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CORRADO FEROCI (1892-1962)
(คอร์ราโด เฟโรชี)
Avertissement : Je n'ai pas trouvé de livre sur la vie de Corrado Feroci alors j'ai été obligé de prendre en compte ce que j'ai pu glaner sur le net. Cependant j'ai vérifié autant que possible toutes les informations qui me sont tombées sous les yeux. Alors grâce aux temps du subjonctif et du conditionnel je devrais être très proche de la réalité.
DEUXIÈME PARTIE
LA PREMIERE PERIODE SIAMOISE & THAÏLANDAISE
de
CORRADO FEROCI alias SILPA BHIRASRI
(1923 – 1945)
Corrado Feroci l'homme qui avait fait sienne la maxime d'Hippocrate : ''Ars Longa Vita Brevis'' c'est-à-dire …
''Le savoir faire demande du temps et la vie est brève'' ou ''L'art est sans fin et la vie est brève''. C'est au choix !...
Résumé de la première partie.
Après avoir vu le jour à Florence, suivi des études de peintre et de sculpteur aux Beaux arts de cette ville, Corrado Feroci poursuivit son itinéraire en tant qu'artiste-enseignant à l'école des Beaux arts de … Florence.
Mais ses débuts de carrière ne semblent pas satisfaire ses ambitions. Alors il pose sa candidature pour un poste de sculpteur à la cour du Siam avec deux cents autres candidats !...
Ce sera lui qui sera choisi. Contre toute attente ?... Corrado Feroci n'en a jamais rien dit !...
En signant un contrat de trois ans, comme sculpteur au ministère des Beaux arts, lui garantissant un salaire mensuel de 800 bahts, et une allocation logement de 80 bahts il est alors loin de s'imaginer qu'il est à la veille d'une carrière hors du commun. Mais jugez-en plutôt !...
Avec son contrat en poche il quitte l'Italie en Janvier 1923 accompagné de sa femme, Fanny Viviani (1893-19) de son nom de jeune fille, et de sa petite fille Isabella.
Tout ce petit monde débarquera à Bangkok en février 1923.
Dès son installation le maître a des exigences qui ne sont pas faites pour lui attirer que de la sympathie. Non seulement il demande un studio avec une grande fenêtre, du jamais vu à la cour, mais le buste que le roi Rama VI lui a commandé n'est pas du goût du … ''sujet '' !...
Sans le prince Narisara Nuvatthivongse, (พระยา นริศรา นุวัดติวงศ์) ou Naris pour faire plus court, oncle du roi et frère de Rama V, qui lui fut enchanté de son buste, Corrado Feroci ne partait pas d'un bon pied à la cour du Siam.
Heureusement, le prince Prajadhipok, (1893-1925-1935-1941) (ประชาธิปกฯ) futur Rama VII, vint à succéder à son frère qui, malheureusement, passa de vie à trépas en novembre 1925 des suites d'une maladie. Deux ans à peine, après l'arrivée de Corrado Feroci.
Ce sera grâce à Rama VII que Corrado Feroci allait pouvoir montrer son savoir faire.
Déjà en 1926, l'une de ses initiatives avait impressionné la gent royale et bon nombre de ses supérieurs hiérarchiques. Cette année là il avait créé un cours gratuit pour peintres et sculpteurs en herbe, dont le succès et surtout les résultats des élèves furent sans conteste.
Cet événement fut-il à l'origine de son nouveau contrat ?... nul ne peut le dire. Toujours est-il que cette même année il est alors engagé pour une durée indéterminée en tant que professeur de sculpture au département des arts de l'institut royal, moyennant un salaire de … 900 bahts par mois ; une augmentation de 12,5% par mois … quelque peu modeste surtout quand on sait qu'aujourd'hui les prix en Thaïlande augmentent eux, et d'un seul coup, de 10 à 20% au minimum !... Vrai de vrai.
En France des hausses aussi importantes donneraient lieu à de sérieuses contestations. En Thaïlande elles passent comme une lettre à la poste.
Son premier grand chef d'œuvre date de 1929 et va lui demandé trois ans de travail.
