MerveilleuseChiang-Mai

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HISTOIRE DU LANNA N° 1



               PEUPLEMENTS, DEPEUPLEMENTS 

                 ET REPEUPLEMENTS DU LANNA

                 TOUT AU LONG DE SON HISTOIRE.      

 

                                          Premier Chapitre          

 

   Naissance, apogée et colonisation du Lanna

 

C’est à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle que le royaume du Lanna va faire son entrée dans le monde moderne et perdre son indépendance.

 

L’exploitation de ses forêts de teck sera l’une des causes principales de ce bouleversement. Mais le comportement de ses dirigeants successifs, les Chao Luang de Chiang-Mai, c’est-à-dire les rois de Chiang-Mai, est aussi à prendre en considération. Mais nous y reviendrons.

 

Du fait de ce … ‘’chambardement‘’ et de ses effets secondaires, le Lanna va connaître nombre de soulèvements et de révoltes, après avoir subi moultes déportations et une occupation birmane de près de deux cents ans. Pour mieux et bien comprendre ces événements successifs, il convient de faire un peu d’histoire.

 

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Photo 1 : L’aire du Lanna que créa le roi Mengraï vers 1261, et tel qu’il le laissera à la fin de son règne en 1317 ou 1318. Tout commença avec la création de Chiang Rai et le royaume du Yonarattha, puis celui de Biṅgaraṭṭha. Le roi Mengraï est né vers 1237, devint roi vers 1261 et s’éteignit en 1317 ou 1318, selon les auteurs, voire -peut-être – quelques années plus tôt.

Photo 2 : Le Lanna à son âge d’or, sous le règne du roi Tilokarāja, (1409-1441-1486/87). Un règne d’environ 45 ans.

Photo 3 : Le Lanna d’aujourd’hui dans les frontières de la Thaïlande. (La province de Tak fut rattachée au Lanna par Rama Ier en 1784, mais elle n’appartient pas , à proprement parler, au Lanna).

Nota bene : Les cartes 1 et 2 ont été réalisées d’après des cartes commises par Volker Grabowsky.           

 

 

Lors de la première guerre Anglo-birmane (1824-1826) les Britanniques vont se rendre maître des ports commerciaux de Mergui, Moulmein et Bassein. Puis ils vont obtenir le contrôle des provinces de l’Arakan et du Tenasserim dont, pour cette dernière, la frontière Nord, est commune avec celle du Lanna.

 

Ces faits seront entérinés avec le traité de Yandabo signé le 24 février 1826. Mais la signature de ce traité, loin d’avoir satisfait les appétits anglais fut suivi d’une deuxième guerre ‘’Anglo-birmane‘’ (1852-53) qui se terminera par l’annexion pure et simple des provinces occupées par eux, à savoir le Pégou et le Martaban ; les Birmans, bien que vaincus, avaient alors refusé de signer le moindre traité.

 

À cause de cette deuxième guerre Anglo-birmane (1852-53), il y en aura une troisième en 1885, l’exploitation forestière du bois de teck fut suspendue en Birmanie, mais les besoins en bois de teck restèrent les mêmes pour les anglais.

 

Alors les Shans et les Karens, deux ethnies dont les ressortissants travaillaient pour les anglais, se replièrent sur les forêts du Lanna où le tek n’était alors utilisé que pour des besoins domestiques et pour les hommages, c’est-à-dire les tributs que versaient les Chao Luang de Chiang-Mai à leur suzerain, le roi de Bangkok. En général ce bois de teck servait à la construction des temples.    

 

 

En Birmanie, il en allait tout autrement. Les anglais exploitaient le teck industriellement, d’abord pour leur construction navale (1) et ensuite, en tant que traverses, pour la pose de leurs voies ferrées qui devaient les conduire jusqu’au Yunnan, considéré à l’époque, tant par les anglais que par les Français comme un nouvel Eldorado. 

 

Ce besoin en teck de la part des anglais deviendra une opportunité pour les dirigeants du Lanna ; car elle sera l’occasion de nouvelles ressources financières. Ainsi, en 1860 les gains provenant de la vente du bois de teck dépassèrent ceux de la vente des bovins et des éléphants. De ce fait la roupie indienne entrera au Lanna et durant plus d’un siècle sera la monnaie de référence dans la région de Chiang-Mai.

 

Ces revenus dégagés par la vente du bois de teck échappaient pour une grande part au Siamois, c’est-à-dire à Bangkok et à son roi, Chulalongkorn dit Rama V (จุฬาลงกรณ์) 1853-1868/1873-1910), lequel avait alors un grand besoin d’argent pour mettre en œuvre sa politique de modernisation et d’unification de son royaume ; à savoir incorporer définitivement les terres de ses vassaux à celle de son royaume pour n’en faire qu’un ; mais encore fallait-il un prétexte … ‘’valable‘’ … pour intervenir auprès de ses/ces vassaux qui, jusqu’à preuve du contraire, étaient encore maître chez eux et pouvaient du jour au lendemain chercher un nouveau suzerain ou se dégager de leur serment de vassalité. Mais encore fallait-il pouvoir le faire ?!... Cependant, à cette époque, un roi de Chiang-Mai a vraisemblablement cherché la protection d’Ava.

 

Ce sont les britanniques qui vont donner au roi Chulalongkorn l’occasion d’intervenir auprès de son vassal par le biais de plaintes mettant en cause les autorités du Lanna, qui, à les entendre, ne respectaient ni leurs contrats et ni leurs engagements. Ce qui devait être vrai, d’autant que certains princes ne se gênaient pas pour louer une même parcelle de forêt à plusieurs sociétés et que c’était le montant du pot-de-vin qui faisait prendre en considération la demande d’un requérant … entre autres exactions ?!....

 

En réponse à ces griefs, Chulalongkorn va satisfaire les anglais tout en leur coupant l’herbe sous le pied, car il va mettre en place une structure administrative relevant directement de Bangkok. De ce fait les britanniques qui caressaient l’idée d’annexer le Lanna à leur empire, se retrouvèrent ‘’Gros-jean comme devant‘’, à moins d’un conflit armé pour concrétiser cet éventuel projet que la France n’aurait vraisemblablement pas accepté sans contrepartie ?!....

 

Le coût de cette administration, et les besoins financiers de la capitale vont se traduire par un nouveau mode d’imposition qui va mécontenter la population du Lanna, et dans un premier temps plus exactement celle de Chiang-Mai et de ses environs. De leur côté, les fonctionnaires siamois chargés de collecter les taxes, c’est-à-dire de riches chinois, vont adopter un comportement qui va pousser les redevables, déjà mécontent, à la révolte.

 

(*) Pour construire un navire d’une durée de vie maximum de 20 ans il fallait 2.000 beaux chênes. À force d’exploiter les forêts d’Europe les chênes sont devenus rares. C’est pourquoi les anglais se sont rabattus sur le bois de teck pour remplacer le bois de chêne.

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Photo 1 : L’une des sources de revenus du Lanna était la vente de bovins et d’éléphants à ses voisins. Cette gravure montre un piège pour capturer des éléphants. (Bureau des estampes série ‘’usage de Siam‘’ – BNF. Gallica).

Photo 2 : Une carte de l’Indochine en rapport avec la situation géographique du milieu du XIXe siècle (1860). Les noms et leur orthographe sont ceux utilisés aujourd’hui. (Exemples : Xieng Mai est écrit Chiang Mai et Labong est transcrit Lamphun.)

Photo 3 : Un éléphant mettant à flot un tronc de teck en partance pour Tak et peut-être Bangkok. Cette photo de presse de l’agence Mondiale date de 1932, et appartient au fond de la BNF. Gallica.)

 

 

Vers 1874 le Lanna, après bien des vicissitudes, semblait avoir retrouvé un certain art de vivre. Certes, ce n’était plus la puissance qu’il avait été du temps de Tilokarāja, mais des royaumes vassaux de Bangkok dont les chao Luang (1), ceux de Chiang-Mai, Lamphun, Lampang, Nan et Phrae jouissaient, chacun de leur côté, d’une certaine autonomie. Un siècle plus tôt il en allait tout autrement, le Lanna et ses principautés, dont Chiang-Mai, n’étaient plus que l’ombre d’eux-mêmes. Mais remontons jusqu’aux origines de ce royaume pour comprendre comment il s’est peuplé, et pourquoi l’appartenance ethnique passe avant une citoyenneté nationale, du moins en ce qui concerne les populations du Lanna.

 

(1) Le titre de Phraya a été remplacé en 1853 par celui de Chao.

 

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Photo 1 : Une carte de l’Asie du Sud-Est au XIIIe siècle. Cette carte a été réalisée à partir d’un travail de Nicolas Eynaud

 

 

Naissance du Lanna :

 

L’histoire du Lanna commence avec le roi Mengraï, le dernier descendant de la dynastie des Lawacankaraja ; des migrants qui descendirent du Sud de la Chine, (Le bassin du Sichuan), vers le VIe siècle et qui s’établirent dans la région, où se situe aujourd’hui la ville de Chiang-Saen. Ils appelèrent leur muang, une espèce de bourgade à la mode d’alors, Muang Ngûen. (1)

 

A la mort de son père Mengraï a environ 21 ans. Conformément à la tradition de la dynastie des Lawacankaraja il se fait sacrer roi et reçoit l’allégeance, non sans les y avoir un peu forcé, des muangs de Mop, Laï, et des cités de Chiang-Kham, Chiang-Chang et quelques autres villages.

 

A partir de ces conquêtes, va se former l’embryon du Yonok, (2) c’est-à-dire une espèce de domaine voué à devenir le Yonaraṭṭha, c’est-à-dire le royaume des Yuans, Yuons ou encore Yuens ; Ces trois noms servent à désigner non pas une ethnie mais une population vivant au Nord du Siam, qu’on peut aussi désigner au moyen des termes : ‘’taïs du Nord‘’.

 

D’allégeance en allégeance le ‘’domaine‘’ va s’agrandir, et en 1262 la ville de Chiang-Rai (3) va voir le jour et en devenir la capitale.  Ensuite, d’autres cités-capitales suivront et la chaîne se terminera avec Chiang-Mai qui sera la dernière des capitales de Mengraï, (4) et deviendra celle du Biňgaraṭṭha en particulier, c’est-à-dire le royaume près de la Mae Ping, le fleuve qui passe à Chiang-Mai ; Ce qui signifie qu’il y avait alors deux royaumes Yuans ou Yuons, le Yonaraṭṭha au nord et le Biňgaraṭṭha au Sud.

 

 

(1) La ville de Chiang-Saen (เชียงแสน) n’a été créée qu’au cours du XIVe siècle et n’a pas été élevée sur les ruines de Muang Ngûen comme il est souvent écrit, pour la simple et bonne raison qu’on ne sait pas exactement où se situait Muang Ngûen. Chiang-Saen, comme beaucoup d’autres cités, ne manque pas d’orthographe, il y a, entre autres, Xieng Sen, Kiang Tsen, Kiang Hsen.  Muang Ngûen n’échappe pas à cette règle, il y a, entre autres, Muang Yang Ngeun, Muang Yang Ngœn, Muang Ngeun Yang (เมืองเงินยาง) ou encore Wiang Hiran Nakhon Ngoen Yang.
(2) Mengraï ou Mangraï, (1238-1317/18) (เม็งราย) fut à 21 ans le 25ème et dernier roi de la lignée des Lawacankaraja, et le fondateur de sa dynastie. Les mots Yuans, Yuons ou encore Yuens étaient employés par les Siamois, c’est-à-dire les gens du Sud (Ayutthaya), pour désigner leurs voisins du Nord. Ces mots viendraient du pali Yonaka qui lui-même vient du sanscrit Yavana et qui signifie ‘’étrangers‘’. Les yuans sont donc des étrangers, quel que soit leur ethnie, par rapport au Siamois d’Ayutthaya. A partir de ces mots, Yuan, Yuon ou encore Yuen selon la prononciation du locuteur aurait été formé celui de ‘’Yonok‘’ puis de … Yonaraṭṭha, c’est-à-dire le royaume des Yuans, des Yuons ou des Yuens. Ces trois mots sont donc des synonymes. A cette époque la population dite Yuan se constituait surtout de môns, de tais, et de lawas ou luas.
(3) Chiang Raï (เชียงราย) se dit aussi Chiang Hai, Chiang Lai, Jamraya, et Jamrayapura … entre autres. Ce sera la capitale du Yonaraṭṭha ; une aire géographique située au Nord-Est du Lanna, relativement indépendante de Chiang-Mai, et qui comprendra les cités de Chiang-Raï, et Chiang-Saen. Les sources Chinoises désignaient cette aire géographique sous le nom de ‘’Babaï-Zhenai‘’.
(4) Chiang-Maï fut appelée à l’époque Jamahey, Nabbisipura - Nabbisinagara – Nabbisirâjadhânï … entre autres noms, et deviendra la capitale du Biṅgapura ou Biňgaraṭṭha c’est-à-dire du royaume près de la Mae Ping ou de la Mae Bing selon la prononciation du locuteur. Chiang-Mai fut aussi appelée Muang Ping Xieng Mai.
Il y avait donc en ce temps-là deux royaumes, qui n’en faisaient qu’un, mais quand même distinct l’un de l’autre, à savoir d’une part le tandem Chiang-Rai/Chiang-Saen c’est-à-dire le Yonaraṭṭha et d’autre part le couple Chiang-Mai/Lamphun c’est-à-dire le Biňgaraṭṭha, que les sources chinoises nommaient ‘’Babaï Dadian‘’.
Le plus ancien écrit du mot Lanna, que les sources Chinoises nomment Babaï-Xifu‘’, censée se substituer aux noms de ces deux royaumes, est une inscription lapidaire datée de 1553 sur laquelle nous reviendrons avec la stèle à l’appui.

 

 

Mengraï aura trois fils, Khun Khruang, Khun Kham et Khun Khrüa. Le dernier d’entre eux aurait eu la fâcheuse habitude de considérer la femme de son frère Khun Khram, comme sienne ; ce qui eut l’art de déplaire tant au frère qu’au père des deux enfants.

 

Alors Mengraï, pour mettre fin à cette situation, va faire arrêter Khun Khrüa et l’exiler avec femme et enfants à Muang Thong (เมืองเกียงตอง) (1) en pays Shan, une région située à l’ouest de la Salouen (2) alors soumise, en tant que vassal, à Mengraï où vivait une ethnie Shan les taïs yaïs ou ngieos.

 

D’après la chronique de Chiang-Mai les ngieos auraient été ravis de la venue de Khun Khrüa au point d’en faire leur roi et de lui construire une capitale !... C’est ainsi que naquit vers 1318 … Muang Nai. (3) Un muang peuplé principalement de Shans Taï Yaï (ไทใหญ่) que les Taïs Yuans ou Yuons nomment péjorativement … Ngiao, Ngieo, Ngieu, Ñieo, Yieo.

 

Pour faire de son royaume un état fort, puissant et à la pointe de l’artisanat, Mengraï alla chercher chez ses voisins de la main d’œuvre … qualifiée, c’est-à-dire des familles, qu’il déporta de gré quand elles étaient données sous forme de tributs, ou de force quand il s’agissait de captifs de guerre. Puis selon les besoins de Chiang-Mai il les installait en petits villages autour de la ville et au sein de son royaume.

 

Après Mengraï nombre de rois se succédèrent avec plus ou moins de fortune sur le trône de Chiang-Mai. Puis au milieu du XVe siècle vint l’avènement de Tilokarāja (1409-1441/2-1487) (พระเจ้าติโลกราช).

 

 

(1) Les noms de Muang Thong (เมืองตอง) et de Kiang Thong (เกียงตอง) désignent une seule et même ville, qui en Thaïe se dit Muang Thong et en Birman Kiang Thong.
(2) La rivière Salouen en français, s’écrit en anglais Salween ou Salwin et se dit en Birman Thanlwin (သံလွင်မြစ်)
(3) Muang Nai signifierait ‘’ville-maître‘’. Muang Nai est aussi appelée Möngnai, Mone ou Monè.

 

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Photo 1 : Le Chédi Sadou Muang, c’est-à-dire le nombril de la ville. C’était le tout premier Chédi symbolisant le centre de Chiang-Mai et le Centre du royaume qui alors portait le nom de Biňgaraṭṭha. Huit niches ont été aménagées sur le pourtour de ce Chédi. Chacune de ces niches est orientée vers une direction cardinale ou inter cardinale.

Photo 2 : L’aire du royaume du Lanna du temps du Tilokaraja, considéré comme l’âge d’or du Lanna

Photo 3 : le Chédi du Wat Chédi Luang Voraviharn, l’un des trois Wats les plus importants de Chiang-Mai. Ce Chédi n’était au départ qu’un Ku Luang, c’est-à-dire un modeste tombeau royal. Avec le roi Tilokarāja il deviendra un Maha Cetiya, le maha Cetiya de Chiang-Mai c’est-à-dire le grand et royal Chédi de la ville et du royaume, mais aussi la réplique architecturale de Chiang Mai et en son temps, celui du roi Tilokaraja, l’un des neuf temples du mandala de Chiang-Mai. (Photo de Novembre 2010)

 

 

Tilokarāja et l’âge d’or du Lanna :

 

Le règne du roi Tilokarāja correspond à l’âge d’or du Lanna, et à son apogée. À la suite de campagnes militaires nombreuses, et dans la plupart des cas victorieuses, Tilokarāja va donner naissance à un royaume qui va couvrir une aire sans précédent. Cette superficie ne sera jamais égalée et son étendue se déploiera, dit-on, sur un million de rizières. De ce fait, 66 ans après sa mort, il sera gravé dans la pierre que ce territoire s’appelait : Lan Na c’est-à-dire : million pour Lan (ล้าน) et rizière pour Na (นา). Lan Na s’écrit aussi en un seul mot : Lanna (1)  

 

Thao Tilok, tels étaient alors son titre et son nom, roi de Phrao entra dans l’histoire du Nord de la Thaïlande d’aujourd’hui en déposant son père, le roi ‘’Sam Praya Fang Kæn‘’ (1401-1442) roi de Chiang-Mai, qu’il exila à Muang Yóng en pays Chan, occupé par l’ethnie ‘’taï yai‘’, en haute Birmanie, et à environ 950 kilomètres de Chiang-Mai. Ce 6è fils (Ti-lok) de ‘’Sam Praya Fang Kæn‘’ avait alors 33 ans. Il fut intronisé un an plus tard, en 1442.

 

Cette année-là il va devoir affronter les troupes siamoises du royaume d’Ayutthaya la capitale du royaume du Sud (1442/43) ; puis les années suivantes ce seront les Laos de Phrae et de Nan (1443/44), (2), les Daïs Viets du côté de Nan (1448/49), les Laos de Luang Prabang (1449), et les Lüs de Ban Phung & Muang Yóng (1450/51).

 

Courant 1451, un différend au sein du royaume d’Ayutthaya va glorifier Tilokarāja et ses successeurs.  En ce temps-là, le roi d’Ayutthaya était entré en conflit avec un ami d’enfance à qui il avait fait une promesse, et qu’il n’avait pas tenue. Cet ami, alors roi de Phitsanulok, s’allia avec Tilokarāja, le roi du Lanna et l’ennemi … indéfectible … d’Ayutthaya.

 

A la suite de cette alliance, Yutthitsathiang, (3) le renégat comme l’appelèrent les Siamois, pour honorer son nouveau suzerain, et rabaisser l’ancien, ne s’adressa à Tilokarāja qu’en usant du terme de ‘’Phra‘’. Ce titre, qui alors ne précédait que le nom de Bouddha car il a le sens de grand et de divin, précèdera désormais celui du (et des) roi de Chiang-Mai …  Thao Tilok deviendra alors … Phra Tilok, ou Phra Tilokarāja !...

 

(1) Le nom de Lan Na apparaît pour la première fois en 1553/4 gravé sur une stèle d’environ 49 cm de large sur 93 cm de haut. Elle a été trouvée par un soldat originaire de Lampang en 1940 au Wat Chiang Sa (วัดเชียงสา). Ce dernier l’a rapportée chez lui, en souvenir, à Lampang, puis offerte au supérieur de la communauté des moines de cette ville.
Le Wat Chiang Sa se situe sur la rive nord du Mékong, en territoire Laos, en face de Chiang-Khong (เชียงของ), une ville de la province de Chiang-Rai. Le texte gravé sur la stèle précise que ‘’Le roi Phra Chaiya Chetta‘’ (Setthathirath) ordonna la construction du Wat Chiang Sa‘’ ; Ce roi régna à Chiang-Mai de 1545 à 1546, c’est lui qui emporta le Bouddha d’émeraude et … quelques autres … à Luang Prabang.  Des images de Bouddhas (Statues) qu’il devait rapporter à Chiang-Mai et qu’il ne rapporta pas.
(2) Phrae et Nan étaient naguère vassaux de Sukhothai. Thao Mæ Khun, (Mễn K’ǔn) le souverain de Phrae se rendit en 1443. Il but l’eau d’allégeance en signe de soumission à Tilokarāja ; bon prince, ce dernier le laissera à la tête de Phrae.
Nan ne sera investie qu’après six ans de lutte, en 1448/49. Le roi de la ville s’étant enfui, le pouvoir fut remis au jeune frère du fuyard, Thao Pha Saeng, qui lui aussi, prêtera allégeance à Tilokarāja.
C’est depuis cette époque que Nan et Phrae furent rattachées à ce qui allait devenir le Lanna. Ces deux principautés, par leur situation géographique, une vallée prise en tenaille entre deux chaines de montagnes, vont constituer une aire particulière au sein du Lanna. De ce fait, il y aura au Nord le Yonaraṭṭha, au Sud le Biňgaraṭṭha et à l’Est deux principautés, Nan et Phrae.
(3) Yutthisathiang de Phitsanulok est aussi nommé dans d’autres textes ‘’Yutthitthira‘’, ‘’Yuttittira‘’ et Phraya Thiang. Cet homme fut aussi gouverneur de Sawankhalok.
Comme déjà écrit, il entra en conflit avec son ami d’enfance, le roi Boromma Trailok Kanat ou Trailok (บรมไตรโลกนาถ) (1431-1448-1488), alors roi d’Ayutthaya, parce que ce dernier n’avait pas tenu la promesse de le nommer, dès son accession au trône, vice-roi d’Ayutthaya, c’est-à-dire roi de Sukhothai.
Par dépit et par vengeance il va s’allier à Tilokarāja, le roi du Lanna et l’ennemi … ‘’indéfectible‘’ d’Ayutthaya. Cette entente va lui valoir les foudres du roi d’Ayutthaya. De ce fait Tilokarāja viendra à son secours et de conserve ils investiront Ayutthaya mais … sans plus, d’autant que l’occasion d’affronter Ayutthaya se représentera très vite.

 

Ces premières campagnes militaires, furent suivies de celles menées contre les Laos de Luang Prabang (1454/55), les Lüs de Chiang Rung (1455/56 & 1456/57), les Siamois d’Ayutthaya (1457/58), les Siamois de Phitsanulok (1) (1460), les Lüs (1459/60), les Siamois d’Ayutthaya (1461/62), et … surtout … les Daïs Viets (Tonkin du Vietnam) occupant le ‘’Lan Xang Home Khao‘’ ou ‘’Lan Chang Home Khao‘’. (1479/1480). (2)

 

Cette victoire sur les Daïs Viets vaudra à Tilokarāja un dithyrambe des plus élogieux de la part de l’empereur de Chine qui dira que ‘’ … sur toute la terre aucun roi n’était plus grand que le roi du Lanna‘’ …. Empereur mis à part … évidemment ?!... (3)

 

En plus de cette reconnaissance temporelle, Tilokarāja bénéficiait déjà de la bienveillance du Sangha (Clergé bouddhique) de toute l’Asie du Sud/Est, car outre l’édification de nombreux Wats, c’est à Chiang-Mai qu’en 1445 se tint, au Wat Chet Yod, la copie de Bodh-Gayâ, durant un an, le 8ème et grand concile bouddhique. (4)

 

 

(1) Le chroniqueur parle de la ville qui aujourd’hui se nomme Phitsanulok. La chronique de Chiang-Mai donne l’ancien nom de la ville que Camille Notton a traduit par Sóng Khuë, et David Kent Wyatt Song Khwae. Les deux traductions se rapportent au chiffre deux (Song) et au mot rivière (Khuë ou Khwae). Ce qui signifie que la ville en question se situait à la jonction de deux fleuves le Nan et le Khek ou Kwaï. C’est précisément à la rencontre de ces deux cours d’eau que se trouve la ville de Phitsanulok.  Georges Cœdès de son côté, donne Song Khve comme ancien nom de Phitsanulok.
(2) Le Lan Chang Home Khao se traduit par : ‘’le royaume du million d’éléphants et du parasol Blanc‘’. Le roi de ce royaume était alors ‘’Xay Chakkaphat Phen Pheo‘’ (L’empereur Victorieux) (1438-1456-1479) dont le nom s’écrit aussi Sainyachakkaphat.  Les Daïs Viets (Tonkin du Vietnam d’aujourd’hui) en guerre avec le Lan Chang occupèrent successivement Muang Phuan et Luang Prabang (Muang Chawa). A partir de Luang Prabang les Daïs Viets se divisèrent en deux groupes. L’un se dirigea vers Vientiane et l’autre le Sip Song Panna ; autrement écrit, vers le Sud de La Chine, ce qui dû inquiéter l’empereur chinois, et au Nord du Lanna, ce qui fit réagir Tilokarāja.      Alors ce dernier lança ses troupes contre ces envahisseurs qu’il aurait anéanti dans les environs de Nan et où il fit de nombreux prisonniers. De ce fait Tilokarāja envoya un certain nombre d’entre eux à l’empereur de Chine et noua des relations amicales avec le Lan Chang.
(3) L’empereur de Chine, Ming-Xianzong, (1447-1464-1487) aurait rajouté à son dithyrambe : ‘’Jusqu’ici je me suis considéré comme le seul étant capable de conquérir n’importe quel pays. Voilà que le souverain du Lanna vient en second …’’   A dater de cet événement Tilokarāja se dispensa d’envoyer tribut à l’empereur de chine.
Pour mémoire : Il semblerait que l’empereur Xianzong, ait oublié qu’au XIIIe siècle, en 1285 très exactement les Daï Viet infligèrent à l’empereur Khoubilaï Khan, une série de défaites dont la dernière, celle de Vạn Kiếp, fut loin d’être à la gloire de l’empereur de Chine, qui pourtant n’était autre que … le grand Khoubilaï Khan !... de la dynastie des Yuan et non des Ming … il est vrai.
(4) Le Wat Chet Yod est une reproduction du temple de Bodh-Gayā en Inde. Bodh-Gayā a été construit là où aurait poussé l’arbre de la bodhi, sous lequel Siddhârta Gautama trouva ‘’l’éveil‘’ et devint un Bouddha.   L’arbre de la Bodhi de Bodh-Gaya en Inde, serait un rejeton d’un rejeton d’un ficus religiosa provenant du véritable arbre de la Bodhi. Ce rejeton aurait été apporté au Sri Lanka par la fille de l’empereur Asoka.   

 

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Photo 1 : l’une des représentations grandeur nature du roi Tilokarāja. Cette effigie appartient à l’un des dioramas illustrant le développement de la ville de Chiang-Mai et mettant en exergue quelques-uns des événements majeurs constituant la mémoire collective de la ville. Pour visiter ce musée, il suffit de se rendre au Wat Inthakin, tout à côté de la place des trois rois. (Photo de 2009)

Photo 2 : Le Chédi du Wat Chet Yod de Chiang-Mai. Ce temple fut construit à partir de 1455/1456 sous le règne du roi Tilokarāja (1409-1441/42-1487). C’est une copie du temple de la Mahabodi Paya élevé vers 1218 en Birmanie, qui elle-même était une copie du Bodh Gaya Indien, rasé par les musulmans. (Bodh Gaya signifie grand éveil – c’est là ou s’élevait l’arbre de la bodhi ou Siddhârta Gautama devint un Bouddha).

Le Wat Chet Yod a été le lieu d’accueil, durant trois ans (1475 à 1477), du 8è concile bouddhique et constitua en son temps l’un des neuf temples du mandala de Chiang-Mai. (Photo 29.04.2013)

Photo 3 : La stèle trouvée au Wat Chiang Sa au Laos sur laquelle figure pour la première fois le mot ‘’Lan Na‘’ en tant qu’aire géographique. (วัดเชียงสา พ.ศ.2097-) Cette stèle est actuellement exposée au musée de Chiang-Mai au premier étage. Le mot ‘’Lanna‘’ y est gravée sous deux d’orthographes différentes, à savoir : "ล้านนา" se rapportant au royaume du Lanna et "ลานนา" définissant une surface, cette découverte est à mettre à l’actif de l’allemand Hans Georg Penth (1937-2009). (Photo de novembre 2017)  

 

 

Toutes les guerres gagnées par Tilokarāja, ainsi que celles de ses prédécesseurs et de ses successeurs, ont été et seront à l’origine de nombreux mouvements de populations, ou plus exactement de déportations, sans oublier tous ceux qui ont laissé et laisseront leur vie lors de ces guerres.

 

Car en ces temps-là tout vainqueur pour rester à son zénith et régner en maître absolu dans une région donnée, se devait de maintenir son ennemi en état de faiblesse, tout en reconstituant et revivifiant ses propres forces. Pour obtenir ce résultat il suffisait alors au vainqueur de dépeupler les terres du vaincu pour repeupler les siennes avec les victimes de ses/ces dépeuplements ? .... (1)

 

Outre ces déplacements volontaires ou forcés pour repeupler certaines régions les dirigeants devaient aussi remédier aux pertes humaines dues aux famines aux maladies et aux brigandages.

 

Bref !... en ce temps-là une terre n’avait d’intérêt que si des bras s’y trouvaient pour la cultiver et la défendre. Les rois se battaient donc, si possible en dehors des périodes de cultures et en faisant le moins de victimes possible. Car si les guerres étaient menées pour agrandir le domaine royal, ou son aire d’influence, elles l’étaient aussi et surtout pour acquérir de la main d’œuvre afin de labourer et cultiver les terres les plus proches des cités royales.

 

(1) Quelques exemples de déportations :

En 1286/87 Mengrai revient de Martaban avec une épouse, Nang Kho Phaï et 500 familles c’est-à-dire avec plus de 500 personnes. (Campagne de Martaban)

En 1290/91 Mengrai revient de Phukâm-Ava (Pagan-Ava) avec, cette fois encore, environ 500 familles.  En ce temps-là Ava était une mini place forte qui s’est constituée auprès d’autres après la chute de Pagan (Phukâm), Ce … Ava là, n’est donc pas à confondre avec l’autre AVA, le puissant royaume qui lui, est apparu au XIVe siècle en 1364. Donc à l’époque ce … ‘’mini Ava‘’ n’était pas en mesure de résister à Mengraï.

