Tilokarat me paraît le mieux correspondre à la réalité. Ci-après deux raisons parmi d’autres :
1/.- Pour répondre à ses ambitions, à savoir devenir l’égal de l’empereur Ashoka, (a) Tilokarat se devait de posséder nombre de reliques dont des objets et des textes sacrés qu’il fallait protéger en leur rendant gloire. Pour cela ils étaient déposés dans des lieux prestigieux. (b) En contre partie, plus ces constructions étaient magnifiques et plus le roi était vénéré par ses sujets et surtout … les chefs des principautés alentours … ayant prêté allégeance.
(a) C’est sous le règne de Tilokarat, et sur son ordre, que le titre de Chao (roi) se transforma en Phra Chao, c’est-à-dire le grand et divin roi (Roi universel – chakravartin). Phra à l’époque ne s’appliquait qu’aux objets ou concepts touchant au divin, à Bouddha, et avait le sens d’auguste, de suprême et de grand.
(b) En France Louis IX fit construire la sainte Chapelle, une œuvre architecturale remarquable pour y déposer des reliques (couronne d’épines – morceaux de la ‘’vraie‘’ croix etc…)
2/.- On retrouve les mêmes déités en stuc sur le Chédi du Wat Chet Yod construit à la demande et sous le règne de … Tilokarat.
Photo 1 : le prince Prajadhipok de Sukhothai, futur roi de Siam sous le nom de Phra Pokklao Chaoyuhua (1893-1925/1935-1941) (พระปกเกล้าเจ้าอยู่หัว) (Rama VII), et la future reine Rambahai Barni (1904-1984) (พระนางเจ้ารำไพพรรณี) le jour de leur mariage le 26 août 1918. (Le prince Prajadhipok ne fut couronné que 8 ans plus tard, le 25 février 1926). Le jour de leur mariage elle avait 14 ans et lui 25 ans.
Photo 2 : Le 24 ou 25 janvier 1927 (*) à la tête d’une caravane de 84 éléphants le couple royale, lors de sa visite au Lanna, fait une entrée remarquée à Chiang-Mai. C’était la première visite d’un roi de la dynastie Chakri. (**) Il reste de cette venue une rue portant le nom de Phra Pokklao qui part de la porte royale (Porte Chang Phuak) à la porte Chiang-Mai, départ de la voie royale qui conduit à Chiang-Saen. Rama VII a du entrer dans Chiang-Mai par la porte Chang Phuak … comme Kawila et les rois précédents lors de leur intronisation.
(*) Concernant la visite de Rama VII au Lanna, certains documents donnent l’année de 1926 tandis que d’autres celle de 1927 ?!...
Le règne de Rama VII commence le 25/11/1925 et son couronnement s’est déroulé le 25/02/1926 ?!... Pour ces raisons 1927 paraît plus probable mais … 1926 n’est pas à exclure pour autant ?!...
(**) Le chemin de fer est arrivé à Chiang-Mai en 1921. Ce qui signifie que Rama VII a bénéficié d’un moyen de transport que n’avaient pas ses prédécesseurs ?!.... Car je doute qu’il ait voyagé essentiellement à dos d’éléphant.
Photo 3 & 4 : Ce second Hot Traï ou Ho Dharma (หอธรรม) ou encore Ho Traï Kruba Chao Sri Vichaï (หอไตรครูบาเจ้าศรีวิชัย) (Numéroté 15 sur le plan), financé par un don de Luang Anusarn Sunthorn (1867-1934) (หลวงอนุสารสุนทร) et de son épouse Nang Anusarn Chua Yong Seng (นางอนุสาน ชัวย่งเสง) a été construit le 10 août 1926 dans le but de protéger nombre d’écrits sur feuilles de palmier. (5.408 de 1926 à 1928). Il a été rénové le 19 Mai 2001.
Des tambours sont aujourd’hui remisés dans la partie basse ou rez-de-chaussée.
La modestie de ce Ho Traï tranche avec la superbe de celui de l’entrée. Mais sa discrétion et sa simplicité ne font que rehausser l’atmosphère de méditation du lieu où il se trouve.
Quelques années plus tard, au XVIe siècle, vers 1518 le roi Bilakapanattāddirāja plus connu sous le nom de Chao Muang Kaeo (1495-1526) ordonne la construction du grand Vihara ou Viharn (Salle de prières).