Rama VII pour commémorer le 150ème anniversaire de Bangkok et de sa dynastie, (*) décide alors de la construction d'un pont au-dessus du Chao Phraya, le fleuve qui arrose la ville, reliant Bangkok à Thonburi.
Tout naturellement le nom du pont est celui du fondateur de Bangkok et de la dynastie des Chakri, c'est-à-dire ''Phra Bouddha Yodfa'' (1737-1782-1809) (พระพุทธยอดฟ้า) ou Rama 1er.
En fait le pont porte le nom de Pathom Borom Rachanusorn (สะพานปฐมบรมราชานุสรณ์) ce qui signifie ''le pont du premier roi''.
Pour honorer au mieux Rama 1er il est aussi décidé d'ériger en contrebas du pont une image en bronze de son auguste personne de plus de 4 mètres de haut.
Une œuvre en bronze de cette importance n'avait encore jamais été réalisée. C'était donc une ''grande première''.
Le prince Naris, président de l'institut royal et directeur du département des Beaux-arts sera le concepteur du projet et Corrado Feroci le réalisateur, ou plutôt le sculpteur.
Photo 1 : le pont enjambant le Chao Phraya, vu de Bangkok. Tout à fait à gauche la construction n'est autre que le monument dédié à Rama 1er, sa statue est à l'intérieur du rectangle noir. On l'aperçoit vaguement.
Photo 2 : Le bronze de Rama 1er. Les trois figurines du trône représentent ''Garuda'' l'emblème de la dynastie des Chakri et la monture du dieu Vishnou. (Nov. 2007)
Photo 3 : Le monument vu dans son ensemble (Nov. 2007)
Photo 4 : Une photo du jour de l'inauguration du pont. (06/06/1932).
La statue sera coulée en Italie, dans la ''fonderia artistica Ferdinando Marinelli'' en 1930 ; ce qui donnera l'occasion à Corrado Feroci de retourner, pour la première fois, dans son pays après sept ans d'absence.
Puis en 1932 ce sera l'inauguration, en grande pompe. Cette œuvre vaudra la même année à Corrado Feroci d'être décoré de l'ordre de l'éléphant blanc, une distinction siamoise des plus enviées.
(*) Un petit plus concernant ces œuvres d'art.
L'image et le pont furent inaugurés le 6 avril 1932 au grand soulagement de Rama VII et à la grande joie des Siamois, car un astrologue des plus renommés avait prédit pour le 1er avril 1932 la fin de la dynastie des Chakri.
En fait la dynastie des Chakri est toujours, en 2011, au pouvoir. Mais en juin 1932, c'est-à-dire quelques jours plus tard, la monarchie absolue des Chakri devenait une monarchie constitutionnelle suite à un premier … vrai coup d'état.
Si Rama VI avait envoyé en France les astrologues du royaume, comme il a envoyé des étudiants en droit ou en école de guerre, étudier la politique à ''Sciences po'' peut-être que la prédiction aurait été formulée avec les termes adéquats ?.... car les astrologues auraient appris à faire la différence entre une fin de dynastie et une fin de régime ou … de pouvoir absolu ?!...
Ci-dessous le site où ont été prises les trois premières photos :
http://www.manager.co.th/Travel/ViewNews.aspx?NewsID=9530000092837
Photo 1 : La façade de la poste centrale de Bangkok. Elle est construite dans un style art déco et occupe au sol un espace en forme de ''T''.
Photos 2 & 3 : Garuda, l'œuvre commune au prince Naris et à Feroci. Ils se situent tout en haut et de part et d'autre de l'avancée en forme de ''U'' renversé, qui au beau milieu de la façade met en évidence l'entrée du public.
Photo 3 : A défaut de photo, une caricature de Phra Saroj Nimman Ratana, (พระสาโรชรัตนนิมมานก์) l'architecte de la poste centrale de Bangkok.
C'est aussi vers 1932 que va commencer la collaboration de Corrado Feroci avec Phra Saroj Nimman Ratana, (พระสาโรชรัตนนิมมานก์) (*) un architecte diplômé de l'université d'architecture de Liverpool.
