MerveilleuseChiang-Mai

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IDEE DE TROP (UNE)

UNE IDEE DE TROP !...                                 (Octobre 2009)

 

 


La meilleure des idées ne donne pas forcément le meilleur des résultats. Surtout si l'idée est émise par un Farang, et que le résultat attendu est le produit du labeur d'un "Khon Chiang-Maï".

 

Car les neurones d'un Farang ne fonctionnent pas selon les mêmes critères que ceux d'un "Khon Chiang-Maï" ou … d'une "Khon Chiang-Maï" !...

 

J'en veux pour preuve l'anecdote qui va suivre.

 

 

Demeurant dans un condominium, j'ai tous les mois des charges à payer. Ce qui est normal.

 

Et dans l'immeuble où j'habite, à défaut de boîte à lettres, la tradition est de coincer la quittance des résidants dans l'un des interstices, qui sont légion, du pourtour des portes d'entrées des logements.

 

Si cette façon de faire est pratique pour la déléguée du syndic, elle a cependant quelques inconvénients pour les destinataires des quittances !...

 

En effet, lorsque l'un d'eux s'en va pour quelques jours, voire quatre semaines comme c'était mon cas, la quittance de cette personne reste alors coincée contre sa porte d'entrée aussi longtemps que la durée de son voyage.

 

Ce qui fait que tous ses voisins, y compris les visiteurs de passage, qu'ils soient des familiers ou mal intentionnés, sont informés de son absence !...

 

Alors pour éviter ce petit désagrément, j'ai eu l'idée toute bête d'aller régler mes charges juste avant mon départ. Je pensais donc qu'ainsi, aucune quittance ne serait coincée sur le pourtour de ma porte.


Pour cela, j'ai fait moi-même mes relevés d'eau et d'électricité.

 

Et pour être certain qu'on ne me ferait pas une quittance pour seulement 1 kilowattheure, qui connaît ses saints les honore,  j'ai arrondi confortablement mes consommations

 

Puis la veille de mon départ, donc six jours avant la fin Mai, je suis allé m'acquitter de mes charges en sachant que je versais plus que je ne devais.

 

Mais le lendemain je m'envolais vers Paris l'âme sereine et plutôt satisfait d'avoir eu cette idée.

 

Car je me disais que non seulement je n'aurai aucune quittance coincée contre ma porte pendant quatre semaines, mais qu'en plus - mine de rien - j'avais aussi réglé mes charges du mois de Juin. Car je ne rentrais que le 27 Juin et j'avais forcé sur le relevé de mes consommations.

 

Donc, j'avais fait d'une pierre … deux coups !...

 

Mais comme je l'écrivais au début de cette chronique, la meilleure des idées peut se retourner contre son auteur.

 

Car la prévision à long terme n'a pas cours au Lanna. En ce royaume d'antan on vit au jour le jour, et il est toujours assez tôt pour savoir de quoi sera fait demain !...

 

 

Bref, quatre semaines s'écoulèrent. Et l'heure de pousser à nouveau la porte de mon havre tropical arriva.

 

Je n'étais pas encore sorti de l'ascenseur, qui m'avait monté jusqu'à mon étage, qu'un papier blanc coincé contre ma porte attira mon attention.

 

Ma première réaction fut de sourire et de me demander qui, hormis la déléguée du syndic, avait bien pu coincer contre ma porte cette feuille de papier que j'aurai préféré ne pas trouver ?!...


L'avantage d'une feuille qui n'est pas sous enveloppe c'est qu'elle se lit vite, et l'inconvénient c'est que tout le monde peut la lire !

 

Dans la situation présente, l'avantage prenant le pas sur l'inconvénient, j'ai donc déplié le papier pour en savoir un peu plus sur les raisons de sa présence contre ma porte.

 

Comme je suis naïf !... Sa seule présence aurait dû me suffire pour savoir qu'il s'agissait bien d'une quittance ; et d'une quittance pour le mois de … Mai.

 

Autrement dit, et malgré mon idée qui, hélas, était loin d'être aussi géniale que je l'avais crue, une quittance était restée pendant quatre semaines coincée contre ma porte !...

 

La somme qui m'était réclamée n'était pas bien grosse, alors, plutôt que de chercher à savoir à quoi elle pouvait correspondre, j'ai préféré sur le coup aller prendre une bonne douche afin de me relaxer des fatigues de mon voyage.

 

Mais le lendemain j'ai repris la facture en main. Et j'ai regardé d'un peu plus près à quoi pouvaient bien se rapporter les 54 bahts d'électricité et les 50 bahts d'eau, soit au total deux euros cinquante, qui m'étaient demandés.

 

Certes, la somme était dérisoire, mais au Lanna tous les autochtones sont persuadés que les Farangs sont riches et qu'ils peuvent tout payer et n'importe quoi.

 

Ainsi par exemple, sous prétexte que j'avais réuni deux logements pour n'en faire qu'un, je me suis vu d'office multiplier par deux ma consommation d'eau.

 

J'eus beau expliquer que je ne prenais pas deux fois plus de douche, et que je n'allais pas deux fois plus aux toilettes, cela ne servit à rien. J'avais doublé ma surface de vie alors je devais payer double consommation d'eau, point.