Un an plus tôt, en 1517, les rois de Muang Naï et de Chiang-Thong sont venus prêter allégeance au Wat Phra Singh devant le Phra Bouddha Sihing.
Sous Chao Muang Kaeo le pouvoir connaît des hauts et des bas. Avec son successeur et petit fils, le fils de sa fille, Chao Ket Chetharat ou Setthathirath, (1525-1538) que les hauts dignitaires sont allés chercher à Luang Prabang, faute de successeur mâle en ligne directe, la situation va s’aggraver.
Elle s’aggravera d’autant plus qu’en 1538, au décès de son père Phra Chao Phothisarath roi du Lan-Xang, Chao Setthathirath va se précipiter à Luang Prabang pour se faire sacrer roi ; car ses frères cadets, à Luang Prabang, s’affrontaient déjà pour savoir lequel d’entre eux allait monter sur le trône du Lan-Xang à la place de leur aîné ?!...
En quittant Chiang-Mai Chao Setthathirath emportera avec lui … le Phra Sihing et le Bouddha d’émeraude en promettant de revenir. Mais … il ne reviendra pas, pas plus que le bouddha d’émeraude ?!....
Le grand Viharn d’hier !... du Wat Phra Singh. (Numéroté 2 sur le plan)
Photo 1 : Une photo du grand Viharn qui a été prise par le consul-général anglais en poste à Chiang-Mai à partir de 1921, M. William Alfred Rae Wood. Cette photo a été prise avant 1924 et le Viharn doit être celui construit ou rénové sous Kawila vers 1801.
Photo 2 : Le grand viharn après rénovation c’est-à-dire après 1924. Cette photocopie a été réalisée à partir d’une photo parue dans un livre signé de Camille Notton, consul de France à Chiang-Mai … ‘’Chronique de Xieng-Mai‘’ paru en 1932.
Photo 3 : Une photo de ‘’famille‘’ réunissant devant le parvis du grand Viharn tous ceux qui vont participer à sa rénovation. Sous l’un des parasols, assis en Samâdhi (สมาธิ) Phra Kruba Sri Vichaï et, sous le deuxième parasol, Phra Keao Nawarat le dernier ‘’Luang’’ de Chiang-Mai. (Luang ne veut pas dire roi mais plutôt … gouverneur. Bangkok était alors très regardant sur l’étiquette.)
Le grand Viharn (Numéroté 2 sur le plan)
Cette salle de prières ouverte à tous a du voir le jour dès la création du Wat, c’est-à-dire vers le milieu du XIVème siècle et aura donné satisfaction, moyennant peut-être quelques rénovations, deux siècles durant.
Au XVIe siècle, vers 1518, le roi Bilakapanattāddirāja plus connu sous le nom de Chao Muang Kaeo (1495-1526) (เจ้าเมืองแก้ว) ordonne la construction d’un nouveau grand Vihara ou Viharn.
Comme la plupart des édifices de la ville après l’occupation birmane il ne sera plus… vraisemblablement … que l’ombre de lui-même.
Chiang-Mai a vraiment été libéré début 1775, en février très exactement, mais malgré son nouveau nom de ‘’Muang Rattanalinssa Abhinavapuri‘’ en signe de victoire sur l’ennemi, les Birmans ne lâcheront pas prise. Il faudra faire face à leurs harcèlements pendant près de trente ans puis … repeupler la ville en persuadant les anciens habitants de revenir et … surtout … en déportant manu militari à Chiang-Mai des populations que les troupes de Kawila et de ses frères sont allés chercher en Chine du Sud (Sip Song Panna ou Xishuangbanna ou encore Yunnan) et dans les royaumes voisins, comme par exemple le royaume Shan. Trois grands raids, sur plusieurs années, illustrent cette déportation.
De 1782 à 1796 Kawila résidera à Wiang Pa Sang, une ville qu’il a créée à mi-distance entre Chiang-Mai et Lampang, d’abord parce que Chiang-Mai était inhabitable et ensuite pour pouvoir intervenir militairement le plus rapidement possible aux côtés de chacune de ces deux villes en cas d’attaques birmanes.
Kawila ne s’installera à Chiang-Mai qu’à une date auspicieuse … c’est-à-dire le jeudi 9 Mars 1796/97 ?!... soit … 5 siècles après la création de Chiang-Mai par Mengraï le 12 avril 1296 ?!... (Une date auspicieuse certes, mais aussi et surtout très symbolique.)