En 1451 Tilokarāja ramena un certain nombre de familles de Song Kheaw (Phitsanulok) à Chiang-Mai.

En 1462 Tilokarāja après avoir soumis douze Muangs Shans peuplés de taï yaï, dont Muang Nai, ramènera plus de 12.000 prisonniers de guerre qu’il installa à Phrao, ville dont il fut le prince, à Kao Còng et à Panna Takan, située à environ 30 km à l'ouest de Chiang Mai

En 1517 le roi Muang Kaeo fait appel à de la main d’œuvre ‘’étrangère‘’ pour réaliser d’important travaux. Alors plus de 23.000 thaï Yaï originaire de Chiang Thong, Muang Naï et Muang Kai ont migré au Lanna.

1.200 taï yaï de Muang Nai s’installèrent à Fang, d’autres à Phrao mais aussi Lamphun et Chiang-Mai ou les remparts étaient à rénover.

En 1520, trois ans plus tard, un certain nombre d’entre eux s’en sont retournés dans leur muang d’origine.

Cette liste de migrations volontaires, ou non, est longue, et loin d’être exhaustive et remonte bien avant l’arrivée des taïs.

 

 

Le déclin du Lanna :

 

Après ces riches heures empreintes de gloire, le Lanna va amorcer son déclin et en quelques six décennies, qui verront se succéder sept dirigeants dont deux reines, atteindre le fond du gouffre.

 

Le 4 août 1545, comme pour annoncer cette descente aux enfers, un tremblement de terre décapite le grand Chédi Luang ; dans la même année Le roi de Chiang-Mai Ket Klao est assassiné ?!.... 

 

En 1551, faute de prince héritier Chiang-Mai se cherche un roi pour la deuxième fois en moins de cinq ans. Le choix des hauts dignitaires de la ville se portera sur ‘’Fa Mæ Ku‘’ dit Mekuti, (1) le Chao fa de Mong Kai, une cité taï yaï en pays Chan. Cet homme n’était autre que l’un des descendants de Khun Khrüa ; le fils que Mengraï exila à Muang Thong pour … mauvaise conduite et vraisemblablement d’autres raisons.

 

La présence de Mekuti à la tête de Chiang-Mai, et la mésentente entre les dignitaires de la ville ne feront que précipiter la fin de l’ère Mengraï, une période qui aura duré … 262 ans, de 1296 à 1558 !...

 

Un an plus tôt, comme pour mettre un terme à ces 262 ans, un violent incendie consumera le grand Viharn du Chédi Luang ?!...

 

(1) Le roi Mæ Ku a régné sur Chiang-Mai de 1558 à 1564. Son nom est aussi orthographié Meguti, Mekuti, Mekutti et Thao Më Kŭ.

D’après une chronique birmane Mæ Ku ne serait pas le descendant de Khun Krüa le fils de Mengrai mais, de Baña Kyan, c’est-à-dire en Thaïlandais, de Phraya Kæo ou Phra Muang Kaeo (1495-1526) le 13ème roi de la dynastie Mengraï ayant régné sur Chiang-Mai ; et Mæ Ku, toujours d’après cette chronique birmane, se nommerait alors Bra Than ou Phra Sam … noms en birman et en Thaï ?!...

Phra Mekuti, mis en place par les birmans à la tête de Chiang-Mai, a été arrêté par eux, pour avoir fomenté une révolte. De ce fait il a été conduit à Pégou pour y être mis à mort. Sa mort fut vraisemblablement violente parce qu’il est devenu, fait rare pour un non-birman (? ...), l’un des 37 grands Nats que vénèrent les birmans.

Le Nat de Phra Mekuti porte le nom de ‘’Yun Bayin‘’ ou ‘’le roi de Chiang-Mai‘’. (L’arrivée d’un nouveau Nat au sein de ce cénacle en exclue automatiquement un autre – car ces Nats doivent être 37, pas un de plus et pas un de moins.)

Un Nat serait l’esprit d’une personne décédée doublement victime, d’abord d’une injustice et ensuite d’une mort violente dite malemort et que les birmans nomment ‘’mort verte‘’ (Sein-thei). Sans une injustice et une mort violente il n’y a pas de Nat.

Un Nat aurait la particularité d’exaucer certains types de vœux, à la condition de recevoir des offrandes, cependant il n’est ni bon ni méchant, mais il serait intraitable avec ceux qui lui manqueraient de respect.

Le culte des Nats, est un culte animiste, et une spécificité birmane. Il est antérieur au Bouddhisme qui les a assimilés. Comme ils sont innombrables, et qu’il fallait que le bouddhisme se développât, le roi Anoratha (1044-1077), commença par en interdire le culte, puis se rendant compte que c’était peine perdue il ordonna d’en vénérer plus particulièrement 37, dans l’espoir que tous les autres sombrassent dans l’oubli !...

C’était mal connaître les birmans !... Car encore aujourd’hui le culte des Nats perdure, et surtout dans les campagnes car ces esprits sont autant de raisons pour que tout un chacun soit assuré d’avoir les meilleures conditions de vie (Guérisons – bonnes récoltes etc…) pour autant que le Nat concerné reçoive des offrandes.

C’est sous le règne du roi Anoratha (Anawrahta - Aniruddha) (1014-1044-1077) que le bouddhisme theravada est devenu la religion officielle de la Birmanie. Les prêtres de la religion précédente, le bouddhisme ARI, faisaient alors beaucoup trop d’ombre au roi Anoratha, alors pour avoir les mains libres, ce roi décida d’un changement de religion, écartant ainsi du pouvoir des prêtres ou moines devenus trop encombrant pour ne pas écrire … castrateurs. Cette méthode … expéditive … a aussi eu cours au Lanna, mais sous forme de concurrence entre sectes bouddhistes theravada.

 

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Photo 1 : Le bronze du roi Mengrai installé lors des festivités ‘’Inthakhin‘’ du 25 mars 2015 devant le Viharn Inthakhin ou s’élève le Sao-Inthakhin de Chiang-Mai (Lak Muang). Ce Viharn se trouve dans l’enceinte du Wat Chédi Luang Voraviharn de Chiang-Mai, à gauche de l’entrée principale. (Photo du 25.03.2015)

Photo 2 : L’une des représentations du Nat ‘’Yun Bayin‘’, l’un des 37 Nats officiels du panthéon Birman.  Cet ‘’esprit‘’ concernant un individu décédé d’une mort violente, appelé ‘’Nat‘’ en Birmanie est celui du roi Mekuti (1558-1564) roi de Chiang-Mai et descendant – soi-disant – du roi Mengraï.

Photo 3 : Le Chédi du Wat Lok Moli, c’est un Ku (tombeau) contenant les cendres des derniers rois et reines de Chiang-Mai, à savoir :

Le 12è & 14è souverain – Ket Klao (1525-1538) & (1543-1545) (Ce roi a eu deux règnes parce qu’il fut déposé.)

Le 13è souverain - Tha Chaï Kham (1538-1543) (fils du précédent et assassiné comme son père)

Le 15è souverain – Nang Chiraprapha (1545-1546) épouse de Ket Klao et mère de Chaï Kham.

La dernière souveraine de la lignée Mengraï : Wisuttha Thewi (1565-1578).

C’est au décès de cette reine que va naître la tradition des dépouilles mises dans des pavillons ou ‘’Méru‘’. (Photo du 20.02.2013)

 

 

Tandis qu’un roi inconséquent accélère l’agonie de Chiang-Mai, à Pégou (Hongsa - Hamsavati) le roi birman ‘’Bayinnaung Kyawhtin Nawrahta‘’ (1516-1551-1581) de la dynastie Toungou annexe les royaumes Chan et se trouve ainsi aux portes du Lanna que ses armées vont pousser sans vraiment trouver de résistance le 28 mars 1558 et entrer dans la ville le 2 avril 1558.

 

Le roi Chao Thao Mekuti se soumettra aux vainqueurs qui en feront leur marionnette un temps durant. Puis las de ses turpitudes et de sa révolte ils le remplaceront, non sans l’avoir trucidé, par la reine Wisutthathewi. Cette dernière suivra de peu Mekuti dans l’autre monde, mais … plus naturellement… semblerait-il !... Alors en 1578, Tharrawaddy Nòratha Min Khòi, (1) le fils du roi de Pégou montera sur le trône de Chiang-Mai.

 

Les Birmans y resteront alors près de deux cents ans … jusqu’en 1774.

 

 (1) Tharrawaddy Nòratha Min Khòi (พระเจ้าสาวถีนรตรามังซอศรีมังสรธาช่อ.) en Thaï, ou Nawrahta Minsaw Tha Sit (1551/2-1579-1607/8) en birman, règnera sur Chiang Mai pendant 28/29 ans, de juillet 1579 à 1607/8, année de son décès. Il sera incinéré à Chiang-Mai et ses cendres seront déposées dans un Chédi construit tout spécialement pour lui vers 1613, au Nord de la ville, une direction auspicieuse. Ce monument porte le nom de Ku Tao. Le mot yuon ‘’Ku‘’ sert à désigner une construction contenant les restes ou les cendres d’un défunt. Le Wat Ku Tao existe encore aujourd’hui et a été embelli. C’est un Wat qui a gardé ses attaches Shans.

 

 L’objectif de cette courte rétrospective, outre le fait d’instruire sur des événements passés peu connus, est de mettre en évidence quelques aspects du monde d’alors concernant le Lanna. Ces caractéristiques sont d’autant plus à souligner qu’elles se retrouveront quelques trois siècles plus tard, malgré l’occupation Birmane qui n’aura fait que mettre en œuvre les … mêmes us et coutumes de … déportations ?!... 

 

 

Du temps de Tilokarāja jamais le Lanna n’avait été aussi étendu, et vraisemblablement difficile à contrôler.

Déjà pour pallier cette difficulté Mengraï avait créé deux royaumes, celui du Nord le Yonaraṭṭha, avec Chiang-Rai comme centre et celui du Sud le Biňgaraṭṭha, avec Chiang-Mai comme … double centre. Car Mengraï gardait un œil sur Chiang-Rai.

 

Tilokarāja a créé une espèce de troisième aire avec les villes de Nan et de Phrae, une aire vraiment à part des deux premières à cause surtout, de sa situation géographique. Car une chaîne montagne rend difficile son accès par l’Ouest, alors que le fleuve Nan facilite les voyages Nord/Sud et vice versa. Cependant cette situation particulière n’avait pas empêché Mengraï de mettre la main sur Dadarapura c’est-à-dire … ‘’Nan‘’ en 1274.

 

Malgré ce … ‘’découpage‘’ administratif avec les princes de la lignée à la tête des principales villes, le Lanna était loin d’être un royaume uni, d’abord en raison de la particularité ethnique des différents muangs et ensuite à cause des multiples déportations d’individus d’ethnies très différentes. (1)

 

Autrement écrit le Lanna était un véritable melting-pot d’ethnies, de ce fait sa population était loin de partager le sentiment d’appartenir à une seule et même communauté ; d’autant que les terres du Lanna ont d’abord été peuplées par les Lawas, puis vers le VIe siècle les môns et quelques temps plus tard les Khmers. Ces derniers n’ont pas fait souche, mais ils se sont souvent affrontés avec les môns de Lamphun (alors désignée sous le nom d’Haripunchaï), jusqu’à la déliquescence de leur empire et la perte de Sukhothai, une ville qui passa sous la domination … taï ?!...

 

Ensuite, par vagues migratoires successives, des taïs (2) venus du Sud de la chine se sont installés, des cités-états se sont créées et pour les raisons exposées plus haut, des déportations se sont enchainées.

 

Ce qui signifie que malgré l’appellation de Tai Yuon ou Tai Yuan, créée par les siamois au cours du XVIIIe siècle pour désigner les gens du Nord, c’est-à-dire du Lanna, ces mots donc, Tai Yuon ou Tai Yuan sont loin d’être synonymes d’un peuple homogène. Ils désignent plutôt une population composée de groupes divers et variés vivant au-delà du Siam ; cette mosaïque ethnique à dominante taï se compose pour beaucoup de cinq grandes familles ethnolinguistiques, (3) dont les ressortissants, pour certains, ont été amenés manu militari pour des raisons de repeuplement, tandis que d’autres sont venus d’eux même pour fuir une insécurité dû à des guerres civiles ou des vagues de brigandages. La population du Siam est elle aussi, diverse et variée.

 

 

(1) Ce n’est pas par hasard si le royaume voisin de Sukhothai, constitué deux siècles plus tôt, dans les mêmes conditions que celui de Tilokarāja, a carrément explosé à la mort de son roi Ram Khamhaeng (1237/47-1279-1298/17) un contemporain et ami de Mengraï. C’est le père de Ram Khamhaeng qui chassa, sans vraiment les chasser, les Khmers de Sukhothai.

Mengraï lui-même est un exemple vivant de cette diversité ethnique, son père était d’origine Lao et sa mère taï Lü. Elle était la fille du roi de Chiang Rung. (4) Par ailleurs en tant que dernier de la lignée des Lawacangkarajà on peut se demander si cette dynastie n’était pas une dynastie … ‘’Lawa‘’ ?... Mais là, ce n’est qu’un avis personnel relié à aucune source fiable, cependant en ce temps-là, la ‘’nam’ Saï‘’ portait le nom de ‘’nam’ Lawa‘’ ?!... Il s’agit de la rivière qui passe entre Mae Saï et Tachileik, c’est-à-dire pas très loin de Chiang-Saen, le berceau des Lawacangkarajà.

(2) Moulte hypothèses concernant l’origine des taïs ont été proposées par de nombreux … spécialistes sans qu’aucune n’ait fait consensus. Ce qui semble certain c’est que les taïs viennent de la Chine du Sud, que ceux qui ont migré vers l’Est (Laos – Vietnam) ont été désignés par le terme de ‘’Taï Noï‘’ ce qui se traduit par ‘’Taï Petit‘’, et que ceux qui ont migré vers l’Ouest (Birmanie) ont reçu le qualificatif de ‘’Taï Yaï‘’ c’est-à-dire ‘’Taï Grand‘’.

(3) Cette mosaïque ethnique se compose aujourd’hui :

1/ des différentes ethnies taïes.

2/ des Karens ou Kariang, une ethnie comprenant une quinzaine de groupes dont les Kayah.

3/ des montagnards austro-asiatiques du groupe linguistique ‘’Môn-Khmer‘’ qui lui se compose des Bru, Khamu, Lawa ou Lua, Môn, Phai, et Tin.

4/ des montagnards Tibéto-Birman, lequel regroupe les Akha (Hani), Lahu, Lisu.

5/ des Méo ou Hmong et Yao.

Certains de ces groupes sont venus après le XVIIIe, comme par exemple les Hmongs, mais déjà à l’époque il y avait une grande mosaïque ethnique, le Lanna étant une terre de repli et de passage.

(4) Chiang Rung est aujourd’hui une ville du Sipsong Panna, une région située dans le Sud de la Chine (Yunnan). Autrefois elle faisant partie du Lanna. Elle a été déplacée et refondée sur l’emplacement d’une cité Lawa par un proche de Mengraï, (XIIIe siècle) et fut la capitale du Khemaratha (en pāli) ou Tungaburi. La langue, le Khun est étroitement lié à la langue Lao et du Lanna. Les ressortissants des ethnies Taï Kuen, Lüe, Nuea, Thaï Long (Yaï) la peuplent.

Elle fait parler d’elle sous les noms de : Moeng Chiang Rung, Ho Kham, Moeng Lü, Moeng Khün, Chiang Myung, et les orthographes pour la désigner ne manquent pas : Kiang Hung, Chen Hung, Chengrung, Chiang Hung, Jinhung, Keng Hung – Chiang Hoong, Jinghung, Muang Jinghung et bien d’autres. Elle porte aujourd’hui le nom de : Jinghong. (Moeng en Lü équivaut à Muang au Lanna.)

 

Concernant la mère de Mengraï, ‘’Nang O Ming Khai fa‘’, (a) elle était donc Lü, et la fille du 4è dirigeant de Moeng Lü, Tao Hung (Rung) Kaen Cai (Tao Long Jian zai pour les chinois) (1234-1257) (b). Vers 1237 elle fut mariée à Phaya Lao Meng (1222-1261).

(a) La mère de Mengraï, à sa naissance fut appelée ‘’Thephă Khăm Khãi‘’ ou ‘’Thep Kham Khay‘’. Du côté de Chiang-Mai son nom s’orthographie ‘’Nang Ua Ming Chom Müang‘’ ou ‘’Nang Oua Ming Chom Muang‘’ ou encore ‘’Ava Ming Jom Müang‘’. 

(b) Selon les chroniques l’orthographe et la phonétique des noms propres varient, voire ci-dessus ; quant aux dates !... Pour Tao Hung, selon les chroniques, on trouve des écarts de plus de 20 ans : 1206-1227, 1221-1243, 1224-1247 et, rien ne dit que l’un de ces couples de dates soit exact.

 

L’occupation birmane :

 

Lors de l’occupation Birmane le Lanna et le Lang-Chang (Laos) furent administrés indépendamment ; mais ces deux royaumes continuèrent d’avoir des liens privilégiés entre eux. Chacun d’eux conservait leur individualité et les prérogatives de leur gouvernement pour autant qu’ils versassent tribut et répondissent aux demandes militaires de leur suzerain birman, Bayinnaung, (1516-1550-1581) en thaï : Burinnaung ou encore Burengnong (พระเจ้าบุเรงนอง) en Birman.

 

A la mort de ‘’Bayinnaung Kyawhtin Nawrahta‘’ en 1581, son fils Nanda (Nanda Bayin ou Nandbayin) lui succède et monte sur le trône de Pégou (1581-1599). Son règne est loin d’être aussi glorieux que celui de son père puisqu’il fût contraint d’abdiquer, et qu’il mourût assassiné en captivité en 1600. Durant les années qui suivirent, l’unité Birmane vola en éclat. L’une des causes de cette … désintégration de l’empire Birman fut surtout les guerres menées contre Ayutthaya qui coûtèrent en hommes et en argent. (1)

 

Parallèlement à ces guerres et à la mésentente des princes Birmans, les princes taïs du Lanna tentèrent de retrouver leur indépendance. Une véritable occasion va se présenter en 1727 pour Chiang-Mai et trois ans plus tard pour Lampang. En ce qui concerne Chiang-Mai, tout commença aux environs de 1707.

 

En cette année-là, Chiang-Mai accueil un nouveau gouverneur, Mang Raenra, un Birman bon teint qui va très vite se mettre à dos la population à cause de sa remise au pas brutale et de ses augmentations d’impôts excessives et continuelles. De ce fait donc, en 1727, la population va se soulever et confier son destin à un certain Thep Sing (เทพ สิงห์) ou Thepphasing (1727-1728) ou encore … Thepasingh.

 

 

(1) Le prince Damrong Rajanubhab (ดำรงราชานุภาพ) (1862-1943) considéré comme le père de l’histoire de la thaïlande comptera 44 guerres en 314 ans, entre les Siamois et les birmans, soit une guerre tous les 7 ans. Pour lui, en livrant ces guerres les birmans cherchaient à s’accaprer des richesses du Siam. Bien évidemment l’historien birman Maung Htin Aung (1908-1978) est d’un tout autre avis. En s’attaquant aux Siamois les birmans voulaient mettre fin aux manigances siamoises qui consistaient à soutenir Pégou contre Ava pour diviser l’empire birman et le rendre moins dangereux pour Ayutthaya. Les deux thèses se défendent.

 

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Photo 1 : L’une des toutes premières photos du Ku Tao, il est encore, à cette époque, perdu au milieu d’une forêt de bambous qui … aujourd’hui a presque disparu.

Photo 2 : Une carte réalisée par Volker Grabowsky (1959) que j’ai quelque peu retouchée, présentant le Lanna sous la domination Birmane entre 1740 - 1750.

Photo 3 : Le Chédi du Wat Ku Tao fut d’abord appelé le Wat Welu Wanaram Ku Tao. Il a été construit vers 1613 pour recevoir les cendres du premier roi Birman de Chiang-Mai : Tharrawaddy Nòratha Min Khòi (พระเจ้าสาวถีนรตรามังซอศรีมังสรธาช่อ) en Thaï, ou Nawrahta Minsaw Tha Sit (1551/2-1579-1607/8) en birman. Ce Wat est aujourd’hui encore de culture Shan, de ce fait chaque année, début avril se déroule une grande et belle cérémonie concernant la profession de foi bouddhique des Louk Keao.  (Photo du 08.04.2013). 

 

 

Thep Sing est un homme de mérites, un ‘’tŏn bǔn‘’ traduit Monsieur Camille Notton, (1) qui faisait grand bruit et grands prodiges du côté de Muang Yuom ou Muang Yuam, (Mae Sariang). Ce dernier, qui avait été convoqué à trois reprises par Mang Raena, (2) le gouverneur birman de Chiang-Mai, se retrouvera à la tête des révoltés, et avec 500 hommes, trucidera Mang Raenra et prendra sa place … à savoir … le trône de Chiang-Mai.

 

Le nouvel investi demande alors aux chefs locaux, des taïs du nord, d’arrêter tous les Pégouans et tous les Birmans dans l’intention de les … ‘’trucider par le feu‘’.

 

Par sympathie, ou par prudence (?) ... ces chefs locaux, avant de mettre à exécution les ordres reçus, conseillent aux intéressés de prendre la fuite. Mais ces derniers, au lieu d’obtempérer, se regroupent et demandent au prince ‘’Chao Ong Nok‘’ (เจ้า องค์ นก), qui était arrivé à Chiang-Mai depuis quelques mois, de se mettre à leur tête pour renverser l’usurpateur, c’est-à-dire Thep Sing. Chao Ong Nok originaire de Chiang Rung fut un temps durant roi de Luang Prabang, deux villes du Lang-Chang, (Laos), mais naguère du Lanna.

 

Au début de son séjour à Chiang-Mai ‘’Chao Ong Nok‘’ avait, vainement, tenté une médiation entre les deux parties, les indigènes et les Birmans.

 

(1) Le mot ‘’tŏn bǔn‘’ est-il à rapprocher avec celui de ‘’Phu mi bun‘’ ?... Certains traducteurs ne s’en privent pas, et je pense qu’ils ont raison. Un ‘’Phu mi bun‘’ est un homme qui, soi-disant, possède beaucoup de mérites, ce serait, pourrait-on dire … un saint local aux pouvoirs surnaturels. La notoriété d’un tel homme peut s’étendre au-delà de son village et de son muang (région). Ce qui fut le cas de Thep Sing puisque depuis Sariang elle atteignit Chiang-Mai.

En général et brièvement : un ‘’Phu mi bun‘’ ou ‘’Ton Bun‘’ est un moine doué de pouvoirs magiques, surnaturels et extraordinaires. Il aurait une oreille et un œil … divin … ainsi que la possibilité de lire dans les pensées. Son charisme attire les foules qui lui font une confiance aveugle et sans borne. L’un de ses pouvoirs serait, par exemple, de rendre invulnérable, même aux balles, ses adeptes.

A noter qu’à l’occasion du 700è anniversaire de Chiang-Mai, la municipalité a fait élever un cénotaphe à la gloire des guerriers connus ou anonymes ayant contribués à la pérennité de Chiang-Mai. Le nom de Thephsing figure sur la face Nord de ce monument, dont la 1ere pierre fut posée le 11 mars 1996 et l’inauguration eut lieu le 7 avril 1996, c’est-à-dire à l’occasion du 700e anniversaire de Chiang-Mai. Cet édifice se situe juste après le carrefour Khuang Sing, 1ère soï sur la gauche en allant vers Mae Rim. Il est à mi-chemin de ce soï qui relie la rue Chotana au monument Khuang Sing.

(2) Mang Raenra, Mangraenara ou encore Min Ræ Nara (มังแรนร่า) (1707-1727) succéda à la tête de Chiang-Mai à un autre birman, Chephutaraï ou Cheputaraï (รายพูตราย) (1675-1707). Nous sommes, je le rappelle, sous l’occupation Birmane.

Durant son règne ce Mang Raenra, entendit parler d’un certain Thep Sing, dont le charisme vint à l’inquiéter. Dans un premier temps il fit demander à ce dernier de venir à Chiang-Mai. A deux reprises le moine fit la sourde oreille. Alors le gouverneur birman envoya une troupe le chercher et … Thep Sing s’exécuta et vint à Chiang-Mai. Ce dernier termina sa route momentanément au Wat Sangkham (วัด สังฆ์คำ), non loin de la porte Chang Phuak.

L’intention de Mang Raenra était de mettre à l’épreuve, voire de discréditer le … ‘’phu mi bun‘’ en lui demandant de marcher sur l’eau.

A Chiang-Mai, Thep Sing mis au courant du piège prit la fuite, mais réapparut quelques temps plus tard avec ses adeptes porte Rai Ya ou Haï Ya, là où la rue Wualaï (la rue du marché du samedi soir) rejoint Thipanet road. Se dirigèrent-ils ensuite porte Chiang-Mai ?... Rien ne le précise si ce n’est que des combats de rue eurent lieu. Soutenus par la population, les Pégouans et les Birmans furent vaincus et Mang Raenra tuer. Alors devenu maître des lieux, Thep Sing s’autoproclama roi de Chiang-Mai.

 

 

Chao Ong Nok (1) accepta l’offre qui lui fut faite, mais avant d’agir il se retira au Wat Ket Karam, peut-être sur les terres où s’élevait jadis la résidence royale ou Khum du grand père du roi Phra Muang Keo (1495-1525) ?... Qui sait et qui peut dire ? … Car l’origine familiale de ces deux personnages (Ong Nok et Muang Kaeo) prend racines à Chiang Rung ?!.... (La mère de Mengraï était de Chiang Rung et le père de Chao Ong Nok était, lui aussi, de Chiang Rung … puisqu’il en était le roi ?!...)

 

 

Toujours est-il que quelques temps plus tard, courant 1728, c’est au Wat Ket Karam, non loin du débarcadère, que Chao Ong Nok donnera rendez-vous aux insurgés pour renverser Thep Sing qui, lors de l’affrontement qui a suivi aurait pris la fuite à tout jamais ? … Sauf que !...

 

D’après une autre version, Thep Sing serait réapparu. Car, loin de s’avouer vaincu, Thep Sing serait revenu en compagnie d’un certain Thammapanyo de Nan, (2) pour reprendre son trône. Mais ce nouveau venu aurait trouvé la mort à Pasang lors d’une échauffourée avec les hommes de Ong Nok ?! … Quant à Thep Sing rien n’est dit à son sujet ?!... A-t-il été tué, s’est-il enfui ?... Mystère !...

 

A la suite du retrait, ou du décès, de Thep Sing, ‘’Ong Nok‘’ sera sacré roi de Chiang-Mai sous le titre de : ‘’Chao Ong Kham‘’ (เจ้าองค์คำ) (1728-1759). Il règnera durant trente-deux ans sans rendre de compte aux Birmans, bien en peine de pouvoir lui en demander … jusqu’en 1753/54. Cependant les birmans entendent bien reprendre Chiang-Mai, et ils ne s’en priveront pas !...

 

Ainsi, en janvier 1729, le général Po Phaya Sakhaeng, chargé d’une mission punitive concernant la révolte de 1727, part à la tête d’une troupe en direction de Chiang-Mai. ‘’Chao Ong Kham‘’ l’apprend et se sent alors suffisamment fort pour aller à la rencontre de cette armée avec une soixantaine d’hommes. La rencontre se fera à Nong Muon. Les deux armées vont s’affronter deux mois durant puis, faute de riz, les Birmans se replièrent en différentes villes dont Phayao.

 

Quatre ans plus tard, en 1733, ce sera ‘’Chao Ong Kham‘’ qui ira à la rencontre des birmans installés à Phayao. Po Phaya Sakhæng en est alors le gouverneur. A l’arrivée de Chao Ong Kham et des siens, le gouverneur et ses troupes décamperont et iront se réfugier à Chiang-Saen ; une ville qui deviendra par la suite et par décret royal Birman, mais non dans l’immédiat car ces derniers sont alors incapables de mettre en œuvre ce décret, le centre administratif des grandes cités avoisinantes, comme Chiang Khong, Chiang Rai, Fang, Nan, Phayao, Phrae, Sa, Thoeng etc…

 

De ce fait le Lanna va se trouver coupé en deux. Il y aura d’un côté une aire contrôlée par les birmans avec Chiang-Saen comme centre, et une zone relativement autonome, faute de pouvoir la soumettre, concernant Chiang-Mai, Lamphun et Lampang. Bien évidemment cette ‘’autonomie‘’ ne durera qu’un temps, le temps de la transition dynastique birmane, et pour autant que cette région ‘’autonome‘’ ne fasse pas de vagues, c’est-à-dire ‘’respecte l’autorité d’Ava‘’.

 

Ce … statut quo tiendra jusqu’en 1761/63, une période durant laquelle le successeur de ‘’Chao Ong Kham‘’ défiera ouvertement les Birmans depuis son propre sol, et devra faire face à une armée birmane autrement plus puissante qu’en 1733 !...

 

Ainsi, fin 1733, un commissaire pégouan, Noi Phung, à la tête de 10.000 hommes, arrive devant Chiang-Mai dans l’intention de la reconquérir. Il assiégera la ville et … faute de riz pour nourrir ses hommes, devra lever le siège et prendre le chemin du retour.

 

L’armée birmane était alors au plus bas de ses possibilités. Néanmoins, ‘’Chao Ong Kham‘’ devra faire face, outre à de nombreux coups d’état, à moulte attaques Birmanes tant sous la 2ème dynastie agonisante des Taungû (Toungou) (1635-1752), que celle naissante des Konbaung (1752-1885), fondée par le roi Alaunghpaya.

 

Au fur et à mesure que s’imposait la dynastie des Kongaung, l’armée birmane retrouvait sa force de frappe d’antan, au point que son nouveau roi, en vint à exiger que les anciens vassaux de la dynastie précédente lui prêtassent allégeance. 

 

Ainsi en 1757, après la prise de Pégou (12 mai 1757) qui marque la réunification de l’empire Birman, ‘’Chao Ong Kham‘’ s’abstiendra de répondre à cette demande d’allégeance.

 

Autrement écrit, le règne de ‘’Chao Ong Kham‘’ n’a pas été un long fleuve tranquille ; cependant, contrairement à son successeur il aura su composer en fonction des événements pour garder une certaine autonomie.