De conserve ils vont œuvrer pour élaborer ce que nous appelons aujourd'hui un … ''cahier des charges'' devant permettre la création d'une école des Beaux-arts.
Lorsque l'école verra le jour en 1935, Phra Saroj Nimman Ratana (*) sera responsable du département de l'architecture et Corrado Feroci de ceux de la sculpture et de la peinture.
(*) Pour prendre la relève des architectes étrangers, et construire des bâtiments autres que les temples traditionnels, Rama VI envoya des universitaires étudier l'architecture en Angleterre et en France. Certains allèrent aussi aux Etats-Unis.
Phra Saroj Nimman Ratana fut l'un des étudiants de la première génération des architectes siamois.
Il fut, entre autres, l'architecte de la poste centrale de Bangkok.
A propos de la poste centrale de Bangkok :
Le prince Naris dessina le ''Garuda'' qui la surplombe en deux endroits et Corrado Feroci le sculpta ainsi que quelques autres œuvres participant à la décoration extérieure et intérieure de l'édifice.
Dans cette entreprise Phra Saroj Nimman Ratana fut assisté par Jit Sen (Mew) Aphaiwong (นาย จิตร เสน (หมิว) อภัยวงศ์) qui par ailleurs était l'architecte du monument de la démocratie et d'une quinzaine d'immeubles avenue Ratchadamnenklang !... (Lire les chroniques sur le monument de la démocratie pour en savoir plus.)
Les jeunes architectes siamois ne chômaient pas à cette époque !....
Il est vrai qu'ils étaient peu nombreux, et qu'il fallait ''rentabiliser'' le coût de leurs études à l'étranger.
Corrado Feroci participa aussi en tant sculpteur à la construction du monument de la démocratie, comme nous le verrons par la suite. D'ailleurs le monument de la démocratie et la poste centrale furent inaugurées le même jour, le 24 juin 1940 ?!...
Là encore les inaugurations se faisaient au pas de charge. Il est vrai que c'était un militaire qui était au pouvoir, un certain … Phibun qui lui aussi fit ses études de militaire en France, à Poitiers et à Paris.
Photo 1 : Le Garuda qui figure dans la ferronnerie d'art protégeant les ouvertures de la poste. En agrandissant la photo n° 2 la ferronnerie apparaît au mieux.
Photo 2 : Le monument du prince Panurangsi Sawangwong (1859-1928) (เจ้าฟั ภาณุรังสีสว่างวงศ์) qui est considéré comme le père de la poste thaïlandaise car il fut le tout premier directeur des postes et télégraphes. Il n'y avait pas encore de ministère des postes et télégraphes à son époque.
Ce serait le 45ème fils de Rama IV. De ce fait il était frère de Rama V et oncle des rois Rama VI et Rama VII.
Le monument se situe devant la poste centrale et est signé ?.... je vous laisse deviner.
Photo 3 & 4 : Ces œuvres réalisées en stuc se trouvent à l'intérieur du hall de la poste. La première sculpture reproduit un timbre à l'effigie de Rama V émis en septembre 1899. La seconde est une œuvre d'imagination à partir de la statue de Rama 1er datant de 1939. C'est du Feroci dans du Feroci !...
Corrado Feroci ne devait pas savoir où donner de la tête. D'ailleurs très souvent il se borna à sculpter les têtes de ses sujets et confia la réalisation des corps à ses élèves.
En 1938 la pression fut telle que pour le monument de la démocratie au lieu de créer huit bas-reliefs originaux comme prévus, deux par piédestal, il n'en réalisa que quatre à cause du manque de temps.
Alors chacun d'eux fut sculpté en double et de ce fait chaque piédestal eut ses deux bas-reliefs.
Qui aujourd'hui se rend compte de la … supercherie ?...
Comme le monument de Rama 1er eut l'art de plaire, et qu'il fut dit qu'il revenait moins cher de faire soi-même ses monuments plutôt que de les commander à l'étranger, Corrado Feroci, qui déjà n'avait plus une seule minute à lui, allait néanmoins devoir redoubler d'efforts .