Ce ne sera qu’à partir de 1801 que Chao Kawila roi de Chiang-Mai et ses deux frères, tous deux vice-rois de Chiang-Mai, (*) entreprendront la remise en état de la ville dont la reconstruction d’un certain nombre de temples, et parmi les plus importants … le Wat Phra Singh (**) et le Phra That Chom, sis à 40 kilomètres après la ville d’Hang Dong.
L’une des grandes remises en état du grand Viharn date de 1920. Le maître d’œuvre en était alors Phra Kruba Sri Vichaï.
Cette grande salle de prières, de 24 mètres de large sur 46 mètres de long est l’une des plus grandes de Chiang-Mai, sinon la plus grande ?!....
(*) Phra Chao Kawila (1782-1816), l’aîné d’une fratrie de 10 enfants (7 garçons et 3 filles dont deux décédèrent en bas âge) était secondé par deux de ses frères, le troisième, Thammalangka (ธรรมลังกา) et le sixième, Setthi Kham Fan (เศรษฐีคำฝั้น).
Thammalangka, que le peuple appelait Chao Noï (Le second roi), avait alors le titre d’uparaja (vice-roi). Ce dernier attachera beaucoup d’importance aux affaires religieuses et à la rénovation des lieux de cultes. Il succédera à son frère Phra Chao Kawila à l’âge de 70 ans et règnera de 1816 à 1822.
Setthi Kham Fan portait lui, le titre de Phraya Burirat de Chiang-Maï (พระยาบุรีรัตน์เมืองเชียงใหม่). Il succédera à son frère Phraya Thammalangka et règnera de 1823 à 1825. Il sera le père de 20 fils et de 24 filles ?!...
(**) Le Wat Phra Singh suscita de grands travaux : la remise en état du grand Viharn, la construction de l’ubosot, et les peintures murales dans le Viharn Lam Kaï pour ne citer que ceux-là … les plus importants. Ces derniers montrent l’importance attachée au Wat Phra Singh par la nouvelle dynastie des Kawila.
Le grand Viharn du Wat Phra Singh … aujourd’hui !....
Photo 1 : L’aile gauche de la face Est du Wat Phra Singh.
Photo 2 : La face Est du Wat Phra Singh avec, s’élevant au milieu d’un rond-point, une image de Phra Kruba Sri Vichaï.
Photo 3 : L’arrière ou la face Ouest du grand Viharn.
Photo 1 : L’image du grand Bouddha reposant sur l’autel de l’intérieur du Viharn : Phra Sri Sanphet (พระศรีสรรเพชญ์) ou Luang Pho To (หลวงพ่อโต). Cette image aurait été coulée sous Kawila vers 1820 à la demande du vice roi Chao Luang Chang Phuak Thammalangka (เจ้าหลวงช้างเผือกธรรมลังกา) le troisième frère de Kawila ?!...
Pour la petite histoire : … Cette image a reçu le nom du Wat où l’image du Phra Bouddha Sihing a séjourné quand elle était à Ayutthaya vers 1378 ?!....
Photo 2 : Le grand Viharn côté Sud où s’élève le Ho Rakhagn (หอระฆัง).
Photo 3 : Le Ho Rakhagn ou tour de la Cloche. (Numéroté 3 sur le plan).
Phra Kruba Sri Vichaï (1878-1938) (ครูบาศรีวิชัย)
Dans les chapitres qui précèdent, il a beaucoup été question de Phra Kruba Sri Vichaï, alors il est temps de nous arrêter quelques instants sur ce personnage charismatique ayant une foi à soulever les montagnes.
Le religieux Phra Kruba Sri Vichaï (1878-1938) est comme le grand saint patron du Lanna. Pendant des années, sur les terres du Lanna, il a œuvré à la remise en état de nombreux Wat, (*) dont le Wat Phra Singh courant 1924, pour que le bouddhisme retrouve une nouvelle jeunesse et … peut-être soit en mesure de faire face aux missionnaires chrétiens.
Sa notoriété et son charisme inquiétèrent Bangkok, qui voyait en lui un leader prônant l’indépendance du Lanna ; ils suscitèrent aussi la jalousie au sein du Sangha, car les ouailles de certains moines n’avaient que le nom de Sri Vichaï à la bouche.