 

(1) ‘’Ong Nok‘’ aurait eu un faible pour la chasse, d’où ce surnom de ‘’Ong Nok‘’ qui signifierait ‘’Le prince des oiseaux‘’ ou ‘’Le prince toujours sorti‘’, c’est-à-dire ‘’le prince toujours au dehors … de sa ville‘’, car à Luang Prabang il était – soi-disant -  plus souvent dans la nature à chasser plutôt que dans son palais à régler les affaires de son royaume.

 

Le véritable nom de ‘’Ong Nok‘’ était Khamone-Noï, Kumara Nawi (Khamane Nai). Il était le fils du prince ‘’Indra Kumara‘’ de Chiang Rung (Kenghung et aujourd’hui Jinghong) et de Nang Kami (Kam) d’origine Lao.

 

En 1713 ‘’Ong Nok‘’ succéda à son cousin après la mort de celui-ci. Ce cousin, qu’il secondait loyalement et sans arrières pensées, ‘’King Kitsarath‘’ (Kinkidsaraja) régna à Luang-Prabang de 1707 à 1713 (*) 

Deux des trois filles de ‘’King Kitsarath‘’, nées de mères différentes : Thèn-Sao et Thén Kham épousèrent Khamone-Noï. Ces deux femmes restèrent à Luang Prabang au départ de Ong Nok. A Chiang-Mai ‘’Ong Nok‘’ aurait épousé la princesse Dhanakama (Taen Kham) et Nang Devi Puspa (Thep Buppha). Il fut le père de sept fils et de cinq filles.

 

Son titre de roi du Lang Chang (Lan Xang) et de Luang Prabang était : H.M. Samdach Brhat Chao Brhat Parama Khattiya Varman Raja Sri Sadhana Kanayudha ou, Borom-Khattiyawongsa (Ong Kham).  

 

(*) Selon les auteurs, et surtout les chroniques, les dates de règne varient.  Ainsi le roi ‘’King Kitsarath‘’ aurait régné pour certains de 1707 à 1713 et pour d’autres de 1707 à 1726. Ce qui donne pour Ong Nok un règne de 1713 à 1723 ou de 1726 à 1727 ?!... Les dates que je donne semblent les plus vraisemblables en raison des recoupements que j’ai faits par rapport aux événements concernés.

 

Un jour de 1727, alors que ‘’Ong Nok‘’ était à la chasse en compagnie de quelques amis, à son retour il trouva les portes de la ville closes. On lui fit comprendre alors que Luang-Prabang ne voulait plus de lui comme roi. Son cousin … ‘’Intha-Som‘’ (1723 +--1749) venait de le renverser et d’usurper son trône.

Laissant ses compagnons libres de leur choix Khamone-Noï, sans montrer la moindre déception prit le chemin de Chiang-Mai. Sa première étape fut le Wat Xieng-Leck (วัดเชียงเล็ก) un temple situé au Nord/Est de la ville et qui n’est pas vraiment en direction de Chiang-Mai. Mais … ses pas finirent par le conduire à Chiang-Mai !...

Une fois à Chiang-Mai Khamone-Noï se rend au ‘’Wat Xan Phuoc‘’ et revêt l’habit jaune. (Il s’agit du Wat Chang Phuak dont il ne reste plus, aujourd’hui, que le Chédi ; un Chédi qui se trouve près du carrefour khuang Sing (สี่แยก-ข่วงสิงห์). Puis il ira s’établir au Wat Suan Dok et vraisemblablement au Wat Ket Karam.

Son arrivée fut considérée comme une bénédiction du ciel par l’élite locale, car le nouveau roi, Thep Sing avait une conception du pouvoir quelque peu radicale et personnelle.

 

D’après deux ou trois légendes, les deux hommes se seraient affrontés pacifiquement à l’occasion d’une épreuve qu’aurait gagnée Khamone-Noï. Mais d’après la chronique de Chiang-Mai, l’affrontement se fit par les armes et Thep Sing y aurait trouvé la mort.

 

Une autre version, celle du capitaine écossais James Low (1791-1852) lue dans son ‘’histoire of Tennasserim‘’ raconte que Khamone-Noï (Ong Nok) aurait quitté Luang Prabang en compagnie de 500 hommes et leur famille et se serait dirigé vers le Wat Xieng-Leck puis, aurait pris la direction du Nord/Ouest, et serait passé par Nan, Phrae, et Lampang avant d’arriver à … ‘’Che-ung Mai‘’ (sic) (Chiang-Mai) ?!...

Concernant le Wat Xieng-Leck au Laos, il aurait été plus approprié d’écrire : le village du Wat Xieng-Leck c’est-à-dire Ban Xieng-Leck, un village qui existe encore aujourd’hui ; car il fallait loger les 500 familles, si 500 familles il y avait. (Avec tout le respect que je leur dois il semble que les chroniqueurs ont un faible pour ce chiffre. Il est vrai que c’est un chiffre rond ! ...)

 

Il existe d’autres versions concernant la venue de Khamone-Noï à Chiang-Mai. Elles auraient été écrites d’après quelques dires pour mettre en valeur certains personnages du cru. Pour extraire de ces récits le vrai du faux … ce n’est pas évident … nombre d’experts s’y sont cassés les dents ; comme je suis loin d’être un expert ... je me suis abstenu d’en savoir plus !...

 

(2) La chronique de Nan ne dit mot sur ces événements, y compris sur Thămmăpănyo ou Dhammanapaño de Nan que cite pourtant, la chronique de Chiang-Mai. Alors !... qui, ou que croire ?!...

 

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Photo 1 : Le Chédi du Wat Sangkham (วัด สังฆ์คำ). C’est en ce Wat que le phumibun Thep Sing fit halte en arrivant à Chiang-Mai. Aujourd’hui le Wat Sangkham n’existe plus. Il n’en reste que ce Chédi en très mauvais état comme le montre la photo.

Ce Chédi s’élève tout à côté du marché de la porte Chang Phuak. Il fait face au Wat Mo Kham Tuang (วัดหม้อคำตวง) situé sur l’autre rive de la douve, c’est-à-dire à Chiang-Mai intra-muros. Pour se rendre près du Chédi Sangkham, il suffit de repérer le parapet d’un tout petit pont et de remonter le petit ru que les habitants appellent la ‘’Nam Muang‘’ sur une cinquantaine de mètres, puis de tourner sur votre gauche jusqu’au Chédi. Vous traverserez un petit dédale de très vieilles maisons. Curieusement, alors que le Chédi n’est pas entretenu, les riverains, logés très pauvrement, connaissent son nom, ce qui est loin d’être le cas des riverains des Chédis restaurés. (Photo du 17.11.2017)

Photo 2 : Une carte de Chiang-Mai présentant les différents sites reliés aux événements ou révolte de 1727. Ces événements concernent ‘’Thep Singh‘’ et ‘’Ong Nok‘’ se libérant de la suzeraineté birmane.

Photo 3 : Le Chédi du ‘’Wat Xan Phuoc‘’ ou Chang Phuak, le Wat qui hébergea Khamone-Noï qui deviendra roi de Chiang-Mai sous le nom de ‘’Ong Nok‘’. Il serait allé par la suite, et durant plusieurs mois, au Wat Suan Dok, un Wat à l’écart de Chiang-Mai, et comme je l’ai déjà écrit, au Wat Ket Karam. (Photo du 22.10.2017)

 

 

L’émancipation des vassaux de la Birmanie gagne pratiquement toutes les principautés du Lanna. Ainsi, non loin de Chiang-Mai, la principauté de Lampang va connaître, à quelques variantes près, elle aussi, le chemin d’une reprise en main de sa destinée, tout en acceptant par la suite la suzeraineté birmane.

 

Vers 1729/1730, le dirigeant de Lampang décède sans laisser de successeur. Malgré la gestion des affaires du muang par quatre grands dignitaires, le supérieur du Wat Na Yang (1), qui se dit ‘’Ton Bun‘’, (2), lui aussi, cristallise autour de lui une bonne partie de la population vivant dans la misère et défavorables aux dignitaires. Deux autres moines, eux aussi supérieurs, l’un du Wat Sam Kha (1), et l’autre du Wat Ban Fon défroquent et deviennent les lieutenants de leur confrère du Wat Na Yang. Il se constitue ainsi une espèce de triumvirat religieux qui ne dit pas son nom.

 

Cette vacance du pouvoir à Lampang et la division entre les habitants au bord d’une guerre civile, vont parvenir jusqu’aux oreilles du roi de Lamphun, Phra Muang Chai et de son subordonné Nai Ai qui verront dans cette situation l’occasion d’étendre leur royaume et leur pouvoir. Pour cela ils enverront une armée en destination de Lampang, avec à sa tête un certain Thao Mahayot Luang.

 

Ce dernier, loin de faire dans la dentelle, tuera les trois moines du ‘’triumvirat‘’ lors d’une passe d’armes ; et quelque temps plus tard ses hommes, venus prendre langue avec les quatre dignitaires de Lampang sèmeront la mort au sein du sanam (3) où devaient se tenir des négociations entre des représentants de Lamphun et de Lampang en présence des habitants de Lampang.

 

A la suite de ce carnage, les habitants de Lampang iront se réfugier dans les grands environs de leur ville, et l’armée de Lamphun, par mesure de sécurité, ira prendre ses quartiers au sein du Wat Phra That Lampang Luang, qui alors, et aujourd’hui encore, présentait les aspects d’une véritable citadelle. Par ailleurs ce Wat est assez loin du centre ville.

 

(1) Ces deux Wats seraient aujourd’hui abandonnés.

(2) Le ‘’ton bun‘’ du Wat Na Yang, un homme de mérites parmi d’autres, prétendait avoir des pouvoirs magiques qui lui permettaient de dominer les esprits malveillants ainsi que tous les esprits peuplant les terres alentours. C’était alors suffisant pour rallier les gens du peuple ; des gens simples et crédules.

Lampang était alors au bord de la guerre civile. Trois groupes s’étaient naturellement constitués : Les hauts fonctionnaires ou dirigeants, le peuple ou les roturiers et le Sangha (les moines). Les moines prendront souvent … les commandes. 

(3) Le mot ‘’sanam‘’ (สนาม) se traduit aujourd’hui par pelouse. En fait ce mot servait et sert encore à désigner un espace de verdure où se tiennent des manifestations publiques. En l’occurrence il s’agissait de pourparlers entre la ville de Lampang et celle de Lamphun. Les délégués de Lamphun, qui avaient autre chose à faire que parlementer, sortiront des armes blanches qu’ils avaient dissimulées sous leurs habits, et feront un carnage de cette rencontre. Leur duplicité et traitrise aura pour conséquence l’arrivée d’un opposant de taille : le mahout Thip Chang ou Thip Chak.

 

 

Une fois de plus, ce sera le supérieur d’un Wat, le Wat Chumphu, qui interviendra pour réunir et proposer aux gens de Lampang de mettre leur sort entre les mains d’un villageois sortant de l’ordinaire, un chasseur en forêt et aussi ‘’mahout‘’ ; un certain ‘’Phran Pa‘’ (พรานป่า) plus connu sous le nom de Naï Thip Chang. (1) L’abbé présenta ce chasseur comme intelligent, courageux et tout à la fois habile au tir à la carabine, et à l’arc.

 

De fait, ce mahou, avec l’aide de trois cents hommes réussira à déloger et à faire fuir les Birmans du Wat. Entré dans ce dernier par un conduit d’eaux usées et à la nuit tombée, Naï Thip Chang, à la surprise des Birmans, installés dans un Viharn sans mur, interpella à haute voix Thao Mahayot Luang qu’il n’avait jamais vu, et lui demanda de se montrer. Ce dernier, sûr de lui, répondit à l’injonction et devint alors une cible de choix qui le fit passer de vie à trépas. Au coup de feu le Viharn fut investi par les trois cents hommes restés au dehors.

 

Cet exploit vaudra au mahout d’être nommé roi de Lampang sous le titre de Thip Chak Sulawa Lue Chaiya Songkhram (ทิพย์จักรสุลวะฤๅไชยสงคราม). Il règnera de 1732 à 1759, année de sa mort ; son fils Kaeo (Chaï Kaeo) (1759-1774) le père de Kawila, lui succédera.

 

Chai Kaeo plutôt que de s’affronter aux Birmans, choisira la voix de … la conciliation et deviendra vassal du nouveau pouvoir, celui de la dynastie naissante des Konbaung. Les Birmans lui décerneront le titre de Chao Fa Singharajathani (เจ้าฟ้าสิงหราชธานี เจ้าฟ้าหลวงชายแก้ว) ce qui ne l’empêchera pas d’en découdre avec certains dignitaires (2) bien décidés à le renverser. Chai Kaeo n’était pas d’origine noble mais de basse extraction.

 

Les bonnes relations avec Ava se détérioreront lorsque les Birmans décideront d’imposer leur culture au détriment de celle de Lampang, c’est-à-dire … celle du Lanna et – peut-être celle des Lawas. (3)

 

(1) ‘’Phran Pa‘’ (พรานป่า) signifie : Chasseur pour ‘’Phran‘’ (พราน) et forêt pour ‘’Pa‘’ (ป่า). ‘’Phran Pa‘’ se trouve le plus souvent sous le nom de ‘’Thip Chak‘’ (ทิพย์จักร) ou de ‘’Thip Chang‘’ (ทิพย์ช้าง). ‘’Thip‘’ (ทิพย์) signifierait ‘’céleste ou divin’’ - ‘’Chak‘’(จักร) se traduirait par ‘’roue ou disque‘’ des symboles de la loi bouddhique et ‘’Chang‘’ (ช้าง) par éléphant.

Ce roturier était alors mahout c’est-à-dire un gardien-soigneur d’éléphants et un chasseur vraisemblablement … d’éléphants. Certains textes le présentent comme le gardien des éléphants du roi défunt ? …

Son nom lui viendrait de son savoir à couper la queue des éléphants sauvages en courant après eux ?!.... D’après moi, la chasse à courre correspondrait beaucoup plus à ce genre de pratique. Dans ce cas, le chasseur ne court pas après l’animal, mais attend, depuis le haut d’un arbre, son passage pour sauter sur lui et lui attraper la queue qu’il … coupera. (L’éléphant, à cette époque, se mangeait.)

(2) Dans la plupart des cités du Lanna c’est l’anarchie, deux clans s’affrontent pour le pouvoir : Les dignitaires et le parti du roi en place. A Lampang les dignitaires Sæn Phün, Noi Tham et Thao Lin Kan renversèrent Chaï Kaeo qui ira demander protection au roi de Phrae. Ce ne sera qu’à la suite d’une intervention birmane que Chaï Kaeo retrouvera son trône. On comprend mieux son allégeance aux Birmans ses … protecteurs de fait.

(3) Thip Chak est nommé roi de Lampang sous le titre de ‘’Thip Chak Sulawa Lue (ou rue) Chaiya Songkhram (ทิพย์จักรสุลวะฤๅไชยสงคราม). Quelques années plus tard le roi Taksin donnera à son petit-fils Kawila le titre de Phraya Sulawa lue Chaï Songkhram. (Dixit Aroonrut Wichienkeeo.) Taksin a-t-il emprunté ce titre au grand-père ou vice versa, les sympathisants du grand-père, après le décès de ce dernier, l’auraient-ils auréolé du titre donné au petit-fils ?!...

Toujours est-il que la traduction serait : ‘’Seigneur (พระยา) – bon (สุ) – Lawa (ลวะ) – dont la rumeur dit qu’il est le meilleur (ฤๅ/ลือ) chef (ไชย) de guerre (สงคราม).

J’en profite pour poser la question suivante : Cette famille ne serait-elle pas d’origine … ‘’Lawa‘’ ?!... La présence des Lawas en tête du cortège du couronnement de Kawila et de son successeur, ne ferait que confirmer l’hypothèse que je propose ?!...

 

 

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Cette aquarelle illustre une scène de divertissement au temps du roi Mindon (1853-1878), l’avant dernier roi de la dynastie des Konbaung. Elle est extraite d’un livre pliant (parabaik) dont le papier a été fabriqué à partir de l’écorce du broussonetia papyrefera (l’arbre ‘’mahlaing‘’ en Birman). Cette œuvre est actuellement à la British Library (ISSN 038-4035)

 

 

Du côté birman, depuis 1724, à Ava (1635-1752) alors capitale des rois de la seconde dynastie Taungû (Toungou) tout ne va pas pour le mieux. A la mort du roi Taningan Way Min (1689-1714-1733) l’un de ses fils, Mahadhammaraza Dipati, (1714-1733-1752-1754) alors âgé de 16 ans est porté sur le trône. Son inexpérience va fragiliser encore un peu plus le pouvoir qui déjà est en grandes difficultés pour maintenir l’ordre dans un empire dont l’étoile décline terriblement.

 

Avant l’avènement du jeune adolescent Birman, en 1727, c’est donc Chiang-Mai qui se révolte, et en 1729 Lampang. Puis en 1733, l’année du décès de Taningan Way Min, le père du nouveau roi Birman, les troupes du raja du Manipur, Meidingu Pamheiba (1690-1709-1751) mettront à sac Ava. L’attaque sera repoussée mais le raja du Manipur reviendra en 1735, l’année du couronnement de Mahadhammaraza Dipati alors âgé de 21 ans. A remarquer que les années ne sont pas choisies au hasard par le raja du Manipur.

 

Cinq ans plus tard, en 1740 c’est Pégou (Bago) qui se rebelle et proclame son indépendance. L’empire birman est alors coupé en deux. (1)

 

Les môns et les Gwe Shan de Pégou, après avoir écarté le gouverneur Birman qui s’était révolté et autoproclamé roi, mettent sur le trône de leur ville un moine d’origine Gwe Shan, Smim Htaw Buddhaketi avec le titre de ‘’Gwe Min‘’ ou ‘’Mengtarâ Buddha Kèthî‘’. (2).

 

De ce fait les ‘’Sawbwas‘’ (‘’Sobos‘’ dans les textes en français) ou ‘’Tawbwas‘’ (‘’Tobos‘’) c’est-à-dire les chefs héréditaires des grands états tributaires birmans, vont se rebeller et s’émanciper du pouvoir central, qui les a trop souvent humiliés. De la même manière, certains gouverneurs de province ou ‘’Myozas‘’, dont Chiang-Mai, et Lampang vont suivre cet exemple.

 

Autrement écrit, la fin de la seconde dynastie des Taungû (Toungou) va favoriser un vent de rébellion général dans l’empire Birman, que la dynastie des Konbaung, alors naissante, va devoir reprendre en main et maitriser.

 

 (1) Le Sud et le Nord de la Birmanie n’ont jamais vraiment fraternisé. Il y a toujours eu de la méfiance de la part du Nord (Ava) sur le Sud, c’est-à-dire Pégou. Quant à Pégou, les Pégouans nourrissaient les mêmes sentiments à l’égard du Nord. A l’époque, le gouverneur de Pégou qui s’était révolté était un Birman d’Ava. Les pégouans n’ont repris leur indépendance … et pour un laps de temps très court, qu’en le renversant et en faisant de même avec quelques autres remplaçants mis en place par Ava.

Georges Cœdès écrit qu’il y a une différence fondamentale entre les deux langues. (Les Birmans d’Ava parlaient une langue de la famille tibéto-birmane, alors que les Pégouans ou Môn parlaient une langue de la famille ‘’môn-Khmer‘’). De ce fait, poursuit-il, ‘’cette différence ethnique certaine dût jouer un grand rôle dans l’antagonisme séculaire entre la lutte de la basse Birmanie et de la haute Birmanie‘’.

Pour la petite histoire : En 1750 l’empereur de Chine ‘’Qianlong‘’ (1735-1796) envoya des troupes pour aider Mahadhammaraza Dipati le roi d’Ava, mais les armées chinoises furent vaincues par les Môns de Pégou ?!...   

(2) Le moine ‘’Smim Htaw Buddhaketi‘’ (littéralement : ‘’Seigneur de l'éléphant rayé‘’) contraint à abdiquer après sept ans de règne (1740-1747) partit pour … Chiang-Mai après avoir résidé quelques mois à Sittaung ?!... (1*) Binnya Dala, (?-1747-1757-1774) son premier ministre, lui aussi Gwe shan (2*), lui succéda. Il captura Ava en 1752, et en 1754 il fit exécuter le dernier roi de la 2ème dynastie Taungû, c’est-à-dire : Mahadhammaraza Dipati alors âgé de 40 ans, le 13 octobre 1754.

 

Bref, il était et fut difficile aux Birmans d’Ava de cette époque de reprendre Chiang-Mai et d’imposer quoi que ce soit à leurs vassaux ou plutôt … ex-vassaux ?!....

 

(1*) La légende raconte que ce moine passait la plupart de son temps en forêt à la recherche d’un éléphant blanc ?!... Cette même légende ne précise pas s’il avait fini par en trouver un ?!... Heureusement ou malheureusement (?!) son premier ministre gouvernait pour lui et prit les rênes du pouvoir après son abdication.

(2*) Les Gwe Shan étaient les descendants des Shan déportés par le roi Bureng Naung (1550-1581) ou Burengnong Kayodin Noratha (บุเรงนองกะยอดินนรธา) en thaï et Bayinnaung Kyawhtin Nawrahta en Birman, lors de son invasion des états Shans en 1557. Ces déportés, qui d’après certains érudits auraient été des Karens, avaient été installés au nord de Pégou et étaient suffisamment nombreux pour constituer au sein de Pégou une communauté d’importance.

 

 

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Photo 1 : Une vue du ‘’Wat Phra That Lampang Luang‘’ situé à une dizaine de kilomètres de Lampang. Aujourd’hui, il n’est plus seul dans la nature, mais il a gardé son aspect de forteresse. C’est au sein de ce Wat que s’élève le Chédi se rapportant aux personnes nées l’année du Bœuf c’est-à-dire à ‘’Pi-tcha-lou‘’ (ปีฉลู). (Photo du 01.12.2017) 

Photo 2 : Le Viharn où se trouvaient les soldats Birmans et leur chef Thao Mahayot Luang. Il a été rénové depuis … bien évidemment !... (Photo du 01.12.2017) 

Photo 3 : Le conduit d’eaux usées par où Thip Chang serait entré dans le temple. ‘’On‘’ m’a assuré que le trou était d’origine et qu’il n’avait pas été agrandi … ce dont je doute à moins que Thip Chang ait été de très, mais très petite taille ?!... (Photo du 01.12.2017) 

Photo 4 : Lors des combats deux balles se sont écrasées sur l’un des montants de la grille entourant le Chédi du Wat Phra That Lampang Luang. (Photo du 01.12.2017) 

Photo 5 : Un gros plan sur ces impacts de balles. (Photo du 01.12.2017) 

 

 

TROISIEME REUNIFICATION DE LA BIRMANIE.

 

Tandis qu’à Chiang-Mai ‘’Chao Ong Kham‘’ fera face à de nombreux coups d’état, d’attaques Birmanes, que son fils Chao Ong Chan (1759-1761) sera renversé par son frère Chao Pat qui invitera le prince Khi Hût (เจ้าขี้หุด) (1761-1763) alors moine au Wat Duang Di à monter sur le trône de la ville pour combattre les birmans, à l’Ouest, en Birmanie, les combats larvés, puis les batailles rangées font rages entre les Birmans de Haute Birmanie (Ava) et les Pégouans du royaume d’Hanthawaddy ou Hongsawadi (Pégou) au Sud de la Birmanie. (1)

 

Au début, c’est-à-dire en 1740, le Binnya Dala (2) de Pégou à l’avantage. Ses armées, commandées par son frère et vice-roi ‘’Apporaza‘’, prennent Ava, qu’elles rasent et incendient (1751/52), mais … en 1754 ce sera la retraite.

 

Lors de leurs premiers succès les pégouans invitèrent les dignitaires de haute Birmanie à rejoindre leurs rangs, en faisant allégeance. Nombre d’entre eux acceptèrent, sauf un certain ‘’Maung Aung Zeya‘’, (3) dont le nom signifie ‘’Victoire conquérante‘’ et dont la prise de position amusa plus qu’elle ne terrifia.

 

Ce dernier, qui n’avait alors aucun moyen tandis que Pégou était fourni en armes à feu par les français installés à Thanlyin (Syriam), et les anglais sur l’île Negrais, va convaincre une quarantaine de villages de haute Birmanie à le suivre et à résister. Très vite, et avec l’aide de ses fils, Maung Aung Zeya va mettre les pégouans en difficulté et, courant 1757 conquérir Pégou, mettre un terme au royaume d’Hongsawadi, et faire prisonnier le Binnya Dala qui n’aura régné que 17 ans. (4)

 

Pour la troisième fois la Birmanie sera réunifiée. Mais par-delà la réunification Birmane, 1757 marque aussi, la total soumission de l’état Indien du Manipur (5) et … six ans plus tard … le retour du Lanna et de Chiang-Mai, dans le giron birman.

 

(1) D’après certains ‘’érudits‘’, les affrontements entre le nord (Ava) et le Sud (Pégou), seraient beaucoup plus liés à des raisons de pratiques religieuses qu’à des considérations ethniques car, argumentent-ils il y avait dans les deux camps des gens de mêmes ethnies, cependant, à Pégou et à Ava le bouddhisme était vécu différemment ?!...

Alaunghpaya était un chef militaire … charismatique. Il se disait la réincarnation d’un Bouddha. C’était un homme qui ne pouvait conduire qu’à la victoire. D’ailleurs lorsque Pégou sera capturée par les Birmans en 1757, ces derniers raseront la ville au point d’effacer une grande partie de la culture Mône, pour ne pas écrire toute, culture évidemment liée au Bouddhisme.

(2) Le terme de ‘’Binnya Dala‘’ (Bonna-Dalla, Beinga Della, etc…) est un titre qui indique, soit la royauté ou le degré de noblesse au sein de la communauté Mône. Dans le cas présent, ce titre était porté par le gouverneur de Pégou. Ce n’est donc pas le nom d’une personne.

(3) Peu de temps après son refus de coopérer, le 29 février 1752, ‘’Maung Aung Zeya‘’ (อ่อง ไจยะ) se proclame roi, fonde la dynastie des ‘’Konbaung‘’ (1752-1885) et en 1755 prend le nom de ‘’Alom Pra (Alaung Paya ou Alaunghpaya = Bodisattva c’est-à-dire futur Bouddha) (อลองพญา) ce qui signifie qu’il devait être considéré comme l’incarnation d’un Bouddha. En tant que défenseur de la doctrine Bouddhique, il était de fait … monarque universel, c’est-à-dire Chakravartin. Ce petit prince de Dabayin, d’origine obscure pour certains auteurs, deviendra l’un des trois plus grands monarques de Birmanie. Il est aussi connu sous le nom de ‘’Alaung Mintayagyi U Aung Zeya‘’ et en tant que fondateur de Rangoun.

(4) Après la prise de Pégou le 12 mai 1757, le roi Birman Alaunghpaya fit envoyer, non sans menaces, des demandes de soumissions aux dirigeants de Chiang-Mai, puis quelques temps plus tard aux anciens vassaux d’Ava.

En juillet 1757 nombre de princes viendront à Pégou, avec des cadeaux, et boiront l’eau d’allégeance reconnaissant la suzeraineté, Alaunghpaya. Parmi eux il y a les Chao Fa de Chiang Khong, Chiang Rung etc… mais … pas de Zinmé ou Zimmé (Chiang-Mai). C’est ‘’Chao Ong Kham‘’ qui était alors à la tête de Chiang-Mai.

Lors de ce cérémonial, un certain Daw Zwèyaset, un noble Talaing fut nommé gouverneur de Martaban avec le titre de ‘’Binnya Dala‘’. Quelque temps plus tard ce gouverneur fut soupçonné d’entretenir une correspondance secrète avec le fameux Talabân alors réfugié à Chiang-Mai. De ce fait il fut arrêté, décapité et remplacé à la tête de Martaban par un autre noble Môn ‘’Daw Talut‘’.

Cette séance de soumission terminée, Alaunghpaya (Alaung Mintayagyi) fera raser Pégou jusqu’à la dernière pierre et s’en ira pour quelque temps à Dagon, c’est-à-dire Rangoun (Rangoun – Yan Kon, dont le nom signifierait : ‘’la fin de la guerre‘’ selon les uns ou ‘’la fin des conflits‘’ selon les autres).

Les dirigeants du Nord, comme le Chao Fa de Chiang-Run portaient aussi le titre de Chao ‘’Saenwi fa‘’ (เจ้าแสนหวีฟ้า), ce qui signifie qu’ils avaient deux suzerains, le roi d’Ava et l’empereur de Chine. Quelques années plus tard, certains de ces vassaux du Nord, auront jusqu’à 3 suzerains avec le Siam. Une manière de ne faire de peine à personne ?!...

(5) ‘’Alaunghpaya‘’ a dirigé lui-même l’expédition de 1758/1759 contre le Manipur, un royaume hindouiste connu aussi sous les noms de Meitrabak, Tilli-Koktong, Poirei-Lam, Sanna-Leipak, ou encore Mitei-Leipak. Après avoir vaincu les Manipuris à Pallel (Palel ou Pallei) et mit en fuite son roi le Maharaja Bhaoyachandra (1748-1764-1798) (*) des milliers d’entre-eux furent conduits à Ava. Au sein de cette cohorte de déportés, il y avait de nombreux artisans appartenant à diverses disciplines ; on y trouvait aussi des soldats dont des cavaliers. Ces derniers vont être à la base du corps de la cavalerie d’élite Birmane, la ‘’Cassay Horse‘’, c’est-à-dire ‘’la cavalerie Manipurie‘’. Manipur se dit en birman ‘’Kathe‘’ ou ‘’Cassay‘’. Ces cavaliers seront d’excellents guerriers qui se distingueront, entre autres, lors des campagnes birmanes dirigées contre Chiang-Mai.

(*) Le Maharaja Bhaoyachandra est aussi connu sous les noms de Ningthou Ching-Thang Khomba et Jai Singh Maharaja (1764-1798). Deux de ses fils, Labanyachandra et Madhuchandra, qui lui succéderont de 1798 à 1801 pour le premier et de 1801 à 1803 pour le second, seront fait prisonniers lors de cette expédition de 1758/1759.

 

 

Toujours est-il que cette transition dynastique birmane aura permis à Chiang-Mai de retrouver un semblant d’autonomie d’environ une trentaine d’années, à savoir de 1727 à 1760. Chiang-Mai se permettra même, comme écrit plus haut, de chasser les Birmans de Phayao. Mais, tandis que Lampang acceptera un statut de vassal, Chiang-Mai va allumer la mèche qui mettra le feu aux poudres et à son retour au sein de l’empire birman.