Cela d'autant plus que le nouvel homme fort, le dictateur Plaek Phibun Songkhram (1897-1964) (แปลก พิบุล สงคราม) bien avant ses pleins pouvoirs du 20 décembre 1938, n'aura de cesse qu'à mettre au goût du jour, celui d'un nationalisme exacerbé, toutes les personnalités t'aïes d'antan ayant eu un rôle un tant soit peu libérateur dans leur région, en les … statufiant !...
Alors outre Rama 1er, il fut le sculpteur de Thao Suranari (ท้าวสุรนารี) en 1934, de Vajiravudh ou Rama VI (วชิราวุธ รัชกาลที่ ๖) en 1941, du roi Taksin (ตากสิน) en 1950/1951, du roi Naresuan (พระ นเรศวร) en 1956, du Bouddha de Nakhon Pathom (พระพุทธนครปฐม) en 1957, de Phra Kru Ba Sri Vichaï (พระครูบาศรีวิชัย) le saint bonze du Lanna, dont l'image est à Chiang-Maï au pied du Doï Suthep !....
Mais aussi le sculpteur des bas reliefs du monument de la démocratie (อนุสาวรีย์ประชาธิปไตย) en 1938/1940, des bronzes du monument de la victoire (อนุสาวรีย์ชัยสมรภูมิ) en 1942, et encore d'une multitude d'autres créations sur lesquelles nous reviendrons pour en dire quelques mots.
(*) Quelques précisions concernant des œuvres phares :
Thao Suranari ou Ya Mo : La statue s'élève à Nakhon-Ratchasima appelé aussi Korat. Cette femme défendit la ville d'une invasion laotienne en 1671.
Rama VI : La statue se situe devant l'entrée du parc de Lumpini à Bangkok. Rama VI fut comme ''l'importateur'' du nationalisme au Siam et son ''propagateur'' via de nombreux articles de presse dont il était l'auteur sous différents pseudonymes.
Le roi Taksin (1734-1767-1782) : La statue se trouve à Thonburi, pratiquement à l'opposé de celle de Rama 1er qui lui tourne le dos. (Hasard voulu ?...).
Taksin fut déclaré fou et ce fut son ami et général le plus proche qui lui succéda sous le titre de Rama 1er.
C'est Taksin qui chassa les Birmans en 1767, redonna son indépendance au Siam et en moins de 15 ans doubla sa superficie.
Attention : Il ne faut pas confondre le roi Taksin avec l'ancien premier ministre en exil (nous sommes actuellement en 2011) dont la phonétique du nom pour un Farang semble la même, ce qui n'est pas le cas pour un Thaïlandais. Le nom du second s'écrit ...Thaksin, avec une ''h'' entre le ''T'' et le ''a''.
Le roi Naresuan (1555-1590-1605) (พระ นเรศวร) (*) : Ce roi d'Ayutthaya est aussi connu sous le nom de Phra djao Sanphet II (พระเจ้า สรรเพชญ์ที่2). Sa statue s'érige dans l'université de Phitsanulok, ville où il naquit.
En 1590 il libéra Ayutthaya de l'occupation Birmane et en 15 ans donnera au Siam une puissance qu'il n'avait encore jamais eue.
(*) Plusieurs statues du roi Naresuan ont été réalisées par Corrado Feroci. Il ne faut donc pas les confondre.
Photo 1 : Le monument du roi Taksin (อนุสาวรีย์สมเด็จพระเจ้าตากสินมหาราช) à Thonburi.
Pour réaliser cette œuvre Silpa Bhirasi s'était fait assister par Sitthidet Saenghiran (1916-1957) (สิทธิเดช แสงหิรัญ) l'un de ses élèves.
Photo 2 : L'aviateur, l'un des quatre bronzes représentant les différentes armes figurant au monument de la victoire de Bangkok. Silpa Bhirasi fut là encore assisté par Sitthidet Saenghiran.
