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LE LOTUS - NELUMBO NUCIFERA GAERTNER 1788

Nelumbo nucifera Gaertner 1788 ou LOTUS  

 

 

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           Le Nelumbo nucifera Gaertner 1788 ou LOTUS

 

Le ‘’Nelumbo nucifera Gaertner‘’ serait l’un des végétaux, pour ne pas écrire le végétal le plus ancien au monde, car il serait apparu sur terre, paraît-il, voici plus de quatre-vingts millions d’années. D’autres botanistes parlent de … seulement … cinquante millions d’années ?!...

Nous ne nous rangerons dans aucun de ces partis considérant que dans le cas présent quelques millions d’années n’ajoutent rien à l’affaire. 

 

Par ailleurs, plus proche de nous et moins contestable, ce serait la longévité de ses graines qui, par voie de conséquence aurait donné naissance à la fleur la plus ancienne au monde, le ‘’Lotus Ohga‘’.

 

Le 3 mars 1951, le professeur et botaniste japonais Ichiro Ohga (1883-1965) a extrait de la tourbe de la kamo (鴨), une rivière longue de 22 kilomètres s’écoulant dans la préfecture de Chiba, une presqu’il au Sud/Ouest de Tokyo, 3 fruits de Lotus, supposées avoir 2.000 ans d’âge.

 

En mai 1951, donc environ un mois plus tard, ce professeur a mis les graines dans une eau contenue dans un petit réservoir. Une seule germa, et fleurit le 18 juillet 1952. Sa descendance continue, aujourd’hui encore, à se reproduire. Les et la fleur issue(s) de cette graine porte le nom de : ‘’Lotus Ohga‘’ qui en japonais se dit ‘’Ohga hasu‘’ (大 賀 ハ ス).

 

Une autre source raconte que ce même professeur, courant 1917, aurait trouvé des fruits de lotus dans la tourbe du lit d’un ancien lac, à Pulantien au sud de la Mandchourie (Les armées Japonaises occupaient alors la Mandchourie), et que trois graines de ces fruits auraient été envoyées en 1950 (Pourquoi si tard ? ...) au phytopathologiste Horace Volney Wester (1908-1991) de l’université de Kenilworth du district de Washington. Le 30 juin 1952 une fleur de 16 pétales aurait éclos. Des études au carbone ont confirmé un âge entre 467 et 1580 ans de ces graines ?!...

 

En 1933, dans les jardins royaux de Kew, en Angleterre, des nelumbo nucifera ont fleuri. Quoi de plus normal direz-vous ?!... Si ce n’est que les graines à l’origine de cette floraison provenaient, elles aussi, du lac de Pulantien et avaient été trouvées dix ans plus tôt par le botaniste japonais Ichiro Ohga qui les avait alors envoyées à Kew ?!...

 

Pratiquement un demi-siècle plus tard, en 1990, le botaniste japonais Ichiro Ohga était alors décédé depuis 35 ans, une biologiste des Etats-Unis attachée à l’université de Californie de Los Angeles (UCLA) madame Jane Shen-Miller aurait trouvé dans le lit de ce même lac, le lac de Xipaozi près de la ville de Pulantien, aujourd’hui dans la province chinoise de Liaoning 7 graines auxquelles le radiocarbone avait donné 1.288 ans d’âge à plus ou moins 250 ans ; 4 d’entre elles ont germé.

 

Six ans plus tard, en 1995/96, cette même personne a reçu des paysans de Pulantien, une centaine de graines âgées entre 450 et 500 ans. 80 % d’entre elles auraient germé.

 

Madame Shen-Miller est une biologiste qui étudie les origines de la vie et non une botaniste qui s’intéresse aux plantes, alors peut-être est-ce la raison pour laquelle je n’ai rien trouvé concernant la floraison de ces plants ?! …. Ce qui ne veut pas dire que rien n’a été écrit à ce sujet.

 

William Frank Libby (1908-1980) spécialiste de la méthode de datation par le carbone 14, ce qui lui vaudra le prix Nobel de chimie en 1960, alors qu’il était encore à l’université de Chicago, (1945-1959) donna à ces graines 1.040 ans à plus ou moins 210 ans. En 1959 Libby deviendra professeur à l’université de Berkley en … Californie ?!...

 

En 1933, Paul Becquerel (1879-1955) professeur de botanique à l’université de Poitiers avait notifié la germination de quelques fruits après 56 ans de dormance.

 

Déjà en son temps, le botaniste anglais Robert Brown (1773-1858) rapportait que des graines de nelumbo nucifera conservées pendant 150 ans dans des bocaux gardaient leur pouvoir de germination. Un pouvoir que la plupart des graines de céréales ne conserve que 10 ou 20 ans au grand maximum.

 

Le blé trouvé dans les tombeaux égyptiens ne germerait – dit-on - que pour épater les touristes ?!...

 

Bref, la graine du nelumbo nucifera pulvérise tous les records en termes de longévité de dormance. Ce record de dormance exceptionnelle était alors détenu par de deux graines de ‘’Cassia multijuga Rich‘’, une légumineuse, qui après 158 ans de sommeil auraient germé courant 1934.

 

Quelle est la plante dont la graine ravira le record détenu par celle du nelumbo nucifera ?...   Personne ne peut le dire d’autant que c’est un record qui s’avère difficile à battre !...    

 

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Photo 1 : Le professeur et botaniste japonais Ichiro Ohga (1883-1965) et son lotus … ‘’Ohga hasu‘’.

Photo 2 : Le lotus ‘’Ohga hasu‘’ dont la première fleur est apparue le 18 juillet 1952 – Sa graine aurait eu 2.000 an d’âge.

Photo 3 :  Le professeur en biologie Madame Jane Shen-Miller et son époux Monsieur William Schopt de l’université de Californie de Los Angeles. (Photo de Mariana Cook parue dans la revue ‘’Faces of Science‘’.)

 

En remontant dans le temps :

 

Pendant très longtemps le nénuphar (*) et le lotus furent pris l’un pour l’autre à cause de leurs grandes ressemblances morphologiques. Il n’y a pas si longtemps encore les botanistes les classaient indifféremment dans l’ordre des ‘’Nymphaeales‘’ et dans la famille des ‘’Nymphaeaceae‘’, pour ensuite les différencier, et leur attribuer un genre propre, puis est arrivée la phylogénétique moléculaire.

 

(*) Nénuphar peut s’écrire aussi sous l’orthographe suivante : nénufar.

 

De ce fait les nénuphars ont été classés dans l’ordre des ‘’Nymphaeales‘’, et dans la famille des ‘’Nymphaeaceae‘’ ; puis selon le mode de classement des bureaux classificateurs, ils ont été différenciés au moyen de 3 et 8 genres ; et à partir de ces genres différentes espèces ont été déterminées.

Quant aux Lotus ou ‘’Nelumbo nucifera‘’ ils ont été classés dans l’ordre des ‘’Nymphaeales‘’, et dans la famille des ‘’Nelumbonacées‘’. (*) Je devrais écrire ‘’il a été classé dans la famille …‘’ car, contrairement aux nénuphars, il n’existe dans la famille des ‘’Nelumbonacées‘’ qu’un seul genre, le genre ‘’Nelumbo‘’ qui ne compte que deux espèces et quelques variétés.

 

(*) Avec l’arrivée de la phylogénétique moléculaire le lotus a été classé dans l’ordre des ‘’Protéales‘’ tout en restant dans la famille des ‘’Nelumbonacées‘’.

 

Voilà bien longtemps, les botanistes d’alors, s’appuyant sur les descriptions de leurs confrères, se sont aussi laissés abuser par les grandes ressemblances entre ce que nous appelons aujourd’hui en langue vulgaire, les nénufars et les lotus, voire plus puisqu’ils ont déterminé des lotus arbre. Ainsi, le botaniste Pline l’ancien (23-79 ? ...) pour ne prendre que cet exemple distinguait 3 types de ‘’Lotus‘’ : 1/ le lotus arbre, 2/ le lotus herbacée aquatique et en 3/ le lotus terrestre.

 

1/ Le ‘’Lotus arbor‘’ :

Sous ce titre il convient d’énumérer les différents noms qui s’y rapportent, à savoir :  arbre des Lotophages, Lotophagorum arbor, Lotos, Lotus, Lotus africain, Lotus paliurus (παλίουρος) et par erreur … ‘’Celtis‘’ (*).

Ces différentes espèces de ‘’Lotus arbor‘’ se partagent en trois catégories.

 

(*) Concernant le ‘’Celtis‘’, Pline avait repris la description qu’en avait fait son confrère le botaniste grec Théophraste (371 av. JC- 287 av. JC). Cette description datait de trois siècles, et se rapportait à un ‘’Celtis australis (L)‘’ et non à un type de ‘’Lotus arbor‘’.

 

Les 3 catégories de ‘’Lotus arbor‘’ :

 

A/ Le ‘’Rhamnus lotus (L)‘’ : Ce nom concerne un arbre que les hébreux nomment dans l’ancien testament ‘’Dudaïm‘’ (הדודאים). Mais personne, autrefois comme aujourd’hui, n’a pu et ne peut dire de quel arbuste il s’agit.

Nombre de botanistes ont cherché à le découvrir en s’attachant à la description de son fruit. Ainsi, le Révérend Père dom Augustin Calmet (1672-1757) un illustre bénédictin, pensait qu’il pouvait s’agir du citron et non de la ‘’Bella-mandragore‘’ comme le suggéraient nombre de ses confrères, prédécesseurs comme successeurs. Quelques années plus tard, Julien Joseph Virey (1775-1846) optait pour des tubercules d’orchis ; puis François Victor Merat de Vaumartoise (1780-1851) et Adrien Jacques de Lens (1786-1846) auteurs d’un dictionnaire médical donnèrent la banane comme étant le fruit du ‘’Dudaïm‘’. Mais comme l’écrit André Foucaud, professeur de botanique à la faculté de Nantes, ‘’Il est difficile de prendre parti de manière certaine, d’autant plus qu’il n’est pas impossible, qu’il s’agisse tout simplement, comme le note Deusing (*) du petit melon odorant de Perse baptisé ‘’Cucumis dudaim‘’ par Linné‘’.

 

(*) Il s’agit d’Antoine ou d’Anton Deusing (1612-1666) un allemand devenu professeur de médecine en 1642, et auteur de nombreux ouvrages dont, ‘’De mandragoræ pomis‘’.

 

B/ Le ‘’Zizyphus lotus (Wild.)‘’ ex ziziphus  lotus (L) Lam. (*) :

Cette désignation se rapporte plus particulièrement au ‘’Lotophagorum arbor‘’ décrit par Pline et dont le fruit, le loto n’est autre que le Jujube, du jujube Lotus. C’est le botaniste français René Louiche Desfontaines (1750-1833) qui en 1790 a mis en évidence cette concordance. De ce fait, pour ne plus confondre ce petit arbre avec celui portant le nom de ‘’rhamnus lotus‘’, il créa le genre ‘’Ziziphus‘’, auquel il rajouta l’espèce ‘’lotus‘’ et qui avec le temps se transformera en ‘’Ziziphus jujuba‘’. Par la suite le genre Ziziphus s’étoffera de nouvelles espèces comme ‘’sativa Gaertn.‘’ et ‘’vulgaris Lam.‘’.

 

(*) Zizyphus vient du grec zizyphon (ζίζυφον) un mot qui sert à désigner un type de fruit, le jujube ou la datte. Alors pour différencier les différentes espèces de dattes, de nouveaux noms binominaux seront créés. Par exemple la datte chinoise (枣子-Zaozi) sera désignée par le nom de : ‘’Ziziphus jujuba Miller‘’.

 

C/ Le ‘’Diospyros lotus‘’ que Pline désigne sous le nom de ‘’Faba græca‘’.

Cet arbre est aussi connu sous le nom de ‘’plaqueminier lotier ‘’ ou ‘’prunier dattier‘’. C’est un arbre dont la hauteur varie entre 15 et 30 mètres.

 

 

2/ le ‘’Lotus herbacée aquatique‘’ ou le ‘’Lotus des marais‘’ ou encore le ‘’Lotus d’Egypte‘’, voire la fève d’Egypte‘’, pour ne citer que ces noms. Théophraste (*) fait naître cette plante dans les eaux du Nil. Hérodote (-480/-425), un historien et géographe grec, lui donne le nom de ‘’Lys rosé‘’ et compare son fruit à du miel en rayon. Plus près de nous le botaniste français Paul Amedée Ludovic Savatier (1830-1891) qualifiera l’un de ces lotus de ‘’Nymphæe cærulea‘’ (Sav.) ; ce qui se traduit par lotus bleu, nénuphar bleu, lys bleu sacré et lotus égyptien.

 

Certaines de ces plantes aquatiques étaient désignées par les arabes au moyen de la phonétique de ‘’Linoufar‘’, ‘’niloufar‘’, ‘’ninoufar‘’ ou encore ‘’noufar‘’. Ces diverses prononciations finiront par donner le mot français … ‘’nénufar‘’ ou ‘’nénuphar ‘’ ! ...

 

Les arabes et les Perses avaient eux-mêmes corrompu un mot Indien dont l’étymologie se rapportait à l’eau (Nila) et au fruit en général (Phala). Le fruit du Lotus se définissait donc au moyen du terme ‘’fruit d’eau‘’ (Nilaphala) qui fut corrompu en ‘’Nilufer‘’ et en …. Niloufar etc… etc… La suite vous est connue.

 

(*) Théophraste fait mention et décrit cinq types de Lotus : 2 types aquatiques et 3 types arborescents.

 

3/ le ‘’lotus terrestre‘’ ou le lotus herbacé. Le poète grec Homère (VIIIe siècle avant JC) fait mention dans plusieurs chapitres de son œuvre d’un … ‘’lotos qui couvrait les campagnes‘’ ... Linné donnera à ces … ‘’lotos‘’ les noms binominaux de ‘’Arum colocasia‘’ (L) et de ‘’Mélilotus officinalis‘’ (L.). Ce dernier nom signifie littéralement ‘’lotus à miel‘’, ce qui correspond vraisemblablement au ‘’Lotus trifolié‘’ du pharmacologue grec Dioscoride (40 ? -90) et, tout à la fois au Méliot jaune, Luzerne bâtarde, herbe aux puces, ou encore Méliot officinal des Français. Au fil des ans le genre ‘’Mélilotus‘’ se verra associé à une vingtaine d’espèces.

 

 

C’est le ‘’Nelumbo nucifera Gaertner 1788‘’ que Pline aurait classé dans la catégorie des ‘’Lotus herbacées aquatiques‘’ qui va donc être analysé dans les chapitres suivants.

 

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Photo 1 : L’un des Lotus arbor de Pline : Le ‘’dudaïm‘’ Cette illustration se rapporte à l’épisode de l’ancien testament (Genèse, XXX, 14-15) ou Ruben offre des fruits du ‘’dudaïm‘’ à sa mère Leah. Ce ‘’dudaïm‘’, sorti de l’imaginaire des artistes fait penser à un bananier ?!...

Il s’agit d’une gravure de 19,5 X 32 cm. réalisée par les artistes hollandais Wilhelm et Jan Goeree (1670-1731). Elle fut publiée en 1729 par Pierre Vander Aa., et a été extraite du 1er tome, qui en comporte 66, d’une collection intitulée ‘’La galerie agréable du monde‘’. Elle est référencée dans cette collection : vue 63 – Pl 19f (Gallica – BNF).

Photo 2 : L’un des Lotus herbacée aquatique de Pline : Le ‘’Nymphaea Caerulea Savigny‘’. Cette œuvre de l’artiste Belge François Stroobant (1819-1916) d’un ‘’Mymphaea nouchali Burm. f (Ex ‘’Nymphaea Caerulea Savigny) est extraite de la revue ‘’Flore des serres et des jardins de l’Europe‘’ (1851/52) – Volume 7 – planche 653, éditée par l’horticulteur Belge Louis van Houtte (1810-1876).

Photo 3 : L’un des Lotus terrestre de Pline : Le ‘Mélilotus officinalis (L) Lam.‘’ Cette illustration d’un ‘’Mélilotus officinalis (L) Lam.1779‘’ est parue en 1885 dans l’ouvrage intitulé : ‘’Flora von Deutschland, Österreich und der Schweiz‘’ (Flore de l’Allemagne, de l’Autriche et de la Suisse.) du botaniste l’Allemand Otto Wilhelm Thomé (1840-1925) qui en est tout à la fois l’auteur et l’illustrateur.

 

Le ‘’Nelumbo nucifera Gaertner 1788‘’ ou ‘’Lotus‘’

 

Quelques noms vernaculaires du Nelumbo nucifera ou LOTUS

 

Plus de 800 noms de par le monde servent à désigner le Nelumbo nucifera ou Lotus, dont plus de 200 en sanskrit. Néanmoins il y a entre autres :

 

Indischer lotus, Indischer Lotusblume (Allemagne) – Al-ful, al-msari, Nilufer, Uss-ul-nilufer (Arabe) - East Indian lotus, Lotus, Lotusroot, Oriental lotus, Sacred lotus (Angleterre) - Padung ma (Birmanie) - Flor-de-lotus, Lótus, Lótus-da-india, Lótus-do-Egito, Lótus-egipcio, Lótus-indico, Lótus-sagrado (Brésil & Portugal)  Chhuk (Cambodge)  Yon puri, Yeonkkot  (Corée)  Fu qu, Fu rong, He hua, Lian, Lian hua, Lien ou (Chine) – Loto sagrado, Raiz de lotus, Rosa del Nilo (Espagne) - Fève d’Egypte, Lotus des Indes, Lotus du Nil, Lotus indien, Lotus Magnolia, Lotus sacré, Lotus sacré de l’Inde (France) Kombol, Komal, Pudmapudu, Padama (Bengale), Kamal, Kanwal, Padma, Pundarika (Hindi), Tamara (Malayalam) Ambuj, Kamala, Kanval, Padma, Pankaj, Pankaja, Pankeruha, Sarsija, Sharada, Svetakamala (Sanskrit) (*) Tamarai, Sivapputamarai (Tamoul) Kalung, Tamara (Telugu) (Inde) – Fior di Loto, Loto (Italie) Nilufer (Iran) - Hasu, Hasu no mi, Renkon (Japon) - Bwà (Laos) – Bunga telpok, Seroja, Teratai (Malaisie) – Kamal, Raato kamal, Raato thuulo kamal (Népal) – Nilufer (Pakistan & Perse) – Nelum (Sri Lanka) - Bua luang (บ้วหลวง) (Thailande) – Pa dma dkar po, Pa dma dmar po, U-Tpa-La (Tibet) – Hoa sen, Sen, Lien (Vietnam)

 

(*) Il y a en sanskrit plus de deux mots pour désigner le lotus. En général la tradition védique ou Brahmanique donne 108 épithètes pour qualifier un seul et même dieu.

 

 

Basionyme : (*) Nymphaea nelumbo Linnaeus 1753

 

(*) Le terme de Basionyme désigne le premier nom scientifique qui a été donné à l’individu concerné.

 

Comme nous l’avons vu, le Nelumbo nucifera a été décrit, sous des noms différents, depuis la plus haute antiquité. Mais c’est le savant botaniste Français, Charles de L’écluse (1593-1609) (*) un Européen avant l’heure qui a décrit le premier et avec précision le fruit du Lotus en 1602, dans son ‘’Exoticorum libri decem‘’ édité en 1605.

 

(*) Charles de l’Ecluse (1525-1609), né à Arras, a occupé la chaire de botanique de Leyde de 1593 jusqu’à sa mort. De par sa position il a pu décrire de nombreuses espèces botaniques exotiques grâce aux spécimens que lui rapportait des marins de leurs différents voyages. C’est lui qui a introduit la tulipe aux pays bas.

 

Quelques-uns des tout premiers noms du ‘’Nelumbo nucifera‘’ ou ‘’Lotus‘’ :

 

Faba AEgyptia Discoridis – de L’Ecluse 1602 (01)

Charles de l’Ecluse (1526-1609)

Faba AEgyptia Bellonio – Bauhin 1623 (02)

Gaspard Bauhin (1560-1624)

Tamara –Reede 1692 (03)

Hendrik van Reede tot Drakestein (1636-1691)

Nympheae Indica major Taratti – (04)

Rumphius Georg Eberhard (1627-1702)

 

Références des ouvrages mentionnés ci-dessus

(01) Exoticorum libri decem. - Page 32 (1605)

(02) Pinax theatri botanici. - Liv V – sect.VI – page 196 (1623)

(03) Hortus Indicus malabaricus. – Vol. XI – fig 30 & 31 (1678-1679) (1692)

(04) Herbarium amboinense – Pars sexa – p.168 pl. 73 (1750)

 

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Photo 1 : L’une des toutes premières représentations du fruit d’un nelumbo alors appelé par Charles de l’Ecluse ‘’ Faba AEgyptia Discoridis‘’. L’image de ce fruit ou ‘’Perigrin fructus valdès elegans‘’ – a été extraite de son œuvre ‘’Exoticorum libri decem‘’ - Page 32 parue en 1605

Photo 2 : le ‘’Tamara – Reede‘’. Planche n° 30 extraite du volume XI de l’œuvre de Hendrik van Reede tot Drakestein (1636-1691) intitulée ‘’Hortus Indicus malabaricus ‘’ parue en 1692.

Photo 3 : La Nympheae Indica major Taratti de  Rumphius Georg Eberhard (1627-1702). Cette planche n°73 est extraite de son ouvrage intitulé ’’Herbarium amboinense‘’ – (Pars sexa) paru en 1750.

 

 

Apparition du nom ‘’Nelumbo‘’ dans les ouvrages de botanique :

 

Nymphaea glandifera Indiae Plukenet 1696 (1)

Plukenet (Leonard) (1641-1706)

Nymphaea Indica - Faba AEgyptia Hermann 1698 (2)

Paul Hermann Paul (1646-1695)

Nelumbo Tournefort (1719) (3)

Tournefort Joseph Pitton (1656-1708)

Nymphaea nelumbo Linnaeus 1753 (04)

Carl Linnaeus ou Carl von Linné (1707-1778)

Nelumbo Adanson (1763) (05)

Adanson Michel (1727-1806)

Nelumbo nucifera Gaertner - 1788 (06)

Josephus Gärtner ou Gaertner (1732-1791)

Nelumbium javanicum Poir. (1788) (07)

Jean Louis Marie Poiret (1755-1834)

Nelumbium (Nymphaea L.) Nelumbo Jussieu (1791) (08)

Antoine Laurent de Jussieu (1748-1836)

Nelumbium reniforme Willd. (1799) (09)

Carl Ludwing Willdenow (1765-1812)

 

Références des ouvrages mentionnés ci-dessus

(01) Almagestum botanicum p. 267 (1696)

(02) Paradisus batavus p.205 (1698)

(03) Institutiones rei herbariae. Editio tertia [...] Tomus primus p. 261 (1719)

(04) Species plantarum Pl 511 (1753)

(05) Familles des plantes Tome 2 – p.582 (1763)

(06) De Fructibus et Seminibus Plantarum Vol. 1 - p. 73, Tabl. 19 fig. 2. (1788)

(07) Encyclopédie Méthodique. Botanique de Lamarck – Tome 4 – p. 454 (1788)

(08) Genera Plantarum‘’ p. 76 (1791)

(09) Species plantarum 4è Edit. Tome 2, Pars 2 – p. 1260 (1799)

 

 

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Photo 1 : Un Nymphaea Indica ou Faba Ægyptia de l’allemand Paul Hermann, illustrant son livre intitulé‘’ Paradisus batavus‘’ paru en 1698.

Photo 2 : Un Nelumbo Adans. Une illustration extraite du livre ‘’De fructibus et seminibus Plantarum ‘’ Vol. 1 p. 73 de Joseph Gaertner.

Photo 3 : Un Nelumbo lutea ou lotus d’Amérique (Dionaea muscipula). Il était alors appelé Nymphea à feuille ronde, Colocasia ainsi que ‘’piège à mouche de Vénus‘’. Cette encre noire de 39,8 x 30 centimètres est l’œuvre de William Bartram (1739-1823) un botaniste des Etats-Unis, originaire de Pennsylvanie qui la réalisa en 1767 pour l’anglais Peter Collinson (1694-1768). Cette illustration appartient aujourd’hui au fond des archives du Musée d’Histoire Naturel de Londres.

 

 

Les différents noms de baptême du ‘’Nelumbo nucifera Gaertn‘’.

          (Tous ne sont pas des synonymes reconnus)

 

Nelumbo indica Poiret, (1797) (01)

Jean Louis Marie Poiret (1755-1834)

Nelumbium speciosum Willdenow – 1799 (02)

Nelumbium reniforme Willd. (1799) (en double)

Carl Ludwing Willdenow (1765-1812)

Cyamus nelumbo (Linnaeus) Smith 1804 (03)

James Edward Smith (1759-1829)

Cyamus mysticus Salisbury - 1806 (04)

Richard Antony Salisbury (1761-1829)

Nelumbo indica Pers. – 1811 (05)

Christiaan Hendrik Persoon (1761-1836)

Nelumbo asiatica Richard - 1811 (06)

Louis Claude Richard (1754-1821)

Nelumbium speciosum var. caspicum Fisch. ex DC. (1821) (07)

Friedrich Ernst Ludwig von Fischer (1782-1854)

Nelumbium speciosum var. tamara DC. (1821) (08)

Augustin Pyramus De Candolle (1778-1841)

Nelumbium album Bercht. & J.Presl – (1823) (09)

Friedrich von Berchtold (1781-1876) et Jan Svatopluk Presl (1791-1849)

Nelumbium tamara (DC.) Sweet (1826) (10)

Robert Sweet (1783-1835)

Nelumbiaceae Presl. (1835) (11)

Nelumbium transversum Presl. (1835)

Nelumbium rheedei C.Presl (1835)

Nelumbium venosum C.Presl (1835)

Carl Borivoj Presl (Karel Bořivoj Presl) (1794-1852)

Nelumbium turbinatum Blanco (1837) (12)

Francisco Manuel Blanco (1778-1845)

Tamara alba Roxb. ex Steud. – 1841 (13)

Tamara rubra Roxb. ex Steud.

William Roxburgh (1751-1815)

Nelumbium marginatum Steud. (1841) (14)

Ernst Gottlieb von Steudel (1783-1856)

Tamara hemisphaerica Buch.Ham. ex Pritz. (1855) (15)

Georg August Pritzel (1815-1874)

Nelumbo (Linnaeus) Karst. 1882 (16)

Gustav Karl Wilhelm Hermann Karsten (1817-1908)

Nelumbium speciosum var. alba Bailey (1885) (17)

Frederick Manson Bailey (1827-1915)

Nelumbo speciosa (Willd.) 1888-1889 (18)

George Lawson (1827-1895)

Nelumbo nucifera var. speciosa (Willd.) Kuntze – 1891 (19)

Otto Kuntze (1843-1907)

Nelumbium lotus Ridl - N H Ridley 1902 (20)

Henry Nicholas Ridley (1855-1956)

Nelumbium nelumbo (L.) Druce (1913) (21)

George Claridge Druce (1850-1932)

Nelumbo caspica (Fisch. ex DC.) Eichw. (1930) (22)

Karl Eduard von Eichvalds (1795-1876)

Nelumbo caspica (Fisch. ex DC.) Schipcz. (1930) (23)

Nikolai Schipczinsky (1886-1955)

Nelumbo komarovii grossh. (1940) (24)

Alexander Alfonsovich Grossheim (1888-1948)

Nelumbo nucifera var. macrorhizomata Nakai (1952) (25)

Takenosin Nakai (1882-1952) ou Takenoshin Nakaï (*)

 

(*) Ce botaniste japonais publiait le résultat de ses recherches dans un Magazine de botanique propre à son pays, rédigé en anglais et en japonais, et créé en 1887. Il n’a donc pas été l’auteur d’un ouvrage particulier.

En plus de ses recherches Takenosin Nakai a redécrit un certain nombre de plantes coréennes dans le but de permettre à ces derniers de reconstituer leurs herbiers que la guerre avait entièrement détruit. Par mesure de sécurité les Coréens, bien avant la guerre, avaient confié un double de leurs herbiers à Tokyo ?!...

 

Nota bene : La liste de ces noms est loin d’être exhaustive.

Les synonymes reconnus sont signalés par le symbole suivant :

 

Références des ouvrages mentionnés ci-dessus

(01) Encyclopédie Méthodique. Botanique de Lamarck Tome 4 p. 453 (1797)

(02) Species plantarum 4è edit. Tome 2, part II p.1258/1260 – (1799)

(03) Exotic Botany – Tome 1 p.59 à 62 (1804)

(04) Annals of Botany Edit. König & Sims. Vol. II - p.75 - 1806

(05) Synopsis Plantarum – seu enchiridium botanicum Pars 2 p.92 1811.