 

Vers 1760, de nombreux événements, dont la mort du grand roi Birman ‘’Alaunghpaya‘’, semblent indiquer que la Birmanie n’est plus la grande puissance qu’elle avait été. (1) Alors à Chiang-Mai le parti des dignitaires les plus hostiles aux Birmans passe à l’action. Le roi Chao Ong Chan (Chaofa Chandra - Chan) est renversé par son frère Chao Pat (Chaofa Bhatra – Phat) et Phraya Tün ; le roi déchu s’enfuira à Wiang Thakan (เวียงท่ากาน) à environ 30 kilomètres au sud de Chiang-Mai, dans le district de San Patong.

 

Ensuite Chao Pat invitera le prince Khi Hût (เจ้าขี้หุด) (1761-1763), un moine du Wat Phanthanu Duang Di (2) à monter sur le trône de la ville. Une ville qui déjà accueillait des réfugiés de basse Birmanie (Les Talaings) (3) et ouvrira ses portes au Talapân, (4) le Chef suprême des armées du royaume d’Hongsawadi, donc ennemi juré des Birmans. Ce dernier reconstituera alors une armée pour marcher sur Martaban.

 

(1) Contre l’avis de ses proches et de ses astrologues le roi birman ‘’Alaunghpaya‘’ s’entêtera à vouloir conquérir Ayutthaya. Son entreprise sera un échec et le conduira à rendre l’âme le 11 mai 1760 à Kinywa près de Martaban. Sa mort tenue secrète, ne sera rendue publique qu’à l’arrivée de son corps à Rangoun.

‘’Alaunghpaya‘’ aurait été blessé lors de cette campagne par l’explosion d’un canon lors d’une revue, écrivent les Siamois, et victime d’une maladie, dysenterie ou scrofule (écrouelles) prétendent les Birmans ?!... Là-encore … qui croire ? …

Cette mort a-t-elle été le déclencheur des événements qui se sont succédés à Chiang-Mai ?... difficile à dire. Toujours est-il que Chao Ong Chan fut renversé par son frère cadet de conserve avec Phraya Tün le 27 avril 1761, soit environ onze mois après la mort de ‘’Alaunghpaya‘’ ; et c’est à partir de Chiang-Mai que le Talapan a pu réorganiser ses armées et marcher sur Martaban.

(2) Le Wat Phanthanu Duang Di est un Wat intramuros de Chiang-Mai, tout près de la place des trois rois. Il porte aujourd’hui le nom de Wat Duang Di. C’est dans ce Wat qu’aujourd’hui, les propriétaires de véhicules viennent faire bénir leurs engins pour être protégés des accidents. Cette protection ne les rend pas - malheureusement – plus prudents … au contraire … me semble-t-il ?!... Mais ne sont-ils pas protégés alors à quoi bon être prudent ?...

(3) Le mot de Talaing aurait aujourd’hui un sens péjoratif. A l’époque il désignait les Môns du Sud de la Birmanie (Royaume d’Hongsawadi) alors battus par les Birmans. Après la destruction totale de Pégou, certains Talaings se conduisirent en fauteurs de troubles sur les frontières de Tavoy, et des milliers d’autres rêvaient de … revanche. Pour un certain nombre d’entre eux Chiang-Mai fut le lieu de leur nouvelle conscription ; ce qui déplut à Ava … bien évidemment.  

(4) Le mot de ‘’Talabân‘’ (écrit aussi Talapân, Talabaan etc…) servait à désigner le plus haut grade militaire qui soit dans l’armée du royaume d’Hongsawadi, c’est-à-dire du l’armée du Sud. Ce n’est donc pas le nom d’une personne. Par ailleurs, il n’est pas à confondre avec le vice-roi de Pégou ‘’Apporaza‘’. Ce sont deux personnages différents, dont l’un, ‘’Apporaza‘’ aurait été jaloux de l’autre … le ‘’Talabân‘’.

À Martaban le ‘’Talabân‘’ ne trouva pas le soutien populaire attendu. De ce fait il fut mis en déroute et se réfugia avec ses troupes, ses éléphants et ses chevaux entre la Salouen et la Moei, que les Birmans appellent la ‘’Thaung Yin‘’ et qui est un affluent de la Salouen.   

Ce haut gradé, sa femme et sa famille furent par la suite arrêtés par les Birmans à Klük Kla et emmenés à Ava pour … écrit Arthur Purves Phayre (1812-1885) (5) être mis à mort secrètement ?!.... Contrairement à ce qu’affirment les Birmans ?!... Poursuit le même auteur.

Dans une autre version, peut être celle des Birmans, ce qui ferait d’Arthur Purves Phayre une mauvaise langue, le ‘’Talabân‘’ se serait rendu à la condition que sa famille soit libérée. (*) Touché par cette grandeur d’âme le roi Birman lui aurait accordé son pardon et aurait pris le ‘’Talabân‘’ à son service ?!... Ce qui ne semble pas improbable, à cette époque, encore que ! …

Dans le ‘’Dictionary of Wars‘’ il est écrit que le roi Birman Hsinbyushin dit Mangra l’aurait fait exécuter en 1774 ?...

Alors … cette fois encore, à quel texte faire confiance ?...

(*) Cerise sur le gâteau, d’après le capitaine James Low, le fils du roi de Chiang-Mai (il ne précise pas lequel ?) aurait donné sa fille ‘’Nang-Tum‘’ en mariage au Talabân (Talapân) qui dans un texte est appelé ‘’Phaya La‘’ un nom qui signifierait ‘’Tigre Blanc‘’ ?!...

Camille Notton, quant à lui, en marge de sa traduction, précise qu’il s’agit de la fille du prince Ong Kham, souverain de Chiang-Mai, et que cette fille portait le nom de ‘’Nang Ing Thip‘’ que j’ai trouvé écrit par ailleurs … Sa-Ingthong ?...

(5) Arthur Purves Phayre fut le 1er gouverneur britannique de Birmanie ou ‘’Chef commissionner‘’ du 31/01/1862 au 16/02/1867 et auteur du livre : ‘’History of Burma‘’.

 

 

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Carte 1 : Carte du deuxième empire Birman, celui des Taungou (1535-1752)

Carte 2 : Carte de la Birmanie

Carte 3 : Carte du Pégou ou du royaume d’Hongsawadi.

 

 

Le parti pris par les dirigeants de Chiang-Mai ne pouvait qu’inciter les Birmans à intervenir et à attaquer Chiang-Mai. (1) Pour cela, les Birmans vont déployer les grands moyens. En 1762 neuf armées venues d’Ava campent au Wat Veluvan, aujourd’hui le Wat Ku Tao, puis assiègent Chiang-Mai qui en 1763 retombe sous le joug Birman. Des Birmans qui vont se montrer particulièrement cruels et sans pitié.

 

Ong Kham (2) et TOUS les habitants de la ville sont déportés au Nord d’Ava. (3) Jamais Chiang-Mai n’avait été réduit à ce point à … moins que rien. La ville perdait, outre son élite mais aussi ses bras et son âme. La jungle, et non la forêt … la jungle donc et ses fauves allaient devenir, pour ceux qui avaient réussi à s’échapper, un véritable havre de paix malgré les coups de mains des bandes de brigands nés de ce chaos. Donc, rien n’était plus à craindre que les exactions birmanes !...

 

La nomination, en tant que gouverneur de Chiang-Mai, du général ‘’Apayakamani‘’ (4), l’un des neuf généraux venus investir la ville en 1763, aurait dû mettre un terme à ce tragique épisode qui a fait de Chiang-Mai une ville exsangue, spoliée de son passé culturel et dans l’incapacité de se révolter.

 

Pour les raisons qui précèdent, c’est-à-dire peu de gens pouvant se révolter, le général Apayakamani ne devait disposer que d’une armée réduite pour gouverner la ville et sans doute celle de Lamphun, la cité voisine qui alors ne manifestait aucune hostilité apparente à l’égard des birmans ?!....

 

Or, courant 1764, Phra Muang Chai, le roi de Lamphun et l’un de ses proches, Naï Aï se rebellent. Cette révolte tourne à leur avantage. Défait, le général Apayakamani en compagnie du Chaofa Chaï Kaeo (1759-1774) le fils du Mahout Thip Chang de Lampang s’enfuient à Ava. 

 

Pour mater ce soulèvement, le roi d’Ava, Hsinbyushin dit Mangra (มังระ) (1763-1776) le 3è roi de la dynastie Konbaung et 3è fils d’Alaunghpaya, envoie une armée d’environ 100.000 hommes ; de fait, le général Apayakamani reprendra la gouvernance de Chiang-Mai et le Chaofa Chaï Kaeo retournera à Lampang. Mais rien n’est dit sur ce qu’il advint de Phra Muang Chai et Naï Aï !...

 

Cette réoccupation de Chiang-Mai va permettre aux Birmans de mettre en place leur plan d’encerclement en vue d’attaquer Ayutthaya. (5)

 

(1) Le nouveau roi, Khihut, mis sur le trône en 1761, permit alors au Talabân (ตละ บั้น) de Pégou et à Phraya Kuai, fuyant les birmans, de faire de Chiang-Mai une base militaire pour réorganiser et lever une grande armée dans le but de bouter les Birmans hors de basse Birmanie ex royaume d’Hongsawadi (Pégou) ?!....

 

Quelques mois plus tard, fin 1761 l’armée du Talabân entrait à Martaban ce qui eut pour conséquence de fragiliser les forces du roi Naungdawgyi (2è roi de la dynastie des ‘’Konbaung‘’) assiégeant en personne Taungû alors en rébellion ; une rébellion menée par son gouverneur Thado Theinkhathu, qui n’était autre que … l’oncle du roi Naungdawgyi.

 

L’un des 68 commandants d’élite, (*) un certain Balamindin s’était rangé au côté de Thado Theinkhathu. Ce Balamindin est aussi connu sous le nom de ‘’Ye Kyaw Thura‘’. C’est lui qui par la suite, de 1766 à 1769 assurera la défense de Kaungton, un fort sur la frontière chinoise. En ce lieu, dont il deviendra le gouverneur, il arrêtera les trois invasions chinoises.

 

(*) Ces 68 commandants d’élite étaient à l’origine les compagnons d’armes du roi Alaunghpaya. Ils s’appelaient à leurs débuts les ‘’Myin-yi-tet‘’ c’est-à-dire les 68 braves.

 

A noter que lors de la répression de ces différentes révoltes, le frère cadet du roi Naungdawgyi, le futur roi Hsinbyushin (Hsengbyusheng) dont le nom signifie ‘’possesseur de l’éléphant blanc‘’, d’autre traductions donnent ‘’Seigneur de l’éléphant blanc‘’ (?), s’était abstenu de soutenir son aîné dont il avait tenté d’usurper le trône au décès de leur père, cela contrairement au serment d’accepter … ce que nous appelons en France : le droit d’aînesse. (Taungû se rendra en Janvier 1762).

 

Le roi Naungdawgyi pardonna à son oncle, le chef de la rébellion de Taungû, ainsi qu’au commandant Balamindin et à tous les nobles ayant suivi ce gouverneur. Tous conservèrent leur grade et prérogatives, un fait pratiquement unique dans les annales Birmanes. Cependant le roi birman estima que Chiang-Mai méritait une ‘’bonne‘’ punition pour avoir ‘’porté insulte à sa puissance et à sa dignité‘’.

 

Alors, même si l’armée d’Ayutthaya était arrivée à temps pour prêter main forte à Chiang-Mai, ce qui ne fut pas le cas … ce qui devait arriver arriva. Chiang-Mai retomba sous le joug Birman début 1763, et près de 3.000 de ses habitants furent déportés dans l’état Shan de Mǫk Mai.

 

Stratégiquement les Birmans envisageaient de prendre la ville d’Ayutthaya en tenaille, Chiang-Mai et Lampang étant la mâchoire Nord de cette tenaille, et Tavoy celle du Sud. Cette stratégie est connue en Birmanie sous le nom de ‘’thayninga-byu-ha-kyan‘’ (Senaga Byuha). Par ailleurs pour ne pas être inquiétés sur leurs arrières les Birmans devaient contrôler Chiang-Mai, voire les territoires situés très au Nord de la ville, jusqu’au Laos d’aujourd’hui.

 

Richard David Cushman, le traducteur des ‘’chroniques royales d’Ayutthaya‘’ donne les noms suivants concernant l’organisation de l’armée birmane : Asæwunki (อะแซหวุ่นกี้) le chef de l’avant garde, Tingcabo commissaire, Aekkrabat wun (หวุ่น) fourniseur et Caksinbo chef de l’arrière garde ?... Je n’ai trouvé nulle part une correspondance, y compris phonétique, au niveau des noms, sauf pour ‘’Asæwunki‘’ ?!...

 

Conclusion : la reprise de Chiang-Mai était la condition sine qua non pour la mise à exécution des plans Birmans à savoir … prendre Ayutthaya.

 

(2) Je n’ai rien trouvé sur la fin de Chao Pat et du prince Khihût. Ont-ils fui ou ont-ils été tués lors de la défense de Chiang-Mai ?...

(3) Ce serait donc plus de 3.000 personnes qui auraient été déportés, non pas au nord d’Ava, mais dans l’ex-région de Lawkawadi, en pays Shan, d’après Volker Grabowsky, devenu par la suite l’état Shan de Mǫk Mai, écrit aussi Mawkmai, et Maukme. Le roi d’Ava voulait recréer un état vassal Shan. Cet état aurait été fondé en 1767 par un noble de Chiang-Mai ‘’Hsai Khiao‘’ qui en deviendra le 1er Saophas sous le nom de Hsai Kyaw de 1800 à 1818 date de son décès. S’agissait-il d’un déporté de 1763 ?... Ce n’est pas improbable ?!...

(4) Le général ‘’Apayakamani‘’ se trouve aussi sous les noms de … ‘’Abhayagamani‘’, ‘’Nemya Khamani‘’ et … quelques autres !...

(5) En 1764 les Birmans envahissent le royaume de Manipur. A Imphal, la capitale, ils font environ 4.000 prisonniers qu’ils envisagent de déporter à Tamu, une ville frontalière dans la région de Sagain. Les captifs refusent cet exil ; de ce fait ils seront tous tués ?!... Ce drame souligne le peu de cas accordé aux populations en général et à une vie humaine en particulier !...

 

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Photo 1 : L’entrée principale du Wat Duang Di de Chiang-Mai. (Photo de 2009)

Photo 2 : Une reprise de la carte de Volker Grabowsky (1959) mettant en évidence la relative mainmise de la Birmanie sur le Lanna entre 1727 et 1763 ; période lors de laquelle s’effondre la 2è dynastie des Taungû (1635-1752) et prend naissance celle des Konbaung (1752-1885).

L’aire du Lanna ‘’libre‘’ est en vert. Sa reconquête par les Birmans suivra la chute de Pégou en 1759. Ensuite viendra la Chute d’Ayutthaya.

Photo 3 : Une gravure (retouchée) présentant les capitales birmanes du Nord dont Shwebo (Moksobo – Mout Zobo : La ville du capitaine chasseur qui sera aussi appelée Yadana-Theingal (เมือง รัตนสิงค์) Ratanâthinga - Ratna Singa c’est-à-dire La perle des Lions). Shwebo fut l’une des capitales de Maung Aung Zeya dit ou Alaunghpaya le fondateur de la dynastie des ‘’Konbaung‘’ (1752-1885)

 

 

LE DEBUT DE LA FIN DE L’OCCUPATON BIRMANE :

 

En janvier 1765, après la reconquête de Chiang-Mai et son nouveau pillage en gage de représailles, les Birmans vont baser dans la ville quelques 20.000 hommes sous les ordres de Ne Myo Thihapate ou Nemiao Sihabodi, en Thaï (เนเมียวสีหบดี) tandis qu’à Tavoy, dans le Sud de la Birmanie, le général Maha Nawrahta en compte tout autant sous ses ordres. Il s’agit alors de prendre Ayutthaya en tenaille.

 

Auparavant, pour assurer leurs arrières et enrôler une armée de plus de 30.000 conscrits avec éléphants, chevaux et armes, les armées birmanes commandées par le grand général en chef Asæwunki (Maha Thihathura) (1) reconquièrent les états Laotiens ; Asæwunki confia cette campagne de reconquête au général ‘’Ne Myo Thihapate‘’, qui, par la suite prendra sous son seul commandement, Ayutthaya le 7 avril 1767 et sera nommé chef militaire de Chiang-Mai en 1773. Il y viendra à la tête d’une armée de 500 chevaux et 7.000 hommes dont la moitié était kathes, c’est-à-dire …  Manipuris. Il est vraisemblable que les 500 cavaliers étaient aussi Manipuris mais cela n’était pas précisé par l’auteur.

 

Fin 1764, le roi de Vientiane, ‘’Ong-Bun‘’ ou ‘’Ong-Boun‘’ (Siribunyasarn) (1760-1778/79) (พระเจ้าสิริบุญสาร) (2) se soumettra sans combattre et fera allégeance, contrairement à Luang Prabang qui en Janvier 1765 entend résister à l’armée de 20.000 hommes provenant de Chiang-Mai, via Vientiane, stationnée à ses portes et aux côtés de laquelle se sont jointes les troupes de ‘’Ong Bun‘’ le roi de Vientiane. C’est alors le roi Chao Sotika kouman (1756-1769-1771) qui tient les rênes du pouvoir à Luang Prabang.

 

Trois mois plus tard en mars 1765, Luang Prabang se rend et, contrainte et forcée doit remettre 600 otages et accepter l’allégeance que demandaient systématiquement les Birmans après chaque victoire ; une allégeance qui ne cessera qu’en 1778. (3)

 

Puis, tant pour affaiblir Luang Prabang que pour renforcer leur armée du Nord, les Birmans exigèrent le renfort d’un contingent de 20.000 hommes. Le 29 avril 1765 ces troupes arriveront à Lampang pour se diriger ensuite vers Ayutthaya. Quelques-uns de ces enrôlés furent envoyés à Chiang-Mai et à Chiang Rung (Kentung), une ville frontalière non loin de laquelle stationnaient des troupes Chinoises, prêtes à envahir la Birmanie.

 

Pour éviter toutes tentatives de rébellion à Luang Prabang une partie de la population sera déportée et installée près du lac ‘’Taungthaman‘’ tout près d’Ava. Ce site de détention ce serait situé là ou allait s’élever en 1783 la ville d’Amarapura (La cité immortelle).

 

Trois ans après cette défaite et cette allégeance, le roi Sotika kouman, contraint et forcé, abdiquera (1768/69) et laissera son trône à son frère, qui prendra le titre de Chao Suriyavong II, (1751-1768/71-1787). (4)

 

Cette réoccupation des états Laos permet aux Birmans de contrôler toute leur frontière Nord-Est, et d’être assurés qu’Ayutthaya ne recevra pas d’aide (ravitaillement – troupes) venant de cette région.

 

(1) Asæwunki (Asæ Wun) (อะแซหวุ่นกี้) était l’un des 68 commandants d’élite de l’armée birmane. Ce militaire est aussi connu sous le nom de son titre : ‘’Maha Thihathura‘’ ou ‘’Maha Thiha Thura‘’ (มหาสีหสุระ) (1720-1782) ; Ce titre est aujourd’hui la plus haute distinction militaire décernée par l’armée birmane. Son nom se décompose comme suit : Asæ était son nom propre et wunki signifiait qu’il était un ministre de la plus haute importance.)  

Asæwunki fut, avec Balamindin (บาลามินดิน), l’un des grands défenseurs de la frontière sino-birmane ; de conserve ils repoussèrent toutes les invasions chinoises entre 1765 et 1769 infligeant à l’empereur Qianlong (1711-1735/1796-1799) ses plus grandes déconvenues. De 1768 à 1770 Asæwunki fut commandant en chef de l’armée birmane, puis occupa la fonction de chef des ministres. Par la suite, pour avoir soi-disant comploté il sera arrêté et exécuté.

(2) Le roi de Vientiane ‘’Ong-Bun‘’ se trouve aussi sous le nom de ‘’Ungabunya‘’, ‘’Ong-Boun‘’, ‘’Ung-Boun‘’, ‘’Bunsan‘’, ‘’Bugnasan‘’ ‘’Ong Bun Setthathirat III‘’.

1767 est parfois donné comme le début de son règne ; ce qui correspondrait au décès de son frère aîné ‘’Ong Long‘’. 1730 est aussi donné comme le début de son règne. Elle fait référence à la mort de son père, Setthathirat II‘’ (1698-1730) ?!...

(3) Les documents concernant le Laos de cette époque sont rares, à prendre avec précaution et à vérifier scrupuleusement.

Le roi Intha Son ou Thao Ang (1723-1749) qui renversa ‘’Ong Kam‘’ (1713-1723), laissera une nombreuse descendance : 9 fils et 6 filles.

Le premier de ses enfants à faire parler de lui sera ‘’Inthaphom‘’, appelé aussi Inthara Vongsa dont le titre était : ‘’Inta Pom Somdet Brhat Chao Indra Varman Raja Sri Sadhana Kanayudha, Inthara Vongsa‘’. Ce 9è enfant de la fratrie décèdera en 1776. Courant 1749 il repoussera une armée annamite, commandée par les généraux ‘’Ong Chio Tiem Ta‘’ et ‘’Tiemchot‘’ venue chercher le paiement du tribut que Luang Prabang n’avait pas versé à l’empereur d’Annam, Nguyễn Phúc Khoát (1714-1738-1765). Cette victoire lui vaudra d’être élu roi de Luang Prabang ; son père serait décédé entre temps, et le trône se trouvait alors vacant. Après 8 mois de règne il abdiquera en faveur de son aîné, Chotika, plus connu sous le nom de Sotika Kouman (1750-1768-1771). ‘’Inthaphom‘’ aura une fille, Chao Chom Manda Thongsuk qui épousera : Rama Ier, roi de Siam.

Sotika Kouman, se trouve aussi écrit : Sotika Kuman. Il était le fils aîné d’Inta Son ; son nom de règne était : Thieu Phong Chao Brhat Devabangsa Jathika Kumara Raja Sri Sadhana Kanayudha.

(4) Trois ans après la prise de Luang Prabang, en 1768 les Birmans envoient le prince Suriyavong, un autre fils d’Inta Som, prendre Muang La et Muang Maen. Que se passera-t-il ?... Rien ne le précise vraiment. Toujours est-il que ce dernier reviendra à Luang Prabang courant 1771, contre l’avis de son frère ; et en compagnie de 500 hommes il investira de nuit la ville puis … renversera son frère Chao Sotika kouman.   

 

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Photos 1/2/3 : Les ruines du Wat Chaiwatthanaram (วัดไชยวัฒนาราม) d’Ayutthaya, construit en 1630 par le roi Prasat Thong (ปราสาททอง) (1600-1629-1656) (Photo 2008).

 

 

Prise d’Ayutthaya : (7 avril 1767 ?... Ou 28 mars 1767 ? ...) (1)

 

Le plan Birman consistait à prendre Ayutthaya en tenaille, (2) pour cela dans le Sud de la Birmanie à Tavoy, après avoir réprimés une rébellion dans cette ville, stationnèrent environ 20.000 hommes sous les ordres du général Maha Nawrahta, que viendront rejoindre 10.000 autres, via Ava, après avoir écrasé un soulèvement au Manipur.

 

Au nord, les 20.000 hommes que le général ‘’Ne Myo Thihapate ‘’ a enrôlé, entre 1764 et 1765 successivement à Vientiane, Luang Prabang et Chiang Rung (Kentung) sans oublier Chian Saen et les campagnes environnantes, campent du côté de Lampang. (3) Nous sommes le 29 avril 1765.

 

Les deux armées se rejoindront, à quelques jours près, vers le 20 janvier 1766 et après maintes manœuvres assiégeront Ayutthaya durant 14 mois.

 

Auparavant, lorsque les armées s’ébranlèrent en direction d’Ayutthaya, à Chiang-Mai, en juin 1766, une troupe de 5.000 hommes en fit tout autant.

 

D’après différentes chroniques, les forces Birmanes auraient compté plus de 50.000 hommes dont certains furent enrôlés de force y compris sur le sol Siamois ; car il fallait remplacer les morts que fauchaient fatigues et maladies, mais aussi grossir les rangs en vue de compenser les pertes guerrières futures. (4) Il n’y avait pas à l’époque un sentiment d’appartenance spécifique à un royaume précis. L’indigène lambda combattait pour qui l’enrôlait de gré ou de force. Cependant, il était attaché à son ethnie. L’historien birman Than Tun (1923-2005) a écrit en son temps que beaucoup de Shans étaient enrôlés dans les troupes du Nord d’Ava, tandis que d’autres combattaient dans la défense d’Ayutthaya. Autrement dit, la guerre entre Ava et Ayutthaya était d’abord et avant tout, une guerre entre souverain et non pas entre peuples ou états-nations. Le concept de nationalisme n’existait pas à cette époque, il faudra attendre le règne de Rama VI (1880-1910-1925) pour qu’il apparaisse, et soit ce qu’il est aujourd’hui.

 

Quelques temps avant l’invasion d’Ayutthaya, le général Maha Nawrahta meurt de maladie ; alors ‘’Ne Myo Thihapate‘’ (Asæwunki) assurera seul le commandement des opérations. 

 

 

Ayutthaya connaîtra une mise à sac sans précédent. Il ne restera plus de la fière et invincible Ayutthaya que des ruines. Le feu sera mis aux maisons, qui toutes étaient construites en bois, et dont plus de10.000 déjà, auraient brûlé lors du siège. Les structures en bois des monastères et des sanctuaires connaîtront le même sort. Seuls certains édifices sacrés bâtis en brique, le matériau noble réservé aux temples et aux demeures royales, échapperont à l’anéantissement programmé, mais ils auront perdu à tout jamais leur prestance et leur splendeur d’antan. (5)

 

L’enceinte d’Ayutthaya fut rasée, les statues décapitées, et les livres dont les textes sacrés du Bouddhisme comme le Tipitaka (Dhamma et Vinaya), finiront leur existence, eux aussi, au sein des flammes. De ce sac il ne restera plus aucune archive.

 

Les Birmans feront plus de 30.000 prisonniers ; les 2/3 seront déportés dans les environs de Pégou, alors que l’autre tiers constitué par les nobles et des artisans seront expatriés du côté d’Ava où des terres leurs seront dévolues pour s’installer et vivre. (6)  

 

Cette tragédie sans précédent allait rayer le Siam des royaumes du Sud-Est Asiatiques mais … un général, le général Tak Sin (Phraya Wachira Prakan) gouverneur de Kamphaeng Phet, (7) allait renverser la situation en très peu de temps.

 

(1) Brève chronologie concernant la prise d’Ayutthaya par les Birmans :

 

A partir de la fin 1764 et jusqu’en avril 1765, dans le grand Nord (Laos), les Birmans enrôlent, de gré ou de force pour constituer l’armée du Nord.

En 1764 à Tavoy, dans le sud, stationnent 20.000 hommes que 10.000 autres venant du Manipur, via Ava, viendront rejoindre.

En Avril 1765, depuis Lampang, les troupes Birmanes du Nord partent pour Ayutthaya. 

Vers le 20 janvier 1766 les armées birmanes du Sud et du Nord se rejoignent à la périphérie d’Ayutthaya. Il va s’en suivre un siège de 14 mois.

En Février – mai 1766 : mise en place du 1er siège d’Ayutthaya et 1ères offensives.

En Juin - Octobre 1766 : (saison des pluies) Les inondations conduisent les belligérants à se battent à bord de bateaux. ‘’Libre‘’ les birmans cultivent sur place leurs besoins en riz – tandis que les Siamois, retenus dans Ayutthaya manquent de riz, d’où … famine et épidémies. La population d’Ayutthaya dépassait alors le million d’habitants ?!...

Novembre 1766 à Mars 1767 : 2ème offensive Birmane contre Ayutthaya.

Le 28 mars 1767 pour les uns et le 7 avril 1767 pour les autres : prise d’Ayutthaya.

Novembre 1767, après une brève occupation, les Birmans quittent le Siam pour repousser au Nord de la Birmanie, une invasion Chinoise.

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Photo 1 : Trois fantassins de l’infanterie birmane. L’intérêt de cette image est de montrer que ces soldats ont les jambes nues, ce qui permet de mettre en évidence les tatouages de leurs cuisses. Ces tatouages sont un signe distinctif relevant des us birmans. C’est en voulant obliger les habitants du Lanna en général et de Lampang en particulier, d’adopter cette coutume que la fracture avec les occupants va se creuser, surtout à Lampang, sans pouvoir se combler. (Cette aquarelle à la plume et à l’encre de l’artiste anglais Colesworthey Grant (1813–1880) a été réalisée lors de la mission du major Phayre à la cour d’Ava en 1855.)

Photo 2 : Une carte retraçant les routes utilisées par les différentes armées birmanes. Le départ, pour les troupes du Nord s’est fait à partir de Lampang car cette ville était plus sûre que Chiang-Mai ; le Chao Fa était bienveillant à l’égard des birmans.

Photo 3 : Une image présentant une démonstration équestre de la cavalerie birmane dont les cavaliers appartenaient, pour la plupart, à des villages du nord de la Birmanie. (Document trouvé sur la toile sans la moindre précision.)

 

(2) Cette tenaille constituée de deux colonnes (colonne du nord et colonne du sud) est connue en birmanie sous le nom de ‘’thayninga-byu-ha-kyan‘’ (Senaga Byuha).

(3) Dans le Nord, plus de 20.000 hommes ont été enrôlés ou déportés, car un contingent est resté à Chiang-Rung pour intervenir en cas d’invasions Chinoises, ce qui se produira en décembre 1765, décembre 1766 et novembre 1767 ; quant aux déportés ils ont été internés du côté d’Ava afin de priver de leurs forces vives les grandes cités Laos pour les dissuader de toute tentative de révolte.

Dans le nord certains ‘’Chaofa‘’ étaient tout à la fois tributaires de la Birmanie et de la Chine. Ne Myo Thihapate eut affaires à des récalcitrants qui fuirent en Chine.

Parmi les soldats partis attaquer Ayutthaya figuraient 200 français capturés lors de la bataille de Syriam (Thanlyin) en 1756. Ils étaient sous les ordres du chevalier Pierre de Milard (1736-1778) capitaine de la garde et maître de l’artillerie de la dynastie Konbaung. De Milard serait devenu l’ami intime du roi birman d’alors : Hsinbyushin dit Mangra ?!...

(4) Les chefs locaux devaient prêter allégeance aux birmans là où ces derniers campaient. De ce fait des taxes, au bénéfice des birmans, étaient prélevées auprès des populations, et des indigènes siamois enrôlés de force et sur ordre dans les rangs Birmans.