Comme j'appuyais mes revendications sur les chiffres donnés par le compteur d'eau, celui-ci fut remplacé illico presto, car il ne pouvait être que tombé en panne.

 

C'est la logique qui a cours au royaume du Lanna.

 

Or mon beau compteur tout neuf s'obstina à ne pas tourner plus vite que le précédent. Ce qui m'évita alors de payer le litre d'eau au prix du mètre cube, et je n'exagère pas.

 

Pour conclure au sujet de cette anecdote, j'ai calculé, pour le plaisir, que le prix d'achat de ce compteur, sans prendre en compte le coût de la main d'œuvre pour sa pose, ne serait couvert, compte tenu de ma consommation d'eau, que dans … neuf ans !...

 

C'est ainsi qu'au royaume du Lanna on fait des économies.

 

 

Donc, pour en revenir à ma quittance de Mai, j'étais allé au bureau du syndic. Et là, j'avais découvert une nouvelle petite employée, mignonne à croquer, mais plus accaparée par ses soins de beauté que par les touches de son très vieil ordinateur.

 

Et grâce aux femmes de ménage qui étaient alors à discuter avec elle et qui connaissent ma détermination à ne vouloir payer que ce que je consomme, elles échangèrent quelques paroles entre elles.

 

Dans les cinq minutes qui suivirent, et sans que la moindre explication me fût donnée, on me fit comprendre que je n'avais rien à payer.

 

A moitié satisfait, car j'aime bien connaître les tenants et les aboutissants d'un litige, j'étais remonté chez moi.

 

Hélas, tout était loin d'être terminé. Car trois jours plus tard la quittance de Juin tomba. Mais grâce à elle, j'allais comprendre le fin mot de ce qui s'était passé et, surtout, combien la nouvelle petite secrétaire était attentive à son travail !...


Cette fois-là, je n'avais plus que 24 bahts à régler, c'est-à-dire cinquante centimes d'euro !...

 

Alors contrairement à la fois précédente, avant de me précipiter auprès de ma belle et jolie déléguée du syndic, j'étais allé relever mes compteurs pour avoir sous la main mes consommations exactes et, surtout, faire la différence avec celles du mois de Mai.

 

Mais, comme mes relevés étaient une chose, et que ceux du syndic en étaient une autre, j'avais aussi demandé que me fussent remis les livres officiels de relevés d'eau et d'électricité.

 

Et là, en les parcourant, et sans jeu de mots, tout s'éclaira.

 

Ma belle et jolie secrétaire avait tout simplement soustrait de mes chiffres surévalués les siens, et sans s'apercevoir que c'était la copropriété qui me devait de l'argent, et non le contraire.

 

Car elle me demandait de payer ce qu'elle aurait dû comptabiliser en avoirs !....

 

Lorsque je tentai de lui expliquer son erreur, sûre d'elle et l'œil pétillant, elle me fit comprendre qu'elle ne pouvait pas s'être trompée, puisqu'elle n'avait fait que recopier les chiffres que lui avait donnés sa machine à calculer.

 

Alors, pour ne pas me mettre à dos la machine, en plus de la déléguée, je lui expliquai que sa calculatrice avait bien fonctionné, mais qu'elle lui avait donné un résultat négatif et non positif.

 

Comme la conversation prenait un tour mathématique de haut niveau, il lui fallut quelques minutes pour se plonger dans l'univers des plus et des moins !...

 

Et puis quand elle comprit, parce qu'elle n'est pas sotte, loin de se sentir fautive, ou d'être traumatisée, elle éclata de rires. Car son étourderie l'amusa beaucoup !...


Alors après un "Maï pen Raï" (*) retentissant elle s'employa au moyen d'un petit pinceau, non plus à enduire ses ongles de vernis rouge ou bleu, mais avec la même habileté à recouvrir ses chiffres d'un effaceur blanc.

 

Et ce fut alors que je me rendis compte que la page était toute pleine de ces tâches blanches !....

 

 

Fin juillet tout était rentré dans l'ordre. Et la petite déléguée du syndic, pas rancunière pour deux "bahts", m'aida même à remplir un formulaire concernant le changement du fournisseur de courant du condominium.

 

Et j'ai l'impression qu'elle n'a pas dû commettre trop d'étourderies puisqu'à aucun moment je n'ai manqué de courant.

 

Cependant, pour ne plus compliquer la rédaction de mes quittances, dorénavant je m'abstiendrai à avoir des idées soi-disant géniales, et je me suis d'ores et déjà résolu à accepter que mes quittances soient coincées contre ma porte !....

 

Comme je l'écrivais tout au début de cette chronique, les neurones d'un Farang ne fonctionnent pas selon les mêmes critères que ceux d'un "Khon Chiang-Maï" ou … d'une "Khon Chiang-Maï" !...

 

 

 

 (*)"Maï pen Raï" (ไมเปนไร) est une formule magique que les Thaïs prononcent à tour de bras, comme pour donner, ou se donner, l'absolution.

     Elle signifie tout et rien, mais pourrait se traduire par : ça ne fait rien, ce n'est pas bien grave, ça ne vaut pas la peine d'en faire une histoire.

Dans la vie, rien ne mérite qu'on se fasse un sang d'encre, tout du moins du côté de Chiang-Maï. Et parfois je me dis que ces "philosophes" à la petite semaine n'ont pas tout à fait tort.



07/11/2009
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