(06) Annales du Muséum National d'Histoire Naturelle Vol. 17 – p. 249 (1811)

(07) Regni vegetabilis systema naturale (Candolle) Volume 2, page 45 (1821)

(08) Regni vegetabilis systema naturale Volume 2 – page 45 (1821)

(09) O Prirozenosti Rostlin aneb Rostlinar – volume 1 planches: 1,2,3,9 (1823)

(10) Sweet’s Hortus Britannicus : Part I, page 14 (1826)

(11) Reliquiae Haenkeanae seu Descriptiones et icones plantarum (1835)

       (America & philippinis) - Volume 2 page 83

(12) Flora de Filipinas -page 458 (1837)

(13) Nomenclature Botanicus de Steudel 2è edit. pars 2 – p. 661 (1841)

(14) Nomenclature Botanicus de Steudel 2è edit. pars 2 lit.L-Z – page 188 – (1841)

(15) Iconum botanicarum index locupletissimus (Pritzel) (1855)

       (Volume 2 :  planche 1087 - page 545).

(16) Deutsche Flora – page 553 (1882)

(17) Catalogue of plants in the Brisbane Botanic Garden and Bowen Park - Page 5

(18) Transactions Royal Society Canada - Volume VI, page 121 (1888)

(19) Revisio Generum Plantarum Pars 1, page 12. 1891

(20) Agricultural Bulletin of the Straits & Federated Malay States. (1902)

       (volume 1: page 372)

(21) Report / Botanical and Exchange Club of the British Isles. (1913)

        (Volume 3, part 5, page 421)

(23) Trudy Glavnago Botanicheskago Sada Volume 43, page 314. (1930)

        Acta Horti Petropolitani Volume 63, page 314, f.325

(24) Botanicheskie Materialy Gerbariya Botanicheskogo Instituta Imeni (1940)

       V. L. Komarova Akademii Nauk S S S R. Leningrad. Volume 8, page 135

(25) The Botanical Magazine (Tokyo) publié par The Tōkyō Botanical société.

       - Notulae and plantas Japoniae at Koreae (*)

       - Plantae Japonicae & Koreanae (*)

 

(*) C’était sous ces rubriques qu’écrivait Takenosin Nakai dans The Botanical. Je n’ai pas retrouvé l’article concernant le Nelumbo nucifera variété macrorhizomata qui doit être cultivé en tant que légume si on analyse le nom de cette variété : ‘’macro‘’ et ‘’rhizomata‘’ une déclinaison de rhizome. Il doit donc s’agir d’un lotus à gros rhizome.

 

 

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Photo 1 : Une illustration extraite de ‘’De Fructibus et Seminibus Plantarum‘’ (Vol. 1 - p. 73, Tabl. 19), un livre paru en 1788 et signé Josephus Gärtner ou Gaertner (1732-1791). C’est à partir de la parution de ce livre que la plupart des botanistes vont adopter le nom de ‘’Nelumbo nucifera‘’ auquel viendra s’adjoindre l’abréviation de Joseph Gärtner, le botaniste ayant nommé pour la première fois le ‘’Lotus sacré‘’. 

Photo 2 : Un Nymphaea nelumbo ou sacred Egyptian Bean une œuvre de l’artiste anglais Peter Charles Henderson (1791-1829) gravée par l’irlandais Thomas Burke (1749-1815) et l’anglais Frederick Christian Lewis (1779-1856). Cette illustration (planche LXVII) est extraite de la 3è partie (The temple of flora) de la ‘’Nouvelle illustration du système sexuel de Linnaeus‘’ de Robert John Thornton (1768-1837) publiée en décembre 1804 ; puis en 1812 dans ‘’The British Flora‘’. Elle est consultable sur : biodiversitylibrary.org page 307094

Photo 3 : Un Nelombo – Nelumbium spéciosum Will. Cette illustration (La 18è des 320 planches) est extraite d’un ‘’Atlas des plantes de jardins et d’appartements – exotiques et européennes‘’, paru en 1896. L’auteur en est Désiré Georges Jean Marie Bois (1856-1946) du musée d’Histoire naturelle de Paris. (Gallica BNF)

 

 

L’ancêtre et la parenté très éloignée du Nelumbo nucifera ou Lotus :

 

Pour identifier de façon pérenne les individus du monde vivant, les chercheurs toutes disciplines confondues, ont mis en place des systèmes de classifications. Comme leurs confrères, les botanistes ont créé, au fur et à mesure des siècles un code de nomenclature botanique, qui avec le temps est devenu un code international se basant, pour la botanique, sur le nom binominal, issu d’une méthode créée par le botaniste Suédois Linné (1707-1778).

 

Les principales strates botaniques de ce ‘’classement‘’ dit classique sont : le règne, l’embranchement, la classe, l’ordre, la famille, le genre et l’espèce.  

 

Le règne : Les règnes sont au nombre de 7, il y a les Archées, les Bactéries, les Protistes, les Mycètes ou Fungi (champignons), les Monères, les végétaux et les animaux. Le nelumbo nucifera appartient au règne des végétaux. (Attention, le nombre de règnes varie selon les classifications et les recherches en cours)

 

L’embranchement ou phylum : ce terme fut introduit en Zoologie par le français Georges Cuvier (1769-1832) et repris par les botanistes d’alors. Il s’agit d’un classement qui prend en compte le développement du cotylédon des plantes, c’est-à-dire ce qui donnera naissance à ses premières feuilles.

C’est donc l’évolution de ces cotylédons, ou feuilles embryonnaires contenues dans les graines qui a conduit à trois types d’embranchements : 1/ les acotylédones, qui ne développent pas de feuille primordiale, 2/ Les monocotylédones, qui ne donnent naissance qu’à une seule feuille primordiale, 3/ les dicotylédones, qui produisent deux feuilles primordiales opposées.

Le nelumbo nucifera appartient à l’embranchement des dicotylédones,(*) un embranchement qui compte plus de deux cent mille espèces. Mais compte tenu des résultats que donnent les recherches d’aujourd’hui, de nouvelles strates de classifications ont été créées, de ce fait, la strate des embranchements devient de plus en plus obsolète.

 

(*) Aujourd’hui, la grande majorité des plantes appartenant à l’embranchement des dicotylédones constitue un groupe monophylétique ou clade qui porte le nom de ‘’eudicots‘’ ou ‘’tricolpates‘’. Ces dénominations se rapportent aux résultats que donnent l’étude de la structure de leur pollen.

Ce groupe comptent plus de 195.000 espèces réparties en 302 familles et 38 ordres. Ce sont des plantes dicotylédones, à fleurs, dont le grain de pollen est pourvu de 3 apertures (ouvertures).

Le clade est comme une lignée qui à partir d’un ancêtre commun regroupe tous les descendants.

Pour être plus précis, le nelumbo est en fait intermédiaire entre les monocotylédones et les dicotylédones car il développe d’abord une feuille et ensuite une deuxième, et non deux feuilles simultanément et opposées.  

 

La classe : Les classes servent à regrouper des individus qui ont un certain nombre de points en commun. Il y aurait plus de 250 classes. Là encore leur nombre varie selon des critères qui eux aussi sont en perpétuel changement, ne serait-ce qu’avec la génétique.

 

Le nelumbo nucifera appartient à la classe des Magnoliopsida, dite aussi : dicotyledoneae. Cette classe, la 43è chronologiquement, fut d’abord appelée la classe des Magnolinées (Magnolineae) par son créateur le botaniste français Adolphe-Théodore Brongniart (1801-1876). Elle figure en page 95 de son ouvrage intitulé : ‘’Énumération des Genres de Plantes Cultivés au Muséum d'Histoire Naturelle de Paris‘’, qui a été publié le 12 août 1843. A noter que dans ce livre il n’y a que 68 classes et 296 familles. Depuis 1843 de nombreuses ‘’familles‘’ ont vu le jour.

 

L’ordre : Au sein des classes il y a des ordres dont l’objet est de regrouper des familles relativement proches l’une de l’autre mais dont les critères définissant chaque famille sont suffisamment caractéristiques pour que ces familles ne soient pas confondues entre elles.

 

Ainsi dans la subclasse (une subdivision de la classe) des Magnolidas ou Magnoliidae, il y a deux ordres : l’ordre des Magnoliales et l’ordre des Nymphaeales. (1) Le nelumbo nucifera appartient à l’ordre des Nymphaeales, (2) c’est-à-dire à l’ordre dont les principales familles se rapportent aux nénuphars.

Nota bene : Les noms d’ordre se terminent par : ales

 

 

(1) Le nom de ‘’Nymphaeales‘’ a été créé à partir du mot ‘’Nymphæariaæ‘’ que le Belge Barthélémy Charles Joseph Dumortier (1797-1878) a couché dans son ouvrage ‘’Analyse des familles des plantes‘’ page 53, paru en 1829 pour nommer l’ordre dont il est question : l’ordre des Nymphæales qui comptait alors quatre familles dont celle des ‘’Nelumboneae‘’ créée deux ans plutôt par le botaniste français Achille Richard (1794-1852).

Avant Dumortier, en 1805, le botaniste anglais Richard Anthony Salisbury (1761-1869) avait créé la famille des ‘’Nymphæeæ‘’. (Annals of Botany Edit. König & Sims. Vol. II – page 70).

(2) Courant 1997, le botaniste Arméno-soviétique Armen Leonovich Takhtajan (1910-2009) créa l’ordre des … Nelumbonales ou nelumbonacées (nelumbonaceae). Le nelumbo nucifera quittait alors l’ordre des ‘’Nymphaeales‘’, pour le sien propre. Achille Richard déjà, en 1827 avait créé la famille des ‘’Nelumboneae‘’. (Voir plus haut)

Takhtajian ou Takhtajan, depuis les années 1950 publiait son propre système de classification qu’il améliorait au fils des ans. Son système était assez proche de celui d’Arthur Cronquist (1919-1992).

 

La famille : La famille a pour fonction de rassembler des individus, ou plus exactement des espèces, autour ou à la suite d’un genre. Ces genres et leurs espèces sont alors rattachés à un ordre ; des ordres, qui tout en étant différents les uns des autres ont néanmoins en communs certaines caractéristiques, comme nous venons de le voir.

Ainsi au sein de l’ordre des Nymphaeales le critère commun des cinq (1) ou trois (2) familles, selon le type de classification que j’ai choisi, est le fait, par exemple, de vivre dans un milieu aquatique ; un autre critère, toujours par exemple, est le fait de produire des fleurs. Il existe encore d’autres critères communs.

Nota bene : Les noms de famille se terminent par : acées (aceae)

 

(1) Ces cinq familles selon la classification de Cronquist (1981) étaient les Barclayacées (Barclayaceae), les Cabombacées (Cabombaceae), les Cératophyllacées (Cératophyllaceae), les Nélumbonacées (Nelumbonaceae) (*) et les Nymphéacées (Nymphaeaceae).

(*) (Le lotus quittait alors la famille des Nymphéacées pour avoir la sienne propre).

(2) Les trois familles selon la classification phylogénétique APG III (2009) étaient : les Cabombacées (Cabombaceae), les Hydatellacées (Hydatellaceae) et les Nymphéacées (Nymphaeaceae). (*)

(*) La famille du lotus était toujours intégrée aux Nymphéacées.

 

 

Le genre : La famille des Nelumbonaceae ne comprend qu’un seul et unique genre. Il s’agit du genre nelumbo dont le nom revient au Botaniste français d’origine Ecossaise Michel Adanson (1727-1806). (*)

 

Nota bene : Les noms de genre honorent souvent un botaniste dont le nom est latinisé, ou se réfère à un nom vernaculaire en usage, ce qui est le cas du nelumbo comme nous le verrons.

 

(*) Le Nelumbo était l’un des 1615 genres que se partageaient les 58 familles décrites par Michel Adanson dans son ouvrage intitulé ‘’Famille des Plantes‘’ édité en 1763. Le nelumbo, 7è genre sur 13 (page 9 de la deuxième partie) était rattaché à la 11è famille, celle des ‘’Aristoloches‘’ (pages 71 à 76 de la deuxième partie). Le Nelumbo était précédé par le genre Nymphæa.

Dans cet ouvrage, Michel Adanson présentait tout à la fois une nouvelle classification et une nouvelle nomenclature.

 

 

L’espèce :  L’espèce a pour objet de différencier entre eux les individus d’un même genre. Le nelumbo, cette fois encore se distingue parce qu’il compte seulement … deux espèces.

1/ L’espèce nucifera qui concerne les individus, ou nélumbo d’Afrique, d’Orient, d’extrême Orient mais aussi, certes plus rares, d’Europe.

2/ L’espèce lutéa ou pentapetala qui concerne les individus, ou nélumbo d’Amérique centrale.

 

La variété : La variété a pour objet de différencier entre eux les individus d’une même espèce. Le nelumbo nucifera, cette fois encore se distingue parce qu’il compte plus de huit cents variété … chinoises, dont six cents sont officiellement reconnues.

Ces variétés sont cultivées pour leurs fleurs, leurs graines, leurs parfums et en tant que légumes.  

 

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Photo 1 : Le Nelumbo de la Jamaïque, (Nelumbo du continent d’Amérique centrale ou Nelumbo lutéa.), une illustration de Jean Théodore Descourtilz (179?-1855) le fils de Michel Etienne Descourtilz auteur de : ‘’Flore pittoresque et médicale des Antilles, ou, Traité des plantes usuelles des colonies Françaises, Anglaises, Espagnoles et Portugaises‘’, d’où est extraite cette gravure. Cet ouvrage, le 8è et dernier tome d’une série (1821-1829), est paru en 1829. (Tome 8 – planche 599).

Photo 2 : Le Nelumbo caspica (Fisch. ex DC.) Schipcz., une illustration de Sarah Anne Drake dite Miss Drake (1803-1857) extraite du magazine horticole ‘’Edwards’s Botanical Register‘’ Volume 30 t.44 de 1844. Ce magazine a été édité par le botaniste anglais John Lindley (1799-1865) de 1829 à 1847.

Photo 3 : Le Nelumbium Spéciosum -Willd – Blanco – DC. (Nelumbo d’Extrême Orient – Philippines ou Nelumbo nucifera) une illustration extraite de ‘’Flora de Filipinas - Gran edicion - Atlas I (1880-1883) un ouvrage du botaniste espagnole Francisco Manuel Blanco (1778-1845) paru en 1875 (1er volume – page 158).

 

 

Au cours du XVIIIe siècle, le suédois Carl von Linnaeus (1707-1778) et nombre de ses pairs pensaient que dieu avait légué aux hommes un monde … fini, c’est-à-dire un monde où tous les individus se reproduisaient à l’identique ; de ce fait ces individus étaient alors classés d’après des caractères morphologiques visibles, certes de plus en plus affinés au fils des ans, mais soi-disant immuables.

 

Puis au milieu du XIXe siècle, au royaume uni, un certain Charles Robert Darwin (1809-1882) avec sa publication ‘’Sur l’origine des espèces‘’ (22 novembre 1859), soutien que les êtres vivants évoluent au cours du temps. Autrement écrit, pour être de son temps, la classification du vivant devait prendre en considération l’évolution des espèces et non des caractères morphologiques soi-disant immuables.

 

Ensuite, courant 1950, c’est le biologiste allemand, Emil Hans Willi Hennig (1913-1976) qui va révolutionner l’ordre naturel des êtres avec la publication de son ouvrage ‘’Sur les fondements d’une théorie de la systématique phylogénétique‘’ (Grundzüge einer Theorie der phylogenetischen Systematik). Dès lors, les botanistes vont tenter de retrouver l’enchainement qui existe entre les individus les plus primitifs appartenant à un groupe aux plus évolués issus de ce même groupe. Sans Hennig cette classification moderne n’existerait pas.

 

Par la suite, vers les années 1965, pour la première fois, des caractères moléculaires ont été utilisés pour tenter de retracer la phylogénie (Etude des liens existants entre des espèces apparentées) de certains végétaux ; et dans les années 1990, des techniques automatiques de séquençage ont permis le développement de la phylogénie moléculaire. (Discipline consistant à retrouver l’histoire évolutive d’un individu au moyen de séquences prises dans ses gènes ou ses protéines.)

 

De nos jours, pour les raisons qui précèdent, les botanistes classent les végétaux en prenant en considération l’analyse de la séquence de la molécule d’ADN, prélevée soit dans le noyau ou dans le chloroplaste (*) de l’individu, et non plus les caractères visuels externes ou biochimiques de ces végétaux.

 

(*) Le chloroplaste est une structure spécialisée, appelé aussi organite, présent dans le cytoplasme des cellules.

 

Cette technique de séquençage permet de remonter jusqu’à l’ancêtre des individus, dont certains, apparemment très différents visuellement, descendent du même ancêtre ce qui semble être le cas du … nelumbo (Lotus) et du … Platane.

 

Ces individus descendant d’un ancêtre commun sont regroupés en ‘’clades‘’ ou ‘’lignées‘’ ce qui permet aux botanistes de pouvoir élaborer des cladogrammes où apparaissent côte à côte, ou presque, et … étonnamment … le nelumbo (Lotus) et le Platane.

 

Autrement écrit grâce à la génétique les botanistes constatent que leurs prédécesseurs avaient commis, de toute bonne foi, nombre d’erreurs concernant les liens de parenté entre certains végétaux. Ainsi, par exemple, le platane donc, est beaucoup plus proche du nelumbo (Lotus) que de l’érable contrairement à ce que peut nous laisser penser la morphologie de ces plantes.

 

Donc, le platane et le nelumbo (Lotus) auraient eu le même ancêtre il y a de cela plus de 100 millions d’années, voire 135 millions d’après d’autres spécialistes ?!...

 

Depuis ce temps-là, le nelumbo (Lotus), vraisemblablement originaire d’Egypte, aurait muté au fils des siècles sans générer le moindre embranchement et en colonisant une aire géographique allant de l’Egypte à la Chine du Nord y compris le Japon.

De son côté, contrairement au nelumbo (lotus) le platane va générer très tôt un individu dont va naître la branche des proteaceae ou protéacées qui va coloniser l’hémisphère Sud, tandis que son ‘’géniteur‘’ va poursuivre son évolution en migrant dans l’hémisphère Nord.

 

De cet ancêtre commun selon la génétique il y a donc trois lignées :

 

1/ Les Nelumbonacées avec 1 genre (nelumbo) et deux espèces (Nuciefra et Lutéa ou Pentapetala).

2/ Les platanacées avec 1 genre (plantanus) et quatre espèces (Occidentalis – Orientalis – racemosa – x acerifolia)

La NCBI (National Center for Bio-technologie Information) a créé 3 autres genres et 6 nouvelles espèces.

3/ Les protéacées avec 77 genres et 1.600 espèces. (Il s’agit d’arbres, et d’arbustes à fleurs.)

 

En conclusion : L’intérêt de l’ancienne classification est de mettre à jour l’itinéraire d’un individu ainsi que les caractéristiques, (physiques, médicales, religieuses et autres) qui s’y rapportent.

La nouvelle classification ouvre de nouveaux horizons, c’est ainsi qu’on a découvert que les nénuphars étaient en fait très éloignés des Lotus (nelumbo) et que ces derniers ont en commun le même ancêtre que les … platanes.

Mais qui nous dit que demain ne va pas apparaître un nouveau type d’investigation qui va être la cause d’une nouvelle classification ?...

 

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Photo 1 : Les aires d’implantation ‘’naturelles‘’ du nelumbo.

(Aujourd’hui, grâce aux bons soins des horticulteurs, le nelumbo a pratiquement colonisé toute la planète).

 

Aux Amériques :

En 1799 Carl Ludwing Willdenow (1765-1812) nome un individu : Nelumbo Lutéa appelé aussi Lotus jaune, Lotus américain ou Lotus pentapetala. Son aire d’implantation couvre :

Aux Etats-Unis : La Caroline du Nord et du Sud, la Géorgie, la Floride, l’Alabama, le Mississipi, la Louisiane, et le Texas du sud. Ce sont tous des territoires au-dessous du 44è parallèle nord.

Au Mexique, ses côtes orientales.

En Amérique centrale : les îles de Cuba, d’Hispaniola, de la Jamaïque, de Porto-Rico, et le Honduras, qui n’est pas une île.

En Amérique du Sud : en Guyane Française où il a dû être importé au XVe ou XVIe siècle.

 

Sur les vieux continents : Afrique – Europe et Asie.

En 1788 Josephus Gärtner (1732-1791) attribue le nom de Nelumbo nucifera à un individu qui a colonisé :

En Afrique aucune terre, sauf l’Egypte, avec la main de l’homme, d’où il a disparu. (1)

En Europe le delta de la Volga dans l’Astrakhan une province de la fédération Russe (Nelumbo caspicum de komarovii grossheim) et au Sud de la mer Caspienne sur la côte Iranienne. (Nous sommes en Asie)

Toujours dans la fédération Russe mais du côté Sibérien à 100 miles au nord de Vladivostok, (2) le port qui domine tout l’Est de l’Extrême-Orient, il a été décrit un … Nelumbo nucifera var. macrorhizomata Nakai.

En Asie : le Bhutan, la Birmanie, Le Cambodge, le Cachemire, (3) le Cambodge, la Chine, (4) la Corée, l’Inde, l’Indonésie, le Japon, le Laos, la Malaisie, le Népal, la Nouvelle Guinée, les Philippines, Le Sri Lanka, le Tibet, la Thaïlande, le Vietnam et … le Lanna.

 

Et en Océanie, au nord/Est de l’Australie.

 

(1) Le Nelumbo nucifera serait originaire de l’Inde d’où il aurait été exporté en Egypte, via la Perse (Iran). En Egypte, d’après les témoignages des grecs Hérodote (-480/-425 av JC) et Théophraste (-371/-288 av JC.), ainsi que les sources archéologiques qui nous sont parvenues, le lotus aurait prospéré au point qu’il se disait alors ‘’Plus il y a de lotus et plus le Nil est grand‘’ sous-entendu plus il y a de lotus et plus les récoltes sont abondantes, en bref, ‘’année de lotus, année d’abondance‘’. Réciproquement la disparition du lotus aurait-elle accompagné la décadence et la fin de la grande et glorieuse Egypte d’alors ?!...

(2) Il n’est pas étonnant qu’un nélumbo ait été découvert en cet endroit à seulement 750 km de Séoul, et 1.050 de Tokyo. D’autant que le Nelumbo a la possibilité de réguler sa température à 30° centigrade, qu’il y ait 5° ou 45° à l’extérieur.

(3) Au cachemire et au Népal le nelumbo vit jusqu’à 1.600 mètres d’altitude.

(4) Le nelumbo était cultivé en Chine depuis plus de 4.000 ans.

 

 

Bref historique :

 

Comme nous l’avons déjà vu, le nom de lotus a été donné à des plantes qui n’avaient rien à voir entre elles.

1/ A trois individus de la famille des Nymphéacées, le Nelumbium speciosum, le Nymphéa lotus et le Nymphéa cærulea.

2/ A un fruit de la Cyrénaïque, province orientale de la Libye, le Ziziphus lotus.

3/ Au plaquemier de l’asie mineure ou dattier de Trébisonde des Turcs, en Anatolie, le Diospyros lotus.

4/ Au micocoulier d’Italie et du midi de la France, le Celtis australis dont Pline l’ancien (23-79 ? ...) attribue les mêmes qualités et dans les mêmes termes que Pedanius Dioscoride, (-40/-90 av JC.) et le botaniste grec Théophraste (371 av.JC- 287 av. JC) ses aîné, ont employé pour décrire le lotos ou fève d’Egypte. Ce qui pourrait signifier que Pline n’a fait que recopier ses confrères sans jamais avoir vu le lotos ou fève d’Egypte d’où sa confusion entre les deux individus ?!... Le copier/coller ne date pas d’aujourd’hui ?!...

5/ A quelques légumineuses fourragères comme le Lotus corniculatus, le Melilot offivinal et Melotus officinalis.

Athénée d’Attalie rapporte que les Egyptiens donnaient à la fève d’Egypte le nom de lotus et parfois celui de Mélilotus en raison de son odeur agréable.

(Hormis mes quelques assertions, la liste et le contenu des cinq alinéas sont conformes à ceux que donne d’Alire Raffeneau-Delile)

 

L’individu lotus a retenu l’attention des européens en 1602, année lors de laquelle son fruit a été décrit ‘’scientifiquement‘’ par le botaniste Jules Charles de l’Ecluse (1526-1609). Ce spécimen qu’il nomma ‘’Faba Ægyptia Discoridis‘’ lui avait été remis par un navigateur revenant de contrées lointaines.

 

Plus de deux siècles plus tard, vers 1787, les anglais tentèrent de cultiver cette plante dans les jardins botaniques royaux de Kew mais, sous serre. Les résultats ne furent pas à la hauteur de ceux attendus. Les graines germèrent mais … en montrant par la suite des anomalies au niveau de la tige souterraine, des feuilles et des pédoncules ?!...

 

Par contre, en 1835, le professeur Alire Raffeneau-Delile, (1778-1850) alors directeur du jardin des plantes de Montpelier en fit fleurir trois et … à l’air libre, au grand dam … vraisemblablement … des botanistes Parisiens et Gantois (*) qui malgré leur grande expérience, n’y réussissaient pas.

 

(*) Les Gantois, dans les jardins de l’horticulteur Belge Van Houtte, feront fleurir une vingtaine de fleurs le 25 juin 1847 soit … 12 ans plus tard.

 

Les graines avaient été envoyées à Raffeneau-Delile par le professeur municipal de botanique de Bordeaux et fondateur de la société Linnéenne de la même ville dont il fut le 1er président, Raymond Dargelas (1762-1842), ainsi que par le botaniste Anglais George Bentham (1800-1884). Comme quoi tous les anglais ne sont pas à mettre dans le même sac … comme les français d’ailleurs ?!...

 

Pour rapporter la floraison de ces nelumbo, Raffeneau-Delile rédigea un mémoire de 15 pages intitulé : ‘’Acclimatation du Nelumbium speciosum ou Nelumbo de l’Inde dans le midi de la France‘’. Cet article est paru dans le bulletin d’Août 1835, en page 35, de la Société d’Agriculture du département de l’Hérault.

 

 

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Photo 1 : Une gravure d’un nelumbo speciosa Will. Variété caspicum qui deviendra en 1930 le Nelumbo caspica (Fisch. ex DC.) Schipcz. Cette illustration est extraite du 3è volume – fascicule 9, page 265 de ‘’Flore des serres et des jardins d’Europe‘’ une revue de l’horticulteur Belge Louis Van Houtte paru en Septembre 1847

Photo 2 : Un dessin de Toussaint-François Node-Veran (1773-1852) peintre officiel du jardin des plantes de Montpelier de 1813 à 1852 représentant les trois ‘’Nelumbium speciosum‘’ qui fleurirent en plein-air dans un bassin de ce jardin des plantes.

Photo 3 : Une gravure, vraisemblablement de Pierre de Pannemacher, d’un nelumbo speciosa Will. Ex. nelumbium speciosum. Cette illustration est extraite du 42è volume – planche 27 – page 40 de ‘’L’illustration horticole‘’ du 15 janvier 1895, un journal bi-hebdomadaire sous la direction de Lucien Linden.

 

L’auteur de l’article, Emile Rodigas, signale qu’il existait alors 80 variétés de nelumbo au Japon, et qu’à Tokyo un certain Monsieur M.F. Takaghi proposait à ses clients quatre séries de nelumbo :

Une série à fleurs blanches : Gyokuhaku (bijou blanc) – Seiko (Venant du lac occidental) – Seisei (Lustre) – Manyo (Double).

Une série à fleurs rose pâle : Kunshi (Sage) – Maiyo (Toutes feuilles).

Une série à fleurs rose vif : Asahi (Soleil levant) – Shichiyo (Rose brillant).

Une série à fleurs panachées : Benibotan (pivoine rose) – Gyokushiu (Brocard précieux) – Tsushi (Bord rose) – Yamotonishiki (Brocard oriental).    

 

 

Pour le plaisir, mais non sans raison …

                  … quelques mots au sujet d’Alire Raffeneau-Delile :

 

Alire Raffeneau-Delile fut l’un des 5 naturalistes sur les 167 membres de la commission des sciences et des arts, qui accompagnèrent Bonaparte et l’armée d’Orient en Egypte de 1798 à 1801. De ce fait il deviendra l’un des grands spécialistes de l’Egypte et publiera à son retour une œuvre remarquable, dont deux volumes qu’il titrera : ‘’Florae Ægyptiacae illustratio‘’ (Illustrations de la Flore d’Egypte) pour les planches et ‘’Flore d’Egypte – explication des plantes gravées‘’, et qui à cause de la perfide Albion faillit ne jamais voir le jour, et voici pourquoi :

 

En ce temps-là et une fois de plus, mais en Egypte cette fois, la France et l’Angleterre se faisaient face. Cette dernière eut l’avantage et exigea du général Jacques-François de Menou, (1750-1810) en contrepartie du retour en France de ses troupes, outre la pierre de Rosette, (*) dont ils s’étaient déjà accaparés, tout le matériel scientifique que la délégation des 167 savants avait réuni durant ces trois ans passés en Egypte.