(5) Il y a encore à Chiang-Mai hors-les-murs, sur la douve Ouest, un Chédi éventré, le Chédi du Wat Pansao, révélant jusqu’où sont allés les Birmans, avides de richesses, pour s’accaparer de la fortune et des biens des vaincus. Rappelons que les Birmans étaient bouddhistes eux-aussi et qu’ils ne montrèrent aucun respect pour les œuvres Siamoises à la gloire de Bouddha. 

D’après les récits des missionnaires d’Ayutthaya et non de Siamois, les birmans n’ont montré aucune pitié et aucune honte en commettant leurs actes de barbarie, tortures, viols etc …. Ils auraient, par exemple, rasé des temples, décapités et/ou fondu des statues et, transpercé de flèches et de lances, battu à mort des moines pour leur faire avouer où étaient cachés les trésors de leur Wat. Dans Ayutthaya et aux alentours les terres étaient couvertes de cadavres qui, dans les rivières retenaient les eaux en dégageant de la puanteur et en attirant les mouches.

En conclusion, le mode opératoire des birmans ressemblait beaucoup plus à un génocide qu’à une guerre traditionnelle, où la vie humaine était un bien précieux.

Cependant les Birmans n’ont pas tout emporté, car après leur départ il a été retrouvé par des chasseurs de trésors, au Wat Phutthai Sawan (วัดพุทไธศวรรย์) et au Wat Pradu (วัดประดู่) d’Ayutthaya, entre autres, des … trésors, ce qui a fait écrire à certains auteurs que Chao Phra Taksin aurait -peut-être- bénéficié de … trésors trouvés à Ayutthaya pour subvenir à ses besoins de reconstruction du royaume et pour lutter contre la hausse des prix du riz ?!...

(6) Les terres données par le roi Hsinbyushin aux nobles d’Ayutthaya seraient à l’origine du village actuel de ‘’Yawahaeng ex-Rahaeng au bord du lac Taungtaman près d’Amarapura qui à l’époque restait à construire. La tombe du roi d’Ayutthaya Uthumphon dit ‘’Dok Madua‘’ (Fleur de l’un des cinq ficus sacrés) qui n’avait régné que deux mois avant d’entrer dans les ordres aurait été retrouvée dans un cimetière situé sur la colline de Linzin hill sise au bord de ce lac.

Parmi les déportés il y aurait eu Monseigneur Pierre Brigot (1713-1741-1791) et ses chrétiens qui en mai furent envoyés à Tavoy, et en novembre à Rangoun. Cet égard a – peut-être – été dû grâce au chevalier français Pierre de Milard (1736-1778) capitaine de la garde, maître de l’artillerie de la dynastie Konbaung et ami du roi Hsinbyushin ?...

 

Concernant la prise d’Ayutthaya et les 30.000 prisonniers : (a)

 

D’après les siamois plus de 200.000 des leurs auraient perdu la vie en deux ans d’occupation et de conquêtes birmanes (janvier 1766 – novembre 1767) ; et selon un historien birman, 100.000 familles, soit plus de 320.000 personnes auraient été faites prisonnières. (Ayutthaya aurait compté alors plus d’un million d’habitants. Que sont devenus les 600.000 autres ?... Tués ?... Morts de faim ? ... )

D’après une source, ces prisonniers auraient constitué un ‘’butin de guerre‘’ qui aurait été répartis entre les différents chefs militaires ; le grade le plus élevé, le chef de compagnie (Tat-hmn) se voyait attribuer jusqu’à 100 familles alors que le grade le moins élevé ne recevait que 2 prisonniers.

Il est fort probable que les militaires devaient encourager leurs prisonniers à racheter leur liberté en échange d’argent, d’or, de bijoux ou de toute autre valeur sonnante et trébuchante ; ce qui signifie qu’un certain nombre de familles … aisées ont dû rester sur place ?!... Les moins fortunés pouvaient aussi, dans le temps, racheter leur liberté.

 

(a) Le Chroniqueur et auteur birman ‘’Letwe Nawrahta‘’ (1723-1791) qui a servi 6 rois en tant qu’écrivain, ministre et commandant militaire a signé un ouvrage intitulé ‘’Yodaya Naing Mawgun‘’, qui est aujourd’hui édité sous le titre ‘’The Portrayal of the Battle of Ayutthaya’’. Dans cet écrit il relate, entre autres événements, une bataille navale qui se termina par une prise de 50.000 prisonniers de guerre ?! ... Il y précise que les Siamois qui avaient fuit les combats avaient été autorisé à retourner vivre dans leur famille, que ceux qui avaient déposé les armes et s’étaient rendus avaient été obligés de boire l’eau d’allégeance et ainsi servir le roi Birman, et que certains de ces nouveaux enrôlés s’étaient vus confiés des postes de commandement dans l’armée birmane ?!... Il y loue aussi le courage des Siamois, mais si les Siamois sont courageux il semble évident que leurs vainqueurs le sont encore plus ?!.... Un éloge en cache toujours un autre !...

Le texte de ‘’Letwe Nawarahta‘’ a été retrouvé par hasard à la bibliothèque de Rangoun. Il s’agit d’un manuscrit sur feuilles de palmier constitué d’un lot de 12 feuilles (anga) à raison de 12 lignes par feuille. Ce texte, daté de 1767, est écrit sous forme de ‘’mawgun‘’, un genre littéraire en vers. Ce poème panégyrique relate et célèbre des événements jugés alors importants portant le souverain au pinacle.

L’auteur de ce ‘’mawgun‘’ portait en fait le nom de ‘’U Nay‘’, et le titre de ‘’Letwe Nawrahta‘’, un titre qui lui fut décerné le 29 juin 1757 et qu’il préféra à tous les autres, y compris à ceux qui lui furent postérieurs. Il compta 10 titres. 

 

 

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Photo 1 : Un portrait du général Taksin se trouvant dans le Bo Noï somdet Phra Chao Taksin Maha Rat du Wat Arum (วัด อรุณ) dans le district de Thonburi à Bangkok (Photo du 5.11.2013)

Photo 2 : La statue équestre de Chao Phra Taksin, place Wongwian Yai (วงเวียนใหญ่) à Thonburi, aujourd’hui un district de Bangkok, une œuvre du sculpteur Italien Corrado Feroci dit Silpa Bhirasri (1892-1962), élevée en 1953. (Photo de novembre 2009).

Photo 3 : Un bronze de Phra Chao Taksin se trouvant dans le Bo Noï somdet Phra Chao Taksin Maha Rat du Wat Arum (วัด อรุณ) dans le district de Thonburi à Bangkok (Photo du 5.11.2013).

 

Quelques mots au sujet du général Taksin :

 

(6) Le général Taksin fut gouverneur de la ville de Tak. Par la suite il fut nommé gouverneur de Kamphaeng Phet ; une fonction qu’il n’a jamais vraiment exercée à cause de l’invasion Birmane. La défense d’Ayutthaya assiégée passait avant tout, y compris la gouvernance de Kamphaeng Phet dont il garda néanmoins, le titre de gouverneur.

 

Lors du siège d’Ayutthaya le général Taksin prit conscience que sans aide extérieure la cité courrait à sa perte. (Les événements lui donneront raison). Alors avec quelques nobles dont son fidèle ‘’Thong Di‘’ le futur Phraya Phichaï Dap Hak (พระยาพิชัยดาบหัก) et environ 500 hommes (*) il quitta Ayutthaya, on ne sait comment, le 3 janvier 1767, dans l’intention d’enrôler 5.000 hommes dans les muangs du Sud-Est du Siam, peu ou pas vraiment concernés ou touchés par l’invasion birmane.

 

Il parviendra à ses fins, non sans difficultés, surtout à Rayong et à Chantaburi qu’il devra conquérir et qu’il investira, pour Chantaburi, le dimanche 15 juin 1767.

 

(*) La vie de Thong Di (ทองดี) initialement appelé Choï ‘’จ้อย‘’ puis ensuite Phraya Phichaï Dap Hak (พระยาพิชัยดาบหัก) parce lors d’une bataille il avait continué de combattre avec une épée (Dap) brisée (Hak), est exemplaire tant du point de vue de la loyauté que du courage qu’il manifesta à son roi Chao Phra Taksin. Il lui sera fidèle jusque dans la mort au point de demander à être exécuté tout de suite après lui !... Car Taksin fut renversé et exécuté.

Parmi ces 500 hommes qui prêtèrent allégeance au général Taksin devant l’image du Bouddha du Wat Phichaï (วัดพิชัย) non loin d’Ayutthaya, qui deviendra le Wat Phichaï Songkram (วัดพิชัยสงคราม) c’est-à-dire le Wat de la victoire de la guerre, il y avait des siamois, des chinois et … près de quatre-vingt … portugais qui recevront en remerciement de leur aide, le 14 septembre 1769, à Thonburi, un village avec … une église, qu’ils consacreront à Notre dame du Rosaire et de la Sainte croix (Nossa Senhora do Rosário e de Santa Cruz). Pour administrer cette paroisse, alors sans prêtre … portugais, Phra Chao Taksin fit appel à un prêtre français, le père Jacques Corre (1734-1773) ancien curé d’Ayutthaya réfugié au Cambodge, qui répondit à la demande royale et vint accompagné de quatre chrétiens.

Parmi les chinois s’étant joint au général Taksin il y avait, ‘’Chen Lian‘’ futur ‘’Phraya Phipit‘’ et ‘’Lan Laï‘’ futur ‘’Phraya Phichaï Ratcha‘’ (พระยาพิชัย) qu’il ne faut pas confondre avec Phraya Phichaï Dap Hak. ‘’Phraya Phichaï Ratcha‘’ est aussi connu sous le nom de Chao Phraya Sawankhalok. Il deviendra le ministre des finances de Chao Phra Taksin. Parmi les étrangers ayant prêté main forte à Ayutthaya il y eut : des Bengalis, des Panthay (chinois musulmans).

 

Outre le fait d’avoir créé une armée et donné une formation militaire aux recrues, le général Taksin prendra aussi le contrôle maritime du commerce et des forces navales entre Chantaburi et l’embouchure du Chao Phraya ; cela grâce au concours des migrants et commerçants chinois de la région qu’il avait, certes, un peu … bousculés, et que ses origines, par son père, avaient fini par convaincre. Autrement écrit les forces navales s’apparentaient plus à des flottilles qu’à une véritable flotte de guerre, encore qu’il fît construire une centaine de bateaux de guerre. 

 

Sur la route du retour, (Chantaburi – Thonburi) une route essentiellement maritime, défavorable aux Birmans, peu doués pour les combats navals, le fort de ‘’Vichaiyen‘’ sur lequel s’appuiera et se développera ‘’Thonburi‘’ sera conquis, et son gouverneur môn, ‘’Nai Thong In‘’, (นายทองอิน) au service des birmans, exécuté.

 

Là encore, pour peupler la ville, au lieu d’y … ‘’mener‘’ manu-militari des sujets lambda, Taksin ouvrira la porte aux … migrants chinois qui vont la développer et en faire la prospérité. Cependant, pour pallier le manque de main-d’œuvre, et éviter que ses sujets travaillant la terre partent sous d’autres cieux que ceux de Thonburi, Taksin aura recours au tatouage de conscription pour retrouver les éventuels fuyards. Car après la chute d’Ayutthaya en 1767, la population locale a fui les combats en abandonnant leurs petites exploitations agricoles pendant, au moins, deux années consécutives. Ces départs et ces abandons ont eu pour conséquences le manque de nourriture, la famine et … la spéculation sur le riz. L’on dit que les moines défroquaient pour trouver par eux-mêmes leur nourriture !...

 

Puis de Thonburi, remontant vers Ayutthaya, toujours par la voie fluviale, le général Taksin, chassera les troupes d’occupation Birmanes du camp de ‘’Pho Sam Ton‘’ (Le camp des trois arbres de la Bodhi). Le départ du gros des armées Birmanes parties combattre les Chinois, dont les régiments étaient massés le long de la frontière nord de la Birmanie, n’a pas été sans profiter au général Taksin.

 

Ce détachement de ‘’Pho Sam Ton‘’, d’environ 3.000 hommes, était sous les ordres d’un certain ‘’Vara-Nāyarāsi‘’ dit aussi ‘’Naï Kong‘’, ou encore ‘’Suki Phra Naï Kong‘’ (สุกี้พระนายกอง) général de son état et garant de l’occupation Birmane en terres Siamoises. Nai Kong n’exercera sa mission que durant sept mois. Après deux jours de combats il prendra la fuite. Le général Taksin le poursuivra, l’arrêtera et le fera exécuter lui, sa famille et ses amis.

 

Cette victoire se terminera par une crémation Royale ; la crémation Royale du dernier roi d’Ayutthaya, Somdet Phra Chao Ekkathat (สมเด็จพระเจ้าเอกทัศ) (1758-1767) connu aussi sous le nom de Somdet Phra Thi Nang Suriyart Amarin (สมเด็จพระที่นั่งสุริยาศน์อัมรินทร์).

 

Après la chute d’Ayutthaya, pour fuir les Birmans Suriyart Amarin, aidé par deux moines qui l’auraient très vite abandonné, se serait caché dans un bois proche du village de Chik (ป่าบ้านจิก) où un autre moine, une dizaine de jours plus tard, l’aurait trouvé entre la vie et la mort à cause d’un manque de nourriture. De là, les Birmans l’auraient emmené, plus mort que vif dans leur camp, où il aurait rendu son dernier souffle, et à partir duquel son cadavre aurait été conduit et enterré devant le Wat "Phra Wihan Phra Mongkhon Bophit" (พระวิหารพระมงคลบพิตร) et recouvert d’un monticule de terre baptisé le "Khok Phra Men" (โคกพระเมรุ) c’est-à-dire … ‘’Le Saint tertre‘’ ou le ‘’Saint Mérou‘’.

Apprenant l’existence de ce tertre et de son contenu, le général Taksin aurait fait exhumer les restes de Suriyart Amarin et ordonner leur crémation, une crémation Royale.

Une crémation Royale qui, symboliquement, était de la plus haute importance, car elle signifiait qu’une dynastie s’éteignait et … qu’une autre allait pouvoir et devoir naître.

Faut-il voir dans cette crémation Royale une simple marque de respect ou un geste motivé par l’idée d’occuper un trône devenu vacant de la part du général Taksin ?... Vraisemblablement les deux !...

 

Cette victoire du 7 novembre 1767 fera du général Taksin une figure emblématique et surtout, le libérateur de l’occupation Birmane, c’est-à-dire l’un des plus qualifiés, parmi les prétendants au trône, pour prendre les rênes du pouvoir qui étaient alors à saisir. De ce fait le général Taksin, sur sa lancée, se fera couronner roi … et deviendra ‘’Phra Chao Taksin‘’ (พระเจ้ากตากสิน) le 28 décembre 1767 à Thonburi. Pour être reconnu en tant que tel, il s’empressera d’adresser un courrier à l’empereur de Chine, Qianlong, qu’il signera de son nom chinois ‘’Zheng Zhao‘’, qui signifie le roi (Zhao) du clan chinois (Zheng).

 

Mais, quelques temps auparavant, tandis qu’Ayutthaya tombait aux mains des Birmans, des gouverneurs siamois préparaient l’avenir, leur avenir, en déclarant l’indépendance de leur muang et en s’auto-proclamant prince.

 

L’un d’entre eux, le général Taksin ou Phra Chao Kamphaeng Phet, plus ambitieux, et le mieux placé pour parvenir à ses fins, va éliminer tous les autres factieux et redonner vie à un royaume post-Ayutthaya, tout en luttant contre le banditisme, la piraterie, et la famine. A ce sujet les missionnaires français écrivirent que la famine occasionna plus de mort que l’invasion Birmane elle-même ?!...

 

Le premier des plus importants de ces factieux, un certain Kung Rüang (เรือง) était à la tête de Phitsanulok. Phra Chao Taksin, en mai 1768 lui demanda de prêter allégeance. Kung Rüang refusa. Phra Chao Taksin va alors user de la force. Mais ce sera un échec, d’autant plus qu’il sera blessé lors des combats.

 

Le deuxième d’entre ces ‘’princes‘’ était à la tête de Phimai, une ville sise dans la province de Nakon Ratchasima qui fut un temps durant en manque de dirigeant parce qu’une lutte entre deux gouverneurs fut fatale à chacun d’eux. Le prince Thepphiphit, tel était le nom de cet homme, était le quatrième enfant du roi Borommakot (บรมโกศ) (1690-1733-1758) d’Ayutthaya, autrement écrit un prince héritier tout indiqué pour gouverner l’ex royaume d’Ayutthaya. Le précédant roi était son frère, ‘’Ekathat‘’ (เอกทัศ) le deuxième enfant de Borommakot qui fut retrouvé entre la vie et la mort après la chute d’Ayutthaya. Le troisième enfant de Borommakot, Uthumphon ou Dok Duea, (1737(?) -1796), fut roi durant deux mois en 1758. Il abdiqua, non sans y avoir été poussé, pour la robe safran qu’il porta au Wat Pradu, puis il fut déporté à Ava après la chute d’Ayutthaya. C’est sa tombe qui aurait été retrouvée à Linzin Hill comme écrit plus haut.

Le règne du prince Thepphiphit à Phimai fut de courte durée, à peine un an. Phra Chao Taksin, envoya ses généraux ‘’Thong Duang‘’, le futur Rama I et ‘’Boonma‘’ le frère de Thong Duang pour le combattre. Après l’avoir vaincu et arrêté fin 1768 à Vientiane, Taksin le fit exécuter. Ce factieux et tout à la fois rival, passera à la postérité sous le nom de prince Thepphiphit (เทพพิพิธ) souvent écrit Teppipit, ou Pipith (1768-1768). Il est aussi connu sous les noms de Debbividha, Phra Ong Chao Khaek ou plus simplement … Khaek.

 

L’année suivante, en 1769, c’est à Nakhon Sri Thammarat, qu’un gouverneur par intérim, Phra Palad (พระปลัด) se hisse au rang de prince. Après deux ans de règne, Phra Chao Taksin le ramènera à la raison et en fera un fidèle serviteur, non sans l’avoir retenu prisonnier sept ans durant à Thonburi.

 

 

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Photo 1 : Le Chédi du Wat Phra Fang Sawangkha Buri Muni Nat, (วัดพระฟางสวาคบุรีมุนีนาถ) du village de Ban Fang de la province d’Uttaradit. Ce serait le seul ‘’vestige‘’ d’un site, où -peut-être- d’une cité état plus ancienne que Sukhothai puisqu’elle daterait du milieu du XIIe siècle ?!...

Ce Chédi aurait été en son temps aussi vénéré que le Chédi d’Haripunchaï (Lamphun au Lanna) car il renfermerait une dent de Bouddha, ce qui fait écrire au français ‘’Simon de La Loubère‘’ (1642-1729) après son passage à Fang, que la ville serait aussi désignée par le nom de Muang Fan, c’est-à-dire la ville de la dent - Ville (Muang) Fan (dent) ?... Fang s’écrit : ฝาง et dent : ฟัน. Une oreille indigène et exercée peut saisir la différence de prononciation, ce qui est rarement le cas pour le commun des mortels européens. Ces deux noms prêtent à une homonymie trompeuse.

Par ailleurs, explique de La Loubère, le Fang ou ‘’ton Fang‘’ est un arbre dont l’une des grandes propriétés est d’avoir un bois rouge de teinture qui permet, entre autres, d’obtenir la couleur ‘’safran‘’ que les portugais prononçaient ‘’Sapan‘’. De ce fait le nom binominal, ou scientifique de l’arbre est : ‘’Caesalpinia sappan Linné‘’.

Le bois du ‘’Ton Fang‘’ sert encore maintenant à teindre l’habit des moines dont on dit qu’il est de couleur … ‘’safran‘’, et Fang pourrait aussi vouloir dire ‘’la ville de la forêt de Sapan‘’, c’est-à-dire la ville des arbres Fang. Précisons qu’en son temps les pèlerins venaient du Siam, du Lan Chang (Laos) et de Pégou pour honorer cette dent de Bouddha.

Le bel aspect du Chédi tient à sa rénovation effectuée à la demande du roi Mongkut dit Rama IV (1804-1851-1868).   

Donc … Il semblerait que Sawangkha, fut une capitale de province, abritant une grande et puissante communauté monastique dirigée par un moine hors du commun, en tout cas très habile pour manipuler ses semblables et se hisser au rang d’un Bouddha comme nous allons le découvrir.

Photo 2 : Cette image nommée ‘’Luang Po Phra Fang Songkhrueang‘’ (หลวงพ่อพระฝางทรงเครื่อง) se situe dans l’ubosot du Wat. Elle aurait été coulée sur les instructions de Phra Fang, et le nom qui lui a été donné a … ‘’à mon avis‘’ une interprétation ambigüe qui pourrait conduire à penser que Pra Fang aurait été quelque peu … mégalomane puisque s’identifiant à Bouddha. En effet, ‘’Songkhrueang‘’ signifie ‘’parure royale ou de gloire‘’, elle concerne en général Bouddha et la cinquantième attitude intitulée ‘’Bouddha confondant Jambūpati‘’

Le titre de ‘’Luang Po‘’ sert à désigner, certes une image mais aussi un être vivant, en général un religieux, doué de pouvoirs extraordinaires (magiques) et ‘’Songkhrueang‘’ signifie que ce personnage aux grands pouvoirs serait revêtu des parures royales propres au Bouddha ?!... Comme les deux termes concerne ‘’Phra Fang‘’ ... au lecteur de conclure ?!...

Photo 3 : Une image (statue) qui ne laisse pas de doute quant à son modèle puisqu’elle est appelée Phra Fang ou Phra Phakoun thera (พระพากุละเถระ ou พระพากุลเถระ) ?!... Il s’agit bien de notre moine.

Phakoun pourrait se traduire par ‘’éminence‘’ et thera est un titre. Phra Fang serait donc un éminent personnage au sein des Thera c’est-à-dire des vénérables bonzes. Cependant il reste à savoir quand l’image a été coulée pour en tirer des conclusions concernant l’éventuelle mégalomanie de Phra Fang qui pour moi, ne laisse aucun doute ?!... Mais le lecteur reste libre de penser ce qu’il veut !...

 

 

Le quatrième de ces factieux, originaire de Sakwangburi, une cité appelée aussi Fang, qu’il ne faut pas confondre avec la ville de Fang située au Lanna et portant le même nom, était un bhikkhu (moine) appelé ‘’Vara-Svanga‘’. Le grand fait d’arme de ce religieux fut de se rendre maître de Phitsanulok, c’est-à-dire de la ville qui mit en échec le général Taksin ?!.... (Après trois mois de combat, en grand secret, une porte de la ville aurait été ouverte à l’armée de Phra Fang qui s’écrit aussi … Faang ?... Ce dernier aurait donc, vraisemblablement, bénéficié d’une trahison ou complicité, selon les cas ?!...)

Ce moine, nommé aussi Maha Rüan ou Maha Ruean (มหาเรือน) homme de mérites, connaisseur en magie, et vraisemblablement ‘’Ton Bun‘’, car ses ouailles le considéraient comme un magicien, portait le titre de Sangkharat du Muang de Sakwangburi, titre suprême du sangha bouddhiste qui lui fut décerné du temps de la splendeur d’Ayutthaya, tant il se fit remarquer au cours de ses études dans cette cité, pour ses nombreuses qualités, ce qui lui valut aussi le titre de Phra Phakoun thera (พระพากุลเถระ).

 

Après sa chute, feu le royaume de Phitsanulok fut annexé à la province de Nakhon Sawan, ce qui ne sera pas sans inquiéter Phra Chao Taksin. De ce fait, ce dernier, courant 1770 aurait mis un terme aux ambitions du bhikkhu Chao Phra Faang (เจ้าพระฝาง) qui n’aurait alors régné que … 6 mois et serait passé de vie à trépas à l’âge de 49 ans.

 

Une autre version raconte que voyant la défaite se profiler, Chao Phra Faang aurait fui à Chiang-Mai et qu’ensuite il se serait volatilisé dans la nature ?!...

 

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Carte 1 : L’itinéraire du général Taksin depuis son départ d’Ayutthaya, jusqu’à son arrivée au camp des trois arbres de la bodhi, ou ‘’Khai Pho sam Ton‘’.

Carte 2 : Les aires occupées par les différents factieux.

Carte 3 : Le Siam de l’ère Thonburi.

 

Courant novembre 1767 les armées d’occupation birmanes sont rappelées pour aller combattre les envahisseurs chinois massés à la frontière Nord du royaume d’Ava. Mais pour garder le contrôle de l’aire d’occupation autour d’Ayutthaya les Birmans créent quelques cantonnements, dont celui du ‘’Khai Pho Sam Ton‘’ c’est-à-dire du camp des trois figuiers ou ‘’des trois ficus religiosa‘’ pour être plus précis. (1)

 

Ce départ du gros des armées birmanes et le manque d’une autorité centralisatrice siamoise, vont favoriser le brigandage, la piraterie, la famine, la hausse des prix, les épidémies, et la naissance de royaumes siamois indépendants dont les chefs prendront le titre de ‘’prince‘’. Ces derniers, au nombre de cinq pour les plus importants, loin d’œuvrer à la réunification du royaume d’Ayutthaya, allaient précipiter son démembrement et surtout sonner l’hallali du royaume d’Ayutthaya moribond.

 

Contrairement à ces factieux locaux, un rival plus ambitieux, le général Taksin (1734-1767-1782), va tout mettre en œuvre pour que ce royaume renaisse de ses cendres, et … qu’il en devienne le roi. Une victoire sur les Birmans, celle du 7 novembre 1767, va le couvrir de gloire et en faire un héros symbolisant la libération de l’occupation birmane (2) ; il s’agit de la conquête, après deux jours de combats, du Camp de ‘’Pho Sam Ton‘’.

 

Trois semaines plus tard, le 28 décembre 1767, soit à peine huit mois après la chute d’Ayutthaya, le général Taksin concrétise ses ambitions en se faisant sacrer roi à Thonburi. (3) Ensuite, il va éliminer tous ses rivaux pour demeurer le seul et unique roi de l’ex-royaume d’Ayutthaya. Il y parviendra mais … avec plus ou moins de bonheur.

 

Après avoir réunifié le royaume d’Ayutthaya, Phra Chao Taksin cherchera à lui redonner sa puissance d’antan ; une puissance qu’il renforcera. Pour cela, de gré ou de force, il obligera nombre de ses voisins à devenir ses vassaux. Puis, pour éviter un retour des Birmans au Siam, et leur couper toute possibilité de ravitaillement par le nord, il va décider de la conquête de Chiang-Mai, qu’il considère, et à raison, comme une ville stratégique de la plus haute importance.

 

(1) Le ‘’Khai Pho Sam Ton‘’ (ค่ายโพธิ์สามต้น) se traduit par le camp des trois figuiers ou ‘’des trois ficus religiosa‘’ c’est-à-dire le camp des trois arbres de la Bodhi. L’arbre Bo étant l’arbre sous lequel Siddhârta Gautama devint Bouddha. C’est donc un arbre qui dans la mythologie bouddhique tient une place particulièrement importante. Autant dire que cette victoire a dû marquer les esprits et faire de Taksin un libérateur protégé par Bouddha ?!...

Ce camp, d’environ 3.000 hommes, était commandé par le général ‘’Vara-Nāyarāsi‘’, un ex-moine qui était aussi connu sous le nom de général Naï Kong ou Su Ki Phra Naï Kong (สุกี้พระนายกอง) (Kong est parfois écrit : Thong). Battu, ce dernier prendra la fuite. Il sera rattrapé et tué ainsi que sa famille et ses collaborateurs. A la suite de cette occupation, outre les dépradations, la population Môn qui habitait les lieux a totalement disparu. Ces Môns étaient des réfugiés qui avaient quitté Pégu lorsque le roi d’Ava Alaunghpaya (1714-1752-1760) avait rasé la ville dix ans pliutôt, en 1757. 

(2) Je rappelle qu’à l’époque le nationalisme Siamois n’existait pas. L’homme lambda appartenait d’abord à une ethnie. La libération du royaume d’Ayutthaya ne parlait qu’aux chefs de cités voués à la vassalité. Ces derniers pour conserver leur pouvoir avaient besoin de se rallier à plus puissant qu’eux ; mais encore fallait-il que ce … ‘’plus puissant‘’ fasse la démonstration de sa force pour que le plus grand nombre lui prêtât allégeance … de gré ou de force ?!....

 

 

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Photo 1 : Représentation d’une formation militaire birmane. Cette image est extraite du livre ‘’The Portrayal of the Battle of Ayutthaya in Myanmar literature‘’ traduit du manuscrit de Letwe Nawarahta (1723-1791) intitulé ‘’Yodaya Naing Mawgun‘’.

Photo 2 : L’implantation des forces en présence avant la bataille de ‘’Khai Pho Sam Ton‘’ (ค่ายโพธิ์สามต้น). A savoir : Avant 1767 le Chao Phraya ne passait pas à Ayutthaya, il a été détourné sur Ayuttha en 1767, et la plupart des cours d’eau portait le nom de Mae Nam, c’est-à-dire : mère des eaux ; ce qui signifie que les noms des rivières sont postérieurs à 1767, et en rapport avec les événements du 7 novembre 1767.

Aux bords de la rivière Pho Sam Ton, non loin du Wat Phodhi Hom (non représenté pour plus de clarté) s’est établie l’armée Birmane. C’est le ‘’camp de Pho Sam Ton‘’.

Plus bas, toujours sur les berges de la Pho sam Ton, non loin du Wat Klang l’armée de Thonburi, commandée par Phraya Phichai et Phraya Phipit, se prépare à l’offensive.

Photo 3 : Cette peinture murale du palais de Thonri représente l’armée de Thonburi se rendant à Ayutthaya pour chasser les Birmans de ’Khai Pho Sam Ton ‘’.

 

 

(3) A l’origine, c’est-à-dire vers 1680 il existait de part et d’autre de l’embouchure du Chao Phraya deux petits bastions, fraichement bâtis. Ils se faisaient pratiquement face, et furent découverts en aussi mauvais état l’un que l’autre cinq ou six ans plus tard, par l’ingénieur français ‘’de Lamare‘’ ou ‘’de La Mare‘’ (เดอ ลามาร์).

En l’année 1685, Louis XIV, à l’occasion de la première ambassade française à Siam fit embarquer, avec le Chevalier de Chaumont, cet ingénieur et six ouvriers pour le roi de Siam, Phra Naraï (1632-1656-1688).

La mission, après 7 mois de navigation, se présenta à la barre de Siam. Il y avait alors deux barres, pour remonter le Chao Phraya, celle de Siam et celle de Taquin.