Photo 3 : ''Bouddha en marche'' une image créée à l'occasion du 2.500è anniversaire du bouddhisme en 1957. Cette image se trouve dans le Hall de la sculpture de l'université de Silpakorn.
Photo 4 : Toujours dans le hall de la sculpture de Silpakorn, la réplique de la tête de ''Phra Sri Sakkaya Thotsaphonlayan Prathan Phutthamonthon Suthat'' (พระศรีศากยะ ทศพลญาณ ประธาน พุทรมณฑลสุทรรศน์) qui s'élève à Nakhon Pathom depuis 1982. La plus grande image de Bouddha : 15 mètres 875 mm.
L'image fut créée par Silpa Bhirasi, puis après son décès agrandi par Chaovalit Hatsapong (ชวลิต หัศพงค์) modelée par Thawatchai Srisompetch (1943) (ธวัชชัย ศริสมเพ็ชร) et le tout supervisé par le concepteur du projet, Saroj Jarak (สาโรช จารักษ์).
Un timbre a été émis sur le sujet le 05/12/1988 sous le n° 383.
L'artiste Thawatchai Srisompetch, né à Chiang-Maï, à l'œuvre.
Grâce à Corrado Feroci les Thaïlandais sont devenus des maîtres dans l'art de sculpter et de couler des ''images'' en bronze du Bouddha.
Ainsi sous le règne du roi actuel, Rama IX, une collection de quatre-vingts Bouddha en bronze a été réalisée dans les années 80/84. Chaque image représente le Bouddha dans une attitude bien précise. Elles sont toutes caractéristiques du style de Bangkok qui s'inspire de celui de Sukhothaï.
Cette collection, la plus importante jamais réalisée, a été financée par des fidèles qui ont ainsi obtenu des ''mérites''.
Elle se trouve, elle aussi à Nakhon Pathom, dans la galerie de Phra Pathom Chedi, le plus haut chédi du monde, un peu plus de 120 mètres de hauteur !...
Ce serait à partir de Nakhon Pathom que le Bouddhisme se serait répandu en Thaïlande.
Certaines œuvres collèrent à l'actualité, mais une actualité pas toujours objective comme en témoigne le monument de la victoire, dont Corrado Feroci lui-même disait à l'époque que c'était le monument de … ''l'embarrassement''.
Celui-ci consacre, selon les Thaïlandais, la victoire des armées Thaïlandaises sur les forces françaises d'Indochine en janvier 1940 ; laquelle se résume à une suite de harcèlements thaïlandais de quelques mois, où au final le tiers de leur flotte fut coulé, et à un arbitrage du Japon au détriment des Français … en y mettant cependant quelques nuances, car les japonais semblent avoir eu quelques égards vis-à-vis des Français !....
Il est vrai que les forces françaises n'avaient pu faire mieux que résister aux agressions Thaïlandaises, mais sans démériter compte tenu d'un manque de moyens crasse.
Vichy fut incapable de la moindre aide matériel et nos soi-disant alliés anglais et américains au lieu de nous fournir en armes, ou de transporter des troupes stationnées en Afrique, contre espèces sonnantes et trébuchantes dont disposait l'état-major d'Indochine, n'apportèrent que leur aide …diplomatique ?!... (*)
Déjà Anglais et Américains comptaient-ils se partager l'Indochine française ?... En tout cas ce fut la carte qu'ils jouèrent … non ?!...
(*) Pour ne pas trop acculer nos … alliés, il me faut signaler que les américains cessèrent … quand même … leurs ventes d'avions de combat aux Thaïlandais.
Bref, la Thaïlande de Phibun paradait sur le dos des Français tout en flirtant avec le Japon. Mais le flirt se termina par un viol.
Le 8 décembre 1941 le Maréchal Hisaichi Terauchi ordonna un débarquement en Thaïlande de ses troupes, sans demander l'autorisation préalable aux intéressés. Pour ne pas perdre la face les Thaïlandais signeront un traité d'alliance treize jours plus tard.