 

Ce fut sans compter sur la réaction d’Alire Raffeneau-Delile qui, faisant fi de toute diplomatie, fit répondre, non sans pugnacité, à l’amiral que non seulement il n’en était pas question, mais que les savants français préféraient détruire leur précieux matériel plutôt que de lui remettre.

 

En homme de bon sens l’amiral John-Hely Hutchinson (1757-1832) n’insista pas !... et laissa les Français rentrer avec leur précieuse cargaison scientifique.

 

En 1802, le ministre de l’intérieur d’alors, Jean-Antoine Chaptal (1756-1832) à partir des travaux des savants français, fit mettre en œuvre la parution de dix volumes de textes et treize volumes de planches. Parmi ces derniers, trois volumes furent consacrés à l’histoire naturelle. Dans le volume 2 bis figuraient 62 planches botaniques signées … Alire Raffeneau-Delile.

 

(*) C’est Alire Raffeneau-Delile qui coula un moulage au souffre de la pierre de Rosette, tablette trouvée dans la région de la ville de Rosette, avant de la remettre aux anglais. Ce fut à partir de ce moulage que Champollion déchiffra le sens des hiéroglyphes. Le seul regret c’est que cette pierre, dont les anglais ne tirèrent aucun profit, soit maintenant au British muséum ?!...

 

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Photo 1 : Un portrait de Alire Raffeneau-Delile (1778-1850) dit l’Egyptien.

Photo 2 : Une gravure originale à l’eau forte comparant un nélumbo et un nymphéa. Cette œuvre a été réalisée par Alire Raffeneau-Delile lors de son séjour en Egypte. Elle a été extraite de l’édition dite ‘’Impériale‘’ intitulée ‘’Florae Ægyptiacae illustratio‘’ (Illustrations de la Flore d’Egypte) (1809-1829) Il s’agit de la Planche 60. (*)

Photo 3 : Un nelumbo nucifera peint, sans support médiatique, par une artiste néerlandaise contemporaine Paula Kuitenbrouwer. Outre la qualité de cette aquarelle de 31x41 cm, son originalité est d’avoir pris en considération les rhizomes (racines) de la plante. Mais aujourd’hui nous connaissons ce que naguère Alire Raffeneau-Delile ignorait ?!...

Si l’œuvre de l’artiste vous intéresse : www : paulaartshop.com

 

(*) A remarquer que le nélumbo, contrairement au nymphéa, a été représenté sans racine, car à cette époque cette plante avait totalement disparu d’Egypte ce qui signifie que Raffeneau-Delile a été un botaniste particulièrement honnête dans ses dessins parce qu’il ne représentait que ce qu’il voyait. D’autant, précise-t-il en page 313 de sa : ‘’Description de l’Egypte ou recueil des observations et des recherches … ‘’ :

 

‘’Pour décrire cette plante, qu'on ne trouve plus en Égypte, il m'était indispensable de me la procurer de quelqu'un des pays où elle croît. J'en ai examiné des feuilles et des fleurs apportées de l'Inde par MM. de la Billardière et Leschenaut ; mais je n'ai jamais vu les racines. J'ai cru que la copie d'un dessin fait à la Chine ... ‘’.

 

Ce sont donc Messieurs Jacques-Julien Houtou de la Billardière (1755-1854) un naturaliste normand et Jean-Baptiste Louis Claude Théodore Leschenaut de la Tour (1773-1826) un botaniste et ornithologue qui apportèrent à Alire Raffeneau-Delile, après son retour d’Egypte (1798-1801), donc quand il était à Paris, et indépendamment l’un de l’autre, un nélumbo nucifera sans … ses racines. (Les dates des voyages de chacun coïncident et Raffeneau-Delile a largement eu le temps de terminer sa planche 60 avant publication.)

 

Signification du nom binominal du : Nelumbo Nucifera Gaert

 

Le genre : Nelumbo

 

Le genre ‘’Nelumbo‘’ a été adopté pour la première fois par le botaniste français d’origine écossaise, Michel Adanson (1727-1806) en 1763 (Familles des plantes Tome 2 – p.582). D’autres avant lui, avaient associé le nom de nelumbo à cet individu mais sans en faire un genre.

 

Ce genre ‘’Nelumbo‘’ est le seul et unique représenté dans la famille des ‘’Nelumbonaceae‘’ ou ‘’Nelumbonacées ‘’.

 

Cependant, si le Nelumbo est unique dans le monde des plantes vivantes, dans le monde des plantes fossilisées il en va tout autrement. En effet, les paléo-botanistes qui s’intéressent aux nélumbo fossilisés ont été amenés à créer quatre genres fossiles qui sont : les ‘’Nelumbites‘’, les ‘’Exnelumbites‘’, les ‘’Paléonnelumbo‘’ et les ‘’Nelumbago‘’.

 

L’origine du nom, celui de ‘’Nelumbo‘’ vient du Sri Lanka (Ceylan). C’est de ce mot que les Sri lankais ou Cingalais (Singalais) se servent pour désigner la couleur bleue : ‘’Nelum‘’ qui, latinisé a donné ‘’Nelumbo‘’.

 

Nota : les Cingalais sont de culture indienne et ont adopté le bouddhisme qui leur a été apporté par le fils et la fille de l’empereur Indien Asoka (-304/-232 av JC.) 

 

L’espèce : Nucifera

 

Pour l’anatomiste Français Georges Cuvier (1769-1832) l’espèce regroupe des individus qui sont nés les uns des autres, c’est-à-dire issus de parents communs, ou d’individus qui leur ressemblent pour autant qu’ils aient les mêmes traits communs. Alors que pour le paléontologiste Français Albert Gaudry (1827-1908), l’espèce est un groupe d’individus qui ne sont pas suffisamment différents pour descendre d’une nouvelle lignée.

Pour les raisons qui précèdent, le nelumbo n’aurait développé que deux espèces : l’espèce ‘’Nucifera‘’ propre à l’extrême orient en général, et l’espèce ‘’Lutéa‘’ spécifique à l’Amérique centrale.

 

Le mot Nucifera a été constitué à partir de deux mots latins : Nuci et fera.

 

Les mots Nux et Nuci servent à désigner la noix, c’est-à-dire un fruit à coque comme ceux qui sont dans le fruit du Nelumbo. Et le verbe Féro signifie porter. En s’écrivant ‘’féra‘’ il fait penser au subjonctif présent : que je porte (feram), que tu portes (feras) et qu’il porte (ferat).

Autrement dit il s’agirait d’un fruit qui pourrait … éventuellement … porter des noix.

 

Nous autres français nous pourrions jouer sur le mot ‘’portée‘’ à savoir … une portée de chiots et … une portée de noix ?!... Pourquoi pas ?!... Les botanistes ne manquent pas d’esprit, mais cet alinéa n’est que le … fruit de mon imagination !...

 

Gaert :

 

Gaert est l’abréviation botanique du botaniste allemand Joseph Gaertner (1732-1791) auteur de ‘’de Fructibus et seminibus plantarum‘’ dont le premier volume est paru en décembre 1788 et la première partie du second en 1791, il y en aura quatre parties. Le troisième volume sera posthume.

 

Joseph Gaertner ou Gärtner est né en Allemagne, le 12 mars 1732, à Calw, une petite ville du sud de l’Allemagne dans la région du Bade-Wurtemberg ; ville où il s’éteindra le 14 juillet 1791.  Il était le fils de Joseph Gärtner, avec qui il ne faut pas le confondre, pas plus qu’avec son fils Carl Frédéric von Gärtner (1772-1850) lui aussi botaniste.

 

Orphelin de bonne heure, sa proche famille crut bon de le destiner à l’étude de la théologie pour en faire un ecclésiastique. Mais le petit Joseph montrait alors plus de goût pour l’histoire naturelle, les mathématiques et la physique.

 

En 1750, il avait alors 18 ans, son oncle, comprenant que la théologie n’était pas la tasse de thé de son neveu, l’envoya à l’université de Tübingen (Eberhard Karls Universität) étudier le droit. Cette université était aussi renommée pour l’enseignement de la médecine et de la philosophie. Comme Gartner trouva le droit tout aussi rébarbatif que la théologie, il entreprit alors des études de médecine qui correspondaient beaucoup plus à ses aspirations.

 

Après 18 mois passés à Tübingen, Gartner alla parfaire son éducation à l’université de Göttingen, une toute jeune université (créée en 1737) dont la renommée de ses professeurs ne laissait pas les étudiants indifférents. C’est ainsi qu’avec le célèbre Albrecht von Haller (1708-1777) (*) il se découvrit une passion pour l’anatomie et … la botanique qu’il étudia jusqu’en 1753, année où Haller obtint une nouvelle charge et quitta cette université.

 

(*) Albrecht von Haller, anoblit en 1749, étudia la médecine à … Tübingen en 1723. Il occupa la chaire d’anatomie, de chirurgie et de botanique de l’université de Göttingen de 1736 à 1753. Durant cette période il créa l’institut d’anatomie et le jardin botanique de cette ville.

 

Alors âgé de 21 ans, pour parfaire son savoir, Gartner va entreprendre différents voyages au travers de l’Europe. Ces voyages vont le conduire en Italie, (Venise, Gênes, Naples) en France (Lyon, Montpelier, Paris) en Angleterre (1755) (*) et à Leyde (1759) où il va rencontrer les plus grandes sommités de l’époque et où, à Leyde, il tissera des liens particuliers avec le Hollandais Adriaan Van Royen (1704-1779) un grand botaniste.

 

(*) Gartner va se lier d’amitié avec l’anglais Sir Joseph Banks (1743-1820) un intrépide voyageur, qui, entre autres, pendant trois ans de 1768 à 1771, sera du voyage de James Cook et deviendra durant plus de 41 ans le président de la ‘’Royal Society‘’.

Banks était un passionné de botanique qui n’hésitait pas à mettre sa vie en jeu, y compris pour connaître les plaisirs exotiques que la religion … interdisait ?!...

Au retour de ses expéditions il donnera ses espèces en double à Gartner et lui permettra même d’analyser, voire de découper, certains de ses spécimens uniques. C’est ce même Banks qui, outre le kangourou, introduira en 1787 en Angleterre le ‘’Stove house water lily‘’ plus connu aujourd’hui sous le nom de ‘’Nelumbo nucifera‘’.

C’est aussi cet homme qui fera rendre au naturaliste Français, Jacques-Julien Houtou de la Billardière (1755-1854) dès son retour en France, ses notes et sa récolte de plantes que la marine anglaise lui avait saisis !... C’était l’Europe avant l’heure.

 

C’est donc en Angleterre que va naître la réputation de Gartner et de ce royaume qu’elle va se répandre dans toute l’Europe. De ce fait l’impératrice de Russie, Catherine II (1729-1762-1796) va lui proposer le poste de professeur de botanique et d’histoire naturelle de l’université de Saint Pétersbourg. Nous étions en 1768 et Gartner avait alors 36 ans.  Hélas, Gartner n’avait plus de temps pour aller auprès de ses confrères et donna sa démission pour se consacrer à ses recherches, en particulier sur les fruits et la voix des animaux. C’est pourquoi entre la parution du premier volume de son ‘’de Fructibus et Seminibus Plantarum‘’ et la première partie de son deuxième volume, deux ans vont écouler. Le deuxième volume fut publié en quatre parties et le troisième volume le sera après son décès et par son fils.

 

C’est dans le premier volume qu’il décrit le nelumbo nucifera en page 73 & 74 et en donne une illustration avec la planche 19 (XIX).

 

 

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Photo 1 : Le premier botaniste qui a décrit le fruit du nelumbo nucifera (1602).

Charles de l’Ecluse dit Clusius (Botaniste et médecin) Professeur à l’université de Leyde - né à Arras le 18 Février 1526 – Mort à Leyde le 4 avril 1609 – (Dessiné et Gravé par Ambroise Tardieu d’après un portrait de Martin Rota Sebenzan (1520-1583).

Photo 2 : Le créateur du genre ‘’Nelumbo‘’ (1763):

Michel Adanson (Botaniste) Membre de l’académie des sciences - Né à Aix le 7 avril 1727et mort à Paris le 3 aout 1806. (*)

Photo 3 : Le créateur de l’espèce ‘’nucifera‘’ (1788) : 

Josephus Gartner ou Gärtner (Botaniste et médecin) Membre de la Royal Society et de l’académie des sciences de Saint-Pétersbourg – Né à Calw dans le Wurtemberg en Allemagne le 12 mars 1732, et mort à Calw le 14 juillet 1791.

Photo 4 : Le créateur de l’espèce ‘’Lutéa‘’ (1799).

Charles Louis Willdenow (Médecin et botaniste) Professeur d’histoire naturelle au collège médico-chirurgical de Berlin – Né à Berlin le 1765 et mort à Berlin le 1812. (Dessiné et gravé par Ambroise Tardieu.)

 

Les portraits 1, 2 et 4 ont été extraits du ‘’Dictionnaire des sciences naturelles … ‘’ de Frédéric Cuvier (1773-1838) une œuvre de 61 volumes de textes, 11 volumes de planches et 1 volume de portraits. (Les ‘’Portraits‘’ sont présentés par ordre alphabétique de ce fait les pages ne sont pas numérotées.)

 

(*) Portraits dessinés et gravés par Ambroise Tardieu (1788-1841) d’après le buste de l’intéressé au musée d’histoire naturelle de Paris, sauf pour l’Ecluse et Willdenow.

 

 

Description de nelumbo nucifera Gaert :

 

 

Les racines ou rhizomes du nelumbo nucifera Gaert :

 

Le Nelumbo Nucifera est une herbe aquatique vivace qui préfère les eaux peu profondes des champs inondés, des étangs, des lacs, des lagunes, des marais, des marécages et des marigots, autrement dit, des eaux quelque peu stagnantes, ce qui signifie qu’il ne pousse pas dans le courant d’un fleuve. Cependant il peut s’adapter à des profondeurs pouvant atteindre les 2 mètres 50 et à des lits de petits rus en bordure de grands fleuves.

Les racines portent le nom de rhizome. Ce sont des espèces de tubercules d’une dizaine de centimètres de long, voire vingt au maximum et d’un diamètre variant entre 3 et 4 centimètres, voire 6 et 10 centimètres (*). Ces rhizomes de nature spongieuse s’enchainent les uns aux autres sur une longueur d’environ 1 mètre, 1 mètre 75. Ils sont reliés les uns aux autres par une structure qui se présente sous la forme d’un petit renflement de la grosseur d’un doigt qui porte le nom de nodosité, et qui du fait de ce petit diamètre rend la chaîne de rhizomes cassante.

De ces nodosités naissent les tiges aériennes ou pédoncules qui vont porter les feuilles ou les fleurs, ainsi que les racines adventives et les drageons ou stolons qui eux sont des tiges souterraines qui vont donner naissance à de nouveaux rhizomes et favoriser tout un système d’enracinement à base de rhizomes et de racines adventives.

Ils sont de couleur jaunâtre et virent au marron au fur et à mesure de leur vieillissement.

Ces tubercules ou rhizomes sont seuls, avec les graines, en capacité de reproduire la plante. Ils contiennent une substance blanche nutritive. De ce fait ils sont cultiver pour ses propriétés alimentaires. En Chine, au japon et en Corée.

 

(*) Les rhizomes de 6 à 10 centimètres de diamètre sont des cultivars (variétés) que les chinois, Japonais et Coréens cultivent pour leur alimentation. Car en Chine, comme au Japon le lotus ou le nelumbo nucifera est cultivé depuis plus de 3.000 ans pour différentes raisons, dont l’alimentaire. De ce fait les rhizomes destinés à répondre à ce besoin ont été sélectionnés au cours des siècles et se présentent aujourd’hui sous de belles dimensions, alors il y a des rhizomes à 5, 7, 9 et 11 trous ?!...

 

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Photo 1 : Quelques rhizomes de nelumbo cultivé pour le plaisir des yeux.

Photo 2, 3 & 4 : Quelques rhizomes de nelumbo cultivé pour le plaisir de la bonne chère.

(Ces rhizomes ont été trouvés sur des sites chinois dont il m’a été difficile de trouver la véritable source. Car les chinois ne sont pas les derniers, d’un blog à l’autre, à s’emprunter des textes, des images et des photos.)

 

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Photo 1 : Ne dit-on pas qu’un dessin vaut plus de 10.000 mots ?... Cette œuvre de l’artiste belge Lina Kusaite, illustre parfaitement la description que je viens de faire des rhizomes du nélumbo nucifera.

Si l’œuvre de cette artiste aux talents multiples, dont le style n’appartient qu’à elle, et à l’imagination débordante vous donne envie de mieux la connaître il vous suffit de lui rendre visite sur le site suivant : www.cocooncharacters.com

Photo 2 : Un papier découpé photographié lors d’une exposition consacrée à cet art à Shanghai en Chine. ( Photo de 2013)

 

 

Les feuilles :

 

Des nodosités de la tige souterraine (envasée), naissent des pétioles cylindriques ou pédoncules, qui en coupe transversale présentent 7 à 9 trous comme les rhizomes. Ces pédoncules sont légèrement raboteux, voire aiguillonnés. C’est à leur extrémité que vont se développer, outre les fleurs, deux types de feuilles dont le rôle est de protéger la fleur ; il y a les feuilles planes dont le limbe va flotter à la surface des eaux, et les feuilles orbiculaires à bords relevés, c’est-à-dire en forme de capuchon, on dit alors qu’elles sont cuculliformes (*) Ces dernières peuvent s’élever jusqu’à 75 centimètres au-dessus de la surface des eaux.

 

(*) Ne pas confondre cuculliforme, un terme botanique qui signifie en forme de capuchon avec cuculiforme qui sert à désigner un ordre ornithologique concernant les coucous et les musophages africains.

 

Les unes comme les autres sont peltées, c’est-à-dire dont leur limbe est relié au pétiole par leur milieu ; elles sont aussi entières, et leur diamètre varie entre 30 à 40 centimètres, voire pour les très grandes 90 centimètres. Elles sont dites par certains botanistes : scutelliformes c’est-à-dire en forme de bouclier. Raffeneau-Delile disait à leur sujet qu’elles étaient … ‘’asperifolium‘’.

La face supérieure de ces feuilles est rude, c’est-à-dire hydrofuge (imperméable). De ce fait, l’eau qui s’y dépose par accident va se transformer en petites boules ou gouttelettes qui vont aller rouler dans le vide, en dépoussiérant la feuille, faute de pouvoir s’y maintenir. Par ailleurs, en plongeant volontairement une feuille dans de l’eau et en la maintenant un certain laps de temps, comme pour la noyer, la feuille en ressortant de ce bain sera entièrement … sèche, d’un côté comme de l’autre. Ce phénomène appelé ‘’l’effet lotus‘’ était connu depuis plus de 2.000 ans en Inde et en Chine. Aujourd’hui, suite à des recherches et aux applications qui ont suivi, les industriels de la peinture proposent des peintures de façades et des enduits autonettoyants à effet lotus, c’est le procédé ‘’Lotusan‘’. Cet ‘’effet lotus‘’ cependant, au fil des ans, ne résiste pas au vieillissement de la peinture ou des enduits.(*) Des progrès restent à faire ?! …

 

(*) La discipline qui consiste à étudier la nature pour mettre en œuvre des applications industrielles porte le nom de ‘’bionique‘’, un mot qui résulte de la contraction de biologie et de technique.

 

Les tiges ou pédoncules, dont la longueur varie selon la profondeur de l’eau, sont munies d’espèces de petites pointes pas vraiment agressives, c’est pourquoi elles ne méritent pas le nom ‘’d’épines‘’. Cependant, elles sont en mesure de pouvoir écorcher la peau mais, sans plus. (*)

 

(*) Comme dit ci-dessus, les aiguillons des pédoncules ne sont rien d’autres que des petites aspérités tout juste capables d’écorcher la peau. Cependant, autrefois il se racontait, par ceux qui n’avaient jamais vu le moindre lotus, que ces aiguillons étaient de terribles épines destinées à protéger la plante de la voracité des crocodiles qui, en s’approchant de trop près de la tige risquaient de se faire crever les yeux ?!... Une fable parmi tant d’autres, mais hier comme aujourd’hui les hommes aiment à se faire peur.

 

Les nervures de la feuille, dont le nombre varie entre 20 et 23, partent de l’extrémité du pédoncule, comme les rayons d’une roue de bicyclette à partir de son axe, ou encore les rayons du soleil, et se terminent par des ramifications. Alire Raffeneau-Delile a été le premier à remarquer qu’à partir de l’extrémité de chaque pédoncule, celui-ci poussait une nervure centrale qui partageait la feuille en deux et atteignait le bord de cette dernière sans produire de ramification, contrairement aux autres nervures.

Cette particularité de la nervure centrale qui partage la feuille de lotus en deux parties égales, tient à la façon spécifique dont elle est pliée dans son bourgeon. Ce phénomène botanique porte le nom de vernation ou préfoliation ou encore de … ‘’ptyxis‘’.

Dans le cas de la feuille de lotus il s’agit d’une vernation involutée ce qui signifie que les deux parties opposées de la feuille par rapport à la nervure centrale sont, dans leur bourgeon, l’une contre l’autre et enroulées vers l’intérieur.

 

 

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Photo 1 : Une feuille haute d’un nelumbo nucifera. Elle est donc de type orbiculaire à bords relevés, c’est-à-dire en forme de capuchon, dont on dit qu’elle est cuculliforme.

Photo 2 : Une feuille plane d’un nelumbo nucifera dont le limbe flotte au-dessus de l’eau. L’eau qui se trouve sur le limbe montre que la feuille est bien hydrofuge. (Photo du 31.03.2018)

Photo 3 : Une illustration montrant les aspérités du pétiole du nelumbo nucifera, intitulé alors ‘’Cyamus nélumbo‘’ par l’auteur de ‘’Exotic Botanic‘’ James Edward Smith (1759-1829). Cette illustration est parue en page 58 de ce volume. Bien qu’il s’agisse d’un nelumbo le Cyamus nelumbo n’est pas reconnu comme synonyme de nelumbo nucifera.

(Les photos ont été prises à l’Etang des lotus de Maedjo près de Chiang-Mai le 31.03.2018).

 

Concernant la nervure centrale qui partage la feuille en deux

 

 

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Photo 1 : Une feuille haute donc de type orbiculaire.

Photo 2 : Le dos d’une feuille haute de nelumbo nucifera.

Photo 3 : Le système nervurée d’une feuille de nelumbo nucifera, où, sans le limbe, on distingue parfaitement la nervure centrale.

Photo 4 : Une illustration parue dans : ‘’report of the botanical society and exchange club of the British isles‘’ et exposée au ‘’Rijksmuseum van Natuurlijke Historie Naturalis Biodiversity Center‘’ de Leyde. L’artiste A. Bernecker, dont le talent ne fait pas de doute, ne semble pas avoir observé son sujet avec attention car la nervure centrale ressemble à toutes les autres et n’est donc pas représentée comme elle le devrait.

 

La fleur :

 

La fleur commence son cycle de vie par un bouton épais, de forme conique, protégé par quatre sépales, voire cinq, mais c’est plus rare. Ces sépales sont inégaux, imbriqués et décussés, c’est-à-dire s’entrecroisant à angle droit avec un autre sépale. L’ensemble de ces sépales forme le calice.

 

Les sépales (calice) et les pétales (corolle) constituent le périanthe dont le rôle est de protéger le système de reproduction de la fleur.

 

Ce bouton est porté par un long pédoncule qui l’élève au niveau des feuilles aérienne, voire au-dessus ; la longueur du pédoncule varie selon le niveau de l’eau.

 

L’extrémité de ce pédoncule se termine par un réceptacle de forme conique surbaissée d’où, à sa base prennent naissance le périanthe, c’est-à-dire les sépales (calice) et les pétales (corolle), ainsi que l’androcée qui est l’organe mâle de la fleur.

 

Les pétales, comme les sépales, se superposent en formant une espèce de spirale quand ils sont en bouton ; et comme eux sont caducs, imbriqués et dissemblables entre eux.

 

Le nombre de pétales varie d’une fleur à l’autre. Ils sont en général une vingtaine, et beaucoup plus s’il s’agit de variétés. Dans les deux cas ils sont disposés sur plusieurs rangées.

 

La première rangée de pétales est dite rangée de pétales extérieurs. Ils sont longs d’une quinzaine de centimètres ; les pétales intérieurs sont alors appelés tépales, ils sont plus petits et inégaux entre eux. Le pétale et le tépale ont la forme d’une petite nacelle ce qui fait dire qu’ils sont cymbiformes. Ils se terminent soit en pointe soit en arrondi. Leur couleur, semblable d’un pétale ou tépale à l’autre, donne à la fleur sa couleur. Certains naissent légèrement jaunâtre, puis passent au blanc avec à leur sommet une jolie macule rose ; d’autres prennent la couleur blanche ou rose, dont les camaïeux de rose varient selon les variétés. Il y a maintenant des variétés qui allient les pétales blancs et roses. J’écris bien des variétés et non des espèces.

 

A maturité la fleur développe un diamètre qui peut atteindre au minimum 15 centimètres et au maximum 30 centimètres.

 

Cette fleur à la particularité d’être thermorégulatrice, ce qui signifie qu’en période de pollinisation, elle est capable de produire de la chaleur afin de maintenir une température oscillante entre 30°C. et 36°C. Cette particularité pourrait favoriser la venue des insectes pollinisateurs mais, ce n’est pour le moment qu’une hypothèse. Elle est aussi hermaphrodite, c’est-à-dire qu’elle possède tout à la fois les organes reproducteurs mâles et femelles.

 

 

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L’androcée, c’est-à-dire l’organe mâle de la fleur, se constitue d’un nombre indéfini d’étamines qui prennent naissance tout autour du réceptacle de forme conique surbaissée. Ces dernières sont dites plurisériées, ce qui signifie qu’elles s’ordonnent sur plusieurs rangées en formant une épaisse frange autour de l’ovaire. De couleur jaune/orange, en partie étalées et en partie recourbées, elles se présentent sous la forme de petits filaments libres au sommet desquels est fixé un petit sac à pollen appelé anthère. Cette anthère est dite basifixe, c’est-à-dire fixée à sa base, et introrse, ce qui signifie que l’anthère déversera son pollen à l’intérieur de la fleur.

 

L’anthère se compose de deux loges linéaires, équipées chacune d’une fente longitudinale qui s’ouvrira et laissera s’échapper le pollen au moment opportun, c’est ce qu’on appelle la déhiscence, l’ouverture automatique des anthères.

 

Au sein de l’androcée, et au-dessus, naît un autre organe en forme de cône renversé, rappelant une pomme d’arrosoir, le torus. C’est le gynécée ou l’organe féminin de la fleur, un ovaire dit supérieur de par sa position.

 

Le sommet de cette pomme d’arrosoir (*) est dans le prolongement du pédoncule, et sa base fait face au ciel. Cette base est percée par un certain nombre d’alvéoles à ouverture circulaire dont le nombre varie entre cinq et trente. Chacune de ces cavités est occupée par un petit carpelle protégeant et contenant un ovaire uniloculaire. Ce dernier est surmonté d’un tout petit style, dont le sommet de forme arrondie, ou capitée, (en forme de petit chapeau) porte un stigmate dont le rôle sera de retenir le pollen afin de favoriser l’ovulation.

 

(*) Cette pomme d’arrosoir a été souvent comparée par les botanistes d’alors comme un guêpier ou nid de guêpes. D’autres, peut-être plus soucieux de leur mission éducative, la nomment aussi gynophore, carpophore ou encore thécaphore ; des mots qui sont évidemment synonymes. Mais ce ne sont pas les seuls. Car ce fruit en forme de pomme d’arrosoir est aussi comparé à un ciboire d’où la naissance du mot ‘’ciborion‘’ pour désigner le fruit.

 

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Le fruit :

 

Le fruit prend la forme de l’ovaire, c’est-à-dire de la structure en forme d’entonnoir, certains diront de ciboire ou de … carpophore. Cet ovaire mesure une quinzaine de centimètres de haut et développe un diamètre, dans sa partie la plus large, partie supérieure, d’environ 10 centimètres.

 

Cette face, la plus large, est percée d’alvéoles dont le nombre varie entre 5 et 30 ; chacune de ces cupules contient un akène ou graine de forme ovoïde, quelque peu saillante et de la grosseur d’une petite noisette.