 

Une espèce … d’audit, à la demande du roi Naraï aurait été fait sur l’état des moyens de défenses de son royaume. La nécessité de tout remettre en état, diplomatie mise à part, fut sans appel. De ce fait, l’ingénieur de Lamare, et ses ouvriers, se virent confier la mission de remettre en état ‘’nos‘’ deux … petits bastions, y compris par la suite de nombreux autres travaux de fortification à … Inburi, Lopburi, Mergui, Nakhon Si Thammara, Phattalung, Songkhla, etc…

 

Donc, en bordure de l’embouchure du Chao Phraya, sur sa rive ouest il y avait une vieille ville, dont les murailles étaient en ruines et hors de défense. Non loin de cette ville qui portait alors le nom de ‘’Ban Cok‘’ ou ‘’Ban Koc‘’, s’élevait un petit fortin en bois en aussi mauvais état. Il commençait même à s’enfoncer dans le sol parce que construit sans pilotis. Sur les plans français il est appelé ‘’Fort de bois‘’, tandis que celui de l’Est est appelé ‘’Fort de briques‘’.

 

En Septembre 1687, les travaux concernant le ‘’fort de bois’’, n’avaient toujours pas commencé et l’arrivée d’un nouvel ingénieur, Jean Vollant des Verquains n’allait que les compliquer. Malgré l’incompatibilité d’humeur entre les deux hommes et sans entrer dans les détails, les deux fortins furent construits par les Français, et occupés par eux ; les français étaient alors certains de détenir la clef leur donnant tous pouvoirs sur le Siam. Mais à la suite d’un coup d’état, du décès du roi Naraï ils furent chassés par les siamois que les Hollandais durent appuyer sans se faire prier, car la vengeance est un plat qui se mange froid … même en Hollande ?!... (Le traité de Nimègue du 10 aout 1678 avait ratifié la victoire de Louis XIV sur les pays-bas).

 

Ces forteresses étaient censées protéger la ville d’Ayutthaya des attaques venant d’outre-mer. Le bastion de l’Est fut appelé indifféremment ‘’fort Vichaiyen‘’ (ป้อมวิไชเยนทร์) ou ‘’fort Ban Cok‘’ (ป้อมบางกอก). Fort Ban Cok‘’ parce qu’il était auprès du village portant ce nom, le village récoltant des ‘’Kok‘’ ou ‘’Cok‘’ (genre de petites olives appelées myrobolan ou Prunus cerasifera) et ‘’Fort Vichaiyen‘’ parce que le premier ministre de l’époque, Constantin Phaulkon (1647-1688) s’intéressa de très près à sa construction, et qu’en tant que premier ministre cet homme portait alors le titre de Chao Phraya Wichayen (เจ้าพระยาวิชเยนทร์). Wichaï a le sens d’éclair, de diamant et d’arme d’Indra, une arme redoutable. Le titre de Phaulkon, ou l’arme d’Indra aurait donc été donné à cet ouvrage.

 

En 1767 le fort de Vichaiyen était aux mains des Birmans, sous les ordres du général Môn, Naï Thong. Le général Taksin, à son retour de Chantaburi se rendra maître de ce fort ; fera exécuter le Môn Naï Thong et rebaptisera le fort : ‘’Vichai Prasit‘’ (วิไชยประสิทธิ์) ‘’Prasit‘’ signifiant ‘’succès‘’. Le nom de ce fort pourrait donc se traduire par ‘’l’arme victorieuse d’Indra‘’.

 

Par ailleurs, le général Taksin considéra cette terre comme étant ‘’Chaï Phum(e)‘’ (ชัยภูมิ) c’est-à-dire une position stratégique avec, en sus, la possibilité pour la population de fuir vers le nord en cas d’attaques ; alors il fit construire la cité ‘’royale‘’ près de ce fort, et aménagea un site qui reçut tout d’abord le nom de ‘’Rattana Krung Sri Ayutthiya‘’ (รัตนกรุงศรีอยุธยา) (*) puis celui de ‘’Krung Thonburi Sri Maha Samut‘’ (กรุงธนบุรีศรีมหาสมุทร) ce qui signifie ‘’la capitale (กรุง) riche (ธน) ville (บุรี) gloire (ศรี) de l’Océan (มหาสมุทร)‘’, Thon (ธน) vient du pali ‘’dhana‘’ ‘’Thana‘’ qui se traduit par : richesse, trésor. En Thaïlandais le mot banque se dit Thanakan ou Dhanakan (ธนาคาร). Thonburi ou Thanaburi (T’anaburi) à l’origine, est donc la ville des richesses ; une ville que le commerce devrait enrichir et qu’il enrichira grâce à l’installation de nombreuses colonies de négociants étrangers du Sud-Est Asiatique. (Voir le plan de Thonburi)

 

(*) Ce nom de ‘’Rattana Krung Sri Ayutthiya‘’ a été rapporté par Mgr Jean-Baptiste Pallegoix (1805-1862) et repris par Camille Notton. Mais je ne l’ai retrouvé nulle part ailleurs. Rattana a le sens de ‘’joyaux et de trésor‘’.

 

Thonburi fut la capitale du Siam de 1767 à 1782. Phra Chao Taksin, toujours à guerroyer, à faire respecter son autorité n’a pas vraiment eu le temps d’aménager ‘’sa’’ capitale d’autant qu’il fut renversé et exécuté après seulement 15 ans de règne. Ne disait-il pas : ‘’ La raison pour laquelle je passe ma vie sur les champs de bataille n’est pas parce que je suis préoccupé par ma propre fortune. Non !... Je choisis de vivre durement parce que je veux défendre le bouddhisme, les bhikkhus, (moines) les brahmanes et les sujets de mon royaume‘’.  (JJS 080-1)

 

Cependant courant 1776 il ordonnera à Phan Chantanumat (Choem) (พันจันทนุมาศ) (เจิม), qui fut aussi le scribe de Rama Ier, la rédaction d’une cosmologie bouddhique qui servira de référence pour l’implantation de Thonburi, dont le Wat Rakhang Khositaram, résidence du patriarche suprême était alors considéré comme le mont Méru, c’est-à-dire le pilier du centre urbain de Thonburi. Cette cosmologie ou ‘’Samut Phap Trai Phum boran Chabap Krung Thonburi‘’, (Livre décrivant les trois mondes des origines et son application à Thonburi‘’) (สมุดภาพไตรภูมิโบราณฉบับกรุงธนบุรี) aurait été rédigée en trois exemplaires dont deux sont à Bangkok et le troisième, qui serait l’original, à Berlin.

 

Ce document des trois mondes serait la preuve que Thonburi a été construit selon des normes en conformité avec la cosmologie Bouddhique. Ce qui signifie que Chao Phra Taksin restait dans la ligne cultuelle et culturelle des rois d’Ayutthaya, mais avec un apport d’idées nouvelles comme le montre la lecture de l’ébauche, non revue et corrigée, du ‘’Phra Racha Phong Sawadan Krung Thonburi‘’ (พระราชพงศาวดารกรุงธนบุรี) (Chroniques Royales de Thonburi) dont Phra Chao Taksin avait fait commencer la rédaction vers 1779 et dont la dynastie suivante aurait repris le contenu à son bénéfice ?!...

 

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Photo 1 : Plus qu’un plan, un mandala (*) de Thonburi d’avant 1782. Il a été extrait du livre de Edward Van Roy (1937) qui précise qu’il l’a gracieusement obtenu du professeur birman Sunai Chutintaranond, car cet original se trouve aux Archives Nationales de Rangoun ce qui fait dire qu’il aurait été l’œuvre d’un espion Birman.

(*) Le mandala est un diagramme géométrique représentant le cosmos bouddhique theravada. Car c’était le cosmos bouddhique Theravada qui servait alors de modèle à l’édification des villes, ce qui était censé assurer une protection céleste ou divine, puisque la ville était la représentation sur terre de l’ordre du cosmos divin bouddhique Theravada. La description de ce cosmos divin fait l’objet d’un ouvrage sacré intitulé ‘’Samut Phap Trai Phum Boran Chabap Krung Thonburi‘’.

Photo 2 : Pour le plaisir de la découverte … Plus qu’un plan, le mandala de Bangkok au tout début du règne de Rama Ier. Le palais royal et les services y afférents passent de la rive Ouest du fleuve à la rive Est. Car selon l’usage du Sud/Est Asiatique un changement de dynastie appelle un changement de capitale. Par ailleurs concernant Bangkok, il y a eu aussi un changement de référent. Le roi devient un avatar de Vishnu et non plus de Shiva qui n’a pas su protéger Ayutthaya.

Dans un premier temps les terres Ouest, c’est-à-dire le noyau dur de Thonburi,  furent incorporée aux terres Ouest pour ensuite en être détachées, et réintégrer..    

 

 

Selon de nombreux auteurs Phra Chao Taksin aurait sombré dans la folie. En fait Phra Chao Taksin était un homme très autoritaire, violent et vraisemblablement peu diplomate voire aussi … quelque peu paranoïaque. S’il a pu imposer sa loi auprès des laïcs, militaires y compris, et constituer un grand royaume post-Ayutthaya, il en a été tout autrement concernant le Sangha (La communauté religieuse) qu’il a voulu remettre au pas comme de vulgaires communs.

 Le roi doit protéger le Sangha et en retour le Sangha doit aider le roi. Mais protéger le Sangha ne signifie pas mettre de l’ordre dans ses affaires, même si ces affaires le déconsidèrent. Or à l’époque le Sangha était divisé en clans dont les membres, c’est-à-dire les moines s’affrontaient publiquement et physiquement, au sabre et au fusil pour imposer leurs doctrines ; des doctrines aussi nombreuses et variées que le nombre de clans. C’étaient des guerres intestines à n’en plus finir entre communautés bouddhiques.

 

Lorsque Chao Phra Taksin ‘’s’attaqua‘’ au Sangha et à ses clans, les doctrines furent – pour un temps - mises de côté et le Sangha parla d’une seule et même voix pour ‘’aider‘’ le roi, mais … à mettre un terme à son règne. La destitution de Chao Phra Taksin fut d’autant plus rapide que le roi se disait ‘’Sotāpanna‘’ (โสดาบัน) c’est-à-dire un être d’exception, voire divin, ayant atteint un haut degré dans la pratique du bouddhisme. En principe un ‘’Sotāpanna‘’, pour un Bouddhiste, est celui dont la prochaine renaissance se termine par l’état de Bouddha, de là à dire que Chao Phra Taksin se considérait comme un nouveau Bouddha il n’y a qu’un pas ... qui lui fut fatal !...

 

Le fondateur de la dynastie des Chakri et successeur de Chao Phra Taksin, Rama Ier, avec doigté et intelligence réussira là où Taksin a échoué, et … en reprenant la plupart de ses idées ; des idées et des intentions que Taksin avait fait transcrire, comme indiqué plus haut dans une ébauche de ‘’Chroniques Royales de Thonburi‘’, mais sans pouvoir les mettre en œuvre, compte tenu de la tâche matérielle à accomplir et de la brièveté de son règne.

 

Nombre des projets de Chao Phra Taksin seront donc reprise par Rama Ier mais sans vraiment lui en donner le mérite, ce qui fera écrire à l’historien Thaïlandais Nidhi Eoseewong (1940), originaire de Chiang-Mai, que la recension des écrits laissés par Taksin aurait été faite… ‘’ … avec l’objectif principal de placer la dynastie Chakri sous une lumière favorable‘’. Tout est dit dans cette phrase … sans faire de peine à personne !...

 

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Photo 1 : Le cours du Chao Phraya depuis la ville d’Ayutthaya, appelé ‘’Siam‘’ sur la carte, jusqu’à la mer. On y distingue très bien les deux voies de pénétration sur le fleuve, c’est-à-dire les deux barres, celle de Siam et celle de Taquin. Le mot barre vient du fait qu’il suffisait de tendre une chaîne pour empêcher les bateaux de se rendre à Ayutthaya.

Thonburi se construira là où j’ai écrit ‘’fort de bois ‘’. (Tome 1 - page 4)

Photo 2 : Un gros plan indiquant l’emplacement de la ville de Thonburi. Le plan de ‘’Bancok‘’ (orthographe d’époque). C’est-à-dire le village (Ban) des olives (cok) (Le village où se cultivait les olives.) (Tome 1 – page 8)

Ces deux cartes (photos 1 et 2) sont des copies faites par de La Loubère d’après des originaux de ‘’de La Mare‘’ ou ‘’de Lamare‘’ pour illustrer son livre ‘’Du royaume de Siam‘’. Ces illustrations sont l’œuvre du graveur Franz Ertinger (1640-1710) (Source : Gallica - BNF)

Photo 3 : Siège de la forteresse de Bangkok (juin 1688 -13 novembre 1688) mettant en scène 200 français cernés par 40.000 siamois. Les combats se termineront par une négociation et le départ définitif des français de Siam. Cette image est présentée verticalement pour respecter l’orientation Nord, et être en conformité avec les autres gravures. C’est une aquarelle anonyme datant de 1690. Elle est référencée sous le N° 58, et est extraite d’un ouvrage intitulé ‘’Usages du royaume de Siam‘’ (Source : Gallica – BNF)

Photo 4 : Un plan de Thonburi réalisé à partir de divers plans d’époque.

 

 

Lorsque Phra Chao Taksin allait investir Chiang-Mai, la cité était toujours gouvernée par un Birman, en l’occurrence le prince Nemyo Khamani appelé aussi Thado Mindin (1) qui, en 1768 avait succédé au général défunt ‘’Po Chiek Apayakamani‘’.

 

Ce prince contrairement à son prédécesseur, plus compréhensif des traditions et moins âpre aux gains, eut le don de se mettre à dos, et très rapidement, toutes les populations (Classes et ethnies). A cause de son despotisme il eut à réprimer plusieurs révoltes, (2) non sans avoir à faire face à des rixes et aux armées siamoises chargées de prendre Chiang-Mai.

 

C’est ainsi que le 18 mars 1771, une armée de 7.000 hommes, avec à leur tête Phra Kosa (พระโกษา), en fait Chao Phraya Chakri (เจ้าพระยาจักรี) se présente devant la porte Laï Khæng (ประตูหล่ายแคง). (3) Elle y restera 9 jours avant de battre en retraite le 26 mars 1771 poursuivit par les citadins et les birmans qui auraient mis en pièces les gens du Sud, c’est-à-dire l’armée de Phra Chao Taksin. Mais la chronique des gens du Sud prétend le contraire, à savoir qu’ils se seraient retirés la tête haute mais … le ventre vide par manque de riz ?!...

 

(1) a/ Le général ‘’Po Chiek Apayakamani‘’ (โป่เจียกอภัยคามินี) gouverneur de Chiang-Mai entre 1766 et 1768, s’écrit aussi ‘’Abhayagamani‘’ (กอภัยคามินี). Il est également souvent nommé par son titre ‘’Po Chiek‘’ (โป่เจียก).

b/ Quant à Thado Mindin (ตะโดมิงถิ่ง), le successeur de ‘’Po Chiek Apayakamani‘’, qui gouverna Chiang-Mai de 1768 à février 1775, il est aussi nommé Moyagamani, Po Mayungwan (โป่มะยุง่วน), Po Mayu Nguon oyakhamani. Au Laos il était appelé ‘’Po Hua Khao‘’ (โป่หัวขาว) c’est-à-dire le ‘’général tête blanche‘’ parce qu’il portait le turban blanc traditionnel des Shans. En langage du Nord, ou Thai Yai, ce turban porte le nom de ‘’pha phok houa‘’ (ผ้าโพกหัว), ce qui signifie : tissu enroulé (autour de la) tête.

c/ Le chef militaire d’alors à Chiang-Mai était ‘’Po Suk Khuppha Thihapate‘’, (โป่ซุกขุปพะสีหปเต๊ะ) appelé aussi ‘’Ne Myo Thihapate‘’ (เนเมียวสีหปเต๊ะ), Nemyo Thihapte (เนมโยสีหปเต๊ะ) ou encore Nemiao Sihabodi (เนเมียวสีหบดี). Il recevra en fin de carrière le titre de Ne Myo Thenapati. Son grade étant ‘’Po Chiek‘’ il est aussi désigné par ‘’Po Chiek‘’. Pour éviter toute confusion avec ‘’Po Chiek Apayakamani‘’, il est toujours appelé dans ce texte ‘’Po Suk Khuppha Thihapate‘’.

En conclusion : En 1774, Chiang-Mai comptait à sa tête deux personnalités Birmanes : Un gouverneur, Thado Mindin (ตะโดมิงถิ่ง) et un chef militaire, Po Suk Khuppha Thihapate.

Nota : Le prince Thado Mindin aurait gouverné Chiang-Mai de conserve avec son vassal, le Chao Fa de Lampang, Chai Kaeo. De ce fait lorsque ce dernier résidait à Chiang-Mai c’était son fils aîné, Khanan Kawila qui gérait les affaires de Lampang avec ses frères.

Attention : Je n’ai lu l’information qui précède, celle du Nota, qu’une seule fois donc, sans jamais la retrouver dans d’autres textes … alors elle est à prendre avec précaution ! … Cependant, elle expliquerait la présence de Chai Kaeo à Chiang-Mai lors de la prise de la ville par l’armée Siamoise et, son emprisonnement, plutôt que son exécution, lorsque Thado Mindin apprend la révolte de Khanan Kawila, le fils de Chai Kaeo. Certes la plupart des textes, concernant cette présence, disent que Chai Kaeo était venu, depuis Lampang, se plaindre auprès du gouverneur Thado Mindin des agissements des Birmans dans sa ville ?!... Mais ceux qui écrivent l’histoire ne sont pas toujours objectifs et impartiaux, surtout quand ils veulent minimiser certains actes et redorer la notoriété de certaines personnalités mises sur une piédestal !...

 (2) Parmi les révoltes rapportées par la chronique de Chiang-Mai il y a celle de janvier 1770 menée par un certain ‘’Sithé ?‘’ ‘’Noi Phom‘’ ( ? น้อย พร้อม). La révolte échoua et ce rebelle aurait été arrêté l’année suivante, puis exécuté malgré la grâce du roi d’Ava, Hsinbyushin dit Mangra (มังระ), arrivée – soi-disant - trop tard ?!....

Une autre insurrection, aux conséquences inattendues, fut celle de 1774, conduite par Bunma Intharawiwat (บุญ มา อินทร วิวัฒน์) un noble dit Bunma (บุญมา).

Ce Bunma du Nord (Lanna) n’est pas à confondre avec le Bunma du Sud (Siam) (1744-1803) frère de Rama Ier et plus connu sous le nom de Phraya Surasi ou Somdet Phra Bawornrajchao Maha Sura Singhanat (สมเด็จพระบวรราชเจ้ามหาสุรสิงหนาท).

Le Bunma du Nord, au fil des ans, deviendra Phraya Cha Ban ou Chaban (พระยา จ่าบ้าน) puis Phraya Wichien Prakarn (พระยาวิเชียรปราการ) gouverneur de Chiang-Mai. (Dans le JSS n° 12 p. 8, Paya Chaban est écrit Paya Sapan mais en thaï on peut lire : พระยา จ่าบ้าน ce qui se prononce : Phraya Chaban).

 

Alors qu’il n’était que … Bunma, mais néanmoins noble, cet homme, à la suite d’un différend, un de plus, avec le gouverneur Thado Mindin, à la tête de 300 séditieux armés seulement de gourdin mit à mal quelques-uns des 1.900 soldats du gouverneur. Ce dernier n’aurait trouvé son salut qu’en s’enfermant dans son palais.

 

Le chef militaire birman de Chiang-Mai, le général Po Suk Khuppha Thihapate, un homme attentif aux doléances des chefs indigènes au point de prendre très souvent leur défense, était alors absent de la ville qu’il avait quitté courant 1773. Il n’est donc pas improbable que Thado Mindin ait profité de son absence pour se rendre plus outrecuidant et vindicatif qu’à l’habitude ?!... C’était lui qui prélevait les impôts ce qui conduisait souvent à des abus.

 

Po Suk Khuppha Thihapate, à la tête de son armée était alors allé porter secours au roi de Vientiane (ville alors appelée Sandapuri), le roi Ong Bun Setthathirat III (องค์บุญ) ou Bunsan (บุญสาร) (vers 1700-1767-1779 & 1780-1781) dont la capitale allait être assiégée, ou était assiégée par les troupes du roi de Luang-Prabang, ‘’Chao Suriyavong II (1768/71-1787), le frère ennemi.

 

À la suite de l’intervention Birmane les Laos de Luang-Prabang, défaits, rentrèrent chez eux, tandis que ceux de Vientiane proposèrent un traité d’alliance à leur sauveur malgré celui qu’ils avaient signé, trois ans plutôt, en 1770, avec le roi de Thonburi Phra Chao Taksin, l’ennemi intime des … Birmans ?!....

 

Le général Po Suk Khuppha Thihapate, malgré cette allégeance à Phra Chao Taksin dont il avait été informé en toute fraternité par … des envoyés de Luang-Prabang ?! accepta l’offre de Vientiane. Cependant, quelque peu méfiant, pour être certain de la loyauté de Vientiane, qui semblait prêter allégeance à qui le demandait sans trop y regarder, il emmena quelques otages. Parmi eux il y avait des courtisans, mais surtout deux fils du roi Ong Bun ou Bunsan et l’une de ses filles, ‘’Nang Sam Phiu‘’ promise au roi birman, Hsinbyushin dit Mangra (1763-1776).

(En 1764 déjà, voir plus haut, le même roi de Vientiane ‘’Ong Bun Setthathirat III‘’, ou ‘’Bunsan‘’ s’était rendu aux Birmans sans problème, alors que Luang Prabang leur avait résisté, mais en vain.)

 

Bien évidemment, Luang-Prabang, là encore et en toute fraternité, avertira les Siamois de cette allégeance, qui aura pour conséquence de rendre sourde Vientiane lorsque Phra Chao Taksin, en 1774, lui demandera quelques régiments pour investir Chiang-Mai.

 

A Chiang-Mai, mettant fin à l’échauffourée, Bunma et les siens, dépassés par le nombre des soldats birmans s’enfuirent à Lampang, plus que jamais convaincus qu’ils ne pourraient libérer Chiang-Mai qu’avec un allié tel que le siamois Phra Chao Taksin, qu’ils avaient pourtant combattu à plusieurs reprises …mais … contraints et forcés par les Birmans, allégeance de gré ou de force oblige !...

 

A Lampang, Bunma dit Phaya Chaban, aurait rencontré et noué des accords tenus secrets avec Khanan Kawila, le gouverneur par intérim, pour qui l’allégeance prêtée par son père à Ava devenait de plus en plus insupportable, d’autant que les birmans voulaient imposer leur culture aux Laos à savoir, entre autres : que les hommes se tatouent les cuisses en noir et que les femmes se percent le lobe de l’oreille pour y loger une feuille de palmier enroulée.

 

Pour donner suite à l’entrevue de Lampang, et depuis Lampang une délégation composée de ‘’Paya Sapan (Chaban) (พระยาจ่าบ้าน), Paya Thanlan (พระยาสามล้าน) (*), et Paya Thinlôn (พระยาแสนหลวง) (*) de Chiang-Mai et de Khanan Kawila (ขนานกาวิละ), le gouverneur par intérim et natif de Lampang‘’, est allée à Ava pour rencontrer le roi Hsinbyushin dit Mangra. Ce dernier leur confirma que leurs pouvoirs et privilèges restaient les mêmes qu’autrefois et que Thado Mindin devait exercer son autorité de la même manière que les autres gouverneurs, mais tout cela sans plus de précision. Un ordre royal fut même rédigé dans ce sens pour être remis à Thado Mindin.

 

(*) Comme pour ‘’Chaban‘’ écrit en thaï que j’ai trouvé transcrit ‘’Sapan‘’ en alphabet romain, la transcription romaine de ‘’Thanlan‘’ et ‘’Thinlon‘’ sont bizarrement transcrit en Thaï. Après maintes vérifications il doit bien s’agir des seules et mêmes personnes.

 

 

De retour à Chiang-Mai, Paya Chaban qui se méfiait de Thado Mindin et craignait d’être arrêté, confia à son jeune frère Né-Maung (แนเมือง) la mission d’aller présenter la lettre royale au gouverneur birman. Avec cet ordre le conflit aurait dû prendre fin, mais Thado Mindin exigea que ce fût Paya Chaban qui lui présentât en personne l’écrit en question. Redoublant de méfiance, Paya Chaban mis sa famille en lieu sûr, et se rendit à Vientiane pour y rencontrer le général Po Suk Khuppha Thihapate plus à l’écoute des Laos et les soutenant quand ils étaient dans leurs droits. L’apprenant, furieux, Thado Mindin se rendit à Ava pour raconter sa version des faits.

 

Quelques temps plus tard, au retour de tous les protagonistes à Chiang-Mai, le général Po Suk Khuppha Thihapate, au grand dam de Thado Mindin qui voulait juger Paya Chaban et ses compagnons, nomma ce dernier à la tête d’une flottille comprenant une centaine d’hommes (70 birmans et 50 taïs) pour aller reconnaître les positions Siamoises du côté d’Ayutthaya. Paya Chaban, aux ordres, s’embarqua et fit prévenir Khanan Kawila que, selon leurs accords, l’heure de la révolte venait de sonner.

 

Quelques jours plus tard, tandis qu’à Muang Hot, (เมือง ฮอต) une ville sur le Ping, le chef des 70 birmans était poignardé, ce qui mit en fuite ses congénères ; à quelques kilomètres de là, à Lampang, un véritable carnage fit passer de vie à trépas les birmans de haut rang et leurs subordonnés. Pour agir en toute quiétude, le deuxième frère de Khanan Kawila, Khām Som (คำสม), avait pris le commandement des troupes Birmanes stationnée à Lampang, environ 3.000 hommes, pour aller soi-disant combattre les troupes Siamoises de Thonburi. Peu de temps après, de retour à Lampang, toujours sous un faux-prétexte, ces soldats birmans découvrant les massacres, s’enfuirent à Chiang-Mai sans demander leur reste.

 

Par la suite, comme souvent, les chroniques relatent les événements en fonction de la sensibilité de l’auteur ou de son commanditaire ?!... Alors il est difficile de prendre un parti plutôt qu’un autre ?!...

 

Toujours est-il que le ‘’Lanna‘’ et le Siam vont unir leurs forces et mener la vie dure aux Birmans. De ce fait Chiang-Mai sera libéré le mercredi 15 février 1775 et Chao Phra Taksin, le roi de Thonburi décernera à Phaya Chaban (พระยา จ่าบ้าน) le titre de Phaya Chiang-Mai et à son neveu, Naï Kon Kæo (นายก้อนแก้ว), celui d’Uparaja (อุปราช) c’est-à-dire de vice-roi, étant entendu que le Lanna devenait son vassal !...

Autrement écrit, le Lanna se libérait d’un suzerain pour tomber sous la férule d’un autre, peut-être … tout aussi terrible ?!...

 

Ce fut à la suite de la libération de Chiang-Mai que le frère de Phraya Chakri, Phraya Surasi (1744-1803) (พระยาสุรสีห์) fit demander la main de la sœur cadette de Kawila, ou la cinquième enfant de la fratrie, Nang Sri Anoxa (นางศรีอโนชา) qui devint … son épouse ; l’épouse du futur vice-roi de Bangkok.

 

 

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Photo 1 : Une carte de Chiang-Mai datant du XVIIe siècle. Elle a été surchargée de couleurs pour mettre en évidence des sites dont il a été question précédemment. Ainsi, à l’emplacement du Wat Ket Karam on devine le Khum ou résidence royale du grand-père de Phra Muang Kéo où se retira -peut-être – Chao Ong Nok ?!...

Photo 2 : Une peinture sur bois représentant une femme du Lanna dont le lobe de l’oreille a été percée et dans lequel a été logé, non pas une feuille de palmier enroulée, conformément aux us et coutumes … birmanes, mais un objet de valeur. (C’est une peinture sur bois photographiée au ‘’For Season‘’, un hôtel de Chiang-Mai le 03.02.2018)

Photo 3 : La plaque commémorative dédiée à Nang Sri Anoxa et son époux Phraya Surasi exposée sur leur sépulcre du Wat Phra That Lampang Luang de Lampang. (Photo du 01.12.2017)  

 

 

(3) Concernant le général à la tête des 7.000 hommes, Camille Notton comme David Kent Wyatt écrivent dans leur traduction de la ‘’chronique de Chiang-Mai‘’ qu’il s’agissait d’un certain ‘’Phra Kosa‘’ et David Kent Wyatt rajoute après le nom ‘’Phra Kosa‘’ le mot (Pan) en précisant que ce nom était anachronique, et pour cause !...

Phra Kosa Pan (พระยาโกษาปาน), d’origine Mône, fut l’ambassadeur extraordinaire que le roi de Siam, Naraï (1633-1656-1688) délégua auprès de Louis XIV (1638-1654-1745) le roi de France en 1686. Il avait alors la fonction de ‘’ministre des affaires étrangères‘’ avec le titre de Chao Phraya Kosathibodi (เจ้าพระยาโกษาธิบดี).

Cet homme semble avoir eu comme descendant ‘’Phra Phutthayotfa Chulalok‘’ ou ‘’Phra Buddha Yodfa Chulaloke‘’ le fondateur de la dynastie des Chakri, c’est-à-dire Rama Ier qui en 1771 portait le titre de Chao Phraya Chakri (เจ้าพระยาจักรี).

Autrement écrit, le rédacteur ou copiste de l’original de la chronique de Chiang-Mai a -peut-être- omis d’écrire ‘’le descendant‘’ de Phra Kosa ?!... Ainsi pourrait s’expliquer la présence du nom de ‘’Phra Kosa‘’ : on lirait alors chez Camille Notton : ‘’… une armée de 7.000 gens du sud menée par le descendant de Phra Kosa …. ‘’ C’est-à-dire Phraya Chakri, le futur Rama Ier ?!....

Le père de Rama Ier portait le nom de Thong Dee ; son grand-père celui de Phra Aksara Sundhornsat (พระอักษรสุนทรศาสตร์). Cet homme, d’origine Mône, aurait été le ‘’secrétaire royal du Nord du Siam et le gardien du sceau royal‘’. Son arrière-grand-père aurait donc été Phraya Kosathibodi.

Entre le décès de Phraya Kosa en 1700 et le siège de Chiang-Mai, en 1771, il n’y a que … 71 ans ?!... Mais écrire l’histoire est une chose, et ne pas déplaire au prince en est une autre ?!... Ce stratagème de ‘’Phra Kosa‘’ pourrait répondre à cette remarque parce qu’une retraite est rarement glorieuse, même pour un futur roi et pour aussi grand qu’il soit ?!...

Thong Dee, le père de Rama Ier sera élevé au rang de ‘’Somdet Phra Prathom Borom Maha Ratchanok‘’ (สมเด็จพระปฐมบรมมหาราชนก).