Les efforts de nuisance de ses détracteurs lui valurent deux emprisonnements préventifs, qui ne firent que rehausser son prestige.
Son charisme soulevait les foules, au point, par exemple, d’amener des flots de bénévoles à participer à la construction de la route qui conduit aujourd’hui au Wat du Doï Suthep. Cinq mille personnes par jour pendant presque 6 mois … œuvrèrent à la construction de cette route, écrivent des auteurs … enthousiastes ?!...
Son image (Statue) au bas du Doï Suthep est l’œuvre du sculpteur italien Corrado Feroci alias Silpa Bhirasi (ศิลป์พีระศรี). Elle fut Installée
(*) 108 disent ses nombreux biographes ?!... sans doute pour être en conformité avec les aspects auspicieux de ce chiffre. Autrement écrit il en a peut-être rénové un peu moins ou … un peu plus ?!... En tout cas, ‘’on‘’ ne doit pas être loin du compte ?!...
(Si vous voulez en savoir un peu plus sur Phra Kruba Sri Vichaï, lire les chroniques qui lui sont consacrées sur ce site.)
Photo 1 : L’image de Phra Kruba Sri Vichaï s’élevant devant l’entrée du Wat Phra Singh. (Numéroté 1 sur le plan)
Photo 2 : Le bâtiment où se retirait Phra Kruba Sri Vichaï, pour méditer. (Numéroté 16 sur le plan)
Photo 3 : Phra Kruba Sri Vichaï devant le Wat Phra Singh. (Photo de 1926)
Photo 4 : Phra Kruba Sri Vichaï entouré de moines devant son bâtiment destiné à la méditation au Wat Phra Singh. (Photo de 1926)
Photo 5 : Phra Kruba Sri Vichaï posant en compagnie de moines au côté du grand viharn du Wat Phra Singh. On aperçoit tout au fond l’ubosot et le Ho Traï numéroté 15 sur le plan … qui n’a pas la prétention de rivaliser avec celui de l’entrée. (Photo de 1926)
L’année 1551 marque la construction du viharn abritant le Bouddha couché ou Phra none (พระนอน) que les thaïlandais appellent Phra Bouddha Saïyat (พระพุทธไสยาสน์) (*) ; c’est aussi l’arrivée au pouvoir de Phra Chao Mekuti (พระเจ้าเมกุฎิ), un pouvoir qui va de mal en pis, au point qu’en 1558 Chiang-Mai et le Lanna vont tomber sous la férule des Birmans. Leur occupation va durer plus de 200 ans.
Alors la Birmanie va imposer sa culture, de nombreux temples seront dépouillés de leurs richesses et certains volontairement abandonnés, car trop proche de ce qui faisait l’identité du Lanna, tomberont en ruine ; le Wat Phra Singh sera du nombre !...
(*) Le mot Saïyat (ไสยาสน์) signifie se coucher, subséquemment Phra Bouddha Saïyat (พระพุทธไสยาสน์) veut dire le bouddha se couchant, le bouddha couché ; tandis que le mot ‘’none‘’ (นอน) à le sens de dormir, ce qui donne … le bouddha dormant. Alors à l’évidence, Phra Saïyat est plus approprié que Phra none mais, peut-être plus difficile à retenir pour un occidental ?!...
Le Viharn Phra Saïyat (พระวิหารพระพุทธไสยาสน์) (Numéroté 11 sur le plan)
Photo 1 : Le mur Ouest du Viharn qui, avant sa rénovation de 2011, se présentait sous la forme de grandes baies. L’image était alors visible du dehors, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.
Photo 2 : Le Bouddha couché, une image d’environ cinq mètres 80 de long.
Photo 3 : L’entrée d’usage (Sud) du Viharn abritant Phra Saïyat ou le Bouddha couché. (Photo du 05.05.2013)
Détails de la porte latérale : Il s’agit du dieu indien Vishnu monté sur son vāhana (monture céleste) Garuda, un oiseau mythique mi-homme/mi-aigle selon certains auteurs ou mi-homme/mi-vautour selon d’autres.
On retrouve Vishnu et Garuda au fronton du grand Viharn.