 

Ce fruit en forme de pomme d’arrosoir contient un genre de mucilage, c’est-à-dire une substance végétale qui au contact de l’eau se met à gonfler, ce qui a pour conséquence d’expulser les graines en dehors de leur alvéole.

 

La pollinisation du lotus :

 

La pollinisation se fait sur trois jours mais deux jours auparavant le réceptacle central du lotus (le dessus de la pomme d’arrosoir) situé au sein du bouton, génère un dégagement de chaleur qui va dépasser d’environ 10° la température ambiante. Cette élévation de température va conduire les insectes pollinisateurs, loin de dédaigner un certain confort, à passer la nuit au sein de la fleur, au lieu de la quitter sitôt entrés.

Ce phénomène de réchauffement interne porte le nom de ‘’thermogénèse‘’. Le botaniste japonais, professeur à l’université de Tokyo, Monsieur Kiichi Miyake (1876-1964) en avait fait état dans l’un de ses rapports courant 1898.

 

Cette ‘’thermogénèse‘’, qui va durer entre trois et quatre jours, se complète par une ‘’thermorégulation‘’, c’est-à-dire un contrôle de la température que le lotus, et deux autres espèces du genre ‘’Aracées‘’, le Philodendron de Sello et le Chou puant d’Amérique, sont seuls, à l’heure actuelle, à pouvoir mettre en œuvre dans le monde végétal.

 

Au premier jour de la pollinisation, le bouton s’entrouvre légèrement à son sommet. De ce fait les insectes pollinisateurs (Coléoptères, abeilles, mouches du genre syrphe) vont pénétrer à l’intérieur du bouton et se poser sur le dessus de la pomme d’arrosoir qui libère alors une substance visqueuse appréciée des visiteurs.

 

A l’intérieur de ce bouton, les étamines qui sont alors comprimées ne libèrent aucun pollen (substance mâle) tandis que les stigmates (éléments femelles) qui émergent de l’intérieur de chacune des cavités de la pomme d’arrosoir sont libres et réceptifs au pollen venu de l’extérieur, apporté par les insectes. Autrement écrit, dès leur arrivée, les insectes fécondent les stigmates, et se repaissent des secrétions gluantes tout en mordillant les sacs de pollen.

 

Le soir, le bouton se referme complètement retenant prisonniers les insectes pollinisateurs qui vont passer la nuit bien au chaud.

 

Au second jour, le bouton s’ouvre à nouveau mais plus largement. Alors les anthères libèrent leur pollen qui va nourrir et couvrir les insectes pollinisateurs. Ces derniers vont ensuite quitter le bouton et transporter ce pollen au sein d’un autre bouton de lotus. Les stigmates sont alors encore un peu réceptifs. Le soir le bouton se referme, mais incomplètement.

 

Au troisième jour, le bouton s’ouvre entièrement, la phase de refroidissement s’amorce, et la fleur commence à se faner. Puis, les stigmates sèchent, les pétales et les étamines tombent, seule la ‘’pomme d’arrosoir‘’ reste au sommet du pédoncule. Les graines vont alors se développer.

 

A noter que le lotus n’est pas tributaire des insectes pollinisateurs, car il a la faculté de s’autopolliniser, mais dans la plupart des cas la pollinisation du lotus se fait par le biais des insectes.

 

Le lotus est vraiment un cas qui sort de l’ordinaire.

      

La graine :

 

L’écorce ou péricarpe de la graine est lisse et de couleur noire ; elle est peu épaisse, mais dure, coriace, imperméable et imputrescible, ce qui explique la longévité des graines. Cette dernière renferme une amande douce, blanchâtre et charnue qui rappelle l’amande de la noisette ou d’un gland de chêne. Cette amande se partage en deux parties entre lesquelles il y a un embryon d’une toute petite feuille de couleur verdâtre et au goût très amer. Cette amande est bonne à la consommation, étant entendu que pour le goût il vaut mieux en retirer le germe.

 

 

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Photo 1 : Le fruit et ses étamines. Cette illustration de Auguste Emile Faguet (1841-1886) est extraite de l’œuvre de Henri Ernest Baillon (1827-1895) ‘’Histoire des plantes‘’. Tome 3 – 2è partie ‘’monographie des Nymphaecées‘’, page 78.

Photo 2 : Le ‘’guêpier‘’ ou ‘’gynophore‘’ portant des graines. Cette illustration est parue dans le magazine allemand ‘’allgemeines teutsches garten-magazin‘’ édité par l’écrivain, libraire et mécène Frieddrich Johann Justin Bertuch (1747-1822). Jg.6 planche 30 (1809). Cette gravure de Georg Melchior Kraus (1737-1806) représentait alors un ‘’Nelum lutea Pers. Ex Cyamus nelum Smith‘’.

Photo 3 : Quelques graines de nelumbo nucifera.

 

 

Le nelumbo nucifera et ses qualités alimentaires :

 

Non seulement le nelumbo nucifera se mange du Rhizome à la fleur, comme un légume, car tout est comestible, mais encore permet-il à ceux qui le cuisinent de le présenter fin-près aux convives sur et dans des plats constitués d’éléments provenant du nelumbo nucifera.

 

Le rhizome : Il se mange cru ou cuit (à l’eau, bouilli, frit, sous la cendre), mariné et confit dans le sucre

Cru, puis séché il peut être passé à la moulinette afin d’être lévigé, c’est-à-dire réduit en poudre. Cette fécule sera séchée et servira à confectionner des bouillies, très souvent destinées aux bébés, ou à épaissir des soupes et des bouillons.

Le rhizome n’a pas vraiment de saveur, mais en salade il absorbe les sauces dont il fait l’objet ce qui lui donne du goût, sa texture est croquante, farineuse et tendre.

 

Valeur nutritive du rhizome par rapport à un échantillon de 100 g : Il est riche en fibres, en calcium 18mg, cuivre, Kalium 470mg, manganèse, phosphore 60mg, potassium, riboflavine, thiamine et vitamines C 55mg - B1 0,09mg - B6 0,02mg, sans oublier qu’il est très pauvre en gras saturés.

 

 

La culture du rhizome du nélumbo nucifera dans le monde :

 

Cet individu est cultivé en Europe et en Amérique à des fins ornementales ; en Inde, en Corée, en Chine, au japon, en Russie et dans certains pays d’Afrique pour des raisons alimentaires.

De ce fait les variétés de lotus, en fonction de leur exploitation, sont classées en trois groupes :  1/ pour leurs rhizomes, 2/ pour leurs graines et 3/ pour leurs fleurs. Certains cultivars réunissent ces trois critères.

 

Pour information :

La Corée :

En 1995, sur 291 hectares la Corée a produit 9.200 tonnes de rhizomes.

 

La Chine :

Le lotus fut introduit en Chine il y a plus de 2 à 3.000 ans, mais n’aurait été cultivé qu’aux alentours du XIIe siècle, ce qui ne signifie pas qu’il n’était pas consommé avant. En 1994, avec les 133.400 hectares qui lui ont été consacrés, sa production, entre août et mars, a atteint 3.000.000 de tonnes ; 15.000 d’entre elles ont été exportées au Japon. (*)

Le saviez-vous ? : Aujourd’hui, la Chine est en tête des nations agricoles avec seulement 10% des terres mondiales cultivables ; Avec ce potentiel elle doit nourrir sa population, soit 22% de la population mondiale.

(*) Il y a en Chine plus de 800 cultivars, dont plus de 600 ont été reconnus. 200 cultivars seraient actuellement à l’étude pour leurs qualités alimentaires. Mais déjà, par exemple, les cultivateurs de la province du Zhejiang cultivent plus de 230 variétés de lotus

 

Le Japon :

Le lotus (Hasu) aurait été introduit au Japon, via la Chine, vers la fin du IVe siècle et le début du Ve. Mais nombre de cultivars destinés à l’alimentation ont été importés de Chine après la seconde guerre mondiale. De ce fait il y a deux types de cultivars au japon. Les anciens cultivars dits ‘’japonais‘’ (*) dont les rhizomes sont longs et minces, et les nouveaux cultivars dits Chinois dont les rhizomes (Renkon) sont plus long et plus gros et de meilleurs rendements.

En 1982, 6.500 ha ont été consacrés à la culture du rhizome ; la récolte a tourné autour des 82.200 tonnes, ce qui représentait 1% des légumes consommés au Japon. Les rhizomes sont récoltés entre août et décembre et, pour certains cultivés en serres.

En 1995, pour la première fois, le Japon a importé des rhizomes. Ces importations varient aujourd’hui entre 16 et 18.000 tonnes par an.

Le saviez-vous ? : Alimentairement le Japon n’est pas auto-suffisant, sauf pour le riz. Avec 6 fois moins de terres cultivables que la France il doit nourrir une population deux fois plus importante.

(*) Les principaux cultivars japonais portent les noms de : ‘’Tenno‘’ lotus à fleurs rouges et le ‘’Aichi ‘’ lotus à fleurs blanches.

Parmi les cultivars chinois il y a : le Benitenjo, le Kunshikobasu, le Sakurabasu, le   Taihakubasu, et le Tenjikubasu.

 

L’Australie :

L’Australie produit 100 tonnes de rhizomes par an alors que sa demande est estimée à 1.080 tonnes ?! … C’est une culture qu’elle devrait développer !...

 

 

Le pédoncule et pétiole :  Lorsque ces éléments sont encore jeunes donc tendre, ils se mangent en guise de légume. C’est pourquoi après avoir été pelés on les trouve vendu en bottes sur certains marchés.

Lorsqu’ils sont réduits en poudre et que cette dernière est mêlée à de l’eau froide ou chaude, la boisson qui en découlerait serait rafraîchissante.

 

Les feuilles : En son temps, le géographe et historien grec Strabon (63 av. JC & 23 après JC.) rapportait qu’en Egypte les feuilles de lotus servaient de plats et de gobelets au point que certaines boutiques d’Alexandrie en étaient pleines pour satisfaire la demande des clients. Aujourd’hui encore, Les feuilles sont souvent utilisées comme ustensiles ménagers, plats et assiettes, sans parler des feuilles en forme de capuchon (cuculliformes) qui servent de chapeaux.

 

Lorsque la végétation touche à sa fin, en automne, les toute jeunes feuilles sur le point de se développer c’est-à-dire sous forme de turion, sont coupées, soit pour être mangées par le récolteur, ou mises en bottes pour être vendues sur les marchés. (Cachemire).

 

Les feuilles matures servent à parfumer le riz, à envelopper certaines préparations (exemple : riz au poulet au Vietnam).

Ces feuilles matures sont aussi récoltées, puis séchées afin d’être utilisées comme papier d’emballage. Certaines entrent dans la confection d’infusions.

 

Les fleurs : En général les fleurs, ou leurs pétales servent à décorer les plats. Mais les pétales trempés dans une pâte à frire, frits, et par la suite saupoudrés de sucre constituent un excellent dessert.

Les étamines servent à parfumer les feuilles de thé.

 

Les graines : Les graines furent appelées ‘’fève de Pythagore‘’, des fèves que le philosophe grec Pythagore redoutait de … goûter ?!...

 

Les graines se mangent crues, rôties ou cuites (bouillies).

Crue et sans son germe, qui est amer, elle se grignote en apéritif.

Les égyptiens fabriquaient du pain à partir de la farine tirée de la graine.

Séchée et décortiquée, c’est-à-dire sans sa gaine de protection (péricarpe). Elle se mange en potage, celui-ci est légèrement sucré.

Cuite et sans son germe, elle peut être écrasée pour accompagner sous forme de purée un plat de viande.

Au nouvel an, au dessert, il est servi des longanes farcis aux graines de lotus confites. 

 

Au Cambodge des vendeurs ambulants les vendent en sachets. Elles sont alors cuites à l’eau et auraient la texture et le goût de nos châtaignes.

 

Aux Etats-Unis, Timothée Flint (1780-1840) écrit dans sa ‘’Revue mensuelle de l’Ouest‘’ (The western monthly review) de 1828, Tome I page 89, que les indiens du haut Arkansas mangeaient des graines de ‘’Pannocco‘’, vertes, rôties mûres et qu’ils en tiraient une farine pour faire des espèces de pains. Le ‘’pannocco‘’ était alors le nom donné à la ‘’nymphéa nelumbo‘’ qui deviendra le nelumbo lutéa,

 

 

La graine est un symbole de fécondité et de grande descendance c’est pourquoi, dans de nombreux pays elles sont offertes aux jeunes mariés.

 

En orient il était d’usage, lorsqu’une femme était conduite à son futur époux, de chanter, jouer de la musique et de répandre des noix sur leur passage. Ces noix signifiaient que le mari devait renoncer aux frivolités et prendre soin du ménage.

 

En Chine, lors d’un mariage, la tradition consiste à servir au cours du repas, une soupe à base de haricots rouges et de graines de lotus (Lian zi). Le haricot rouge (Hongdou) symbolise la force, et la graine de lotus la bénédiction des jeunes mariés. Cette soupe est également servie au nouvel an.

 

Les gâteaux de lune sont fourrés avec une pâte à base de graines de lotus.

 

Les graines de lotus ont une longue durée de vie, pour autant que leur enveloppe reste hors de portée d’éléments qui pourraient la fragiliser et permettre une éventuelle germination. De ce fait, lorsqu’un individu porte un collier ou un bracelet constitué par des graines de lotus il est fortement déconseillé au porteur de se doucher, ou de se laver les mains en portant un tel … bijou !... Il y a des détergents qui ne respectent rien !...

 

 

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Photo 1 : Une salade de racines de lotus aux algues. (Recette Japonaise)

Photo 2 : Des chips de racines de lotus (Recette du Sud-Est Asiatique)

Photo 3 : Une papillote de lotus renfermant du riz gluant et du poulet, voire du poisson. (Recette Vietnamienne mais aussi Chinoise).

Photo 4 : Un gâteau réalisé avec de la fécule de lotus.

 

 

Le nelumbo nucifera et ses qualités médicinales :

 

Mise en garde : Les données qui suivent ont été tirées de différents livres consacrés aux plantes médicinales, écrits en leur temps par des auteurs autorisés dont des pharmacologues. Je ne fais donc que rapporter leurs proses sans jamais les avoir expérimentés. Autrement écrit : je ne garantis pas les résultats de cette médecine.

 

 

Au cours de la plus haute antiquité Chinoise, (*) l’empereur Shennong, tout aussi connu sous le nom de Yandi et à qui la légende attribue l’invention de la charrue et la découverte d’un certain nombre de plantes médicinales, serait à l’origine du plus ancien livre consacré à ces plantes. L’intitulé de cet ouvrage aurait été ‘’Shennong bencao jing‘’ ou ‘’Shen Nung Pen Ts’ao‘’ (神农本草经) ce qui pourrait se traduire par ‘’Le classique de la matière médicale du Laboureur Céleste Shennong‘’. L’empereur Yandi serait alors à l’origine d’une liste de 365 ou 375 plantes médicinales, qu’il aurait lui-même expérimentées, parmi elle aurait figuré le nelumbo nucifera … sous son nom chinois d’alors … bien évidemment.

 

(*) Il est difficile de dater cette période. Cependant, la première dynastie ‘’chinoise‘’, celle des Xia aurait régné de 2070 à 1600 av. JC. Ce qui signifierait que Yandi aurait vécu 3 ou 4.000 ans, au moins, av. JC. L’original de son œuvre n’existe plus, et pour cause. De ce fait la prose de Yandi aurait été retranscrite, voire … modifié, par des médecins exerçant sous la dynastie des Han (25-220). Le titre de ce livre mythique apparaît pour la première fois dans les travaux d’un médecin taoïste ‘’Tao Hongjing‘’ (陶弘景) qui exerça sous la dynastie des Liang (502-556).

 

Avec le temps tous les manuels qui ont repris, d’une façon ou d’une autre, la prose de Yandi, ont disparu ; alors et conformément à la tradition chinoise ce texte a été retranscrit, plus officiellement et dans différents manuscrits, sous la dynastie des Song (960-1280). Mais !... d’un ouvrage à l’autre Yandi ne reconnaîtrait peut-être pas son manuscrit. Ce qui signifie qu’il ne faut pas prendre ce texte pour argent comptant. Seul compte le fait qu’il est question, et depuis des siècles, voire des millénaires, du nelumbo nucifera en tant que plante médicinale.

 

On retrouve le nelumbo nucifera dans l’œuvre d’un grand pharmacologue chinois, Li Che-tchen (1518-1593) (李時珍). (*) dont les conclusions sur les bienfaits du Lotus en matière de pharmacopée sont reprises ci-dessous.

Ce ‘’grand traité d’herbologie‘’ ou ‘’Pen-ts’ao Kang-mou‘’ a été rédigé et rerédigé à plusieurs reprises entre 1552 et 1578 sous la dynastie des Ming (1368-1644). L’auteur, fils et petit-fils de médecins, s’est appuyé sur son expérience personnelle mais aussi celles d’illustres prédécesseurs. Ses ouvrages ont été édités après sa mort à la demande de l’empereur Shenzong Yijun (1572-1620) et par ses fils, Tchong, Yuan (magistrats) Fang (médecin) et son petit-fils Li Chou-tsong de 1593 à 1596.

 

Pour ce pharmacologue le lotus (Nelumbo nucifera) n’était rien d’autre qu’une drogue de longue vie et un excellent remède pour les maladies du sang.

 

(*) On trouve le nom de Li Che-tchen sous ceux de Dong bi li, Bin hu li, Töheti Ri entre autres.

 

 

Le rhizome : Le rhizome aurait la particularité de faciliter le bon fonctionnement des organes et de stimuler les forces de tout un chacun.

En décoction il aiderait les intestins à combattre les maladies qui les mettent à mal ; il concourait aussi à calmer les maux de cœur que causent les abus d’opium consommé … en fumerie.

Le rhizome fraîchement coupé exsude un liquide mucilagineux dont on se sert pour couper court aux vomissements et aux diarrhées.

Comme rapporté plus haut, une fécule peut être extraite du rhizome, en général pendant l’automne. Cette fécule fraîchement obtenue est ensuite séchée et servira à créer des bouillies destinées principalement aux bébés, ou à épaissir des soupes. En Chine cette farine de rhizome porte le nom phonétique de ‘’Ngeonfen‘’. Consommée avec du riz elle allègerait le corps, serait bénéfique pour le souffle, stopperait les diarrhées et les spermatorrhées (pollution nocturne).

 

Le nodule du rhizome, ‘’ou jie‘’ en chinois, est un astringent qui facilite la cicatrisation des tissus, et qui bénéficie au bon fonctionnement du foie, des poumons et de l’estomac. Il contrôle les saignements et, si toutes les parties du lotus ont un côté antihémorragique, il reste que cette qualité est la spécificité du nodule.

 

En médecine ayurvédique, l’emploi des racines était du ressort d’un art spécifique, le ‘’mūlakarman‘’. (*) Cet art relevait de la magie et du dieu ‘’Mūladeva‘’. Pour ces raisons il était célébré par un officiant particulier … le ‘’mūlakrit‘’.

 

(*) Mūla(मूल) ou Mūra est un mot sanskrit qui sert à désigner une racine et qui est attaché à la déesse de la destruction ‘’Nirṛti‘’ ; et ‘’Karman‘’ ou Karma (कर्म) signifie acte ou action.

 

 

La feuille :  La feuille agirait sur la clarification des urines, les fièvres, la soif, et les diarrhées. Elle arrêterait les saignements.

A Shanghai, le pédoncule était conseillé pour combattre les crachements de sang.

La feuille (荷叶) hé yè en chinois combinée avec celle du Crataegus (*) contribue à une bonne circulation du sang et à l’abaissement des graisses sanguines.

 

(*) Le ‘’crataegus‘’ est une espèce d’aubépine. Comme nous sommes en Chine il ne peut s’agir que de l’aubépine chinoise que les botanistes ont nommé Crataegus pinnatifida.

 

La fleur :

Les infusions de fleurs calment les insomnies et la toux.

Les pétales, contrairement à certains dires, ne sont pas aphrodisiaques. Aucune analyse n’a été conclue en ce sens. Par contre les flavonoïdes qui sont des pigments qui leur donnent leurs couleurs auraient des effets stimulants, et réduiraient les troubles de l’érection. 

A java les pétales sont employés comme astringents.

Les étamines seraient un excellent remède astringent, et, un bon cosmétique pour les soins de toilette.

 

La graine : La graine prise en décoction renforcerait les caractères de la rate. En fait elle tonifierait les méridiens de la rate, des reins et du cœur. Elle s’avèrerait efficace contre les diarrhées, les insomnies, la nervosité et les palpitations.

Elle serait tout aussi efficace pour les troubles de l’érection que pour les leucorrhées (écoulements vaginaux non sanglants).  

Réduite en poudre :

- mêlée à du miel elle se révèle un excellent traitement contre la toux.

- mélangée à du sucre, jusqu’à constituer une pâte, elle est utilisée contre la diarrhée et le marasme (découragement et dépression).  

Il est possible d’en extraite un collyre à déposer sur les yeux pour traiter un patient présentant des faiblesses au niveau de la vision.

L’embryon de la graine (Lian zi xin) a pour effet de surmonter les troubles nerveux, les insomnies et les maladies cardio-vasculaires comme hypertension et l’arythmie (Trouble du rythme du cœur).  

(莲蓉包) (ián róng bāo) pain aux graines de lotus.

 

 

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           Quelques images illustrant diverses pharmacopées d’antan :

 

Photo 1 : En Egypte : Un extrait du ‘’papyrus Ebers‘’ du musée de Leipzig papyrus et ostraca (*) collection.  Ce papyrus long de 20 mètres sur 30 centimètres de large, est écrit en égyptien hiératique. (*) Il s’agit de la plus ancienne et de la plus importante compilation trouvée à ce jour réunissant sur 108 pages et en 877 paragraphes, la pharmacopée et les connaissances médicales en cours sous le règne du pharaon Amenhotep 1er (entre 1500/1600 av. JC). Certaines sources autorisées datent ce papyrus du temps d’Amenhotep III (XIVe siècle av. JC) ?! …

Parmi la pharmacopée : le safran, la myrrhe, l’aloès, la feuille de ricin et … le lotus bleu, en fait le Nymphaea cærulea.

Ce papyrus a été découvert par un marchand-collectionneur des Etats-Unis Edwin Smith (1822-1906) sur un marché de Louxor en 1862. Par la suite ce collectionneur l’a vendu à un égyptologue allemand Georg Moritz Ebers (1837-1898) qui le traduira. Aujourd’hui il est exposé au musée égyptien Georg Steindorff de l’université de Leipzig. C’est le premier document médical qui décrit le cancer.

(*) Un ostraca est un support quelconque couvert d’une écriture (poterie, plaque d’argile etc…). L’égyptien hiératique est une écriture développée par les scribes pour noter les hiéroglyphes en abrégé. C’est pourrait-on dire de la sténographie à l’ancienne, et à la mode égyptienne.

Photo 2 & 3 : En Inde : Ces deux images sont des représentations de Dhanvantari, la divinité associée à la médecine ayurvédique. (Médecine Indienne des temps anciens toujours d’actualité).

Cette divinité est une incarnation, ou l’un des nombreux avatars de Vishnu. Selon la sensibilité de l’artiste, cette représentation varie d’une image à l’autre. Par exemple :

La photo n° 2 est une sculpture en marbre rouge. Elle présente Dhanvantari tenant dans ses mains des bras supérieurs, le disque solaire et la conque. (*) Ces deux attributs sont spécifiques à Vishnu. Les mains des bras inférieurs tiennent, pour l’une une kalasha contenant le nectar d’immortalité (Amrita ou soma), et pour l’autre une plante spécifiant la qualité de divinité ayurvédique de l’avatar.     

(*) Le disque symbolise le soleil, et la conque le 1er son à l’origine de la matière

La photo n° 3 est une peinture contemporaine népalaise de l’école Sunapati Thangka. Elle représente Dhanvantari dans un univers de plantes médicinales dont principalement le lotus. Son piédestal est un lotus. Ses bras supérieurs mettent en évidence dans la main droite, près d’un lotus, un bol de broyage contenant quelques herbes, et dans la main gauche le traité de médecine ayurvédique. La main gauche des bras inférieurs tient la Kalasha et la droite est en position ‘’d’Abhaya Mudra‘’, ce qui signifie que Dhanvantari est un dieu qui réconforte, protège et bénit ceux qui lui accorde leur confiance.

Du fait de la multiplicité des représentations de Dhanvantari, l’adepte sera plus enclin à honorer une image qui correspondra le plus à son idée de Dhanvantari.  

Photo 4 : En Chine : Shen Nong ou Shennong (le divin agriculteur) collectant des plantes médicinales. Cette gravure est extraite du livre ‘’La médecine traditionnelle chinoise de Liao Yuqun, traduit par Mi Jindie.

Comme écrit plus haut Shennong et l’empereur Yandi ne feraient qu’un … ce qui reste à prouver, d’autant que la légende prétend que le divin laboureur (Le qualificatif -agriculteur/laboureur- change au gré des traductions) aurait goûté des centaines d’herbes et que, de ce fait il aurait été empoisonné 70 fois par jour ; une forme de mithridatisation avant l’heure ?!...

En raison de la notoriété de Shennong nombre d’auteurs, au cours des siècles, auraient recopié ses soi-disant écrits, sans vraiment faire œuvre originale.

Par contre, sous la dynastie des Han de l’Est (25-220) avec son ‘’Shang Han Za Binh Lun‘’ (traité du Froid nocif et des diverses maladies) Zhang Zhongjing (张仲景) (environ 150-219) va se distinguer de ses confrères en étudiant la durée et la nature d’une maladie en fonction des trois yang et des trois yin ; ce qui va le conduire à rédiger des analyses et des prescriptions pour chaque type de maladie prise en compte, et cela dans une excellente langue chinois, ce qui ne gâchait en rien, bien au contraire, ses textes. Les chinois feront de Zhang Zhongjing leur dieu de la médecine ; une médecine dont le but était surtout d’allonger la vie et d’atteindre l’immortalité.

 

 

Le nelumbo nucifera et les civilisations qui l’ont honoré :

 

Le nelumbo nucifera et les temps préhistoriques :

 

D’après les botanistes le nelumbo nucifera serait l’individu à fleur le plus ancien qui soit. De ce fait il ne serait pas surprenant de le trouver représenté au sein de peintures rupestres remontant à la nuit des temps comme dans l’abris rocheux de Brandberg ?!...

 

Le massif de Brandberg se trouve en Namibie, (*) un pays d’Afrique du Sud au bord de l’océan atlantique, et dont les voisins sont l’Afrique du sud au sud, le Botswana à l’ouest et l’Angola au nord. Le point culminant de ces monts, le Königstein atteint 2.573 mètres. Les lieux sont arides et pourtant diverses tribus nomades, depuis plus de 44.000 ans y vivent, ce sont les ‘’Sans‘’ un nom générique qui regroupe les Damaras, les Himbas et les Hereros. En France nous parlons de Bochimans, un nom dérivé du mot hollandais Bosjersmans.

 

(*) Ne pas confondre la Namibie et la Nubie au Sud de l’Egypte.

 

En 1917, un allemand, tout à la fois explorateur, géologue et géographe, Reinhard Maack (1892-1969) explore ce massif de Brandberg et y découvre un abri rocheux, à l’intérieur duquel s’étale sur 5 mètres 50 de long et 1 mètre 50 de haut une peinture rupestre. Il va croquer quelques dessins de cette peinture dont l’abri porte aujourd’hui son nom, le ‘’Maack Shelter‘’ c’est-à-dire ‘’l’abri de Maack‘’. Il y aurait plus de 1.000 peintures de ce genre dans les environs ?!...

Après 1945, un Français, l’abbé Breuil, Henri Edouard Prosper Breuil (1877-1961), dit le pape de la préhistoire, parce qu’il est abbé et grand expert en art pariétal, de passage au Cap entend parler de ces peintures. De ce fait, il demande à voir les dessins de Reinhard Maack et décide alors de se rendre dans cet abri. Il a, à l’époque, un âge avoisinant les 70 ans.

 

L’abbé Breuil, et quelques autres après lui, vont émettre des hypothèses en fonction de leur vécu culturel d’Européen sans tenir compte de celui des autochtones, considérant que leurs ancêtres étaient dans l’incapacité de produire ce genre d’œuvres. C’est ainsi qu’un personnage de la fresque de 39,5 centimètres sur 29 centimètres va recevoir le nom de ‘’Dame Blanche‘’ de la part de l’abbé Breuil.

 

D’autres chercheurs après lui vont découvrir que cette dame possèderait un pénis et que ce serait en fait un Chaman. D’après ces derniers il s’agirait alors d’un rituel de chasse où le chaman, dont le bas du corps a été recouvert de blanc, tiendrait un arc de la main gauche, et un gobelet de la main droite que d’autres gens identifient comme étant … un lotus ?!...