Ce sera donc sous la collaboration japonaise, le 12 octobre 1943 très exactement, que l'école des Beaux-arts se transformera en une université, l'université Silpakorn (มหาวิทยาลัยศิลปากร) (Maha Withaya Lay Silpakorn). (*)
Corrado Feroci en devint le 1er directeur et le 1er doyen des facultés de peinture et de sculpture.
L'entrée de l'université Silpakorn en 1943 et en 2011
(*) L'université Silpakorn prendra comme logo l'éléphant Ganesha, le dieu des arts et de la littérature.
La couleur de l'université sera un vert-bleu (สีเขียวเวอร์ริเดียน) (si-khio-Weridiane) où le vert l'emporte sur le bleu d'où le mot ... Viridian qui vient du latin viridis et qui signifie … verdure … vert.
L'arbre de l'université sera le Dracaena Cochinchinensis (Lour.) ou en thaïlandais : Chan Daeng (จันทน์แดง) Chan Pa (จันทน์ผา) Lakka chan (ลักกะจันทน์) et encore Ton jan (ต้นจัน).
Ce fut aussi cette année là que la chanson napolitaine ''Sainte Lucie'' ou ''Santa Lucia'' écrite par le Napolitain Théodore Cottrau ou Théodoro Cottrau (1827-1879) pour les gondoliers vénitiens et devenue après sa publication en 1849 un succès national et international, puisque Enrico Caruso la chanta, a été adoptée comme hymne officiel de l'université Silpakorn.
Mais les titres de Corrado Feroci étaient une chose et la capitulation du 3 septembre 1943 de l'Italie en fut une autre.
En capitulant l'Italie rejoignait les alliés et … quittait les forces de l'axe, initialement … Rome-Berlin-Tokyo.
Alors de ce fait les japonais vinrent arrêter Corrado Feroci, devenu un ennemi, et comme s'ils avaient été chez eux afin de l'envoyer construire le chemin de fer de la mort qui était toujours à court de main d'œuvre.
Il faudra toute l'habileté et la diplomatie du directeur général du département des Beaux-arts d'alors, Luang Vichit Vadakan (*) qui aimait à dire que ''le Japon est un tigre avec lequel il vaut mieux être ami'', pour qu'en Janvier 1944 un certain … Silpa Bhirasi (ศิลปะ พีระศรี) se trouvât à la tête de l'université Silpakorn en ayant tous les traits d'un certain … Corrado Feroci !....
En fait Bhirasi et Feroci ne faisait qu'un, car Corrado Feroci avait troqué sa nationalité italienne contre une nationalité thaïlandaise et changer d'identité par la même occasion.
Les japonais, plutôt beaux joueurs, mais pouvaient-ils faire autrement, acceptèrent le tour de passe-passe !...
A l'occasion de cette nouvelle identité, Corrado fut changé en Silpa, qui est une contraction de ''Sin-la-pa'' (ศิลปะ) et qui signifie ''art'' en Thaïlandais ; quant à Bhirasi, (พีระศรี) qui devrait se prononcer Phirasi, ce ne serait qu'une transcription phonétique de Feroci, dixit le maître lui-même.
D'après certains témoignages Corrado Feroci parlait le thaïlandais. Mais avec un tel accent qu'il était très difficile de le comprendre. Alors peut-être fut-ce pour cette raison qu'il ne donnât ses cours qu'en anglais ?!....
Ses élèves, paraît-il, l'écoutaient bouche bée. Cependant il faut savoir que les élèves thaïlandais sont d'une telle politesse qu'ils écouteraient le premier professeur martien venu … sans broncher !...
(*) Vichit Vadakan, (1898-1962) (หลวงวิจิตรวาทการ) ou Luang Wichit Wathakan était le chantre ''pan-thaï'' de la dictature Phibun et son idéologue en chef.
Alors il cacha sa vie durant son origine chinoise (Kim Leang กิม เหลียง de son vrai nom) et resta suffisamment marié avec une Française pour lui donner deux enfants qui n'eurent de thaï que … leur nom … et encore ?!...
Il fut du comité qui donna au Siam le nom de Thaïlande.