 

La porte Laï Khæng (ประตูหล่ายแคง) ou porte Ra Khæng (ประตูระแกง) :

 

Le nom de cette porte n’apparaît dans un texte qu’à la suite du campement des troupes Siamoise venues investir Chiang-Mai en 1771, sans doute pour rapporter cet événement.

Avant de s’attaquer à Chiang-Mai, l’armée de Thonburi, remontant le Ping, commença par se rendre maître des campements birmans installés autour de Lamphun. Ces derniers, vaincus, se réfugièrent à Chiang-Mai derrière le mur de terre et là, mirent en échec leurs poursuivants … à savoir les troupes de Thonburi commandées par le descendant de Phra Kosa Pan c’est-à-dire le général Phraya Chakri, si mon hypothèse est exacte ?!...

La porte Laï Khæng (ประตูหล่ายแคง) était l’une des 4 portes du mur de terre servant de premier rempart à Chiang-Mai. Elle se situait à l’intersection de la rue Ra Khæng et de la rue Kamphaeng Din (la rue du mur de terre ou de la muraille de terre), non loin du pont actuel qui porte le nom de Sampan Ra Khæng, c’est-à-dire le pont Ra Khæng. La rue Ra Khæng prend son départ à l’angle Katam (angle Sud/Est) (แจ่งกะต๊ำ), longe le Wat Phuak Chang (วัดพวกช้าง) par le sud et va rejoindre la route de Lamphun.

‘’Laï Khæng‘’ signifierait ‘’La rive (Lai) inclinée‘’ (Khæng). Mais Khæng a aussi le sens de Raser, et de couper, entre autres. C’était donc – peut-être - par la rue Laï Khæng qu’autrefois passaient les prisonniers pour aller se faire décapiter. De ce fait ‘’Laï Khæng ‘’ pourrait aussi signifier ‘’la rive des décapitations‘’ ?!... ‘’Laï Khæng‘’ est un nom d’origine Yuon (Lanna) déformé par la thaïsation et qui de ce fait est devenu ‘’Ra Khæng‘’, le ‘’r‘’ et le ‘’l’’ ne faisant souvent qu’un !...

Par exemple ‘’périr sous la hache‘’ se dit en Yuon ‘’Talèng khaeng‘’ (ตะแลงแกง) ‘’Talèng‘’ (potence) et ‘’ khaeng’’ qui devrait s’écrire ‘’แคง - khaeng et non แกง - Kèng‘’ (tranchant), alors que ‘’Envoyer/aller couper la tête‘’ se dit en Thaï ‘’Song Paï Tat Houa‘’ (ส่งไปตัดหัว).

Bref, les orthographes sont aussi nombreuses que les utilisateurs (voir le titre en rouge) et la rigueur de notre orthographe a ses bons côtés.

 

 

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Photo 1 : La maison particulière ou spécifique à l’esprit protecteur gardien de la porte Laï Khæng ou Ra Kæng, dit ‘’San Pho Khou Mae Ya‘’ (ศาลพ่อขูแม่ย่า). Chaque porte a son esprit protecteur, et menaçant (ขู) contre tous ceux qui pourraient avoir de mauvaises intentions.

Photo 2 : L’intersection ou se trouvait jadis la porte Laï Khaen ou Ra Khaen. La photo a été prise depuis le pont de la Mae Kha, sur la rive Est. A droite le parapet du pont. Au fond la rue Kamphaeng Din. A cet endroit le mur de terre a disparu. 

Photo 3 : Cette mauvaise photo est celle d’une décapitation qui a eu lieu à Chiang-Mai en 1897. La légende de la photo ne précisait pas le lieu de l’exécution.

Chaque mise à mort était précédée d’un rituel ou cérémonial. A cette époque il y avait 21 manières de faire passer de vie à trépas un condamné à mort, cela allait de la décapitation jusqu’à la bastonnade au moyen d’un bâton hérissé de pointes. L’homme n’a jamais manqué d’imagination pour occire son prochain ?!...

 

 

Cette retraite du 26 mars 1771 des ‘’gens du Sud‘’ comme les désigne la chronique de Chiang-Mai et que nous appelons … Siamois … et les nombreuses guérillas qui la précédèrent n’ont pas été sans générer des famines et des épidémies dont les conséquences se concrétisèrent, tant pour le Nord (Lanna) que pour le Sud (Siam), par d’importantes baisses de la population en générale, et de bras en mesure de cultiver la terre en particulier. Ainsi, par exemple, pour garder ou ‘’récupérer‘’ son … ‘’patrimoine humain‘’, Chao phra Taksin n’a pas hésité en 1773 à marquer d’un tatouage de conscription chacun de ses sujets, pour être certain de les retrouver en cas de fuite ; car il n’était pas rare qu’un homme ou une famille, pour survivre, aille chercher ailleurs de meilleures conditions de vie, d’autant que, comme je l’ai déjà signalé, l’appartenance à une ethnie prévalait sur le fait d’être Siamois qui, pour les gens du commun ne voulait rien dire !?...

 

Il faudra attendre 1774 et le … ‘’feu vert‘’ d’un noble, un certain Bunma, sans doute stimulé par les succès d’un certain Taksin, pour que les Birmans soient définitivement chassés de Chiang-Mai, malgré de nombreuses tentatives de leur part, durant une bonne trentaine d’années, pour reprendre la ville.

 

En cette année 1774, le chef militaire birman de Chiang-Mai, le général Po Suk Khuppha Thihapate était en campagne du côté de Vientiane. Du fait de cette absence le gouverneur birman, Thado Mindin, se montrait alors encore plus odieux qu’à son habitude avec les habitants de Chiang-Mai, dont ce général, semblerait-il, prenait souvent et à bon escient la défense.

 

Excédés par le comportement de Thado Mindin, Bunma et quelques nobles réunirent environ trois cents hommes, qui s’armèrent de fourches et de bâtons pour mettre à mal ce gouverneur, lequel ne trouva son salut qu’en s’enfermant dans son palais.

 

Très vite débordés par la gent militaire birmane restée sur place, environ 1.900 soldats, les émeutiers se dispersèrent tandis que les meneurs se retrouvèrent à Lampang, que gouvernait alors Khanan Kawila, le fils aîné de Chao Fa Chai Keo, un vassal … ‘’favorable‘’ aux Birmans.

 

A Lampang, Bunma et Khanan Kawila s’entendirent pour mener une action commune et agir de conserve pour chasser les Birmans du Nord comme le faisait Chao Phra Taksin dans le Sud ; étant entendu que l’insurrection ne pourrait réussir qu’avec l’aide des armées du Sud, c’est-à-dire de Chao Phra Taksin qu’il fallait rencontrer pour lui demander main-forte.

 

La rencontre entre les gens du Sud et les gens du Nord arriva plus vite que prévu. Car inquiet des succès militaires de Chao Phra Taksin, qui profitant d’une révolte à Pégou se préparait à attaquer Chiang-Mai, à Ava le roi birman Hsinbyushin dit Mangra, ordonnait à ses généraux d’aller battre et défaire l’armée du Sud.

 

Alors à Chiang-Mai le général Po Suk Khuppha Thihapate réorganisa son armée, et confia le commandement de son avant-garde, une flottille d’éclaireurs d’une centaine d’hommes environ, à Bunma qui, dès son départ de Chiang-Mai fit prévenir Khanan Kawila que l’heure du soulèvement était venue.

 

A la suite de ce mot d’ordre, et après quelques jours de navigation, le temps nécessaire à la flottille pour accoster à Muang Hot, le ‘’La-hta‘’ (1) chef du détachement birman, 70 hommes sur les 110, fut assassiné ; parallèlement, à Lampang tous les birmans connaissaient le même sort. De ce fait, et dans les deux villes, les birmans qui avaient échappé aux massacres s’enfuirent, et pour le plus grand nombre, à Chiang-Mai.

 

A Chiang-Mai, les récits des rescapés désappointèrent le gouverneur Thado Mindin, qui sur le champ s’en prit au père de Khanan Kawila, alors présent dans la ville. Mais au lieu de le condamner à mort comme dans les cas semblables, il le fit … ‘’seulement‘’ … emprisonner ?! Ce qui pourrait signifier que les deux hommes devaient avoir des rapports, sinon … ‘’amicaux‘’, du moins … ‘’privilégiés‘’ et/ou … de confiance ?!... (2)

 

Plus au Sud, Bunma après l’assassinat du ‘’Lahta‘’ s’était rendu à Thonburi, où Chao Phra Taksin accepta le ralliement des gens du Nord (3) et ordonna alors aux généraux Phraya Chakri et à son frère Phraya Surasi de se mettre en route en direction de Chiang-Mai. La première étape fut Thoen (เถิน).

 

Les 600 kilomètres qui séparent Thonburi de Thoen, une ville sur le Wang à environ 80 kilomètres de Lampang, furent parcourus en 17 jours. Thoen tomba sans susciter de grands commentaires de la part des chroniqueurs d’alors, hormis quelques mots sur l’exécution de son commissaire, un birman.

 

(1) Dans sa traduction de la Chronique de Chiang-Mai David Kent Wyatt signale qu’il n’a pas trouvé de correspondance birmane au mot ‘’La-tha‘’ (ลาหตา ou หลาตา ?), que Camille Notton a écrit ‘’Rat’a‘’ (รัดนา). (En langue Yuon la prononciation du ‘’l’’ et du ‘’r’’ est souvent la même. C’est à un point que j’ai vu, au long de Mahidol road, un panneau en lettres romaines, qui a vite été remplacé et où il était écrit ‘’Liver Ping‘’ au lieu de ‘’River Ping‘’... la ‘’Ping rivière‘’.). En fait, et à mon avis, ces mots ne désignent pas le nom d’une personne mais l’appartenance d’un homme à une ethnie, ce qui confirmerait, comme je l’écrivais plus haut, la prépondérance de l’ethnie sur … l’empire ou le royaume.

Aujourd’hui, le nom de ‘’Lahta‘’ ou encore ‘’Zayein‘’, sert à désigner une langue en usage chez les Karens de Birmanie peuplant la région de Mandalay. Il semblerait donc que le Chef des 70 birmans composant la flottille soit … un Karen de Birmanie du Nord. Mais, ce n’est que mon hypothèse ?!...

(2) A plusieurs reprises les birmans sont venus porter aide et secours à Chaofa Chai Keo le souverain de Lampang. Ce qui signifie que Chao Fa Chai Keo leur devait d’être sur son ‘’trône‘’ mais aussi d’y avoir été maintenu envers et contre tous.

Pour sauver leur père, depuis Lampang, les frères de Kawila libérèrent les birmans emprisonnés et les chargèrent de remettre des cadeaux et un courrier à Thado Mindin disant que leur frère aîné était devenu fou, mais que leur allégeance tenait toujours.

C’est Chao Kham Som, le second de la fratrie qui aurait eu cette idée, et c’est aussi lui, qui éloigna au moyen d’une tromperie les 3.000 soldats Birmans de Lampang, pour permettre l’assassinat des élites birmanes encore dans la ville. La duplicité de Chao Kham Som confirme que Kawila n’a pu agir qu’avec la complicité de ses frères ?!....   

(3) Chao Phra Taksin n’était pas un homme à contracter une alliance mais à recevoir une allégeance, ce qui fut accepté par Khanan Kawila et vraisemblablement, aussi par Bunma.

 

 

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Photo 1 : L’auteur de ce ‘’portrait‘’ de Khanan Kawila (1742-1815) a imaginé l’homme alors qu’il était encore à la tête de Lampang, c’est-à-dire un vassal acquis aux Birmans. De ce fait, l’influence vestimentaire birmane est indéniable. Khanan Kawila, à l’instar du prince Thado Mindin le gouverneur de Chiang-Mai que les gens du nord appelaient ‘’Tête blanche‘’ pourrait être surnommé ‘’tête bleue‘’, mais Kawila portait-il réellement un turban bleu ?!... L’imaginaire de l’artiste n’est pas à prendre au pied de la lettre. (Ce portait, signé Pobsant Roockarangsarith, a été trouvé sur son site ‘’Zayplay Animation Studio‘’.)

Photo 2 : Une carte mettant en évidence, grâce au trait rouge, au Nord l’influence Lanna ou ‘’Khon Muang‘’ alors occupée par les birmans, et au Sud la Zone Siamoise. Cette carte permet aussi de situer la ville de Thoen. (Pour réaliser cette carte je me suis largement inspiré de celle de Michel Bruneau servant à illustrer son article intitulé : ‘’Politiques et stratégie du développement chez les montagnards du nord de la Thaïlande‘’ lu sur le site ‘’persée.fr.)

Photo 3 : Un portrait de Khanan Kawila devenu Phra Chao Kawila.

 

 

Thoen était alors comme une porte donnant accès aux royaumes du Nord, ou ‘’Khon Muang‘’ donc au Lanna occupé par les Birmans. Sa prise, rapportée comme un simple écho dans de nombreux récits, va bien au-delà de l’anecdote car elle a été comme un signe de bon augure qui n’a pu qu’encourager l’armée du Sud et ses chefs … dont on oublie trop souvent que c’étaient des gens superstitieux, très attachés aux symboles et aux signes de bons comme de mauvais augures. (1)

 

Lorsque les chefs militaires du sud arrivèrent à Lampang, Khanan Kawila les accueillit les bras ouverts, les couvrit de cadeaux, leur donna des provisions et prit avec eux la route de Chiang-Mai. (2)

 

Pendant ce temps, à Chiang-Mai, plutôt que de vouloir arrêter les armées du Sud aux portes de la ville, les Birmans décidèrent de les défaire à quatorze kilomètres (350 sen) au sud de Chiang-Mai, au lieu-dit ‘’Tha Wang Tan‘’ (ท่าวังตาล) ; car en cet endroit ils avaient toujours battu leurs ennemis. Ce qui signifie qu’il y avait aussi de la superstition du côté Birman.

 

Hélas … pour les birmans, le jour de la rencontre il en fut tout autrement, les Birmans battirent en retraite jusqu’à Chiang-Mai poursuivit par Khanan Kawila qui n’avait en tête que de retrouver son père … vivant. (3)

 

Dans la plus grande confusion et un carnage de plus, à la porte Chang-Phuak, la porte Nord de Chiang-Mai, dont le général du Sud, Phraya Sawankhalôk (Phraya Phichaï Ratcha) mettait tout juste en place le contrôle, le général Po Suk Khuppha Thihapate et le gouverneur Thado Mindin accompagnés de leurs familles et de proches s’enfuyaient en direction d’Ava sans demander leurs restes. Plus au sud, au milieu des birmans en déroute, Khanan Kawila pénétrait dans Chiang-Mai à la recherche de son père. Aidé par quelques sympathisants il le retrouva sain et sauf dans une prison qu’il mit en pièce pour l’en faire sortir. Puis dès que son père fut hors de danger Khanan Kawila lui rendit le respect traditionnel (beñcangapradiṣṭha) (4) que tout fils doit à ses parents.

 

Chao Phra Taksin entra dans Chiang-Mai le mercredi 15 février 1775. (5) Outre la prise d’un bel armement laissé par les Birmans, (2000 fusils et canons, 32 paires de gongs et 200 chevaux) les vainqueurs recensèrent 500 familles de Môns (Pégouans) et 500 familles de Muang Sawankhalôk (6) ; des familles qui ont été … ‘’déportées‘’ pour pallier le manque de bras dont souffrait alors Chiang-Mai à cause des incessantes levées militaires, et des morts dus à la famine et aux épidémies.

 

Dans la matinée qui suivit son entrée dans Chiang-Mai Phra Chao Taksin alla adorer le ‘’Bouddha Phra Singh‘’, l’un des palladiums de Chiang-Mai. (7). (Il y a au moins 3 palladiums à Chiang-Mai)

 

Quelques jours plus tard Phra Chao Taksin le roi de Thonburi, en tant que suzerain, conféra charges et titres aux nobles les plus méritants des combattants du Nord pour garantir un contrôle militaire sur les nouvelles provinces rattachées à son royaume post-Ayutthaya ou royaume de Thonburi. C’est ainsi qu’il nomma :

Bunma ou Phraya Chā Bān (Chaban) comme gouverneur ou roi de Chiang-Mai avec le titre de ‘’Phraya Wichien Prakarn‘’ (พระยาวิเชียรปราการ), et son neveu, Naï Kon Keo (นายก้อนแก้ว) comme vice-roi ou Uparaja de Chiang-Mai (พระยาอุปราชเชียงใหม่).

Chak Kaï Deng (จักกายแดง) comme gouverneur ou roi de Lamphun avec le titre de Phraya Lamphun (พระยาลำพูน), et son jeune frère Naï Noï Tom To, (นายน้อยต่อมต้อ) vice-roi ou Uparaja de Lamphun (อุปราชลำพูน).

Khanan Kawila comme gouverneur ou roi de Lampang avec le titre de Phraya Nakhon Lampang (พระยานครลำปาง), et le troisième frère de la fratrie Kawila, Noï Thammalangka, vice-roi ou Uparaja de Lampang (อุปราชนครลำปาง) ou encore Phraya Ratchawong Muang Nakhon Lampang (พระยาราชวงค์เมืองนครลำปาง).

 

À la suite de ces nominations, Phra Chao Taksin et Phraya Chakri reprirent la route du Sud, tandis que le frère de ce dernier, Phraya Surasi ou Phraya Sua (พระยาเสือ) (Sua = Tigre), plus téméraire au combat que devant une charmante créature, chargeait un habile négociateur de demander la main de la sœur de Khanan Kawila, Sri Anocha (ศรีอโนชา). Le conseil familial tomba d’accord pour la lui accorder. Ce n’est qu’après cet accord que le Tigre au cœur tendre Phraya Surasi prit alors la route de Sawankhalôk. La chronique ne dit pas s’il emportait avec lui celle qui deviendra sa première épouse et … le Bouddha Phra Singh du Wat Suan Dok. (7)

 

(1) C’est Phraya Chakri qui en 1778 rapporta de Vientiane quelques images de Bouddhas (statues) … mais des images d’exception puisqu’il s’agissait du Phra Chan Rattana (พระจันทรัตนา), mais surtout du Phra Saek Kham (พระแซกคำ), du … Prabang (พระบาง) et … du bouddha d’émeraude (Phra Kaeo Morako) (พระแก้วมรกต) ; c’est encore Phraya Chakri qui en 1782, rendit le Prabang au roi de Vientiane après son séjour de quatre ans à Thonburi.

Ce … ‘’don‘’ … aurait été fait, semblerait-il, beaucoup plus par prudence que par magnanimité. Car d’après une superstition ces deux dernières images, les bouddhas Prabang et Morako, ne pouvaient coexister dans une même ville sans que le malheur ne s’abattît sur elle ; leur puissance respective au lieu de s’additionner et de garantir une grande et belle plénitude, se combattraient et seraient source des plus grands malheurs ?!...

Comme par hasard c’est en 1782 que Chao Phra Taksin fut renversé et exécuté, et … que Phraya Chakri devint roi ?!...

Alors pour éviter le sort de Phra Chao Taksin … peut-être que Phraya Chakri a préféré rendre le Prabang ?!... (Phraya Chakri aurait été très superstitieux mais, quel Siamois ou Khon muang (Lanna) ne l’est pas ? ...)

 

Selon une autre source Phraya Chakri aurait tout simplement rendu le Prabang au roi de Vientiane, Chao Nanthasen (1781-1794/95) parce que ce dernier le lui aurait demandé lors de son passage à Bangkok pour assister au sacre de Phraya Chakri ?!... Vientiane était alors vassal de Bangkok.

 

Par ailleurs il se racontait que le Prabang en dehors de la ville de Luang Prabang était à l’origine de calamités et non de bienfaits ?!... (Superstition ? ...)

 

C’est encore Phraya Chakri qui remplaça le culte de Shiva, lequel n’avait pas su protéger Ayutthaya, par celui de Vishnu institué protecteur de Bangkok. C’est à partir du règne de Phraya Chakri que tous les rois de Siam qui lui succédèrent devinrent un avatar de Vishnu dont on voit partout, et encore maintenant, le vāhana (Véhicule céleste) … Garuda !

 

En s’appropriant d’images de Bouddha (statues) un roi embellissait sa ville certes, mais surtout gagnait en puissance, au propre comme au figuré, c’est-à-dire d’une part en notoriété auprès de ses sujets et d’autre part auprès des militaires adverses.  En effet, plus un roi possédait d’images de Bouddha et plus il était censé bénéficier de protections divines, ce qui avait l’art en temps de guerre de stimuler ses soldats et d’impressionner ses ennemis. Phraya Chakri combattait toujours avec à ses côtés une image (statuette) de bouddha, et Bangkok, dès le début de son règne, a compté des milliers de Bouddha, la plupart rapportés d’Ayutthaya !....  

(2) Dans la chronique de Chiang-Mai la position de Bunma n’est pas claire. Il est écrit page 201 : … ‘’Phraya Chaban‘’ (Bunma), qui avait été refoulé par les Birmans, en apprenant que le grand général (Phraya Chakri) arrivait à temps, revient pour demander à réparer sa faute. ‘’ ?...

Faut-il comprendre que Bunma après avoir fait assassiner le chef birman de la flottille, serait rentré à Chiang-Mai, au lieu de se rendre à Thonburi, trahissant ainsi ‘’l’entente‘’ passée entre lui et Kawila à Lampang, et qu’une nouvelle fois, à ‘’Tha Wang Tan‘’, il serait passé d’un camp à l’autre pour … ‘’réparer sa faute‘’ à savoir pour être retourné auprès des Birmans ?!... Les textes se contredisent parfois. Bref, je ne fais que poser la question, sans y apporter de réponse ?!...

(3) D’après les écrits des annales royales Siamoises rapportés par Camille Notton, il y aurait eu plusieurs camps birmans autour de Chiang-Mai. Par exemple Phraya Surasi aurait attaqué des postes établis près de la porte Tha Phae, la première du nom qui aujourd’hui n’existe plus et se trouvait près du Wat Saen Fang (วัดแสนฝาง) sis au 164 de la rue Tha Phae. Et ce serait Phraya Chakri qui aurait vaincu les Birmans à Tha Wang Tan.

(4) ce nom de : ‘’beñcangapradiṣṭha‘’ est donné par David Kent Wyatt, et non Camille Notton. Je n’ai rien trouver sous cette orthographe. Cependant il ne peut s’agir que d’une forme de pradakshina, un rite qui consiste, dans le cas présent, à tourner autour d’un parent en se mettant ventre à terre à plusieurs reprises, à l’image de Ganesha, dont la légende raconte comment il fit le tour de Shiva son parent, pour lui marquer son respect, l’honorer, et lui avoir tout appris du monde.

(5) Concernant l’année d’entrée à Chiang-Mai de Chao Phra Taksin, beaucoup d’auteur donnent l’année de 1774 ; celle du mercredi 15 février 1775 est donnée par David Kent Wyatt dans sa traduction de la chronique de Chiang-Mai.

(6) La ville de Sawankhalôk se situe dans les marches nord du royaume d’Ayutthaya, donc par voie de conséquence tout à côté du royaume de Lampang vassal bienveillant d’Ava. Cette situation géographique pourrait accréditer le fait que ces 500 familles de Muang Sawankhalôk auraient pu être déportées à Chiang-Mai pour la repeupler. Mais, si le chroniqueur rapporte la présence de ces gens à Chiang-Mai, il n’écrit pas comment et quand ils y sont arrivés ?!...

(7) Les annales Royales Siamoises ne précisent pas de quel bouddha Phra Singh il s’agit, car à l’époque il y avait deux bouddhas Phra Singh à Chiang-Mai ; l’un au Wat Phra Singh et l’autre au Wat Suan Dok. C’est ce dernier qui se trouve aujourd’hui à Bangkok dans la chapelle Buddhaisawan du musée national.

Le palladium est un objet sacré qui aurait le pouvoir de protéger le village, la ville ou le royaume auquel il appartient. Ce serait comme une amulette collective qui au lieu de concerner un individu en protégerait des centaines, voire des milliers ou des millions comme le Bouddha d’émeraude de Bangkok.

 

 

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                           Trois des palladiums de Chiang-Mai

Photo 1 : Phra Sila (พระศิลา), un nom qui pourrait signifier le ‘’Seigneur vertueux‘’, un référent à la vertu intérieure, à l’action vertueuse et aux règles de conduite. (Observance des préceptes de Sila). Cette image de bouddha, serait sculptée dans de l’ardoise (?). C’est une petite stèle en bas-relief d’une trentaine de centimes de haut. En raison de son sujet, un Bouddha dans la position debout, elle suggère qu’elle aurait -peut-être- été sculptée dans le Nord/Est de l’Inde du temps de la dynastie bouddhiste des Pala (750-1140), ce qui la ferait dater du VIIIe ou Xe siècle. La dynastie des Sena (*) (1070-1230), une dynastie Indienne Hindouiste va chasser les Pala et imposer sa religion. C’est alors que Phra Sila va se retrouver au Sri Lanka (Ceylan) sans doute pour échapper au sectarisme et à la vindicte des Hindouistes qui n’hésitaient pas à détruire tout ce qui pouvait se rapporter au bouddhisme. Puis au XIIIe siècle des missionnaires bouddhistes venus du Sri Lanka parcourt le sud/Est Asiatique pour prêcher l’enseignement du Bouddha. Cinq d’entre eux, les Mahatheras Kassapa (กัสสปะ) le chef de la mission, Kaku Santa (กกุสันธะ), Kona Tamana (โกนาตมนะ), Kotama (โกตมะ) et Phra Ariyametaï (พระอริยเมตไตย) vont rencontrer Chao Mengrai qui supervisait alors la construction du Wat Kan Tom à Wiang Kum Kam. Dans cette ville, vers 1290, ils vont lui offrir le Phra Sila, peut-être pour l’inviter à observer les 10 règles ou vertus propre à un souverain, ce sont les Dasavidha-rajadhamma. Ces règles ou ces préceptes auraient été établis sous le règne de l’empereur Ashoka (Açoka) (273-232 av JC) et introduits en Asie du Sud/Est par des missionnaires venant du Sri Lanka.

Ce seigneur vertueux, Phra Sila, aurait le pouvoir de faire pleuvoir.

(*) La dynastie des Sena a commencé par être vassal des Pala puis elle a pris ses distances avec elle vers 1095 au point d’avoir son indépendance et de renverser les Pala.

Photo 2 : Bouddha Phra Singh ou Phra Phuttha Sihing ou encore, Sihingkhanithan. Cette image (statue) de l’école de Chiang Saen est solidaire d’une légende qu’il serait trop long de raconter, tant sont nombreuses les péripéties qui la conduisirent au viharn Laï Kham du Wat Phra Singh où elle repose aujourd’hui. Sa dernière mésaventure date de 1922 ; en cette année-là la statue fut décapitée et la tête volée. Cette dernière n’a toujours pas été retrouvée. Celle qui aujourd’hui repose sur ses épaules a été conçue en prenant pour modèle les têtes des deux images (statues) qui sont à ses côtés. Ce palladium aurait le pouvoir de faire pleuvoir.

L’image a été portée au registre du patrimoine nationale par le département des beaux-arts de Thailande le 8 mars 1935 sous le numéro 52 dans la section 75.

Photo 3 : Phra Keo Khao ou Phra Setangkamani (พระแก้วขาว - พระเสตังคมณ๊).

Cette image d’environ 10 centimètres de large sur 15 centimètres de haut aurait été sculptée vers le VIIe siècle dans un bloc de cristal de roche (quartz), appelé ‘’Setaṁgamaṇi‘’, par des artistes de Lopburi, alors connue sous le nom de Lavaraṭha, une ville de l’empire Khmer. D’après la légende l’architecte divin, Visukamma Devaputa, les aurait aidés. Du fait d’avoir été sculpté à Lopburi, elle aurait été la propriété du roi de cette ville, Phra Chao Chakkrawatiraj (พระเจ้าจักรพรรดิราช) ou Inta qui l’aurait donné à sa fille ou à sa bru (?), Phra Nang Chamadevi (พระนาง จามเทวี) destinée à devenir la reine de Lamphun, alors appelée Haripunchaï. Dans cette ville elle aurait fait construire une tour en bois de tek pour la protéger. Au XIIIe siècle, le 23 avril 1281 très exactement, Phaya Mengraï se rendit maître de Lamphun qu’il avait fait incendier. Tout brula sauf la tour en tek. Mengrai y découvrit à l’intérieur l’image en cristal qu’il fit sienne et qu’il considéra comme une protection contre le feu et les désastres.

Cette image repose sur un socle d’or d’environ 6 kilos, offert par le roi de Chiang-Mai Phra Chao Inthawichayanon (1873-1896).

Nota bene : Ces trois images ont été photographiées début avril 2015, c’est-à-dire au début des festivités liées au nouvel an Thaï (Songkran). Lors de ces fêtes traditionnelles elles quittent -soi-disant- leur ‘’autel‘’ ou ‘’scabellon‘’ voire ‘’bunker‘’ pour permettre au public de les honorer en versant sur elles de l’eau lustrale au moyen d’une petite coupelle.

Si le Phra Singh est effectivement sorti de son Viharn pour être exposé à l’entrée de son Wat, les Phra Sila et Phra Keo Khao, qui peuvent être victimes d’un vol, sont en fait des copies ; tandis qu’elles étaient bénies j’ai constaté de visu que les originaux étaient toujours dans leur ‘’bunker‘’ à l’abri de malveillances. Il est vrai que les khons Lamphun revendiquent, encore maintenant, la possession du Phra Keo Khao.   

 

 

Tandis que Phra Chao Taksin était entré en vainqueur dans Chiang-Mai à quelques kilomètres de là, à Chiang Saen, l’ex-gouverneur birman, Thado Mindin ne décolérait pas et préparait son retour. C’est pourquoi deux mois et quatre jours plus tard 10.000 soldats birmans assiègeront Chiang-Mai, qui ne comptait alors que 2.000 hommes en mal de nourriture, pour se défendre.

 

Malgré cette faim, qui poussa les assiégés à manger tout et n’importe quoi y compris sept malheureux birmans un peu trop téméraires attrapés en haut du bastion Sri Phum (Nord/Est), et un renfort de 1.000 hommes venant de Lampang, Chiang-Mai résistera durant huit mois, jusqu’à l’arrivée des 30.000 hommes de Phra Chao Taksin, commandés par Phraya Chakri et son frère Phraya Surasi. Ces soldats du Sud, mais aussi du Nord (1) mettront en fuite les Birmans le 11 novembre 1775, des Birmans aussi affamés que ceux qu’ils assiégeaient.