 

En ce qui me concerne je me garderai bien de me ranger dans l’un des partis, d’autant que les individus de la fresque présentent les traits des Bochimans qui sont grands, beaux et sveltes et que leurs ancêtres ont très bien pu être les auteurs de ces peintures rupestres.

 

Avec les photos qui suivent, je laisse le lecteur choisir son parti, ou rester dans l’expectative ?!... La dame blanche ou le chaman tiennent-ils un gobelet ou un lotus ?...

 

 

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Photo 1 – 2 & 3 : La dame blanche photographiée sous des plans de plus en plus gros.

 

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Photo 1 : Un relevé de la ‘’Dame Blanche‘’ dessiné par l’abbé Henri Breuil.

Photo 2 : Un relevé de la ‘’Dame Blanche‘’ dessiné Reinhard Maack en 1917. C’est ce relevé qui va décider l’abbé Breuil à voir cet individu de visu.

Photo 3 : Un relevé de la ‘’Dame Blanche‘’ dessiné par l’abbé Henri Breuil

Photo 4 : La couverture du livre de Jean-Loïc Le Quellec (directeur de recherche au CNRS et chercheur au Centre d'études des mondes africains) concernant la célèbre image rupestre que l’abbé Breuil baptisa ‘’La dame Blanche‘’ et qui pourrait être … un homme ?!...

 

   

Le nelumbo nucifera et l’Egypte :

 

La civilisation Egyptienne s’étend sur plus de 3.000 ans (3.150 av. JC et 30 av. JC), un laps de temps difficile à traiter en quelques mots !... Mais s’agissant du lotus bleu il en va tout autrement, car il a accompagné cette civilisation du début à la fin.

 

De toutes les civilisations antiques, la société égyptienne fut l’une des premières à vénérer le lotus et à en faire un objet de culte. Durant ces 3.000 ans, alors que le statut des dieux changeait celui du lotus ne faisait que se confirmer. Outre ses nombreuses qualités, il fut et resta la fleur primordiale sortie du Noum ; et de ce fait celui, qui en écartant ses pétales, donna naissance au premier lever du soleil.

 

Le dieu Nefertoum ou Nefertem, le seigneur des parfums ou le lotus parfumé, incarnait le lotus primordial. Il est dit à son sujet qu’il était aussi le dieu de la résurrection, de l’immortalité, ainsi que le bouton de lotus aux narines de Rê, le soleil.

 

Les Egyptiens, selon les critères botaniques de l’époque, vénéraient trois types de lotus. Aujourd’hui, la botanique remet les pendules à l’heure, ces fleurs sacrées n’appartiennent plus à un seul genre, mais à deux, à savoir le genre ‘’nelumbo‘’ pour l’une d’elle, et le genre nymphaea, pour les deux autres. Le détail suit :

 

1/ le lotus Nelumbo nucifera dont la couleur va du blanc au rouge le plus intense, en passant par le rose, (1) est le seul à être un lotus.

2/ le nénuphar Nymphaea cærulea de couleur bleue. (2)

3/ le nénuphar Nymphaea nouchali Burm. de couleur bleue.

 

Ces Nymphaea étaient alors appelés tantôt bachenin (Nymphaea cærulea) ou naufar mais aussi ‘’araïs el Nil‘’, c’est-à-dire ‘’les épousées du Nil‘’ ; car lorsque les lotus, en fait Nymphaea, s’élevaient au-dessus des eaux, sonnait l’heure des inondations qui devaient apporter l’abondance. De ce fait ces Nymphaea étaient symboles de fertilité et de fécondation. En Egypte courait le dicton : ‘’Année de lotus, année d’abondance‘’.

 

(1) Le Nelumbo nucifera dont la couleur varie du blanc au rose n’aurait été introduit en Egypte que vers 500 av. JC par les Perses ?!...

Par ailleurs, il existerait deux variétés de Nelumbo de couleur bleue, le Nelumbium ou Nelumbo cæruleum, (Nelumbium tamara) originaire de la côte Sud/Ouest de l’Inde, le Malabar, et le Nelumbium caspicum qui pousse dans l’Astracan (delta de la Volga).

(2) Le nénuphar Nymphaea cærulea nommé ainsi par le zoologiste français Jules-César Savigny (1777-1881) est le plus souvent représenté.

Il semblerait donc que ce soit cet individu qui serait derrière le soi-disant lotus bleu. Encore que Alire Raffeneau-Delile écrit ‘’Comme les anciens ont peu parlé du lotus bleu on pourrait croire qu’il a été apporté des Indes orientales avec le riz puisqu’il croît abondamment dans les rizières du delta ; mais les peintures des temples prouvent évidemment que cette plante est aussi ancienne en Egypte que le Nymphaea lotus‘’. En tout cas, SEUL le lotus ou Nymphæa cærulea (*) c’est-à-dire BLEU était SACRE.

 

(*) Le Nymphæa cærulea a fleuri à Paris pour la 1ère fois en 1802 au jardin des plantes.

 

 

D’après la cosmologie Egyptienne, au commencement il y avait Noum c’est-à-dire l’océan primordial. De cet océan une boue ou un limon a émergé et a fini par former une île d’où est sorti un œuf, voire … un bouton de lotus, lequel avait l’aspect d’un œuf. De l’œuf ou du bouton de lotus un oiseau, ou une oie, a pris son essor, trois mondes seront alors créés ; puis ce sera le soleil (*), c’est-à-dire le démiurge créateur qui de l’œuf ou du lotus rejoindra les cieux ; nombre de dieux, outre Horus représenté avec une tête de faucon, qui était l’une des manifestations du soleil, Thot, le seigneur du temps à tête d’Ibis, et bien d’autres naîtront, eux aussi, d’un lotus ; puis les siècles aidant, à partir de la XVIIe dynastie vers 1648 av. JC., ce sera le pharaon lui-même qui naitra du Lotus. Le pharaon était alors devenu un dieu, un démiurge créateur. Pharaon tel le soleil émergea d’un bouton de lotus ?!....

 

(*) Le soleil ou le dieu Atoum s’est auto-créé. Dans certaines légendes il est considéré comme le premier démiurge qui a trouvé vie au sein d’un lotus ; ce lotus avait surgi des eaux primordiales, c’est-à-dire … de Noum.

Après avoir pris sa forme définitive, Atoum a façonné le monde des vivants à partir de la matière qu’il avait sous la main. Si à l’origine Atoum n’était autre que le soleil, avec le temps et au gré des légendes son statut a évolué.

Rê, Herishef, Khnoum sont des noms, entre autres noms, qui servent à désigner le soleil.

 

Alors que dans les textes il est souvent fait référence au Lotus, symbole du delta du Nil, et du Papyrus, symbole du cours supérieur du Nil, et qu’ils sont souvent représentés au sein des fresques, les commentateurs passent très souvent sous silence la couleur du Lotus, c’est-à-dire … le bleu. Or c’est bien du lotus (nymphaea) de couleur bleu, et non blanc, jaune ou rose, dont il s’agit.

 

Ce lotus de couleur bleu symbolise la renaissance quotidienne, une renaissance dont la déesse Hathor a la charge. Hathor, parfozzis confondu avec Isis, est la déesse de l’amour, de la beauté, de la musique et de la maternité. Elle est la mère de pharaon et souvent représentée sous les traits d’une vache nourricière. Les grecs l’identifiaient à Aphrodite et les romains à Vénus.

 

Comme ces dernières, Hathor … ‘’balance‘’ … (*) entre la lumière, c’est-à-dire le blanc, et les ténèbres, à savoir le bleu. Ces deux couleurs, le blanc et le bleu, se rattachent à l’ouest. Car le matin, Hathor sous l’aspect de l’étoile du matin qui n’est autre que la planète Vénus, (Lucifer) précède et annonce le lever du soleil, c’est le monde qui s’éveille, et le soir Hathor sous l’aspect de l’étoile du berger qui n’est autre, là-encore, que la planète Vénus, (Vesper) préside au coucher du soleil. Pour cette incessante ambivalence Hathor symbolise la renaissance et s’identifie à l’Ouest.

 

(*) En astrologie, Vénus gouverne le signe de la Balance et du Taureau. Hathor était aussi représentée sous la forme d’une vache nourricière.

 

L’Ouest correspond à la nuit, parce que c’est le point d’horizon où disparaît le soleil. De ce fait, l’ouest est associé au royaume des morts et à Hathor la protectrice des nécropoles. Cette dernière est aussi la déesse du sycomore, c’est-à-dire de l’arbre d’où elle accueille, avec l’eau et le pain de la bienvenue, chaque défunt. Un défunt dont l’âme se défera de son corps en traversant le lac … de lotus.

 

Hathor symbolise donc une double nature, ainsi, par exemple, elle est la déesse de l’amour mais de l’amour charnelle (bleu) (1) et de l’amour spirituelle (blanc). Elle est comme le principe universel de vie, d’une vie débridée (bleu) mais aussi d’une vie édifiante (blanc).

 

En Inde, la divinité du mental, de la beauté, de la jeunesse et du désir, c’est-à-dire de l’amour, porte le nom de Kâma. Kâma est aussi appelé Pushpa-dhanus c’est-à-dire celui qui tient l’arc à fleurs, et un autre de ses noms, Pushpa-shara, signifie qu’il est ‘’celui aux flèches-de-fleurs‘’, celui dont les flèches sont des fleurs. Ces flèches sont au nombre de cinq, comme les cinq sens.  Il y a … le lotus bleu du genre nelumbo (2), le jasmin du genre jasminum, la fleur du manguier du genre mangifera, le champaka du genre Michelia, et le Shirîsha du genre Albizia.

 

(1) Pour les Egyptiens le lotus, sans être un aphrodisiaque, remédiait à bon escient aux déficiences sexuelles de tout un chacun, et redonnait une bonne santé à ceux qui en étaient privés.

(2) Les traductions ne permettent pas de savoir s’il s’agit d’un Nelumbo bleu ou d’un Nymphéacée bleu comme en Egypte. Il y a en Inde des nelumbo bleus qui ‘’tireraient‘’ sur le violet ?!.... Quoiqu’il en soit nous retrouvons les mêmes symboles en Egypte comme en Inde, concernant le … lotus bleu.

 

 

En conclusion, pour toutes les raisons qui précèdent, un ou plusieurs lotus bleu(s) figurent très souvent aux côtés d’Hathor, par ailleurs, sa chevelure est de couleur bleue quand ce n’est pas son visage, voire tout son corps.

 

A noter que tant que lesdits lotus s’épanouissaient en Egypte, cette dernière jouissait d’une brillante civilisation, certes avec des hauts et des bas. Puis lorsque cette civilisation s’est éteinte, les lotus ont disparu d’Egypte ?!.... Curieux hasard ?!...

 

 

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Photo 1 : Le dieu Nefertoum ou Nefertem, est le fils du dieu Ptah et de la déesse Sekhmet ; une déesse à tête de lionne qui se confond avec Hathor. Nefertoum est la divinité de l’odeur agréable, de la justice et de la guérison, mais il est surtout celui qui vient de lui-même, c’est-à-dire le Dieu naissant et renaissant du Lotus. Il a d’ailleurs une fleur de lotus (Nymphaea cærulea) sur le haut de la tête.

Photo 2 : Le dieu Nefertoum sortant du Lotus à moins que ce soit Toutankhamon (1345-1327 av. JC.) ?! ...

A partir de la XVIIe dynastie vers 1648 av. JC., ce sera le pharaon lui-même qui naitra du Lotus tel Nefertoum. Le Pharaon devenait alors … un dieu.

La présente pièce, exposée au musée du Caire, est l’une de 3.800 qui ont été excavées de la tombe de Toutankhamon mise à jour par l’anglais Howard Carter (1874-1939) en novembre 1922.

Comme cet objet a été découvert dans la tombe de Toutankhamon, les archéologues sont partagés sur l’identité du dieu qu’il représente ?!... S’agit-il du dieu Nefertoum ou du dieu Toutankhamon ? … Le débat reste ouvert et le sera – je pense – pendant longtemps.

Photo 3 : L’une des nombreuses représentations d’Hathor. Il s’agit d’un fragment de sistre datant de la 26è dynastie (664-525 av. JC.). Sa hauteur est de 10,6 cm, sa largeur de 6,4 cm et son épaisseur de 4,5 cm. Ce fragment faisait le lien entre le manche et le système de percussion d’un sistre. A noter que Hathor est de couleur bleu et qu’elle porte son ‘’menat‘’, un collier que les défunts devaient toucher pour obtenir la vie éternelle.

Cette pièce est exposée au musée du Louvre sous le n° E 3668.

Photo 4 : Le sistre est un instrument à percussion qui se tient à la main. Il suffisait de l’agiter pour que des anneaux ou des lamelles s’entrechoquent et produisent des sons. L’une de ses particularités était de chasser les démons. Il existait alors deux types de sistres : le ‘’Sakhm‘’ d’abord en bois puis en porcelaine, qui était équipé de 2 ou 3 barres horizontales traversées par des anneaux, et le ‘’Saischschit‘ en métal muni de 2 ou 3 barres horizontales qu’il suffisait d’entrechoquer. Le sistre était l’un des attributs de la déesse Hathor et Isis mais aussi de quelques autres déesses. Les tintements, outre le fait de chasser les démons, étaient réputés pour avoir des pouvoirs magiques.

Photo 5 : Ce papyrus, (*) long de 2,6 mètres et large de 25 centimètres, aurait été peint lors de l’époque Ramesside (1292-1075 av. JC.). Il fut découvert à Deir el-Medina en 1802 et acquis en 1818, sur les conseils de Champollion par le roi du Piémont. Il est aujourd’hui exposé au ‘’Museo Egizio‘’ de Turin.

 

Ce papyrus est vu par beaucoup, y compris par Champollion, comme de la pornographie à la mode égyptienne. Et si c’était tout le contraire ?! ...

 

Ce papyrus ne serait-il pas à voir comme des images devant libérer l’esprit, non pas des plaisirs sensuels, mais des désirs propres à chacun ?... Car c’est à partir de ses désirs que l’homme accède à la spiritualité ou à la matérialité ?...

 

Trop d’éléments sacrés figurent dans cette suite d’images pour que ce soit un papyrus salace. Le lotus bleu est présent sur toutes les images, les jeunes filles, vraisemblablement nubiles, tiennent des objets associés à Hathor, la déesse mère et la fille de Rê.

 

Hathor est double. Elle se confond avec Isis épouse et sœur d’Osiris, et du fait de cette double personnalité elle est la déesse du jour et de la nuit, de la vie et de la mort, de l’amour et de la prostitution, mais d’une prostitution sacrée !... Tout ce qui touche à Hathor ne peut être que sacré mais … encore faut-il connaître les arcanes qui conduisent à la bonne interprétation de ces images.

  

(*) Ce papyrus faisait partie de la collection d’antiquités égyptiennes que Bernardino Michèle Maria Drovetti (1776-1852), alors consul de France au Caire, avait constitué depuis 1802.

En 1818 Drovetti la proposa à Louis XVIII qui la trouva trop chère, de ce fait elle fut acquise par le roi du Piémont, Victor Emmanuel de Savoie (1759-1824).

C’est ainsi qu’à Turin s’ouvrit un musée d’égyptologie, tandis que Paris et le Louvre perdaient un fabuleux trésor, dont le papyrus … de Turin ?! …

 

 

L’Inde et le Lotus (Nelumbo nucifera) :

 

Le lotus est originaire de l’Inde, un pays qui aujourd’hui en a fait sa fleur nationale tout comme le Vietnam et Macao. (1)

 

La beauté du Lotus, le nelumbo nucifera que les indiens désignent sous le nom de ‘’Padma‘’, et ses diverses qualités ont fait qu’il est omniprésent dans les traditions de ce pays y compris dans les mythes créateurs qu’ils soient de tradition védique (2) ou Brahmanique (3).

 

(1) Sans être la fleur nationale de Macao, le lotus figure sur le drapeau et les armoiries de cette ex-colonie portugaise.

(2) Le Védisme couvre une période d’environ 1.000 ans. (1500 à 500 av. JC.). C’est durant cette époque que furent écrits les véda (Le savoir) et les Upanishad (vers 700 av. JC.) pour ces derniers.

(3) Le Brahmaïsme ou Hindouisme ancien s’étend lui aussi sur environ un millénaire.  (600/500 av. JC. Jusqu’à 400/500 après JC.)

C’est durant cette époque que furent écrits le Mahābhārata (vers 200 avant JC.) et le Ramayana (vers 100 AVANT JC.)

C’est aussi au cours de cette période que Vishnu et Shiva vont sortir de l’ombre et que parallèlement vont naître le Bouddhisme et le Jaïnisme (Jinisme).

 

A la différence des religions occidentales pour qui un dieu précède toute création, en Inde c’est la création qui précède l’apparition des dieux. De ce fait le rôle des dieux Indiens est alors d’ordonner le monde, et non pas de le créer.

 

De même, alors qu’en Occident la fin des temps, connue sous le nom d’apocalypse, est unique, en Inde la fin des temps se renouvelle régulièrement à la fin de chaque kalpa (1). De ce fait, la fin d’un kalpa se termine par la dissolution de tout l’univers, dieux y compris, en une espèce de magma informel, qui pourrait ressembler à un océan qualifié d’eaux primordiales. C’est Brahma qui retourne en Vishnu, car la vie de Brahma, (2) malgré sa durée exceptionnelle est limitée dans le temps. Seul le brahman est éternel, sans début et sans fin.

 

Seuls échappent à cette absorption le serpent polycéphale Shesha (3) et Vishnu. Alors Shesha, sur cet océan, va se lover sur lui-même et permettre à Vishnu de s’étendre sur ses anneaux jusqu’à la naissance d’un nouveau Kalpa. Vishnu prend alors le nom de ‘’Narayana‘’ ce qui signifie ‘’reposant sur les eaux‘’ voire ‘’Demeure du savoir‘’. Dans cet état il est supposé rêver à la création future.

Puis du nombril de Vishnu, en forme de bouton de lotus, va naître ou renaître le créateur Brahma.  

 

(1) Un kalpa ou calpa est une unité de temps propre à la cosmologie hindouiste et bouddhiste couvrant quatre milliards trois cent vingt millions d’années. Le laps de temps entre deux kalpas, quant à lui, porte le nom de Prala.

(2) Brahma est l’un des trois dieux de la Trimurti, les deux autres étant Vishnu et Shiva. Sa vie malgré sa durée exceptionnelle, plus de quatre milliards d’années, est néanmoins limitée dans le temps. Seul le Brahman, fondement de tout ce qui existe, est éternel. Brahma n’a qu’une seule et unique mission l’expansion et la contraction de l’univers.

(3) Shesha est aussi appelé Ananta, un nom qui signifie ‘’sans fin‘’, ‘’éternel‘’, ‘’infini‘’, le temps infini, voire le cycle de l’éternité. C’est le roi des Nagas dont les bouches chantent continuellement les louanges de Vishnu.  

 

La création du monde selon le Védisme :

 

La fleur ou la feuille de lotus, ‘’puṣkaraparṇa‘’ en sanskrit (*) est souvent présente au sein des cultes et des mythes védiques. Parfois concernant l’origine du monde ils ne font qu’un. La légende qui suit, une parmi d’autres, illustre ces lignes.

 

(*) ‘’puṣkara‘’ se traduit par Lotus-fleur bleue, lotus, Nelumbium Speciosum ou Nymphaea Nelumbo ; et le mot ‘’parṇa‘’ signifie feuille. Quelques-uns de ces termes ne sont pas forcément synonymes.

 

 

Au commencement, au-dessus de l’océan primordial, Prajāpati, le créateur, se balançait sur une feuille de lotus, qui ressemblait à un nid (Kulaya) suspendu au-dessus des eaux. Puis, pour créer l’univers il prit l’apparence d’un sanglier ; sous cette forme et en se guidant avec le pédoncule du lotus, il atteignit le fond des eaux. Quand il remonta à la surface, son groin était couvert de boue qu’il déposa et étala sur la feuille de Lotus. Ce limon allait devenir la terre ; une terre qui va se couvrir d’individus en tous genres et, selon la/le Brihad-Âranyaka-Upanishad, (*) de plus de trois mille dieux.

 

Nota : Ce paragraphe donc, résume un mythe parmi d’autres, et n’est pas sans faire penser au troisième avatar, celui où Vishnu prend les traits du sanglier Varāha. Dans un autre texte, le sanglier n’est autre de Brahma ?!...

 

(*) Le ou la Brihad-Âranyaka-Upanishad ou Bṛhadāraņyaka upanisad est un ensemble de textes philosophiques qui fait partie du Veda. Ce véda, écrit entre le VIIIe et Ve siècle av. JC., se compose de quatre parties, (Rig-Veda, Yajur-Veda, Sama-Veda et Atharva-Veda). Chacune de ces quatre parties réunie quatre types d’écrits : la Saṃhitā, les brāhmaņa, les Āraņyaka, et les upaniṣad. Dans le cas présent il s’agit de l’upanisad du Yajur-Veda.

Le mot upanisad signifie ‘’être assis au sol aux pieds du maître‘’ sous-entendu pour écouter son enseignement.

 

 

Prajāpati est une divinité primordiale qui crée l’univers à partir de son propre corps, qui de ce fait est l’univers. Il est l’univers, le père et seigneur des créatures.

 

Seules les divinités impliquées dans une action spectaculaire ou bénéficiant d’un culte particulier font vraiment parler d’elles. Indra, le premier d’entre eux, Mitra et Varuna les gardiens de l’ordre, Agni le feu du sacrifice et Soma l’incarnation du breuvage divin, sont du nombre et avec eux le lotus tient une place particulière et privilégiée.

Ainsi, par exemple, Indra qui tua au moyen de son foudre, Vrita (Ahi) un démon magicien responsable de la sécheresse sur terre ira se cacher dans une tige de Lotus pour expier son meurtre. (Bhâgavata-Purana -6 -10.13).

Concernant les rituels, les grands et solennels, comme l’Agnicayana, (*) les adeptes construisaient un autel en forme d’oiseau au moyen de 10.800 briques et plaçait une feuille de lotus en son milieu et sous la dernière rangée de briques, pour que puisse se réaliser le sacrifice, c’est-à-dire la reproduction du mythe de la création, mais à petite échelle, à l’exemple de Prajāpati.

Varuna, le dieu des eaux et le principe du destin se voyait offrir douze lotus, un par mois.

 

(*) Le terme sanskrit d’Agnicayana se compose de deux mots, Agni et cayana. Agni était le dieu du feu, le principe de la nutrition et le messager des dieux, mais aussi celui qui portait les prières des hommes aux dieux, et ‘’cayana‘’ se traduit par pile de bois, bûcher et autel.

Les grands rites védistes se pratiquaient sans besoin de temple, mais nécessitaient l’édification de grands autels qui restaient à l’abandon une fois les rites accomplis.

C’était par l’intermédiaire d’Agni et au moyen d’un sacrifice que les prières et les offrandes étaient portées au plus haut des cieux à l‘occasion de nombreux rites, dont des rites domestiques (samskāra) comme celui de la conception, du choix du nom d’un enfant, de la première coupe de cheveux, et, des rites de mariage, funéraire, pour ne citer que ceux-là.

Les petits rites se pratiquaient simplement mais sans se passer de la feuille et/ou des fleurs de lotus.

 

 

Au fur et à mesure que se construisait et que s’affinait la rédaction des récits cosmogoniques hindous, la feuille de lotus a laissé place à la fleur de lotus. Mais la fleur de lotus était déjà depuis longtemps considérée comme un symbole de bien-être matériel et de bien-être spirituel. Ainsi, l’une des déesses, la plus grande et la plus ancienne divinité du panthéon hindou, ‘’Lajja Gauri‘’, (*) était représentée avec une fleur de lotus à la place de sa tête, et avec un bouton de fleur de lotus dans chacune de ses mains.

 

(*) Lajja (?) signifie faute et honte et Gauri (गौरी) blanche. Mais Gauri est aussi l’un des noms de Dākshāyani qui est la déesse de la félicité conjugale et de la longévité.

 

A l’origine cette déesse portait le nom d’Uttanapad, un mot qui servait à qualifier l’accouchement. C’est pourquoi la déesse était représentée de face, accroupie, les jambes écartées et la vulve, ou yoni en sanskrit (*) bien en évidence. Cette représentation de la déesse ne pouvait que se rapporter au mythe de la création car on trouve, entre autres, dans le Rig Veda : ‘’La terre est née de celle qui s’accroupit les jambes écartées. ‘’ (R.V. 1072) Par ailleurs, le lotus qui repose sur son cou symbolise le déploiement de la création, mais aussi la pureté et la vérité.

 

(*) Le mot sanskrit Yoni signifie source et origine.

 

De ce fait au cours des siècles, elle a reçu une kyrielle d’épithètes et mille et une attributions dont celle d’être le principe créateur féminin, la force divine de la procréation et de la destruction, et, la mère d’une douzaine de dieux dont Indra, Agni, Surya, entre autres prérogatives.  

 

Connue depuis la nuit des temps, elle a vu son culte grandir entre le VIe et le XIIe siècle et l’une de ses représentations, Maha Devi semble faire la transition entre l’ancienne et la nouvelle tradition, c’est-à-dire le védisme et le brahmaïsme.

 

L’un des chants de la tradition raconte comment deux géants, Keitabha et Madhou, s’étaient entendus pour détrôner Brahma qui du haut de son lotus appelait à l’aide. L’appel fut entendu par Maha Devi, la grande déesse, qui surgissant de nulle part va les frapper de terreur et réveiller Vishnu qui lui, les fera périr.     

 

En conclusion, les exemples sont nombreux concernant l’importance du lotus au cours du Védisme ; et lorsque le Brahmaïsme va succéder au védisme, le lotus, loin de connaître le sort des anciens dieux va, tout au contraire, prendre une place de choix au sein du nouvel ordre religieux.

 

 

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Photo 1 : Cette ‘’Lajja Gauri‘’ ou déesse à tête de lotus vient du temple Chalukya de Naganath près de la ville de la Badami ; une ville qui se situe dans le district de Bagalkot à environ 120 km au sud de Bijapur dans l’état de Karnataka. Cet état et celui du Kérala sont en bordure de l’océan Indien et forment la côte de Malabar, la côte du Sud-ouest de l’Inde.

Cette ‘’Lajja Gauri‘’ aurait été sculptée vers 650. Elle est aujourd’hui exposée au musée de Badami.

Photo 2 : Cette image représente une cosmographie brahmanique tirée du Purāṇic Jambūdvīpa. (*) Cette cosmographie présente sous la forme d’une fleur de lotus l’idée que se faisait de leur cosmologie les grands esprits d’alors.

Au centre d’un lotus se développe un péricarpe, c’est-à-dire une structure en forme de pomme d’arrosoir, celle-ci était alors considérée comme étant le mont mérou, le mont sacré ou l’axe du monde. Des étamines encerclent ce péricarpe. C’étaient alors les crètes des montagnes environnant le mont Méru. Puis, chacun des pétales composant la corolle s’identifiait à un pays, et chacun des quatre sépales du calice était considéré comme l’une des quatre péninsules primitives ou dwipas ; de ce fait, chacun d’eux était associé à une direction cardinale. Ces quatre régions du monde ou caturmahādvipavati sont, au sud le Bhārata, à l’ouest le Ketumāla, au nord l’Uttarakuru et à l’est le Bhadrāśva

(*) Le Purāṇic est un recueil poétique qui relate les traditions et les légendes concernant les croyances hindoues ; le Jambūdvīpa désigne notre continent.

Photo 3 : Ce bronze, exposé au musée Guimet de Paris, représente le dieu de l’ère brahmique : Vishnu dit Narayana, c’est-à-dire celui qui repose sur les eaux. Dans le cas présent, nous sommes à la fin d’un kalpa et Vishnu, repose sur les anneaux du serpent multi Céphale Shesha. Il rêve ou imagine le futur Kalpa. (Photo du 3 avril 2016) 

 

 

La création du monde selon le Brahmaïsme :

 

Le Brahmaïsme va, petit à petit, se substituer au Védisme. Les anciens dieux vont devenir des anti-dieux peu recommandables, sauf Indra (*) qui va tirer son épingle du jeu mais perdre de sa prépondérance, et d’obscurs dieux présents dans l’univers védique vont prendre le devant de la scène.

 

(*) Dans les védas Indra est le plus grand des dieux. Le plus grand nombre des hymnes lui sont consacrées.

 

A l’origine, Brahma, Vishnu et Shiva étaient d’obscurs déités du Védisme. Les tenants du futur brahmaïsme, pour mettre en place un nouvel ordre plus en harmonie avec les idées nouvelles de l’époque, vont, sans doute intuitivement et en y mettant du temps, les sortir de leur anonymat et les associer pour en faire une puissance ordonnatrice de l’univers sous le couvert de trois aspects que seraient la création (Brahma), la préservation (Vishnu), et la destruction (Shiva). Cette association prendra le nom de Trimurti ou Trimourti.