Vichit Vadakan connut Phibun à Paris où il étudia lui aussi entre 1921 et 1927. Il s'illustra en tant que dramaturge, historien et fut à la tête de nombreux postes politiques durant toute sa vie.
Cependant, malgré ses relations privilégiées avec Phibun, il serait resté fidèle à Rama VII et aurait refusé de participer au coup d'état de juin 1932. De l'opportunisme, du respect ou de la prudente réserve ?...
Aurait-il été lui-même capable de se l'avouer ?...
Après la guerre, donc courant 1945, Silpa Bhirasi, d'après tous les textes que j'ai pu lire, se serait trouvé dans une situation financière plus que précaire ; car, parait-il, il aurait mis en vente son mobilier et serait rentré en Italie pour y chercher du travail ?!....
La pudeur avec laquelle l'événement est rapporté dans tous les textes thaïlandais a piqué au vif ma curiosité.
Comment du jour au lendemain cet homme a-t-il pu connaître des temps difficiles ?...
N'aurait-il pas plutôt cherché à fuir une éventuelle … épuration ou arrestation. Car le moins qu'on pût dire c'était qu'il avait collaboré tant et plus avec le régime de Phibun. Ses œuvres étaient partout dans Bangkok et la Thaïlande.
Alors pour trouver grâce auprès des américains et des alliés, les ''nouveaux maîtres'' de la Thaïlande, des ralliés de la dernière heure pour la plupart, avaient-ils mis à l'index tous ceux qui avaient servi le dictateur déchu ?...
Personnellement j'en doute, car cela aurait fait pas mal de monde, à commencer par de nombreux … ''nouveaux maîtres'' !....
Cependant ce fut vraisemblablement avec l'assentiment de certaines personnalités, et non des moindre, que Corrado Feroci serait rentré en Italie. Car l'homme de l'art était apprécié de tous que cela plaise ou non à ses détracteurs.
Il se serait alors agi, non de raisons pécuniaires mais d'échapper à une éventuelle arrestation, non de la part des thaïlandais mais des alliés ; et par la même occasion de se faire oublier pendant quelques temps !...
Là doit être la véritable raison de son deuxième retour en Italie, du moins à mon avis, car je n'ai aucun élément pour conforter mes suppositions, mais étant donné l'époque !...
Ces images ont été prises sur le site :
http://www.bloggang.com/viewblog.php?id=haiku&group=2&page=4
Photo 1 : L'un des nouveaux plafonds de la villa Norasing à Bangkok réalisé par Corrado Feroci et une équipe de ses élèves.
Ces travaux lui ont été confiés par Plaek Phibun.
On oubli trop souvent que Corrado Feroci fut aussi peintre.
Photo 2 & 3 : Corrado Feroci œuvrant sur le Bouddha de Nakhon-Pathom, celui de 1957. (L'auteur de la 2ème photo est un certain : Bubuu (บุบุ้ ?...)
Photo 4 : Une image d'un haut dignitaire avec à sa droite Corrado Feroci et à sa gauche le prince Naris.
Toujours est-il que pour la seconde fois Corrado Feroci retourne en Italie sans qu'il me fut possible de savoir si c'était seul ou avec sa famille. Mais ce fut probablement seul pour ''circuler'' plus librement au cas où !....
Son exil ne durera pas longtemps. Car il avait si bien servi l'ancien dictateur qu'il aurait été stupide pour les nouveaux tenants du pouvoir de se priver d'un homme aussi dévoué et aussi productif. Car en fait Corrado Feroci n'a jamais servi personne d'autre que … l'art !...
Alors Silpa Bhirasi sera officiellement prié de revenir en Thaïlande dans les mois qui suivirent. Et ce dernier qui ne devait attendre que cela, répondra favorablement à la demande.
Quelle Thaïlande va-t-il alors retrouver ?...
La suite se trouve dans la chronique de la troisième et dernière partie de : CORRADO FEROCI (1892-1962) (คอร์ราโด เฟโรชี) qui est classée elle aussi dans la catégorie ''Peintres du Lanna (Les) ''.
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