 

Après le départ des assiégeants, le peu d’habitants qui résidait à Chiang-Mai déserta la cité pour chercher à se nourrir en d’autres lieux. Phraya Chābān lui-même, pour subvenir aux besoins de son administration et de son armée, réduites à leur plus simple expression, migra successivement, d’année en année à Lampang, puis à Wang Phrao (วังพร้าว), Ban Nong Long (บ้านหนองล่อง) (1777/78), Lamphun et Ban Wang Sakhaeng (Sopli) (บ้านวังสะแกง). L’absence humaine à Chiang-Mai favorisa alors la venue et la présence d’animaux sauvages en son sein, ainsi que celle d’une végétation luxuriante et destructrice.

 

Cependant, malgré cette famine qui sévissait dans les deux camps, y compris à Ava la capitale Birmane, et le recrutement de plus en plus difficile par manque d’hommes en état de combattre, le roi Hsinbyushin dit Mangra, alors sur son lit de mort, ordonna de mettre un terme aux avancées de Phra Chao Taksin, et de reprendre ses anciennes possessions dont Chiang-Mai.

 

Au début des opérations il était envisagé de constituer une armée de 100.000 hommes dont le commandement serait confié, une fois de plus, au général ‘’Maha Thiha Tura‘’ (มหาสีหสุระ) dit ‘’Azæwunky‘’ (อะแซหวุ่นกี้). (2) Finalement ce seront 35.000 hommes que devront se partager l’armée du Sud, celle de Martaban et l’armée du Nord, celle de Chiang Saen. Cet effectif global était loin d’être en rapport avec la tâche à accomplir, ou le terrain à reconquérir.

 

Le manque d’effectif, l’insuffisance de nourriture et les intrigues pour la succession au trône portèrent atteinte au moral des chefs dont certains iront jusqu’à l’insubordination. Cependant, comme prévu, à la fin de la saison des pluies, c’est-à-dire en octobre 1775 (1) les deux armées se mirent en route.

 

Au sud après avoir quitté Martaban, au lieu de serrer les rangs, ‘’Maha Thiha Tura‘’ le grand général en chef et son second, ‘’Zeya Kyaw‘’ ou ‘’Zeya Kiao‘’ (เซยาคะโย) entrèrent en conflit au point que ce dernier se retirera en cours de route avec ses troupes abandonnant sur le terrain ‘’Maha Thiha Tura‘’ qui, fidèle à sa mission, va quand même poursuivre sa marche en direction de Thonburi. Il va d’abord conquérir fin mars, Phitsanulok, qu’il trouva vidé de sa population, puis Sukhothai, mais sans pouvoir par la suite briser la résistance des soldats du royaume de Thonburi. C’était alors le début de la saison des pluies, celle de Juin 1776, et les combats déjà s’enlisaient quand, le 10 juin de la même année, le roi Birman passa de vie à trépas.

 

Au Nord, ‘’Po Suk Khuppha Thihapate‘’ (3) depuis Ava, via Chiang-Saen, restée aux mains des Birmans, va se diriger sur Chiang-Mai, et faire tirer à boulets rouge sur la ville, une ville pourtant désertée qui déjà devenait une véritable jungle. (4) Alerté Phraya Chaban va aller à la rencontre de cette armée et livrer bataille à Sangtawan (5). Compte tenu de la disproportion numérique en hommes, Phraya Chaban et les siens ne trouveront leur salut qu’à la faveur d’une retraite qui les conduira, sans doute par voie fluviale, à Tak, alors appelée ‘’Rahaeng‘’, voire ‘’Lahaeng‘’, une ville sur la Mae Ping à plus de 200 kilomètres de Chiang-Mai.

 

Ensuite ‘’Po Suk Khuppha Thihapate‘’ fera route en direction de Lampang qui, pendant sept jours va lui résister à raison d’un contre dix. La loi du nombre va encore favoriser les birmans mais, les hauts dignitaires de Lampang auront le temps de se réfugier à Muang Sawankhalok (เมืองสวรรคโลก), une ville au Sud/Est de Sukhothai et à 170 kilomètres de Lampang.

 

Puis, alors que les soldats de ‘’Po Suk Khuppha Thihapate‘’ poursuivaient leur route pour rejoindre l’armée de ‘’Maha Thiha Tura‘’ ce dernier donna l’ordre subit de mettre fin à l’invasion du royaume de Thonburi et de rentrer. Il venait alors d’apprendre le décès de son roi, Hsinbyushin dit Mangra. De ce fait, et de son propre chef, le général prit sans attendre la décision de tout arrêter ; car outre que la partie était loin d’être gagnée, il avait mieux à faire … se rendre à Ava le plus rapidement possible pour couper court aux intrigues liées à la succession au trône, et soutenir la candidature de … son gendre. (6)

 

Malgré l’arrêt de cette dernière invasion, les Birmans ne renonceront pas à leurs provinces du Nord en général et à Chiang-Mai en particulier. Car pendant une vingtaine d’années environ, ils tenteront, mais en vain, de reconquérir le Lanna.

 

(1) Les soldats du nord venus prêter main forte à ceux du royaume de Thonburi, sont ceux de Lampang (Lampang est au Nord de Thonburi) commandés par Khanan Kawila qui à cette occasion recevra le surnom de Phraya Chang c’est-à-dire le seigneur des éléphants, peut-être en référence à son grand-père, mahout à l’origine ?!...

Concernant la famine, à Chiang-Mai, l’espace aux alentours de l’angle Katam (Angle Sud/Est) n’était pas, à cette époque, peuplé. C’était une vaste étendue de terre qui pouvait être cultivée, mais il est vrai, pas au point de pouvoir nourrir tout une ville ; car 8 mois de siège c’est quand même … très long, et, sans le justifier peut amener à comprendre le cannibalisme, d’autant qu’il était en usage de manger le foie d’un ennemi valeureux ?!... 

(2) La chronologie des événements n’est pas sans poser question. Le 11 Novembre 1775, les soldats de Thado Mindin qui assiégeaient Chiang-Mai battent en retraite, et en Octobre 1775 ‘’Po Suk Khuppha Thihapate‘’ à la tête de son armée part pour reconquérir Chiang-Mai et réoccuper feu le royaume d’Ayutthaya.

Pour que ces deux événements s’enchainent logiquement, il faudrait d’une part que Thado Mindin ait agi de sa propre initiative et qu’il ait rejoint, en amont de Chiang-Mai, l’armée de ‘’Po Suk Khuppha Thihapate‘’ en marche sur le royaume de Thonburi, à la condition que cette armée d’invasion partie en Octobre 1775, le soit depuis Ava et non Chiang Saen. La distance à son importance compte tenu qu’une armée parcourait alors environ 35 kilomètres/jour.

(3) Les traducteurs de la chronique de Chiang-Mai donnent d’une part le nom de … ‘’Po Lae Tho Khabaehuan‘’ et d’autre part celui de ‘’Pô Rêt’o K’abëhuon‘’ ?... Je pense qu’il ne peut s’agir que de Azæwunky, c’est-à-dire Maha Thiha Thura‘’ mais ‘’mon‘’ hypothèse n’est pas parole d’évangile ?!...

(4) La chronique de Chiang-Mai parle d’une armée de 99.000 soldats birmans, ce qui est impossible. Ils ne pouvaient être, tout au plus, que 15.000, étant donné que les deux armées totalisaient 35.000 soldats. Mais souvent les chroniqueurs exagèrent le nombre d’hommes composant les différentes armées, leur but étant de glorifier ceux qu’ils soutiennent et d’inférioriser ceux du camp adverse.

(5) L’orthographe ‘’Sangtawan‘’ (แสงตะวัน) est de mon fait, car je n’ai trouvé nulle part autour de Chiang-Mai un village portant le nom de ‘’Săntăvan‘’ comme l’écrit Camille Notton ou ‘’San Tawan‘’ comme l’a traduit David Kent Wyatt. En revanche, au Sud/Est de Chiang-Mai hors-les-murs, le croisement entre les rues Sridonchaï et Chang Klang, la rue du marché de nuit, portent le nom de ‘’carrefour Sangtawan‘’ ; et dans l’angle Sud/Est de cette intersection il y a un cinéma désaffecté qui s’appelle ‘’Sang Tawan‘’. Il devait donc exister du temps de Phraya Chaban un village de ce nom dans les parages. L’endroit est d’autant plus plausible que le fleuve par où vont fuir Phraya Chaban et ses hommes est tout à côté.

Comme les birmans sont arrivés par la route Nord, c’est-à-dire porte Chang Phuak, en tirant du canon, que les hommes de Chaban devaient camper au sud-Est de Chiang-Mai, les deux armées ne pouvaient se rencontrer qu’au carrefour en question, compte tenu des distances et du temps.

(6) Le gendre de ‘’Maha Thiha Tura‘’ succèdera à son père et deviendra roi sous le nom de Singu Min (1756-1776-1782). Mais le général, loin d’être remercié de son soutien, car le roi aurait dû être le frère de Mangra et non son fils, quelques temps plus tard sera exécuté sur l’ordre de … Singu Min, soi-disant pour complot ; et comme pour faire bonne mesure, si je puis dire, ce même Singu Min fera noyer sa femme, sa deuxième reine Maha Mingala Dewi, c’est-à-dire la fille de … ‘’Maha Thiha Tura‘’.

Singu Min règnera moins de 6 ans, renversé le 5 février 1782 il sera exécuté à son tour 9 jours plus tard, le 14 février 1782 à l’âge de … 25/26 ans !...

 

 

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                                        Le carrefour de Sangtawan

Photo 1 : La rue Chang Klan, où se tient le marché de nuit. Sur son trottoir gauche le centre commercial ‘’Pantip‘’, sur celui de droite le Wat Sri Don Chai. (Photo du 14.02.2018)

Photo 2 : Reprise d’une carte de Chiang-Mai de James McCarthy datant des 1894 où j’ai situé les aires géographiques dont il a été question dans le chapitre précédent.

Photo 3 : La rue Sridonchai conduisant droit au fleuve Mae Ping. Sur son trottoir de gauche le Wat Sri Don Chai et sur celui de droite le cinéma désaffecté ‘’Sang Tawan‘’. Un cinéma qu’il est urgent de classer au patrimoine national. (Photo du 14.02.2018)

 

 

Tandis que l’étoile birmane déclinait et tentait de remonter au firmament, à Chiang-Mai et à Lampang, toujours à lutter et à se défendre contre les birmans, quelques assassinats touchant l’autorité de Phra Chao Taksin, conduisirent celui-ci à convoquer les coupables, à savoir Phraya Chaban et Phraya Kawila.

 

Non loin de Chiang-Mai, puisque la ville était abandonnée, Phraya Chā Bān avait assassiné son neveu, l’Uparaja ‘’Naï Kon Keo‘’ nommé par … Phra Chao Taksin.

 

Dès sa nomination ce neveu ‘’nourrissait‘’ de noirs desseins à l’égard de son oncle, de ce fait il remettait en cause, et de plus en plus souvent, l’autorité de ce dernier. Le jour de son assassinat, ‘’Naï Kon Keo‘’, avec quelques hommes, revenait d’un village Lua niché au fin fond des montages où il était allé chercher des aliments pour pallier la famine qui sévissait dans la plaine de Chiang-Mai. Mais au lieu de remettre ces provisions en toute simplicité, ‘’Naï Kon Keo‘’ se comporta de manière à mettre en colère Phraya Chaban qui dû faire usage de ses armes pour obtenir la nourriture détenue par son neveu. L’algarade fut telle que lorsque que le calme revint ‘’Naï Kon Keo‘’ avait quitté le monde des vivants ?!...

 

A Wang Koeng ou Vang Keüng (วังเกิ๋ง) (1), dans la province de Lampang, Phraya Nakhon Lampang (Khanan Kawila) avait poignardé des émissaires royaux venus inspecter sa province, après qu’ils aient visité celles de Nan et de Phrae. (2) Ces envoyés, une petite troupe d’environ 300 hommes, se comportèrent alors comme des voyous, se croyant tout permis, d’autant qu’ils étaient certains de leur impunité. C’était sans compter sur la réaction brutale de Phraya Kawila qui en tua quelques-uns … ce qui effraya les autres qui dare-dare s’en allèrent raconter leur version des faits à Phra Chao Taksin.

 

Donc, à la suite de ces meurtres, ces deux … ‘’coupables‘’, Phraya Chaban et Phraya Kawila, furent convoqués à Thonburi.

 

A Thonburi Phraya Chaban fut mis en prison où il aurait trouvé la mort à cause d’une santé soi-disant défaillante, mais … peut-être a-t-il été exécuté, car les informations sur sa mort ne sont pas des plus claires et Phra Chao Taksin était plutôt réputé pour ses méthodes expéditives ?!...

 

Phraya Kawila quant à lui, ne répondit qu’à la troisième convocation de Phra Chao Taksin, ce qui lui vaudra une bastonnade ; et malgré ses présents, des prisonniers qu’il avait ramené de Wiang Lo et de Muang Thoeng, (3) Phra Chao Taksin le mit en prison après lui avoir fait trancher le lobe de l’oreille.

 

Pour … ‘’réparer sa faute‘’ … Phraya Kawila proposa à Phra Chao Taksin d’aller conquérir Chiang-Saen, encore occupée par les birmans. Cette proposition eut l’art de plaire à Phra Chao Taksin car elle allait dans le sens de ses préoccupations, à savoir, ‘’agrandir le royaume de Thonburi pour mieux le protéger des invasions‘’.

 

Alors dès son retour à Lampang, Phraya Kawila avec une troupe de 300 soldats (4) se mit en route pour Chiang Saen. C’était en l’année 1781.

 

Cette année-là, tandis que les deux frères, Phraya Chakri et Phraya Surasi combattaient au Cambodge, un vent de révolte, que Phraya Sing, le gouverneur de Sankhaburi, (5) avait tenté de tirer profit, soufflait dans Thonburi et sera la cause de la destitution et de l’arrestation de Phra Chao Taksin puis, quelque temps plus tard, le 7 ou 10 avril 1782, de son exécution. (6)

 

(1) Je n’ai trouvé nulle part la région dont il est question tant avec l’orthographe Wang Koeng de David Kent Wyatt que celle de Vang Keüng de Camille Notton. La ville a peut-être été abandonnée puis aurait alors disparue ?!...

(2) En 1779, alors que Phraya Chakri et Phraya Surasi combattaient à Vientiane, le roi Chao Phra Taksin leur ordonna de diligenter un détachement de 300 hommes pour inspecter les provinces vassales du Nord. (Nan – Phrae – Lampang et vraisemblablement Lamphun et Chiang-Mai). La … ‘’radicalité‘’ de Kawila pour faire cesser les privautés prises par ces émissaires royaux a dû interrompre le cours de cette inspection, qui devait, géographiquement, se poursuivre par Lamphun et Chiang-Mai.

(3) Wiang Lo (เวิยงลอ) ou Muang Lo, est une ville aujourd’hui abandonnée dont il ne reste que des ruines. Elle se situait jadis dans la province de Phayao, non loin de la rivière Mae Ing, sur la route reliant Chiang-Saen à Muang Thoeng que Notton orthographie Thaeng. En 1779, ces deux villes étaient encore occupées par les Birmans. Phraya Kawila les en chassa et fit de nombreux prisonniers dont les uns furent laissés à Chiang-Mai et les autres offerts à Chao Phra Taksin.

Ces prisonniers ‘’servaient‘’ alors, à construire Thonburi. Ainsi ce seront les déportés Laotiens de Vientiane qui, sous Rama I, c’est-à-dire Phraya Chakri, construiront, pratiquement à eux seuls, Bangkok.

(4) Cet effectif de 300 soldats souligne qu’à l’époque il y avait une baisse considérable de la population, alors que Lampang fut l’une des villes les plus protégées en raison de sa docilité vis-à-vis des Birmans.

(5) D’après Camille Notton et David Kent Wyatt les traducteurs de la Chronique de Chiang-Mai, il y aurait eu deux factieux, Phraya Sing et Phraya San. En fait, et à mon avis, Phraya Sing et Phraya San ne font qu’un, car je pense qu’il aurait fallu traduire … Phraya Sing le Phraya de San ou Sankhaburi, c’est-à-dire le gouverneur de la ville de Sankhaburi abrégée en ‘’San‘’, et non Phraya Sing et/and Phraya San.

(6) Il existe plusieurs versions sur la chute et la mort de Phra Chao Taksin ; alors dire laquelle est la bonne est bien difficile.

Ce qui peut être dit sans controverse c’est que Phra Chao Taksin avait un caractère violent et impulsif qui n’a fait qu’empirer au cours des ans. Il n’hésitait pas à dire ce qu’il avait à dire et … à qui que ce fût ; à punir, torturer et mettre à mort qui ne filait pas droit, y compris ses hauts fonctionnaires ; C’est lui qui a fait rédiger un décret sur l’éthique, dont le code monastique comportant … 227 règles.

D’après les missionnaires français, vers la fin de son règne Phra Chao Taksin traversa une crise mystique où la prière, le jeûne et la méditation occupaient le plus clair de son temps. Bref, son comportement, pour royal qu’il fut, avait fini par exaspérer l’ensemble de ses sujets, d’autant que la famine, les pillages, les crimes, sans oublier la corruption, loin d’avoir été jugulés prospéraient à plaisir … si on peut dire ?!...

Pour ces raisons, et un vide militaire à Thonburi, un factieux briguant le pouvoir, Phraya Sing déposa Phra Chao Taksin le 10 mars 1782. (7). Ce coup d’état mit le feu aux poudres et déclencha une guerre civile qu’il fut incapable de maîtriser, prit dans le tourbillon des mécontents et des émeutiers.

En revanche, Chao Sri Anocha, la sœur de Khanan Kawila et l’épouse de Phra Surasi, c’est-à-dire la belle-sœur de Phraya Chakri, sut tirer le meilleur parti de cette situation chaotique qui mènera au trône Phraya Chakri qui était alors le plus haut dignitaire du royaume de Thonburi.

Elle commença par faire prévenir son beau-frère Phraya Chakri, de la situation à Thonburi. Phraya Chakri guerroyait alors au Cambodge. Puis elle s’assura du concours de 300 personnes venus de Pak Phiéo pour s’emparer de Phraya Sing et peut-être … le faire passer de vie à trépas ? … en tout cas ce fut ce qui arriva !...

Phraya Chakri, avant de prendre le chemin du retour, fit exécuter le fils de Phra Chao Taksin, le Prince Inthra Phithak dit Chui, c’est-à-dire le prétendant au trône, qui combattait lui aussi, à ses côtés, au Cambodge. Puis arrivé à Thonburi il rétablit le calme dès le 6 avril 1782 et se fit couronner roi sous le nom de ‘’Phra Buddha Yodfa Chulaloke‘’, (พระพุทธยอดฟ้าจุฬาโลก) le 21 juin 1782, après avoir fait ériger le pilier ou Lak Muang de sa futur capitale (Bangkok) le 21 avril 1782.

 

D’après l’une des versions concernant la fin de Phra Chao Taksin, le premier et le dernier roi de l’ère Thonburi, celui-ci aurait été décapité devant la forteresse Wichaï le 10 avril 1782, soit quatre jours après la prise de pouvoir de Phraya Chakri. Son corps fut inhumé au Wat Bang Yi Ruea Nok (วัดบางยี่เรือนอก) connu aussi sous le nom de Wat Suan Phlu (วัดสวนพลู) et aujourd’hui sous celui de ‘’Intharam Worawihan (วัดอินทารามวรวิหาร).

Selon une autre version, celle des chroniques Annamites, Phra Chao Taksin aurait été mis dans un sac de velours et roué de coups au moyen d’un gourdin en bois de santal jusqu’à ce que mort s’en suive, devant le Wat Chaeng (วัดแจง), aujourd’hui le Wat Arum (วัดอรุณ) où Phra Chao Taksin fut tout à la fois moine et prisonnier de la mi-mars 1782 au tout début avril 1782. Ses cendres, ainsi que ceux de son épouse auraient été déposées dans un Chédi du Wat Intharam ; et ses vêtements, conformément à la tradition chinoise du groupe Teochiu (Teochew – Chiuchow) auraient été envoyés dans l’Est de la province Chinoise du Guangdong d’où était originaire sa famille. Cette province compte les villes de Canton et de Macao.

La date d’exécution de Phra Chao Taksin serait le 7 avril pour le missionnaire français Jean-Joseph Descourvières (1744 - 1804) et le 10 avril pour d’autres auteurs ?!...

(7) Phraya Sing était alors gouverneur de Muang San ou muang Sankhaburi (สรรคบุรี) (Sargapuri) une ville située à environ 150 km de Thonburi.

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Photo 1 : Les restes d’un Wat de Wiang Lo, un village qui aujourd’hui a disparu. Khanan Kawila s’y rendit en 1779 alors que les birmans y régnaient en maître. Khanan Kawila chassa les Birmans alors … aurait-il déporté toute la population de ce Wiang ? … Ce qui pourrait expliquer l’état d’abandon actuel de Wiang Lo ?...

Photo 2 : Une carte du Lanna précisant l’implantation des villes ‘’historiques‘’ dont il a été question dans cette chronique. Ainsi il ne faut pas confondre Thoeng au Sud/Est de Chiang-Rai avec Thoen sur le Wang au Sud de lampang. Anoter que la province de Tak ne figure pas sur la carte, car elle n’a été, avec Thoen (90 villages), rattachée au Lanna par Rama I qu’en 1784.

Photo 3 : Une carte détaillant les huit provinces du Lanna historique. 1/ Chiang-Mai – 2/ Chiang-Rai – 3/Lampang – 4/ Lamphun – 5/ Mae Hong Son – 6/ Nan – 7/ Phayao – 8/ Phrae. La neuvième province, 9/ Tak a été rattachée au Lanna en 1782, sous le règne de Rama I. Elle sera gouvernée par Chiang-Mai jusque sous le règne de Phra Nangklao (พระนั่งเกล้า) dit Rama III (1788-1824-1851). L’ingénieur civil Holt Samuel Hallett (1841-1911), de la ‘’Colquhoun-Hallet railway‘’, est l’auteur de ‘’Historical Sketch of the Shans‘’. Ce livre rédigé lors de son voyage au Siam en 1878 et paru en 1885, confirme ce rattachement, car il y est écrit : … ‘’La province de Rahaeng (Tak) est principalement occupée par les descendants de Zimme Shans (Yuan), en raison de son appartenance au royaume de Zimmé (Chiang-Mai), et même dans la ville, plus de la moitié de la population est Zimmé Shans. ‘’. A noter qu’en 1878 Tak n’était déjà plus - normalement – rattachée au royaume de Zimmé ?!...

 

 

Le plus haut des dignitaires, mais aussi le plus consensuel auprès de l’aristocratie de Thonburi monta alors sur le trône. Cet homme, un général hors pair et grand ami du roi déchu n’était autre que Phraya Chakri qui deviendra alors ‘’Phra Phutthayotfa Chulalok‘’ (พระพุทธยอดฟ้าจุฬาโลก) et quelques règnes plus tard, sous Rama VI, … Rama I, le fondateur de la dynastie Chakri qui règne aujourd’hui encore sur la Thaïlande.

 

 

Tandis que le Sud connaissait de singuliers bouleversements, au Nord Phraya Kawila rentrait de Chiang-Saen, d’où il ramenait quelques familles de prisonniers qu’il laissera pour la plupart à Lampang. Ensuite, avec quelques-unes de ces familles ramenées de sa campagne de Chiang Saen, Phraya Kawila prit la direction de Thonburi pour présenter ses respects au nouveau roi du royaume naissant de Rattanakosin (อาณาจักรรัตนโกสินทร์), c’est-à-dire au frère de son beau-frère Phraya Surasi, qui lui était devenu le vice-roi de ce nouveau royaume.

 

Lors de cette rencontre quelque peu … familiale …, où quelque temps plus tard, Khanan Kawila fut nommé ‘’Phraya Mangra Wachira Prakan Kamphaeng Kaeo, roi de Chiang-Mai, son frère Noï Thammalangka, le troisième de la fratrie, Uparaja de Chiang-Mai et Kham Som, le deuxième de la fratrie, roi de Lampang. Aucun des frères de la fratrie ne fut oublié, mais aucun et personne ne reçut le titre de roi de Lamphun, et pour cause !...

 

La ville de Lamphun était dans un tel état que la nomination d’un roi n’aurait eu aucun sens. Cependant la ville de Chiang-Mai ne valait guère mieux, mais pour des raisons stratégiques, voire de prestige, il fallait qu’elle renaisse de ses cendres … plutôt que de ses ruines tant il n’en restait … pratiquement rien. Pour cette raison d’inhabilité, Phraya Kawila avec 500 familles installera son quartier général à Wiang Pasang (เวียง ป่าซาง), un village à une trentaine de kilomètres de Chiang-Mai (1). De-là, pendant 14 ans 4 mois et 20 jours, de 1782 à 1796, il repoussera les attaques Birmanes, et reconstruira Chiang-Mai, (qu’il occupera seulement un mois durant en 1791), au jour le jour pour en prendre réellement et officiellement possession le 12 avril 1796, ce qui correspondrait au 500è anniversaire de la fondation de Chiang-Mai par le roi Mengraï, qui est … le 12 avril 1296 (2) ?!...

 

Au-delà du côté matériel, Phraya Kawila va devoir faire face à un dépeuplement sans précédent et continu à cause de la famine, des épidémies et … des incursions birmanes, toujours d’actualité. C’est pourquoi, à l’identique des anciens rois du Lanna il va ordonner moulte déportations, pour ne pas écrire razzias, afin de repeupler les villes de son royaume et créer de nouveaux villages. Il dira de cette pratique qu’il n’a fait que ‘’ramasser des légumes pour les mettre dans un panier‘’. Il va donc envoyer des unités militaires dans les pays voisins qui vont …  ‘’ramener des ‘’esclaves‘’ (3) pour les mettre dans des villes‘’ (4) … comme on met des légumes dans un panier, ce qui se dit en langue Yuon : ‘’Kèp-Phak-saï-Sa - Kèp-Kha-Saï-Muang‘’ (เก็บผักใส่ซ้า เก็บข้าใส่เมือง).

  

(1) Dans les faits, Wiang Pasang se constituait de deux villages jumeaux élevés de part et d’autre de la Mae Ta, un affluent de la Mae Kuang qui passe à Lamphun, et qui elle, se jette dans la Mae Ping. L’un de ces villages portait le nom de Wiang Pasang Noï (เวียงป่าซางน้อย), et l’autre celui de Wiang Pasang Luang (เวียงป่าซางหลวง), c’est-à-dire le petit Pasang et le grand Pasang.  

(2) Camille Notton a traduit qu’en 1796 les deux princes (Le roi Kawila et le vice-roi), après cinq jours de route (Wiang Pasang à Chiang-Mai) arrivèrent au Wat Buppharam, un Wat situé rue Thaphae, à six heures du matin le 12 de la lune croissante du sixième mois, ce qui correspondrait d’après David Kent Wyatt au 26 mars 1797, et pour Hans Penth au 9 Mars 1797 ?! … Compte tenu de l’attachement des gens du Nord à l’astrologie je pencherai, moi qui n‘ai pas la compétence de ces aînés, pour le 12 avril 1796 !... Mais ce n’est que mon avis.    

(3) Le mot Yuon ‘’Kha‘’ (ข้า) à la signification d’esclave, de serviteur et de sujet, c’est-à-dire d’individu aux ordres d’un maître, et non pas celle d’un individu libre.

(4) Les déportés seront implantés selon leur docilité. Ainsi ceux qui accepteront leur sort sans mot dire seront installés près des villes, tandis que les récalcitrants se verront attribués des terres pour construire leur village loin des villes, et de plus en plus loin selon leur degré de résistance ou de mauvaise volonté à être déportés.

 

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 Chiang-Mai, ses environs et les passages de ses ennemis.

Les armées Birmanes venaient du Nord c’est-à-dire par la route de Chiang-Dao et Fang pour investir la ville. Par la route de Chiang-Rai arrivaient les troupes birmanes stationnées à Chiang-Saen.

Concernant les armées du Sud, c’est-à-dire d’ayutthaya d’abord, puis de Thonburi ensuite et de Bangkok enfin, la Mae Ping constituait pour elles une excellente voie d’accès pour atteindre Chiang-Mai, après avoir attaqué Lamphun ; Lamphun étant située à une trentaine de kilomètres avant Chiang-Mai.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, c’est la Mae Kuang qui traverse Lamphun et non la Mae Ping. La Mae Kuang était vraisemblablement l’ancien lit de la Mae Ping.

 

 

En conclusion Phraya Kawila et ses frères les ‘’Chao Chet Tone‘’ (เจ้าเจ็ดตน), c’est-à-dire les ‘’Sept seigneurs‘’ vont écrire de conserve une nouvelle page de l’histoire du Lanna et cela non sans difficultés, car ils étaient loin d’être légitimes, et pour cause !...

 

Leur famille, non seulement n’était pas originaire de Chiang-Mai mais loin d’avoir une ascendance noble, puisque leur grand-père, Thip Chang, était un Mahou de Lampang aux ordres du dernier roi de cette ville, et, cerise sur le gâteau leur père ‘’Chao Fa Chaï Kaeo‘’ n’était resté au pouvoir à Lampang que parce qu’il était bienveillant à l’égard de l’occupant, à savoir les birmans qui ont sauvé son trône à plusieurs reprises ?!...

 

Il a donc fallu que les ‘’Chao Chet Ton‘’ s’imposent tant auprès de la population encore existante, que des chefs de villages et des nobles des villes voisines pour faire accepter leur légitimité. Une chance pour eux, aucun descendant de la noblesse de Chiang-Mai ne semble avoir contesté cette légitimité.

 

Il est vrai que la tâche à accomplir était dantesque, puisque tout était à reconstruire et que la main d’œuvre manquait à l’appel, tant pour la remise en état des lieux que pour pouvoir nourrir les ouvriers y participant et repousser, le cas échéant, les Birmans qui ne lâchaient pas prise.

 

Alors une fois de plus les déportations vont succéder aux déportations ce qui ne sera pas sans susciter à l’avenir des difficultés car ces déportés resteront attachés à leur ethnie avant de se sentir les sujets d’un royaume qui leur est imposé. Ce sera l’objet de la deuxième partie de cet article intitulé ‘’les peuplements, dépeuplements et repeuplements du Lanna‘’, lequel aurait pu aussi s’intitulé ‘’survol de l’histoire du Lanna par le biais de ses mouvements de populations‘’.

 

                                   Fin de la première partie

 

 

Merci à Eric P. sans qui je n’aurai pas eu toutes les informations dont j’ai bénéficié, et à la bibliothèque de Payap Université.

 

 

 

                                                          Jean de la Mainate Mars 2018    

 



12/03/2018
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