 

 

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Photo 1 : Gravure représentant le dieu Brahma (ब्रह्मा). Brahma prit forme à l’aurore de la création au cœur d’une fleur de lotus de couleur blanche (1). Il avait alors 5 têtes symbolisant l’éther, l’air, le feu, l’eau et la terre. (Sa conduite libertine lui vaudra de perdre une tête). Il a pour monture céleste ou vāhana un cygne (2) ou une oie sauvage, et pour emblème un lotus. Ses attributs sont : le lotus, les védas sur feuilles de palmier, un chapelet ou aksamala (akṣamālā) et un pot à eau ou kamandalu (kamaņḍalu). La créature qui lui fit perdre une tête, Sarasvatī, n’est autre que l’une de ses créatures et … sa parèdre (Compagne ou épouse).

(1) En précisant que le lotus était blanc, cela sous-entend que Brahma est né dans un nymphaéa blanc, qui au cours des siècles est devenu un lotus … rose.

Brahma est né du nombril de Vishnu d’où son nom de Nabhi-ja – C’est aussi le dieu au lotus d’où : Kañja, Sarojin, le dieu né du lotus d’où : Abja-ja, Abja-yoni, Kañja-ja.

(2) Le cygne cherche toujours l’eau la plus pure pour boire.

Photo 2 : Gravure représentant le Dieu Vishnu (विष्णु). Vishnu ou Vishnou est une ancienne divinité solaire du monde védique. Ses noms sont légions mais parmi les plus courants il y a Hari, Nārāyaņa, et Padmanabhi (*).

Vishnu est présent en tout et partout, il est omniprésent et omniscient. C’est lui qui descend sur terre sous différentes formes appelées … avatar, à chaque fois que le bon ordre est menacé. Il a pour monture un vāhana mi-homme, mi-aigle nommé Garuda. Ses attributs sont, une conque ou Shankha, un disque ou Sudarshana chakra, une massue ou gada et une fleur de lotus. Il a pour parèdre … Laksmi.

(*) Padmanabhi (मृगनाभि) ou Padma-nābha se compose du mot Padma qui signifie lotus. De ce fait ce mot se traduirait par ‘’celui dont le nombril a donné naissance au lotus‘’.

En lutte avec les asuras et les démons Vishnu eut besoin de l’aide de Shiva. Pour l’obtenir il lui offrit mille lotus. Alors Shiva lui remit une arme redoutable, le Sudarshana chakra, un disque solaire qui ne laisse aucune chance au moindre ennemi de Vishnu. Le Sudarshana comporte 6 rayons comme les 6 pétales du lotus.

Si Vishnu est omniprésent tout laisse à penser que le lotus l’est aussi concernant Vishnu.

Photo 3 : Gravure représentant le dieu Shiva (शिव). Shiva, Chiva ou Çiva (*) est un ancien dieu du soleil et du feu. Son culte se met en place vers 250/200 av. JC. Ce dieu est à la fois bienveillant et terrible d’où son nom de Bhairava ce qui signifie affreux, effroyable ou encore terrible. Prince des ascètes et des yogistes (ou yoguistes), il est aussi appelé Yogeshvara. Il crée et il détruit selon des rythmes qui lui sont propres et qui lui vaudront la qualité de seigneur de la danse. Il aurait 108 rythmes ou danses à son catalogue mais c’est le ‘’Tandava‘’ qui serait la danse cosmique par excellence.

Il a pour vāhana le taureau blanc Nandin, ses attributs sont : le trident, un tambour, un pot à eau, un bol à aumônes et une peau de tigre. Sa parèdre est Pārvāti.

(*) Shiva est une épithète se rapportant à Rudra. Ce nom aurait la signification de ‘’gentil et aimable‘’ ce qui était alors le contraire de ce que représentait Rudra le dieu du tonnerre dit le ‘’terrible‘’ et le ‘’hurleur‘’, dont Chiva serait le prototype et de ce fait la relève.

 

Nota Bene : Ces trois gravures sont des œuvres datant du XIXe siècle (1820/1830). Elles comptent parmi les 80 planches d’un recueil provenant du sanctuaire de Chidambaram Nataraja ou temple Thillai Nataraja. Un temple dédié à Shiva-Nataraja le seigneur de la danse. Ce recueil est aujourd’hui la propriété de la BNF. (BNF Gallica)

 

 

Comme lors du védisme, le lotus va participer à part entière à la création du monde. Nous sommes en plein brahman. (*) Sur l’océan des eaux primordiales, Vishnu est endormi sur les anneaux de Shesha, le roi des nagas. Puis sonne l’heure d’un nouveau Kalpa. Alors du nombril de Vishnu, en forme de bouton de lotus, un pédoncule pousse et donne naissance à une belle et merveilleuse fleur de lotus que Brahma prend pour siège !...

 

‘’Le premier Brahman fit naître dans un lotus le deuxième brahman qui est le dieu Brahmā le créateur de l’univers‘’, dit la tradition selon Marius Schneider (1903-1982) ! ...

 

(*) Le brahman, mot neutre en sanskrit, est une espèce d’énergie fondamentale, un principe universel à l’origine de toute création, et où toute création retourne pour s’y fondre.

 

Il est écrit dans le ‘’Bhâgavata Purâna‘’ (*) concernant cette création :

 

1/ -‘’ Avec ce lotus je formerai les mondes qui ont été antérieurement détruits… ‘’ 2/ - ‘’ Après avoir pénétré dans le centre de ce lotus, poussé à l’œuvre par Bhagavat, (*) il partagea en trois cette plante unique qu’il eût pu diviser en quatorze … ‘’

 

(*) Les Purânas sont une suite de 18 ouvrages attribués à Vyâsa qui n’en a peut-être écrit aucun d’autant que Vyâsa est un mot sanskrit qui se traduit par … ‘’compilateur‘’ ?!...

Purâna signifie : livre destiné à faire connaître la création, et Bhâgavata, dans le cas présent concerne Krichna, une incarnation de Vishnu. Il s’agit de son 8è avatar qui le plus souvent est de couleur bleu nuit et qui compte dans ses attributs un … lotus. ?

Le premier extrait rapporte la pensée de Brahma, et le second est un commentaire de Mâitreya, qui devise avec Vidura.

Les deux textes sont extraits du ‘’Bhâgavata Purâna‘’ ou Histoire poétique de Krichna‘’ - Chapitre X sous-titré ‘’Développement de l’origine des principes‘’ traduit par Eugène Burnouf (1801-1852).

 

 

Un autre dieu, sans appartenir à la Trimurti, a aussi son importance au sein du panthéon hindou, c’est le dieu Krishna. Contrairement à ses ‘’divins confrères‘’ il a une ‘’histoire‘’ plus proche du monde des hommes que du monde céleste.

 

D’après certains textes Krishna serait né dans une prison, à Mathura de Devaki sa mère, épouse de Vasudeva son père, sous le règne d’un soi-disant oncle Kamsa. Selon d’autres Krishna serait né dans une grotte, au pied du mont Méru, d’une vierge nommée Devaki ?!... 

 

Le roi Kamsa, d’après le Bhâgavata Purana n’était autre qu’un démon qui aurait usurpé son trône en trompant tout son monde. Par le biais d’une prophétie ce dernier apprit que le huitième fils de Devaki, à savoir Krishna, encore à naître, le tuerait. De ce fait il mit tout en œuvre pour éliminer au fur et à mesure de leur naissance tous les nouveau-nés de sa demi-sœur Devaki.

 

Comme une prophétie doit se réaliser d’une façon ou d’une autre le septième (Bala-Rama) et le huitième (Krishna) enfant de Devaki échappèrent à leur triste sort.

 

Krishna, échangé à sa naissance, fut alors élevé par Nanda le roi des bergers et sa femme Yashoda (Yaśodā). Dans d’autres textes, Nanda est aussi présenté comme un ancien serviteur de la famille de Devaki qui cacha cette dernière et son enfant dans une grotte. Mais quel que soit la situation sociale de ce Nanda, dans les deux cas c’est lui qui cacha et éleva Krishna, que le roi Kamsa cherchait à faire tuer pour rester en vie.

 

Au fur et à mesure de son existence, ce Krishna eut à rétablir, en différentes occasions, le bon ordre sur terre, c’est-à-dire le dharma ou la loi divine, une tâche qui en principe incombe à … Vishnu. De ce fait nombre de sources prétendent que Krishna était le huitième ou neuvième avatar de Vishnu. (1)

 

Cette descente sur terre, ou avatar, est la plus brillante de Vishnu, car c’est un dieu, Vishnu, qui s’incarne en entier sous forme d’un dieu, qui n’est autre que lui-même, mais que les hommes connaissent sous le nom de Krishna. (2) Vishnu ne s’incarne plus en prenant l’apparence d’un animal.

 

(1) Le nombre d’avatars varie selon les textes. Ainsi dans le Varāha Purāna il y en a 10, le Matsya Purāna en compte 12, le Garuda Purāna en présente 22, et l’Ahirbudhnya Samhita estime à 39 leur nombre.

(2) Dans le ‘’Srimad-Bhagavatam Purana‘’ Chap.3 verset 28, il est écrit ‘’ … Sri Krishna est la Personnalité originelle de Dieu. ‘’

 

Le nom de Krishna apparaît pour la première fois dans le Rig-Véda (Mandala VIII, 3-4) et c’est dans le Harivaṃśa qu’il accède au statut de divinité.

 

Cet avatar était-il d’origine humaine ou divine ?!... Seul Vishnu pourrait le dire, car les légendes humaines font peu de cas de la vérité, seule compte la beauté du récit ?!... En tout cas, des sources indiennes en font un personnage historique, et il semblerait que ce soit actuellement le dieu le plus célébré en Inde.

 

 

Krishna (Kṛṣṇá) en sanskrit à la signification de sombre, noirceur, noir, bleu-noir, c’est pourquoi il est souvent représenté avec un teint tirant sur le bleu-sombre, ‘’… son corps noirâtre comme un nuage dense ‘’ … (*) mais il y a d’autres raisons à cette couleur particulière. Une couleur qui déjà en Egypte, avec le blanc, se rapportait au royaume de la nuit et des ténèbres avec la déesse Hathor, déesse de l’amour, de la beauté, de la musique et de la maternité. Cette déesse au lotus bleu était souvent représentée sous les traits d’une vache nourricière ?! ...

 

(*) Srimad-Bhagavatam Purana (10 - 3-9/10). Ce livre concerne la vie de Krishna.

 

Ce n’est pas par hasard si Krishna naît dans une prison ou dans une grotte selon les récits, et à minuit avec le lever de la lune. Les lotus bleus (utpala) et blancs sont des symboles nocturnes et lunaires qui sont rattachés à la divinité de Krishna. (1)

 

(1) Les Nymphaea caerulea (Nīlotpala) ou lotus bleu, (*) et Nymphaea esculenda (Kumud ou Kumuda) ou lotus blanc, (*) fleurissent au lever de la lune et se ferment au coucher de la Lune, pour ces raisons ce sont des symboles nocturnes et lunaires. La lune est désignée parfois sous le nom de ‘’Kumuda-pati‘’ c’est-à-dire ‘’le seigneur du lotus‘’.

Le Lotus rose (padma), ou le lotus blanc (Nelumbium nuciferum ou Nelumbo nucifera) qui s’ouvre au lever du soleil et se ferme au crépuscule est lui, un symbole diurne et solaire. Le soleil est parfois appelé ‘’padma-bandhu‘’ ce qui signifie ‘’l’ami du lotus‘’.

Nota : La lune précède le soleil conformément à l’ordre cosmogonique. Car dans toutes les anciennes théogonies avant l’apparition du jour l’univers était plongé dans la nuit. 

(*) Ces Nymphaeas sont, comme je l’ai déjà maintes fois signalé, improprement appelé ‘’lotus‘’. Il est vrai que les traducteurs doivent avoir maille à partir avec … abja, ambuja, amburuha, aravinda, jalaja, paṅkaja, puṣkara, puṇḍarīka et cetera … des noms qui se rapportent au lotus à moins que ce soit au nymphaea ?!....   

 

Krishna a été élevé par le berger Nanda, (*) de ce fait il a été dès sa plus tendre enfance en présence de bovins d’où ses épithètes de ‘’Gopāla‘’ ce qui signifie ‘’bouvier‘’, et ‘’Govinda‘’ ce qui se traduit par ‘’maître des troupeaux‘’. Dans le Harivaṃśa il est l’enfant qui protège les vaches, c’est-à-dire … ‘’Bala Gopāla‘’. Avec sa flûte (Veṇu), telle la déesse Hathor, il enchante les bouvières qui toutes sont amoureuses de lui. Il s’agit bien de bouvières et non de bergères comme écrit dans de nombreux textes, les premières gardent les vaches tandis que les secondes sont attachées aux moutons ou … ovins et non bovins. Ce qui en Inde a son importance, c’est la vache qui est sacrée et non la brebis ?! …

 

(*) Nanda devait être un vacher et non un berger. Mais dans ce genre de récit on parle toujours d’un berger. Le vacher a un côté plus péjoratif.

Par ailleurs, Krishna est toujours représenté auprès de vaches et non de brebis.

 

Entre autres particularités Krishna ressuscite les morts, et tue les démons.

Lorsqu’il est représenté avec quatre bras, ses attributs sont, tenus par les mains du haut, une massue ou gada (main droite), et une fleur de lotus (main gauche). Ses mains du bas tiennent une conque ou Shankha, (main droite) et un disque ou Sudarshana chakra, (main gauche).

 

Il a pour parèdre … Rādhā qui n’est autre que l’incarnation de Lakshmi la parèdre de … Vishnu.

 

Le lotus s’invite dans quelques-uns des épisodes de sa vie. Ainsi, par exemple, par un beau clair de lune, Krishna méditait en fixant un lotus, existait-il un être plus beau que ce lotus pensa-t-il !... Alors la lune se mit à briller plus qu’à son habitude, et le lotus laissa paraître une vierge d’une beauté sans pareille.

 

L’image des ‘’pieds de Lotus‘’ de Krishna revient souvent dans le ‘’Srimad-Bhagavatam Purana‘’ sans oublier …’’seigneur seigneur des lotus‘’ … ‘’seigneur aux yeux de lotus‘’ … et cetera et cetera !...

 

Autrefois, lors des sacrifices humains le sang des victimes était recueilli dans un pétale de lotus.

 

Pour conclure, en Inde, de nos jours la légion d’honneur indienne porte le nom de ‘’Padmabhūṣaṇa‘’ et la décoration civile du mérite ‘’Padmaśrī‘’. Enfin, il serait question d’un lotus miniature dans le cœur de chacun, et dans le ‘’Padma Purana‘’ il est écrit que dans les temps primordiaux le cosmos était un … ‘’lotus d’or‘’.

 

 

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Photo 1 : Une image représentant Sarasvatî (सरस्वती) épouse-śakti (*) du dieu Brahma, trônant sur un lotus. Sarasvati ou Saraswati signifierait … gracieuse, élégante, sentimentale et serait à l’origine d’expressions telles que … ‘’pareil à un lac … ‘’, ‘’qui se plaît à … ‘’. Ce nom se rapporterait aussi à ce qui coule, ce qui est limpide, à la mer et aux fleuves ! … La Saraswati est un fleuve Indien et Sarasvān le dieu et gardien des eaux et de la fertilité.

C’est elle, Sarasvati, qui serait à l’origine du beau parlé et de son alphabet, à savoir … la langue sanskrite. De ce fait elle est aussi la déesse de la parole sacrée, et de la science. C’est aussi la déesse des Beaux-arts, des belles lettres, de la poésie, de l’éloquence et de la musique.

Elle est aussi appelée Satarupā, Savitri, Gayatri et Brahmini … entre autres.

Sarasvati est souvent représentée avec quatre bras, habillée de blanc et jouant de la Vīṇā, dont elle serait à l’origine. De ses autres mains elle tient un livre ou une épée symboles de la connaissance et offre un lotus à son époux. Des images plus modernes la représentent avec un rosaire qui porte le nom de ‘’Sarasvatīkaṇṭhābharaṇa‘’, un nom qui sert aussi à désigner la grammaire de sanskrit.

Sa monture est un cygne ou Haṃsa.  

Photo 2 : Une image représentant Lakshmi (लक्ष्मी) épouse-śakti (*) du dieu Vishnu, trônant sur un lotus, d’où son nom de Padmalaya, c’est-à-dire … assise sur le lotus. La beauté, la chance, la dignité, l’éclat, la fortune, la prospérité, la richesse, la splendeur, le succès et la royauté sont autant de qualificatifs se rapportant à Lakshmi. C’est pourquoi elle est la déesse de la prospérité de l’amour et de la chance.

Elle est née d’un lotus lors du barattage de la mer de lait, pour ensuite flotter sur cette mer ‘’à bord‘’ d’une fleur de lotus. C’est peut-être pourquoi elle tient toujours un lotus à la main, symbole d’abondance.

De par sa naissance, elle donc est la fille de Prajapati le souffle créateur, et deviendra la mère de Kāma, le dieu de l’amour et le pendant de l’Eros grec. A chaque fois que Vishnu s’incarne, Lakshmi en fait autant afin de partager l’existence de son compagnon.

Contrairement à ses consœurs, Lakshmi est le plus souvent représentée avec seulement deux bras, car elle est un canon de beauté, et une référence en matière de beauté ne peut avoir quatre bras ; ce que certains artistes semblent ignorer comme le créateur de la présente image ?!...

Le jour de la semaine qui lui est consacré est le jeudi (Guruvāra), un jour favorable aux unions, dont le mariage.

Cent huit noms servent à désigner Lakshmi. Outre celui de Lokamatri, la mère de l’univers, une dizaine d’entre eux se rapportent au lotus (कमल) comme … Padma (lotus), Padmodhava (La déesse qui naquit du lotus), padmagandhini (La déesse à l’arôme du Lotus), padmahasta (La déesse aux mains semblable au lotus), padmakshya (La déesse aux yeux de Lotus), padmamaladhara (La déesse porteuse de guirlandes de lotus), padmamukhi, (La déesse au visage de lotus), padmapriyá, (l La déesse bien-aimée du lotus), padmasundari (La déesse belle et aimable comme le lotus), padmin (La déesse qui tient du lotus).  

Sa monture est le hibou (Ulūka).  

Photo 3 : Une image représentant Pārvatī (पार्वती), l’une des trois épouses-śakti (*) du dieu Shiva, dont les deux autres formes sont Durgā et Kali. Toutes trois possèdent de nombreux bras, jusqu’à seize ?!...

Durgā (दुर्गा) ou Dourga signifie inaccessible. Assise sur un lion, symbole de pouvoir illimité, elle a la charge de vaincre les pulsions du mal. De sa colère Kali a pris forme. Son vāhana est un lion ou un tigre.

Kali (काली) ou Kālikā dite la ‘’Noiraude‘’ est la déesse de la destruction et … de la transcendance. Elle est représentée portant un collier de crânes humains, ruisselante de sang et avec la langue pendante, ce qui fait dire qu’elle serait l’une des sept langues d’Agni. On lui sacrifie, encore aujourd’hui, des buffles et des boucs. La fleur qui lui est offerte est l’hibiscus rouge (japā) mais le lotus est loin d’être proscrit comme le montre l’image.

Pārvatī, à l’origine aurait été la fille de Daksha, un fils de Brahma. Puis, après une nouvelle naissance, sous le nom d’Umā (Oumah) la lumière, et en tant que sœur de Ganga, elle est devenue la fille d’Himavān (Himalaya) et de Menakā (Méra/Ména) sous le nom de Pārvatī ; un nom en relation avec la montagne signifiant fille de la montagne, née de la montagne, la montagnarde ou la montagneuse ( ?!).

Pārvatī est aussi appelée Ambika, Bhavāni, Giriju, Haimavati. Elle est la mère de Karttikeya le dieu de la guerre et de Ganesha le dieu à tête d’éléphant, dieu de la poésie, de l’éloquence, du commerce et de l’intellect … entre autres !...

La monture de Pārvatī est le lion Manasthala.

 

(*) Le mot ‘’śakti‘’ se rapporte à un pouvoir, une énergie ou une force de nature féminine. De ce fait, le terme d’épouse-śakti signifie que l’épouse du dieu n’est autre que l’un de ses aspects ayant pris la forme d’une énergie de nature féminine, ou d’une énergie cosmique féminine.

 

 

Le lotus et les Chakras :

 

D’après certains textes remontant à la nuit des temps ayurvédiques chaque individu serait constitué d’une parcelle de matière et d’une parcelle de conscience universelle.

 

Avec le temps, et dès la conception d’un être, la matière va se développer et avec la mort retourner à la matière. C’est la destinée et le destin de toute vie.

 

Par contre la parcelle de conscience universelle reste en chacun, comme endormie. Elle est alors en attente d’un événement lambda qui peut-être n’arrivera jamais, mais qui, s’il se produit va lui donner l’occasion de s’éveiller, puis de se développer.

 

Cette parcelle de conscience universelle est comparable à une énergie, laquelle, en sortant de sa léthargie et quand elle est bien contrôlée, doit permettre à chacun d’évoluer vers plus de conscience, et dans le meilleur des cas de conduire l’individu concerné à sa complète réalisation ‘’d’être cosmique‘’ et alors d’atteindre l’état d’éveil qui conduit à ‘’moksha‘’, (*) c’est-à-dire à l’éveil qui fait d’un homme un Bouddha.

 

Cette énergie cosmique ou vitale est appelée ‘’Kuṇḍalini‘’.

 

(*) Moksha ou mokṣa a le sens de libération, de délivrance et d’atteinte au but ultime.

 

 

La Kundalini :

 

Le mot sanskrit de Kundalini a été formé à partir du mot Kunda, riche en définitions.

 

Kunda, en sanskrit et en pali, sert à désigner un foyer et plus précisément le réceptacle du feu sacré, la fleur de Jasmin, (*) un pot à eau et un petit lac ou étang.

 

(*) Cette fleur de jasmin n’est autre que le ‘’Jasminum multiflorum‘’ une fleur très odorante, dont le parfum tournerait la tête aux ascètes les plus chastes. Ce qui fait écrire aux poètes : ‘’Les abeilles amantes traditionnelles du Lotus, affluent vers la Kunda et pleurent le départ de ces fleurs. ‘’

 

Kunda a formé kundala, un mot qui se rapporte à de gros ornements du lobe auriculaire portés par de hautes personnalités masculines célestes. Ce mot sert aussi à désigner des pliages par enroulement.

Kunda a donc aussi donné Kundalini, un mot qui se réfère à une énergie qualifiée selon divers avis de, primordiale, psychique, vitale, subtile, spirituelle, divine, cosmique et autres, c’est aux choix.

 

Cette énergie aux mille et un noms, propre à chaque individu, sommeillerait en lui, dans une espèce de réceptacle invisible, mais bien réel, situé à la base de la colonne vertébrale et que les initiés appellent ‘’Mula dhara‘’. (*)

 

(*) Le ‘’Mūlādhāra‘’ : Mula sert à désigner une racine, un pied, une base et un fondement, et ‘’mūlādhāra‘’ désigne le support du fondement où sommeille la Kundalini. Ce ‘’mūlādhāra‘’ ou chakra, est représenté par un lotus à quatre pétales de couleur rouge.

 

 

Cette Kundalini, bien qu’en sommeil serait prête à entrer en mouvement à la moindre occasion. Son objectif matériel serait alors de rejoindre le ‘’Sahasrara‘’ nommé couronne aux mille lotus, qui se situe tout en haut du crâne.

 

Pour permettre la circulation, et surtout la montée de cette énergie il existerait en chacun de nous, trois canaux ou ‘’nadis‘’. Une nadi centrale qui porte le nom de ‘’sushumna‘’, et deux nadis latérales appelées ‘’Pingala‘’ pour celle de droite et ‘’Ida‘’ pour celle de gauche.

 

La nadi ‘’sushumna‘’ se situerait à l’intérieur de l’axe cérébro-spinal, (colonne vertébrale et tête) et les deux autres nadis s’élèveraient, tel un double escalier en colimaçon, en prenant la nadi ‘’sushumna‘’ comme axe. Une représentation graphique de ces circuits n’est pas sans faire penser au caducée de la gent médical.

 

La nadi centrale ou sushumna serait neutre, celle de droite ou Pingala serait masculine et de type solaire tandis que la nadi de gauche ou Ida serait féminine et de type lunaire. Le rôle de ces canaux subtils serait d’assurer la circulation du prana, (1) c’est-à-dire de la Kuṇḍalini jusqu’au sommet de la tête.

 

Lors de leur développement ascensionnel les nadis, Pingala et Ida, vont se croiser sur la nadi centrale, et cela à quatre reprises. Ces points de rencontre entre les trois nadis portent le nom de chakra (2) et, comme les nadis, ils n’ont pas de réalité physique, ou d’apparence matérielle. Ce sont comme des corps immatériels à l’exemple des méridiens chinois.

 

(1) Le prana, littéralement, signifie respiration mais il se rapporte aussi à la force vitale ou kundalini ; et le prānāyāma, qui sert à désigner le contrôle du souffle, a pour objet la maitrise du développement de cette énergie ou kundalini.

(2) Les nadis se croisent à quatre reprises, mais il y a sept chakras. Le mot de chakra se traduit par roue, cercle, disque et centre d’énergie.

 

Ces quatre points d’intersection ou chakras, bien que situés à l’intérieur de la colonne vertébrale ne peuvent en aucun cas être assimilés à des centres nerveux. Ce sont des corps subtils et des centres d’énergie qui s’ouvrent à l’arrivée de la Kuṇḍalini. Ce sont comme des étapes qui vont conduire l’individu d’une conscience individuelle appelée ‘’jiva‘’ à une conscience universelle ou divine nommée ‘’Shiva‘’, c’est-à-dire à la réalisation de soi ou ‘’Moksha ‘’.

 

Ces chakras, représentés par un lotus, sont les suivants : (De bas en haut)

 

1/ Mūlādhāra le support du fondement – Ce premier chakra se situe au niveau du fondement. Il est symbolisé par un lotus à 4 pétales de couleur rouge et contrôle le sens de l’odorat. Il serait le centre psychique de l’éveil incitateur.

C’est dans ce chakra que sommeil la ‘’śakti Kuṇḍalini‘’. Cette énergie à l’image d’un serpent serait lovée 3 fois et demie autour du ‘’svayaṃbhūliṅga.

Le réveil de la ‘’śakti Kuṇḍalini‘’ peut se faire volontairement mais en la contrôlant, c’est le meilleur des cas, ou bien involontairement à cause d’événements collatéraux comme la prise de drogue, ce qui pourrait conduire à la folie ?!...      

 

2/ Svādhiṣṭhāna le siège du soi – Ce deuxième chakra se situe au niveau des parties génitales (testicules ou ovaires). Il est symbolisé par un lotus à six pétales de couleur rouge et contrôle le sens du goût. Il serait le centre psychique de la jouissance du soi.

 

3/ Maṇipūra un nom qui signifie la ville du nombril, la capitale du royaume de Maṇipūra – Ce troisième chakra se situe au niveau du plexus solaire. Il est symbolisé par un lotus à 10 pétales de couleur bleue et contrôle le sens de la vue. Il serait le centre psychique de la force vitale.

 

4/ Anāhata – Ce quatrième chakra se situe au niveau du cœur. Il est symbolisé par un lotus à 12 pétales de couleur d’or et contrôle le sens du toucher. Il serait le centre psychique d’où émanerait le son subtil.

 

5/ Viśuddha un nom qui signifie très pur et parfaitement purifié – Ce cinquième chakra se situe au niveau du larynx. Il est symbolisé par un lotus à 16 pétales de couleur mauve et contrôle le sens de l’ouïe. Il serait le centre psychique du verbe sacré.

 

6/ Ājñā – Ce sixième chakra se situe entre les deux sourcils (Bhrūmadhya), de ce fait il est aussi appelé le troisième œil. Il est symbolisé par un lotus à 2 pétales de couleur blanche et contrôle le mental. Il serait le centre psychique de l’autorité de la vérité.

 

7/ Sahasrāra - Le mot Sahára a la signification de mille, de un millier. Le soleil (pāda) qui a mille rayons se dit ‘’shasrapāda‘’, et un cercle ou chakra avec mille rayons se dit : ‘’sahasrāracakra‘’.

Ce septième chakra se situe en haut de l’occiput (brahmarandhra). Il est symbolisé par un lotus de 1000 pétales de couleur or, sur lesquels s’inscrivent toutes les lettres de l’alphabet sanskrit dit alphabet devanāgarī. Ce chakra s’ouvre dans le stade ultime de la kuṇḍalinīyoga et serait ainsi le centre psychique de l’union divine.