L’image (statue) du bouddha couché est en stuc. Son histoire est difficilement retraçable. Seules les deux dernières restaurations, 1950 et 2011 sont des renseignements fiables. En 1950 le supérieur du Wat était Phra Ubali khunu pama chan (พระอุบาลีคุณูปมาจารย์) et en 2011 Phra Ratcha Singha Wora Muni (พระราชสิงหวรมุนี), toujours en fonction en 2015..
Dans la galerie de Phra Pathom Chédi il existe cinq types de … ‘’Bouddha couché‘’ dont les attitudes suivent : 1/ ‘’les songes du (futur) Bouddha (ปางสุบิน) (4ème attitude.) 2/ ‘’Bouddha donnant l’enseignement à Asurindrāhu (*) (ปางโปรดอสุรินทราหู) (52ème attitude.) 3/ ‘’La prophétie‘’ (ปางพยากรณ์) (64ème attitude.) 4/ ‘’Bouddha donnant l’enseignement à Subhadda‘’ (**) (ปางโปรดสุภัททะ) (65ème attitude.) 5/ ‘’La grande et totale extinction‘’ ou ‘’Mahāparinibbāna‘’ (ปางปรินิพพาน) (66ème attitude.)
Ce bouddha couché correspond à la 66ème et dernière attitude ‘’La grande et totale extinction ou le ‘’Mahā Parinibbāna‘’ (***) (ปางปรินิพพาน). Conformément à l’iconographie de l’image, Bouddha est allongé sur le côté droit, dans la position du lion (Sīhaseyā) (สีหไสยาสน์). Son bras gauche est allongé le long du corps, mais … la main droite qui devrait être ouverte et reposer sur le sol est posée sur l’oreiller. La tête repose aussi sur l’oreiller et les yeux sont fermés.
Outre ces détails iconographiques, dans la pratique, ou sur le terrain, Bouddha à la tête au Nord, donc les pieds au Sud et … ‘’regarde‘’… bien qu’ayant les yeux fermés … vers l’Ouest, bref il fait face à l’Ouest.
C’est à l’Est que se lève le soleil, à partir de l’Est que la vie renaît, alors le Bouddha du grand Viharn, Phra Sri Sanphet (พระศรีสรรเพชญ์) ou Luang Pho To (หลวงพ่อโต) fait face à l’Est.
C’est à l’Ouest que se couche le soleil, en disparaissant derrière cet horizon l’ombre succède à la lumière et de ce fait … la vie s’éteint. Phra Bouddha Saïyat (พระพุทธไสยาสน์) dont la vie sur terre se termine, fait face à l’ouest.
L’Ouest est la direction de l’ombre, de l’obscurité, des ténèbres et de la mort. C’est à l’ouest du Wat que s’élèvent quelques Kus (tombeaux contenant des cendres). Parmi eux, il y a trois constructions qui sont plus importantes que d’autres.
Pour la petite histoire : C’est à l’Ouest de Chiang-Mai que seront construits la morgue et quelques mètres plus loin le cimetière royal se trouvant sur les terres du Wat Suan Dok.
(*) Alors que Bouddha se trouvait à Velivana une éclipse de lune suivie d’une éclipse du soleil se produisirent. L’auteur de la disparition, voire de l’enlèvement, de ces deux luminaires n’était autre que le démon Asurindrāhu. Grâce à sa rencontre avec Bouddha tout rentra dans l’ordre.
(**) Subhadda était un ascète que Bouddha reçu dans ses derniers instants. Converti aux enseignements du Bouddha, il se fit aussitôt ordonné par Ananda et le soir même atteignit l’état d’arhant (Saint bouddiste.)
(***) Le ‘’Mahā Parinibbāna‘’ : ‘’nibbāna‘’ est un mot pāli qui se traduit par nirvāna, et nirvāna, à l’origine, signifiait … extinction d’une flamme, cesser de souffler, anéantissement. Tous ces mots, et quelques autres, sont comme des ponts qui conduisent à un état de détachement … de délivrance ?!...
Le ‘’Mahā Parinibbāna‘’ pourrait donc se traduire par la grande délivrance finale de la transmigration. Nous dirions, en occident, la mort. Mais le nirvana n’est pas le paradis. Bouddha d’ailleurs n’en a jamais rien dit alors … que pourrais-je en dire ?...