 

 

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Photo 1 : Gravure représentant le Dieu Krisna (विष्णु) et l’une de ses épouses-śakti Rādhā ?... Rukmiṇī ?... Satyabhāmā  ?... Nāgnajitā ? … Lakṣmaṇā ? … Mitrāvinda ? … Il en aurait … 16.000 ?! … c’est-à-dire 16.000 manières de donner de l’amour ?!... Mais sous 12 formes pour l’essentiel.

Krishna dont les yeux sont pareils aux pétales de lotus, les pieds beaux comme des lotus, le teint légèrement bleuté, comme le lotus ou un nuage, a aussi une plume de paon au-dessus de la tête. Il est souvent représenté jouant de la flûte ; dans son royaume de Goloka Vṛndāvana pousse l’arbre-à-souhaits, et paît la vache nourricière Surabhi.

Photo 2 : Schéma représentant la position des chakras ou centre psychiques, ainsi que le parcourt des nadis dans le corps humain.

Photo 3 : Un montage réalisé à partir de deux dessins, l’un publié par la revue ‘’La radiesthésie ésotérique‘’ en page 71 (*) et l’autre trouvé sur le net sans la moindre indication.

L’objet de ce montage est d’illustrer la position des 972 pétales sur le haut du crâne d’un sujet, et l’inscription des lettres de l’alphabet devanagari sur chacun de ces pétales du lotus.

(*) Ce dessin illustre un article de Hugh S. Whitaker. (Aout 1936 – Volume 15 n° 2). J’ai retrouvé l’original du dessin dans le livre de Sir John Woodroffe (1865-1936) alias Arthur Avalon, titré ‘’The serpent power‘’ et paru en 1919.

 

 

Le Lotus et le Bouddhisme :

 

Toutes les institutions ont un début et une fin. Le védisme n’a pas échappé à la règle ; en prenant de l’âge ses dieux ont perdu de leur attraction. De ce fait, vers le VIIIe siècle av. JC., les plus hautes autorités religieuses, pour la plupart des officiants, se devaient de réagir pour conserver leur pouvoir et, soi-dit en passant, leurs revenus.

 

Parallèlement à ces réformateurs, des individus plus … ‘’radicaux‘’, et désintéressés matériellement, cherchaient par le biais de l’ascèse et/ou de la méditation de nouveaux modes de vie plus aptes à satisfaire ou à répondre à leurs aspirations mystiques.

 

Curieusement, en jetant un regard sur quelques-unes des grandes civilisations de cette époque on s’aperçoit qu’il s’agit d’un phénomène mondial. Car un peu partout, de nouvelles philosophies se font jour et de grands esprits entre en scène, comme Héraclite (vers 576-480 av. JC) et Pythagore (vers 580-495 av. JC) en Grèce, Confucius (551-479 av. JC) en Chine, Isaïe (VIIIe siècle av. JC) chez les hébreux, et en Inde un certain Mahâvîra (600-528 av. JC), pour ne citer que ceux-là.

 

Ces idées nouvelles ne se mettront pas en place du jour au lendemain, mais sur des laps de temps plus ou moins longs. Pour qu’une plante porte ses fruits il faut d’abord qu’elle germe et qu’elle se développe.

 

En Inde les réformateurs du Védisme en substituant aux anciens dieux d’obscures déités locales, dont les adeptes devenaient légions, ont accouché du brahmaïsme, et les plus radicaux ont donné naissance à l’ajivikaïsme, le jaïnisme, et … le bouddhisme, (1) dont le fondateur fut … un certain Siddhârta Gautama qui deviendra un Bouddha, le Bouddha Sakyamuni !... (2)

 

(1) Outre Ajita Keśakambala qui posa les bases de l’ajivikaïsme, et Jñātipura qui fonda le jaïnisme, Bouddha eut aussi Kakuda Kātyāyana, Kaśyapa Pūrana, Maskarin Gośālipura et Sañjayin comme … confrères vraisemblablement … rivaux ?!...

(2) Signification des mots se rapportant à Bouddha : Siddhârta a le sens ‘’d’accompli‘’ – Gautama est le patronyme – Sakyamuni ou Çākyamuni signifie littéralement ‘’Le saint de la lignée des Sakya ou Çākya.

 

Donc, aucune de ces philosophies ne s’est mise en place du jour au lendemain, d’autant que Bouddha n’a jamais eu l’idée de créer le moindre mouvement. Ce sont ses adeptes qui au fur et à mesure des siècles ont mis en place ce qui deviendra le … Bouddhisme. Autrement écrit le ‘’Bouddhisme‘’ a baigné des siècles durant dans les traditions hindouistes et n’a pas manqué de faire sienne certaines d’entre elles, dont celles se rapportant au … Lotus.

Avec Gautama, tout commença modestement, ce dernier, après un parcourt de recherches personnelles dont le point final fut l’éveil, (*) proposa alors à tout un chacun un enseignement, le dharma, pour se libérer de son cycle de réincarnations afin d’atteindre l’éveil.

 

(*) L’éveil pourrait être comparé à un certain état de sainteté qui donne accès directement au Nirvana. Ce Nirvana n’est pas à confondre avec le paradis. Ce sont deux concepts bien différents.

 

En raison de son originalité, l’enseignement de Gautama va trouver des oreilles attentives tant auprès du commun des mortels que de têtes couronnées dont, pour certains, l’influence des Brahmanes devenait insupportable.

 

Bouddha Sakyamuni serait né en 623 av. JC., (*) au Népal. Nous ne savons pratiquement rien de son enfance et le peu qui nous soit parvenu relève surtout du mythe.

 

(*) Cette date de 623 est peut-être tout aussi fantaisiste que celles de 563 ou 566 av. JC., qui sont données, très sérieusement, mais par d’autres sources, comme année de naissance de Bouddha. Le calendrier Thaïlandais actuel commence au décès, supposé, du Bouddha, c’est-à-dire en 543 av. JC. Ce qui signifierait que Bouddha serait né, à la condition qu’il ait réellement vécu 80 ans, en 663 à quelques années près ?!... (Avec le calendrier Grégorien nous sommes en 2018, tandis qu’avec le calendrier Thaïlandais nous sommes en 2561.)

 

 

Il faudra attendre son éveil, et la formation d’une communauté de fidèles pour avoir des témoignages plus fiables le concernant. Mais déjà de son vivant il va se référer au lotus, et plus particulièrement lors du sermon de la fleur alors qu’il était près d’un lac du Mont Grdhakuta (Mont ou pic du Vautour).

 

En cet endroit, alors que Bouddha n’avait encore rien dit, un auditeur lui demanda de définir l’éveil. La réponse de Bouddha fut de montrer à tous, en le levant bien haut, pendant longtemps et sans dire le moindre mot, un lotus d’or qu’il venait d’arracher du lac voisin. Le lotus avait ses racines, sa tige et sa fleur. Tous restèrent bouche bée en regardant ce lotus, tous sauf son disciple Maha Kashyapa qui lui, esquissa un sourire. Hormis ce Maha Kashyapa qui semblait avoir compris la réponse de Bouddha, chacune des personnes présentes resta sur sa faim.

La signification de ce … sermon, n’ayant jamais été donnée, toutes les interprétations restent recevables ?!...

 

Après le décès de Bouddha, son souvenir ne sera évoqué qu’au moyen de symboles, comme par exemple, le tout premier, l’édification d’un stupa ou Caitya à l’exemple des hindous. Ainsi, suite à sa crémation huit stupas seront édifiés, car ses cendres furent partagées entre huit rois (rājās) qui se les disputaient. (*)

 

Ces stupas devinrent très vite des lieux de pèlerinages car elles symbolisaient le bouddha, son éveil et sa philosophie.

 

Après ces stupas, ses adeptes pour garder un lien avec leur ‘’modèle spirituel‘’, un lien qui ne tourne pas à l’idolâtrie, vont tailler dans la pierre, ou modeler avec de la terre, des symboles évoquant sans conteste les particularités hors du commun de Bouddha. Parmi ces moultes symboles il y a le lotus pour signifier la grande pureté de sa doctrine, la roue pour illustrer son enseignement, la paire de lions pour marquer la puissance de sa parole, le trône de diamant ou vajrasana pour rappeler l’éveil, et cetera, et cetera !...

 

Puis en associant ces différents symboles ces artistes vont créer des scènes en rapport avec les grands événements qui ont jalonné la vie de leur modèle. En général il y en a cinq, la naissance, le grand départ, l’éveil, la première prédication et le décès ou parinirvâna de Bouddha. Cette pratique aniconique, se poursuivra jusqu’à la fin du 1er siècle av. JC., soit durant près de cinq siècles !...

 

(*) D’après la tradition, les cendres de Bouddha auraient été partagées en trois parts. La première d’entre elles fut destinée aux dieux, la seconde aux huit rajas, et la troisième aux Nagas. Les huit portions de la deuxième part donnèrent lieu par la suite à de nombreuses guerres. Les successeurs des rajas se les arrachaient. Pour mettre fin à ces luttes entre rois bouddhistes l’empereur Ashoka fit réunir les reliques les plus importantes appelées ‘’Sarira‘’ pour les déposer au sein du Stupa de Piprāhwā de Vaishali non loin de Patna. Les cendres restantes auraient été disséminées au sein de … 84.000 stupa, construits tout spécialement pour les recevoir.

Les ‘’Sarira‘’ auraient été découvertes en 1897, et sont aujourd’hui et depuis 1972, dans une salle du musée de Patna.

Patna s’appelait alors Pāțaliputra et était la capitale de l’empereur Ashoka Maurya (304-232 av. JC)

Caitya, Chaitya, dagoba, tope sont autant de mots pour désigner un stupa que certains mettent au féminin.

 

 

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                     Quelques exemples de sculptures aniconiques

Photo 1 : La naissance : Cette naissance est symbolisée au moyen de lotus contenus dans un vase. Ce bas-relief sculpté dans du grès rouge date du Ier siècle av. JC. Il s’agit d’une plaque ayant composé la palissade (Vedika) du stupa de Bharhut ou Bharhat. Elle est aujourd’hui exposée au musée de Calcutta en Inde.

Photo 2 : L’éveil : Cet éveil est un bel exemple de représentation anthropomorphe. Bouddha est ici représenté au moyen de 5 éléments anthropomorphes, l’arbre de l’éveil, le lotus, le trône de diamant et l’empreinte de ses pieds sur lesquels ont été sculptés les symboles particuliers au Chakravartin, (roi universel) à savoir orteils palmés et la roue du dharma.

Ce relief en calcaire date du Ier siècle av. JC. C’est un élément du grand stupa d’Amaravati dans l’état d’Andhra Pradesh en Inde. 

Photo 3 : La roue : Cette roue symbolise différents événements de la vie de Bouddha ; sa première prédication mais aussi le Dharma c’est-à-dire la loi universelle. La roue de la photo date du XXè siècle, tout un chacun peut la contempler, elle et une série d’autres, sur le mur d’enceinte du Wat Chédi Luang de Chiang-Mai. (Photo du 07/03/2013)

 

Autrement écrit quatre ou cinq siècles après la crémation de Bouddha, plus personne n’était en mesure de le décrire physiquement. (*) De ce fait lorsque des sculpteurs, installés à Mathura pour les uns, et au Gandhara, pour les autres, transgressèrent ce … presque tabou et sculptèrent les premières statues de Bouddha, ce dernier apparaissait alors sous des traits en rapport avec la culture des artistes.

 

(*) Si longtemps après la mort de Bouddha, plus personne n’était en mesure de se souvenir de ses traits, un artiste cependant aurait sculpté Bouddha de son vivant ?!...

A ce sujet, une légende raconte que le roi Udyāna (Udena) ou Uddiyāna de Kosambi (pali) ou Kauśāmbī (sanskrit) se désolait de ne pas avoir une image en trois dimensions de Bouddha, alors que ce dernier séjournait depuis quelques mois au ciel des 33.

 

L’un des disciples du bienheureux, Maudgalyāyana en sanskrit ou Moggallana en pali, quelque peu compatissant et bénéficiant de pouvoirs surnaturels, comme il était de coutume à l’époque pour ce genre de disciple, aurait permis à un grand sculpteur de rejoindre le ciel des 33 pour y faire la connaissance de Bouddha. De retour sur terre, cet artiste se serait mis à l’œuvre et aurait réalisé dans du bois de santal un bouddha, plus vrai que nature, haut de cinq pieds, c’est-à-dire d’environ 1,50 mètre.

Tout porte ‘’à croire‘’ que cette œuvre aurait vraiment existé ?!... Après tout … pourquoi pas ?!...

Toujours est-il, poursuit l’auteur du texte, que le célèbre pèlerin chinois Xuanzang (Hiuan-Tsang) vers 630, en aurait emporté une copie en Chine, que les chinois auraient reproduit en plusieurs exemplaires.

Ce serait l’une de ces répliques, qui au japon prendra le nom de ‘’Shaka‘’, ‘’Shakadō‘’ ‘’Seiryōji‘’ ou ‘’Seiryôji Shaka‘’ qu’en 986/87, le moine Japonais Chônen (奝然) (938-1016) aurait emporté au japon et mis en place, après bien des tergiversations, dans un temple près de Kyôto, le monastère de Seikaji ou Seiryôji, ex demeure ‘’Seikakan‘’ (*) où elle serait encore ?!...

(*) ‘’Seikakan‘’ se traduit par Belvédère de la demeure dans les hautes nuées roses.

 

Par ailleurs, ce serait sous le règne de Kanishka Ier (Ier siècle après JC) empereur de l’empire Kouchan (Inde du nord-ouest et au-delà) qu’aurait été frappé pour la première fois des pièces de monnaie à l’effigie d’un Bouddha debout tenant … un lotus, mais un Bouddha au visage indéfini.   

 

Mathura est une ville qui se situe au Sud-Est de New Delhi, en Inde. C’était alors un centre spécialisé dans la statuaire des dieux védiques, taillée principalement, dans du grès rouge. De ce fait ces artistes s’inspirèrent de la statuaire indienne de cette époque pour créer les premières statues de Bouddha. Ces Bouddhas étaient alors à l’image des dieux védiques dont la force primait sur la spiritualité.

Le Gandhara servait en son temps à désigner une région qui aujourd’hui recouvre l’Afghanistan et le nord du Pakistan. Les artistes qui s’y trouvaient descendaient pour certains d’entre eux des soldats des armées d’Alexandre (356-323 av. JC.). Ils étaient donc d’origine et de culture grecques. C’est alors tout naturellement que les artistes de cette région donnèrent à leurs bouddhas les traits des dieux grecs du temps d’Alexandre où la spiritualité et la béatitude primaient sur la force. Bouddha a même été sculpté avec des moustaches !...

 

Concernant les bouddhas du Gandhara, il faudra attendre le règne du roi Chandragupta Maurya (340-320-335) le fondateur de la dynastie des Maurya (320-vers le milieu du VIe siècle) et le grand-père de l’empereur Ashoka, pour que Bouddha ressemble plus à un homme d’origine indienne qu’à un dieu grec.

 

Pendant environ trois cents ans l’iconographie de bouddha va se préciser et sa vie devenir une légende ou le lotus va occuper, dans un grand nombre d’événements, une place de choix que confirment nombre de peintures murales actuelles dont les peintres ont été soucieux de respecter les textes, ce qui n’est pas toujours le cas.

 

Les scènes picturales les plus courantes concernent la naissance de Siddhârta Gautama.

 

La naissance :

Ainsi, par exemple, C’est couché sur un lit de lotus que Maya la mère de Gautama, apprend à l’occasion d’un songe, par un éléphant blanc tenant un lotus tout au bout de sa trompe, qu’elle va enfanter du futur bouddha Sakyamuni.

 

Lors de sa naissance, le jeune Gautama qui paraît alors avoir sept ans, pose les pieds sur sept fleurs de lotus. Cette image figure pratiquement dans tous les viharns de tous les Wats.

 

L’éveil :

Par ailleurs des textes racontent que, juste avant son éveil Siddhârta Gautama pénètre dans une forêt de sal et qu’alors, brusquement, cette dernière se transforme en un décor extraordinaire, les arbres s’inclinent sur son passage … et un étang lui apparaît couvert de lotus bleus, jaunes, rouges et blancs ; puis avant de prendre place au pied du ficus d’où Gautama deviendra Bouddha, tandis qu’il tourne sept fois autour de cet arbre, un homme, sorti de l’ombre et sans dire un mot dépose huit brassées de foin encore vert au pied du ficus. Alors, poursuit le texte le Bodhisattva s’installe sur la belle jonchée d’herbe ‘’Kuça‘’ (*) et entre en méditation ?!...

 

(*) Le mot ‘’Kuça‘’ écrit à la française ou Kusha vient du sanskrit ‘’Kuśa‘’ (कुश), c’est un mot qui a plusieurs significations dont un rapport avec l’eau, ce qui pourrait signifier que l’herbe kuça désigne des tiges qui poussent dans l’eau comme les pédoncules de lotus ou de nymphæa, Serge Demetrian auteur du Mahabharata donne de kusha la définition suivante : ‘’herbe sacrée utilisée dans les cérémonies religieuses des hindous‘’. Quant au mot ‘’Kusé‘’ (कुशे), proche de ‘’Kuśa‘’ il sert à désigner le … lotus. (Kuśe-śayabhū est l’un des noms de Brahma.). Siddhârta Gautama ou le Bodhisattva s’est donc assis sur un lit de tiges de lotus ou de nénuphars voire de plantes aquatiques (?) pour méditer et atteindre l’éveil.

 

 

Le bouddhisme n’aurait jamais pu se développer et perdurer comme il s’est développé et a perduré sans aides ou appuis extérieurs, comme ceux de monarques ou de riches commerçants, et sans une certaine organisation interne.

 

En se tournant vers le bouddhisme, outre des raisons plus philosophiques que matérielles, les rajas comme les possédants d’alors, y compris le menu peuple n’étaient pas mécontents de pouvoir se défaire de l’emprise des brahmanes. Ce qui explique une bienveillance voire une prise en main, comme le fit l’empereur Ashoka pour diffuser le Bouddhisme. (*)

 

Entre 330 av. JC., et 600 après JC., un royaume et deux empires indiens, le Gandhara, l’empire Maurya (320 à 185 av. JC.) et l’empire Gupta (320 à 550 après JC.) favorisèrent grandement l’expansion et l’implantation du bouddhisme.

 

(*) Pour se donner une idée du pouvoir détenu alors par les brahmanes il suffit de regarder notre monde d’aujourd’hui où nombre de pays vivent encore sous la férule d’un pouvoir religieux … plus que radical.

L’empereur Ashoka n’avait rien à envier aux tyrans d’aujourd’hui, il était réputé pour être cruel et sans pitié. Puis … raconte la légende, la condamnation d’un moine bouddhiste allait remettre en cause son mode de vie. Ce moine avait été condamné à être plongé dans de l’huile bouillante. Mais au début de son exécution l’huile se transforma en eau fraîche, et un énorme bouton de lotus s’éleva dans les airs. Tout aussitôt il s’ouvrit et laissa paraître le moine en extase. L’empereur Ashoka prévu, accouru, tomba à genoux et se converti … dit la légende ?!....

 

Cependant pour perdurer il a fallu que les bouddhistes s’implantent et créent des communautés, puis, à l’intérieur de ces dernières, se structurent. Lors de la période Gupta, considérée comme l’âge d’or du bouddhisme indien, et en particulier sous les règnes de Samudragupa (335/375) et Chandragupta II (375/415), ces communautés construisirent de nombreux temples et viharas, (*) tous plus magnifiques les uns que les autres. Les jaïnistes ne furent pas en reste. Car les différents courants ‘’religieux‘’ d’alors coexistaient sans trop de problèmes, ce qui, lors des siècles suivants, ne sera plus vraiment le cas.

Les trésors enfantés au cours de cet âge d’or couvraient une aire allant de l’embouchure du Gange à celle de l’Indus.

 

(*) le temple ou le chaitya est un lieu de culte alors que le vihara est un monastère ou vivent des moines appelés bhikṣu pour les hommes et bhikṣuni pour les femmes. L’un comme l’autre était creusé dans des parois rocheuses.

Le chaitya se présentait sous la forme d’une vaste salle ouverte sur l’extérieur, et à l’intérieur de laquelle s’élevait un stupa maçonné, commémorant le souvenir de Bouddha. Les fidèles pouvaient accéder au lieu et rendre hommage à leur modèle de vie.

Le Vihara se composait d’une cour plus ou moins carrée, autour de laquelle les moines creusaient leur cellule pour y loger.

D’abord de simples ‘’trous‘’ ou cavernes, avec le temps ces derniers sont devenus de vastes et admirables œuvres d’art à la gloire de Bouddha.

 

Hélas dès l’an 636 mais surtout 712, les musulmans, au fur et à mesure de leurs vagues d’invasions firent table rase, et sans exception, de toutes les constructions confessionnelles trouvées sur leur passage. Dans le même temps ils obligèrent les populations à se convertir à l’islam sous peine, en cas de refus, de passer de vie à trépas. Les martyrs se seraient alors comptés par milliers, certains auteurs écrivent … par millions ?!...

 

Fort heureusement les … ‘’missionnaires‘’ du Prophète ne se sont pas aventurés du côté des gorges de la Waghur, Waphora ou encore Wagora, ce qui leur a évité de perpétuer leurs atrocités, et ce qui nous permet aujourd’hui, d’admirer des merveilles architecturales, sculpturales et picturales de l’âge d’or du bouddhisme en Inde.

 

La Waghur est une rivière qui s’écoule dans l’état de Maharashtra et plus particulièrement dans le district d’Aurangabad ; un district portant le nom d’une grande ville située à environ une centaine de kilomètres d’un site exceptionnel connu sous le nom ‘’Ajantā‘’. En cet endroit la Waghur s’écoule le long de falaises vertigineuses percées d’une trentaine de cavités qui furent en leur temps creusées et aménagées en temples ou en monastères, (*) sauf pour trois d’entre elles restées inachevées, toutes confessions confondues.

 

Près ‘’d’Ajantā‘’ il existe un site semblable, qui a pris le relais d’Ajantā, et qui porte le nom ‘’d’Ellora‘’ ; et à environ 180 kilomètres de ce dernier il y a le site de Nāsik. Du temps de leur splendeur vivait aux alentours de ces sites tout une population qui s’abritait dans des demeures en bois, constituant ainsi de grandes cités qui aujourd’hui ont toutes disparu.  

 

(*) Cinq de ces grottes (9/10/19/26 et 29) sont d’anciens temples (Chaitya-grillas) et le reste soit 25 sont d’anciens monastères, ce qui explique la présence de plus de 3.000 moines (environ 120 par monastère) ?!...

 

Ces temples et monastères troglodytes percés dans le basalte dur entre le IIe siècle av. JC et le VIIe après JC, ont été (re)découverts en 1819 par un groupe de chasseurs britanniques. Concernant les peintures murales de ce site, (1) les thèmes traitent des jataka-s, (contes bouddhiques), des légendes en rapport avec la mythologie bouddhique, de la vie de Bouddha et mettent en scènes quelques divinités que les bouddhistes sont allés chercher dans la mythologie védique, ainsi que des saynètes, le plus souvent humoristiques, de la vie quotidienne d‘alors.

 

Les thèmes des enjolivures qui accompagnent les sujets principaux sont empruntés au monde animal, volatile et floral où … le lotus (2) tient la vedette.

 

(1) L’architecture et les sculptures ont tout autant d’intérêt que la peinture, mais le sujet de ce propos est le Lotus qui certes ne manque pas sur les sculptures.

(2) Quelques lotus du monde floral ont des pétales en pointe, en particulier le lotus de l’adoration de Bouddha, (Voir la photo 2 ci-dessous) ce qui est normal puisque c’est un lotus … bleu, donc un nymphaea bleu, ce qui signifie qu’à cette époque, lotus et nymphaea ne faisaient qu’un, comme en Egypte.

 

Une parenthèse pour préciser qu’Ajantā témoigne de la présence des deux écoles bouddhiques que sont l’Hināyāna (petit véhicule) et le Mahāyāna (grand véhicule). Deux siècles environ, séparent l’achèvement des travaux entrepris par la première, dont les temples et les monastères étaient construits en bois ou creusés dans la roche, de la mise en œuvre des grottes à l’actif de la seconde.

 

Concernant les fresques, comme celles présentées ci-dessous, force est de constater que le réalisme des primitifs indiens et l’influence grecque font plutôt bon ménage.

 

 

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Photo 1 : Cette œuvre intitulée ‘’Adoration de Bouddha‘’ ressemble plus, à mon avis, à un ‘’Prêche de Bouddha‘’ dont les auditeurs sont, non seulement de tous les rangs sociaux, mais aussi de différents royaumes, voire d’ethnies diverses.

Il s’agit d’une reproduction d’une peinture murale de la grotte n° 17 (un monastère) figurant sur le mur de gauche en entrant. Cette œuvre a été commandée par l’anglais Thomas Holbein Hendley (1847-1917) pour ‘’L’Albert Hall Museum‘’ de Jaipur dans le Rājasthān où elle se trouve toujours.

Cette ‘’Adoration de Bouddha‘’ a été réalisée par un artiste local Murli ou Murali à qui l’on doit l’initiative du pourtour qu’il a composé d’après les bordures peintes dans nombre de grottes bouddhiques d’Ajantā, et où les lotus s’entremêlent à bon escient avec des oies sauvages et des animaux hybrides. (La photo est de Yann Forget.)   

Photo 2 : ‘’Le Bodhisattva de la compassion‘’. Cet Avalokitésvara, le bodhisattva de la compassion tient dans sa main droite un lotus bleu appelé aussi padma d’où son autre nom de ‘’Padmapani‘’ ‘’celui qui tient un lotus‘’. Cette peinture de la période Gupta tardive, fin du VIe et début du VIIe siècle est l’une des grandes et belles œuvres, bien conservée, de la grotte n° 1 qui servit elle aussi de monastère.

Comme ‘’L’Adoration de Bouddha‘’ cette œuvre a été reproduite et accrochée au muséum de Jaipur.  

Photo 3 : Parmi les scènes de la vie courante figurent ces deux personnages. Qui sont-ils, des compères bavardant, des marchands contractant une transaction ?... Plus personne n’est en mesure de le dire. En tout cas, et assurément, ce sont bien des lotus qui entrent dans les compositions florales des autres cadres. 

 

Le Lotus et le Bouddhisme Chinois :

 

En Chine le lotus était ‘’chez lui‘’ depuis, au moins, trois ou quatre mille ans et devait compter, outre ses qualités médicinales, parmi les aliments du quotidien. En chine tout se mange, sauf la table évidemment.   

Comme la plante, de par sa beauté, ne manquait pas attirer l’attention nombre d’artistes l’ont peinte, sculptée, et que sais-je encore ?!...

Sans l’arrivée du Bouddhisme le ‘’statut‘’ du lotus n’aurait vraisemblablement pas évolué. Mais avec l’arrivée du bouddhisme il en fut tout autrement. Car le lotus a vraiment partie liée avec le Bouddhisme en général et le Bouddha en particulier.

 

Après l’extinction du Bouddha Sakyamuni, ses disciples portant la robe, c’est-à-dire la communauté monastique ou sangha, ont interprété son enseignement au point de faire éclater la cohésion monastique et former des écoles, voire nombre de sectes. Les laïcs, dépassés par ces querelles intestines, ont continué à honorer Bouddha tout en restant attachés aux traditions hindouistes. De ce fait, le bouddhisme a largement puisé dans les traditions hindouistes pour les faire siennes, et ce n’est pas le … ‘’lotus‘’ qui va prouver le contraire … bien au contraire ?! ...

Sans entrer dans les détails, deux écoles bouddhiques vont se faire jour au sein de l’Hindoustan, (*) au sud l’Hināyāna (**) qui signifie en sanskrit ‘’petit véhicule‘’ et au nord le Mahāyāna qui, toujours en sanskrit, se traduit par ‘’grand véhicule‘’.

 

Bien évidemment, les moines de l’Hināyāna n’étaient pas sans étudier les écrits Mahāyāna et, vice versa !... De ce fait, au Tibet et en Chine, d’obédience Mahāyāna certains textes sont la traduction pure et simple de textes … pāli, c’est-à-dire d’origine Hināyāna !...

Par ailleurs, pendant longtemps les moines des deux écoles pratiquèrent sous un même toit, ainsi, à Ajantā leurs temples étaient voisins.   

 

(*) L’Hindoustan était alors une région du nord de l’Inde, située entre l’Himalaya et le bassin de l’Indus. Ses frontières sont très fluctuantes selon les géographes.

(**) l’Hināyāna dit le petit véhicule, est aussi connu sous le nom de ‘’Théravāda‘’ ce qui signifie : doctrine des anciens. 