Les trois principaux Ku-s s’élevant sur l’aire Ouest du Wat Phra Singh:
Photo 1 : Le Ku de Phra Ubali Kunu Pama Ajarn (พระอุบาลีคุณูปมาจารย์) (21 avril 1901- 4 mars 1973). Ce moine a été le supérieur du Wat Phra Singh de 1950 à 1973. Sa crémation eut lieu au Wat Phra Singh le 4 janvier 1974. Ses cendres reposent aujourd’hui dans le présent Ku. (Numéroté 13 sur le plan.)
Photo 2 : Ce Ku renferme les cendres d’au moins trois religieux :
1/ Phra Kru Wisuthi Sangkhakit (Jarine Unajak) (พระครูวิสุทธิสังฆกิจ – จรินทร์ อุณจักร) (11janvier 1916- ?...)
2/ Un Phra dont les informations le concernant sont devenues illisibles.
3/ Phra Sri Dhammarat Muni (Pra Seut Dhammato) (พระศรีธรรมรัตมุนี – ประเสริฐ ธมฺมาโต ปธ.6). (5 août 1915 – 30 décembre 1976). Ce moine à été le Supérieur en second du Wat Phra Singh. Sa crémation eut lieu le 9 avril 1977. (Numéroté 14 sur le plan.)
Photo 3 : Cet édifice (Numéroté 14a sur le plan) n’est pas à proprement parler un ‘’Ku‘’ mais un monument funéraire un … ‘’Anusawari‘’ (อนุสาวรีย์) ou plus exactement un monument funéraire entouré de bornes et de chaînes c’est-à-dire un ‘’Anusawari-milak-pakrop‘’ (อนุสาวรีย์มีหลักปักรอบ).
En cet endroit repose les cendres de Madame et Monsieur Anukorn Buri (อนุกรบุรี). Monsieur Anukorn Buri d’origine chinoise est arrivé dans la région à la fin de XIXe siècle. Ayant fait fortune il s’est montré très généreux vis-à-vis du Wat Phra Singh. (*) Alors en raison de sa générosité ses cendres avec celles de son épouse reposent aujourd’hui en ce lieu au Wat Phra Singh.
(*) Les ‘’dons‘’ des immigrés Chinois se présentaient sous deux formes : remise d’espèces ou construction d’un bâtiment d’utilité publique. Cette générosité, dont la spontanéité prêterait à discutions, était souvent ‘’récompensée‘’ par l’obtention de la ‘’nationalité‘’ Siamoise.
Khun Anukorn Buri avait opté pour la construction d’un Kuti (Habitat des moines), un très très bel ouvrage pour l’époque et toujours debout, près duquel s’élève son monument funéraire.
Pour ceux que l’histoire intéresse : En 1889 des troubles provoqués par la communauté chinoise secouèrent Chiang-Mai. Les impôts levés par Rama V pour financer ses réformes et mettre sur pied une armée n’avaient pas été acceptés de gaité de cœur par ces derniers, d’autant qu’ils étaient pratiquement les seuls contributeurs à l’effort royal. Il semblerait que Rama VI et ses successeurs aient … ‘’biaisé‘’ pour amener les chinois à mettre la main à la poche sans provoquer de troubles, mais peut-être pas de … mécontentements ?!....
En 1774 le vent tourne ; les Birmans sont chassés. Les armées alliées du Siam et du Lanna investissent Chiang-Mai dans la nuit du 14 au 15 janvier 1775 ; et l’homme fort du Siam, un certain Taksin, dès le mercredi 15 février 1775 se rend au Wat Phra Singh (*) pour s’incliner devant le Phra Bouddha Sihing et l’adorer.
(*) Il y avait à l’époque, à Chiang-Mai trois Bouddha Sihing. L’un est toujours au Wat Chao Mengraï, l’autre au Wat Phra Singh mais … où se trouvait alors le troisième que le prince Bovorn Racha Chao Maha Surasinghanart (1744-1803) ou l’uparaja (vice-roi) Boonma (อุบราชบุญมา) emporta à Bangkok en 1795 et qui aujourd’hui trône dans la chapelle du Musée National ?.... Si quelqu’un à la réponse elle serait la bienvenue !...
Cette première partie se termine sur une note d’espoir mais la visite n’est pas terminée. Alors si vous êtes toujours intéressés rendez-vous à la deuxième partie. Il y a encore de nombreuses pages à tourner, et toutes aussi intéressantes … du moins je l’espère.
Jean de la Mainate – Août 2015
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