 

L’une des grosses différences entre les deux écoles est la substitution du Boddhisattva (*) à l’arhat comme idéal de vie et par voie de conséquence le report de l’accès au Nirvana. (**)

 

D’un côté, celui des bouddhismes Hināyāna, dont le Théravāda est le seul qui reste vivant aujourd’hui, l’idéal de vie est celui de l’arhat qui ‘’éteint‘’ ses désirs pour accéder au nirvana et ne plus jamais renaître. L’idéal de vie est donc celui de moine puisqu’il est impossible d’éteindre ses désirs sans être moine. Les laïcs ont certes la possibilité d’accéder au nirvana, c’est-à-dire de sortir de leur cycle de renaissances mais au bout de centaines, voire de milliers d’existences.

 

De l’autre côté, celui du Mahāyāna, l'idéal n'est plus d'éteindre ses désirs le plus tôt possible en devenant arhat, mais, au contraire, de renaître tant qu'il y aura des êtres qui auront besoin d'aide pour découvrir le message du Bouddha. L'idéal de vie n'est donc plus celui de moine mais celui de n'importe quel état de vie qui permettra, à un moment ou à un autre, de faire découvrir aux autres l'inanité d'une vie motivée par le désir égoïste.

 

Autrement dit, le bouddhisme dit "Hināyāna" prend comme idéal de vie la dernière vie du Bouddha tandis que le bouddhisme Mahāyāna prend comme idéal de vie les centaines de vies antérieures attribuées au Bouddha.

 

Une autre manière de caractériser les bouddhismes Hināyāna et Mahāyāna consiste à préciser que les bouddhismes Hināyāna fondent leur enseignement surtout sur la vacuité de l'ego tandis que le bouddhisme Mahāyāna le fonde sur la vacuité de toutes choses et notamment des concepts. Mais cette distinction n'est guère perceptible au niveau de la catéchèse dite "populaire".


(*) L’état de Boddhisattva n’est pas ignoré mais il est surtout rappelé à propos du Bouddha mais d’avant sa naissance en tant que Bouddha.

(**) Le mot Nirvana est synonyme d’extinction.

 

 

Alors que l’Hināyāna va se développer dans le sud de l’Hindoustan, et resté fidèle au pāli en le conservant comme langue canonique, pour ensuite essaimer à Ceylan (Sri Lanka) et en Asie du Sud-est, dont le Lanna et y compris l’Indonésie ; le Mahāyāna va adopter le sanskrit comme langue canonique et trouver dans le nord de l’Hindoustan un point de départ pour répandre la doctrine Bouddhique.

 

Vers 127, après le concile de Peshawar qui entérina la rupture entre les deux écoles, l’influence du Mahāyāna va aller grandissante sur des terres situées au nord de l’Himalaya, comme la Chine et autres pays voisins.

 

Le Mahāyāna pénètrera en Chine d’abord par l’ouest, au cours du Ier siècle, en contournant par le nord et le sud le bassin du Tarim, c’est-à-dire par où passaient les routes de la soie. Au cours du IIe siècle il arrivera aussi par l’est, via le Dai Viet (Tonkin) où faisaient alors escale aux environs d’Hanoï les bateaux empruntant les routes maritimes reliant la Chine à l’Indochine, à l’Inde, voire au-delà. (Peut-être Rome ?!...) (*)

 

(*) Je n’ai rien trouvé de plausible concernant le point de départ de ce Mahāyāna arrivant au Tonkin par la voie des mers ?!... Il s’agirait plutôt, à mon avis, de l’Hināyāna.

Au IIIe siècle avant JC, l’empereur Ashoka (-2669/-232) dépêcha des missionnaires vers la Chine orientale mais d’obédience Hināyāna, étant donné que le Mahāyāna n’existait pas encore ?!... 

 

C’est donc au gré des caravanes, et par voies terrestres, que progressivement et pacifiquement cette idéologie indienne, qui n’était à l’origine rien d’autre qu’une réforme des communautés d’ascètes hindous, va trouver un écho favorable auprès des populations chinoises, et cela malgré l’existence de quatre grands courants de pensée, le confucianisme, le Taoïste, le légisme et le Moïsme (Mohisme), dont les deux premiers rassemblaient le plus d’adeptes.

 

Les pratiques cultuelles accompagnant ces philosophies chinoises se proposaient alors et encore maintenant, non pas de mettre les hommes en relation avec un dieu, (*) mais de les aider à trouver en eux, une voie de vie qui les conduise à la sagesse. Tao signifie la voie.

 

(*) Les philosophies chinoises proposent une spiritualité sans dieu, sans un être supérieur créateur. Ce qui signifie que, pour les chinois, le mot ‘’dieu‘’ n’a pas le sens que nous lui donnons. Pour eux, il a tantôt le sens de père, de maître, de gardien c’est-à-dire d’un être respectable à la tête d’une discipline donnée. De ce fait nombre de ces dieux ont eu une existence terrestre.

Les Bouddhistes proposent, eux aussi, une spiritualité sans dieu. Peut-être que ce point commun a favorisé son implantation ?!... 

 

 

En plus d’un terrain favorable, la situation politique d’alors va contribuer elle aussi, au développement du Bouddhisme. Car lors du dernier siècle avant l’ère chrétienne, l’étoile de la dynastie des Han Occidentaux (206 av. JC, à 25 après JC.) commençait à décliner … d’autant que les réformes du chancelier Wang Mang (10 à 25) qui, profitant du jeune âge du prince héritier tenta de créer sa propre dynastie, finit par galvaniser contre lui tout un monde de mécontents, ce qui conduira à sa chute et par voie de conséquence à celle des Han Occidentaux ?!....

 

La dynastie des Han Orientaux (25 à 220) succède donc au Han Occidentaux et en l’an 64, l’empereur Mingdi Zhang (57-78), le deuxième empereur de cette dynastie, va embrasser le Bouddhisme, et accueillir officiellement le premier texte bouddhique en Chine. La délégation bouddhique apportant ces textes fut hébergée à Luoyang ou sera construit par la suite, en 148 sous la direction des Indiens Matanga et Zhu Falan, le premier monastère bouddhique en Chine, le ‘’baimasi‘’ (白马寺) ou temple du Cheval Blanc. (*)

 

(*) Seul à l’époque un cheval blanc pouvait tirer un attelage de textes sacrés bouddhiques. C’est en souvenir ou en l’honneur de l’arrivée de ce premier texte et de ce cheval que ce premier monastère bouddhique fut nommé ‘’temple du cheval Blanc‘’.

Par ailleurs, la dynastie des Han, pour unifier au mieux son empire centralisa au plus haut point son pouvoir et mit en place, pour la première fois en Chine, une religion d’état, à savoir … le Bouddhisme … qui laissa les cultes locaux, teintés d’animisme, poursuivre leur existence en toute quiétude.

 

La dynastie suivante, issue d’une tribu Turco-Mongole, celle des Wei du Nord, (220-589) (*) s’appuya elle aussi sur le bouddhisme pour asseoir son pouvoir en faisant de lui sa religion d’état. Cao Wei, son fondateur, alors au service des Han Orientaux commença par combattre les turbans jaunes d’obédience Taoïste dont le chef voulait mettre un terme à cette dynastie. C’est Wendi Cao Pi (220-226) le fils de Cao Wei qui adopta le Bouddhisme et en fit la religion de son royaume.

 

(*) Les Wei du Nord ou plus exactement les Cao Wei du Nord (魏) ne sont pas à confondre avec les dynasties Wei précédentes des printemps et des automnes (812 à 478 avant JC), et des royaumes combattants (445 à 225 avant JC.).

Les dynasties, Cao Wei (魏) au Nord de la Chine, Shuhan (屬漢) au Sud-Ouest et Wu (吳) au Sud-Est, ont été les acteurs de la période dite des trois royaumes. Les premiers empereurs de chacune de ces dynasties étaient à l’origine des seigneurs de guerre au service des derniers empereurs Han orientaux qui alors, n’avaient plus aucune autorité. De ce fait, ces seigneurs de guerre ont trouvé plus judicieux de se battre pour eux-mêmes et de créer leur propre dynastie.

 

Vers le IIIe siècle le Bouddhisme, avec le confucianisme et le taoïsme, deviendra l’un des trois principaux courants idéologiques et spirituels Chinois. Puis au cours des siècles suivants, des écoles vont se créer et se développer. (*) Alors depuis la chine des moines Chinois porteront l’enseignement du Bouddha en Mongolie, puis vers la Corée. A leur tour les Coréens enverront des missions dans l’archipel japonais où le fils de l’empereur Yōmei, le prince Shōtoku Taishi ou Umayado no ōji (574-622) embrassera le Bouddhisme et mettra toute son énergie à le répandre sur le grand archipel.

 

(*) Au cours des siècles de grandes écoles de pensée bouddhiques chinoises se sont créées, comme par exemple parmi les plus grandes :

- L’école Jingtu jiao ou ‘’de la terre pure‘’ fondée en 402 par Huiyan (惠遠) voue une dévotion sans borne au Bouddha Amitabha parce qu’elle puise son enseignement au sein du sutra de la vie infinie le Sukhavativyuha Sutra. Amitabha signifie vie-infinie.

- L’école des Yogācāra ou Faxiang créée par Xuanzang (596-664),

- L’école de Tiantai fondée par Huiwen (慧文) (550-577) et attachée au Sutra du lotus.

- L’école Huayan ou Avatamsaka fondée par Fazang (643-712) tire son nom du sutra de l’ornementation fleurie ou l’avatamsaka sutra.

- Début du VIIIe siècle : L’école ésotérique ou tantrique ou Mizong (密宗) inspirée par le bouddhisme Vajrayana

- Milieu du VIIIe siècle : La fameuse école du dhyāna ou Chan fondée par Bodhidharma dit Damo (達摩) en 520. Ce Damo aurait fondé le premier temple de Shaolin et premier temple Chan (禪), Zen en japonais. Son école bouddhique serait la plus chinoise des écoles chinoises bouddhiques.

 

Ces écoles ont été créées à partir de Sutras traduits en chinois. Ce fut alors une sinisation des textes Bouddhiques, qui du sanskrit furent traduits en Chinois ce qui fut loin d’être évident.

 

Malgré le bon accueil réservé au Bouddhisme en Chine, ce dernier a aussi connu des périodes de persécutions. Ainsi le troisième empereur de la dynastie des Cao Wei du Nord, Tuoba Tao connut sous le nom impérial de Taiwudi (424-451) fera détruire en 446 tous les temples bouddhiques de son royaume. Mais, malgré deux décrets successifs, lorsque prendra fin la dynastie Cao Wei du Nord il y avait dans la région plus de 30.000 monastères et … 3.000.000 de moines et de nonnes ?!...

 

Puis, cerise sur le gâteau, le Bouddhisme deviendra la religion d’état de la dynastie suivante, celle des Sui (581-618).

 

Quelques siècles plus tard, pour ne citer que ces deux exemples, en plein âge d’or du Bouddhisme, en 845, ce sera l’empereur Wuzong (840-846) le seizième de la dynastie des Tang, (618-907) un Taoïste hostile aux philosophies étrangères, qui fera fermer 4.600 monastères, plus de 40.000 temples et renverra à la vie civile plus de 260.500 moines !... Cette persécution n’empêchera pas, une fois de plus, au Bouddhisme de rebondir et … de prospérer.

 

Nota bene : Il est à remarquer que le bouddhisme a servi à plusieurs dynasties, dont trois successives, pour asseoir leur pouvoir ?!... Bien évidemment il ne faut pas faire de cette remarque une généralité.

Par ailleurs, Maurice Percheron écrit que … ‘’… aux IIIe et IVe siècles il était interdit aux chinois de se faire moines, cet état étant contraire à l’accroissement de la population … (nécessaire) … à l’industrie et à l’agriculture ‘’.

 

(*) La dynastie des Qin (秦) va de 221 avant JC, à 206 avant JC.

     La dynastie des Han Occidentaux (西漢) va de 206 avant JC, à 9 après JC.

     La dynastie dite ‘’nouvelle‘’ du chancelier Wang Mang va de 9 à 25 après JC.

     La dynastie des han Orientaux (漢) va de 25 après JC, à 220 de notre ère.

     La dynastie des Cao Wei du Nord (魏) va de 220 à 589 de notre ère. (*)

     La dynastie des Sui (隋朝) va de 581 à 618.

     La dynastie des Tang (唐朝) va de 618 à 907.

     (*) Les Wei du Nord vers 535 vont se scinder en deux royaumes,

          - les Wei de l’est (534-550) et Wei de l’Ouest (535-556).

 

 

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Photo 1 : Cette image ‘’profane‘’ attribuée au peintre Zhou Fang (730-810) (dynastie des Tang) l’un des premiers artistes de l’histoire de la Chine et le peintre de Bouddha par excellence, représente des enfants récoltant des graines de lotus. (Musée impérial de Taïpei)

Photo 2 : Cette peinture murale met en scène le Bouddha Sakyamuni prêchant la bonne parole en compagnie de quelques Boddhisattvas. Tous sont debout, les pieds posés dans le cœur d’une fleur de lotus. Deux ficus religiosa (arbre de la Bodhi) ont été peints de part et d’autre de Bouddha. Au-dessus de ce dernier une ombrelle (Chattra) le protège des dangers extérieurs, mais souligne sa puissance. A ses pieds, posé à même le sol, le calice de diamant (Kalasa) qui contient les trésors spirituels de l’illumination.

A bien regarder cette fresque, ce n’est déjà plus le bouddha de style … Indien. Le corps des personnages s’est affiné et les vêtements ne sont plus de style Indien. La sinisation est déjà bien route. (Dunhuang – grotte de Mogao – vers 535 -556 dynastie des Wei du Nord).

Photo 3 : Cette peinture murale est une réplique d’une fresque dont la scène, à quelques détails près, est pratiquement analogue à la précédente, mais elle est beaucoup plus récente qu’elle. Là encore il s’agit du Bouddha Sakyamuni, et non d’une forme de Bouddhéité. Les vêtements, les bijoux et de nombreux autres détails montrent que la sinisation a fait son œuvre. (Dunhuang – grotte de Mogao – vraisemblablement dynastie des Tang).

 

 

Au tout début des différentes arrivées, les Bouddhistes venant de l’Inde, en cours de route et avec les moyens du bord, ont construit des monuments funéraires, des temples et des monastères en s’inspirant de ceux qui existaient en Inde. Ces ouvrages, en bois ou creusés dans les rochers, seront réalisés par des missionnaires, des marchands, des pèlerins de passage, animés par leur seule foi, et non par des artistes itinérants. (*)

 

(*) Tout comme en Inde, Bouddha, dans un premier temps, fut représenté au moyen de symboles. Sa première représentation sous forme humaine en Chine, daterait de 193 après JC., c’est-à-dire sous les Han orientaux.

 

Très vite cet art bouddhique primitif va s’affirmer dans des domaines tels que la sculpture, la peinture et l’artisanat, au point de dépasser l’art en cours sous les dynasties des Qin et des Han. Il va même, quelques cent ans plus tard, produire des chefs-d’œuvre encore visibles aujourd’hui, comme par exemple à Dunhuang (敦煌) (Touen Houang ou Doeng Huang) près de Datong (大同) où naguère s’éleva la deuxième capitale des Wei du Nord (220-589) avant d’être transportée à Luoyang.

Pendant plus de sept siècles, cette oasis de Dunhuang, à l’orée du désert de Gobi, sera le centre par excellence où va se développer l’art religieux bouddhique, mais aussi où vont se confronter les idées, s’analyser les textes qui, au fur et à mesure, vont se répandre en Chine et au-delà. 

 

Conformément à sa tradition de sinisation, la Chine va s’approprier du Bouddhisme Indien pour en faire un Bouddhisme à la Chinoise. Cette sinisation a commencé dès l’instauration de la dynastie des Cao Wei du Nord qui pourtant était d’origine turco-Mongole et qui elle aussi se … sinisa elle-même, avant de siniser le bouddhisme indien.

 

C’est ainsi que les images de bouddha habillées à l’indienne, peintes ou réalisées en trois dimensions, en pétrissant la terre ou en sculptant la roche, vont être revêtues de vêtements chinois, que leur taille va s’affiner, leur visage s’arrondir et arborer des traits délicats, voire presque féminin !...

 

Puis les représentations du Bouddha vont exploser. Car ce n’est plus le Bouddha Sakyamuni (Shijia mouni 釋迦牟尼), celui de l’Hināyāna qui va être représenté, mais la nature d’éveillé sous toutes ses formes dont traite le Mahāyāna. Ces différentes natures vont donner naissance à une statuaire et une peinture représentant des milliers de Bouddha-s, qui soi-dit en passant n’est pas sans faire penser à Vishnu et ses avatars qui descendent sur terre sous différentes formes tout en restant Vishnu.

 

C’est ainsi, que de part et d’autre du Bouddha Sakyamuni vont apparaître les deux aspects principaux de la bouddhéité, à savoir à sa droite Amitabha le Bouddha de la compassion et de la lumière dont l’emblème ne pouvait être qu’un … lotus et à sa gauche Aksobhya le Bouddha de la sagesse imperturbable dont l’emblème est le vajra, l’arme du dieu des dieux indiens, Indra, lequel appartient au panthéon bouddhique.

 

Puis vont naître les bouddhas des trois temps, les bouddhas de l’espace et cætera et cætera ... bref les aspects de la bouddhéité ne manquent pas. (*)

 

(*) Les Bouddhas des trois temps sont, pour le passé Dipamkara ou Amitabha, pour le présent Sakyamuni, et pour le futur Maitreya, dit Milefo en chinois (彌勒佛).

Les cinq Bouddhas de l’espace sont, avec milieu Vairocana (l’illuminateur) de couleur blanche, à l’Est Akshobhya (L’imperturbable) de couleur bleu foncé, au Nord Amoghasiddhi (Succès infaillible) de couleur vert foncé, à l’Ouest Amitābha (Lumière infinie) de couleur rouge, et au Sud Ratnasambhava (la source du joyau) de couleur jaune.

 

Le Bouddhisme après une sinisation continue a néanmoins conservé le symbole du Lotus mais, en lui attribuant des qualités propres au monde de l’empire du milieu. Ainsi par exemple, concernant les huit symboles de bon augure, chacun d’eux est associé à un organe vital. Le lotus, considéré comme le symbole de la pureté, et de la genèse est associé au foie, qui dans la tradition chinoise est considéré comme un ministre des armées car ce serait lui qui accumulerait les énergies, et élaborerait les stratégies nécessaires au bon équilibre du corps ?!... En certaines régions d’Afrique le foie serait, paraît-il, lui aussi le temple des forces ?!....

 

 

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Photo 1 : Un bouddha typiquement chinois … ‘’Fo‘’. Fó (佛) un nom résultant du sanskrit retranscrit phonétiquement en Chinois. Il s’agit d’un bouddha ventru et rieur, souvent accompagné d’enfants, voire de lingots d’or, dont il suffirait de frotter le ventre pour devenir riche. En fait cette image serait celle d’un moine bien portant nommé Chan Budai, ou Putai, dont la phonétique se serait confondue avec celle de Phutha. Ce n’est donc pas le Bouddha Sakyamuni. (Hangzhou – photo de 2007)

Photo 2 : Plus de quatre cents sculptures auraient été réalisées dans le calcaire du pic Feilai Feng, (le pic venu en volant), (*) non loin du temple ‘’Ling Ying Sin‘’ (灵隐寺) de Hangzhou. Ce temple de l’école du dhyāna ou Chan (禪) ‘’Zen‘’ en japonais, s’élève sur la rive du lac de l’Ouest (Xihu). Contrairement à la photo précédente, ces deux Bouddhas sont plus conformes à la tradition, et pour cause, ce sont de ‘’vrais‘’ Bouddhas. (Hangzhou – Photo de 2007)

(*) : Le pic venu en volant se rapporte au pic des vautours situé en Inde. En ce lieu, Bouddha à la fin de sa vie aurait donné un enseignement que ses disciples ont retranscrit sous le titre de ‘’Sutra du Lotus‘’. Ce texte est donc apocryphe. Il aurait été rédigé entre le Ier siècle avant JC et le Ier siècle après JC.

Photo 3 : Cette photo a été prise au temple du Bouddha de Jade de Shanghai, un temple ‘’moderne‘’ dont la construction date de 1882 pour accueillir deux Bouddhas en jade venant de Birmanie. Cette photo montre une grande plaque de pierre placée au beau milieu d’un large escalier qui conduit à une salle de prières. Les sculptures reprennent les huit symboles de bon augure du Bouddhisme Theravada, à savoir : (1) La fleur de lotus (Padma), (2) le nœud infini (Srivatsa), (3) La roue (Cakra), (4) Les poissons d’or (Survanamatsya), (5) (6) L’ombrelle (Chattra), (8) le calice de diamant (Kalasa). Il y a forcément une conque (Daksinavartasankha) quelque part mais … je ne l’ai pas visualisée ?!... (Shanghaï - Photo de 2014)

 

 

Le bodhiśattva Avalokiteśvara et le Sutra du Lotus :

 

Avec le Mahāyāna les représentations de Bouddhas ont explosé, car c’est sa nature d’éveillé qui est représentée sous différentes formes, et non pas l’individu en tant que tel. Conformément à cette logique, il en va de même pour les ‘’Bōdhiśattvas‘’, c’est-à-dire ces êtres qui ont atteint le nirvana mais qui ont préféré rester sur terre pour aider leurs semblables à atteindre, eux-aussi, le nirvana.

 

Ainsi, l’un de ces bodhiśattvas, Avalokiteśvara, un nom qui vient du sanskrit et qui signifie ‘’le seigneur qui regarde en bas avec compassion‘’ (*) aurait la possibilité de prendre trente-trois formes, dont celles d’un brahman, d’un roi céleste et … d’une déesse, la déesse Guan Yin.

 

Le nom de ce bodhiśattva apparaît, pour la première fois et tout à la fois dans le ‘’Sutra du cœur‘’ et dans le 25è chapitre du ‘’Sutra du lotus de la bonne loi‘’. Dans ce chapitre, le Bouddha Sakyamuni le décrit comme une grande figure qui vient en aide à toute personne en difficulté. Ce sutra énumère même quelques cas où Avalokiteśvara est en mesure d’intervenir pour aider et secourir son prochain.

 

(Extraits du 24è ou 25è chapitre selon les traductions) ‘’ … au bōdhisattva Mahā Sattva Akchayamati qui s’interroge sur le nom du bōdhisattva Mahā Sattva Avalokiteśvara, Bhāgavat (Le Bouddha Sakyamuni) répond que celui qui invoque son nom est sauvé des périls. … Ainsi pour les marchands attaqués qui l’invoquent en disant ‘’Adoration ! Adoration au bōdhisattva Avalokiteśvara‘’ … et la femme qui désire un fils, une fille. … Avalokiteśvara prend toutes les formes pour prêcher la loi, allant même jusqu’à prendre un corps d’épouse ! … ‘’.

 

Compte tenu de ce qui précède, Avalokiteśvara est donc un bodhiśattva protéiforme qui prend des aspects les plus divers dont celui de la déesse Guan Yin ou Kuang Ying ; une déesse compatissante qui se penche pour écouter les plaintes de l’humanité souffrante. De ce fait, autour de l’image de Guang Yin s’est développé un culte syncrétique dont le nombre des légendes et des représentations de par le monde extrême-oriental ne dément pas la popularité … bien au contraire.

 

 

(*) Le nom d’origine sanskrit ‘’Avalokiteśvara‘’ se décompose comme suit : áva (vers le bas) lokita (voir, regarder, considérer) Īśvara (seigneur), d’où la traduction de : ‘’le seigneur qui regarde en bas … avec compassion‘’

Les premières images humaines de ce bōdhiśattva sont apparues sous l’ère et dans la région de Gandhara peu de temps après celles du Bouddha Sakyamuni. C’est sous les Song du Sud (1127-1279) que son culte prit de l’ampleur et qu’il va définitivement se féminiser sous son aspect de ‘’Guan yin‘’, la déesse de la miséricorde et la protectrice des enfants. Guan Yin est souvent représentée avec à la main droite une branche de saule et à la main gauche un vase et, se tenant debout sur un dragon ou … un lotus, voire les deux à la fois.

C’est sous les Song du nord (960-1127) et les Song du sud (1127-1279) que s’est généralisé un syncrétisme concernant le confucianisme, le taoïsme et le bouddhisme.  

 

 

Le Sutra du Lotus de la bonne loi : (1)

(‘’Saddharmapundarīka sutra‘’ en sanskrit)

 

 

Le ‘’Sūtra du lotus de la bonne loi‘’, en chine, figure tout à la fois parmi les textes fondamentaux du bouddhisme et comme étant l’un des sutras les plus populaires. Il est d’ailleurs l’un des neuf Dharmas du Mahāyāna.

 

Le ‘’Sutra du lotus de la bonne loi‘’ explique à tout un chacun, avec force et conviction que l’éveil est accessible à tous moyennant le respect d’un certain nombre de préceptes comme, par exemple et entre autres, le renoncement aux biens matériels, et le désir de tout mettre en œuvre pour accéder à l’état de Bouddha.

 

De ce fait, le ‘’Sutra du lotus et de la bonne loi ‘’ édifie en valeur absolue le caractère sacré de la vie et l’accession à l’éveil.

 

 

D’après la légende, ce texte composé de 28 chapitres, serait la transcription des enseignements que le bouddha Sakyamuni, alors manifestation du Bouddha éternel, aurait donné vers la fin de sa vie au pic des vautours, durant quelques années, et devant des foules considérables, dont les auditeurs des derniers rangs, à mon avis, ne devaient rien entendre ?!...

 

Plus logiquement et sérieusement, le ‘’Sutra du lotus de la bonne loi‘’ serait un texte apocryphe composé en plusieurs étapes, chapitre après chapitre, entre la fin du Ier siècle avant JC., et le milieu du Ier siècle après JC., soit plusieurs siècles après la disparition du Bouddha Sakyamuni.

 

D’après l’Etatsunien Burton Dewitt Watson (1925-2017) (2) le ‘’Sutra du lotus de la bonne loi‘’ aurait été à l’origine, écrit en dialecte prākrit puis traduit en sanskrit pour lui donner un caractère d’authenticité, de véridicité et de respectabilité. A son arrivée en Chine plusieurs traductions en ont été faites, dont trois d’entre elles seraient encore conservées.

 

L’une des premières traductions en chinois du ‘’Sutra du lotus de la bonne loi‘’ fut celle de Dharmaraksha (竺法). Elle parut en 286 sous le titre de ‘’Zheng fa hua jing‘’. Cette traduction en 10 volumes comptabilisait 27 chapitres. Puis en 406 il y eut celle du moine d’origine Koutchéenne Kumārajiva (鳩摩羅什) (343-413 ou 350-409). Sa traduction qu’il intitula ‘’Miao fa lian hua jing‘’ comportait sept fascicules ou volumes de 28 chapitres.

 

Au VIe siècle, Zhiyi (智顗) (538-597) dit le ‘’maître sage‘’ dirigea l’école Tiantai en s’appuyant entièrement sur l’enseignement développé par le ‘’Sutra du lotus‘’. Il fit tant et tant que ce Sutra devint l’un des Sutras le plus populaire de Chine.

 

Pour parvenir à ses fins, Zhiyi ou le ‘’Maître de Tiantai‘’, (3) un titre posthume qui lui fut donné sous la dynastie des Tang (618-907) élabora, à partir de la philosophie indienne, une méthode parfaitement adaptée à la mentalité et à la culture chinoise. Mais, non seulement la conception de son enseignement trouva un écho favorable auprès du plus grand nombre, mais elle permit l’adoption de nouvelles pratiques conformes avec l’état d’esprit de ses contemporains.

 

 

(1) C’est le français Eugène Burnouf (1801-1852) qui, dans le monde occidental, fera la première traduction du ‘’Sutra du lotus‘’. Burnouf correspondait alors avec un anglais, Brian Houghton Hodgson (1800-1894) en poste en Inde. Cet homme se passionnait pour les anciens manuscrits indiens, et les collectait. Vers le 20 avril 1937 Burnouf reçu vingt-quatre d’entre eux dénichés au Népal. D’autres envois suivront. Mais ce sera au sein de ce premier envoi que Burnouf découvrira un texte qui va le passionner. Alors il décidera de le traduire entièrement ; son entreprise se terminera courant 1840 et le texte s’intitulera le ‘’Sutra du lotus et de la bonne loi ‘’. Burnouf programma son édition pour 1852. Mais ce sera une œuvre posthume qui sera éditée, la mort en ayant décidé ainsi quelques mois seulement avant la parution. Burnouf n’oubliera pas de remercier Brian Houghton Hodgson pour ses nombreux dons.

 (2) Vers les année 1970 vont paraître de nombreuses traductions du ‘’Sutra du lotus‘’ faites d’après la traduction chinoise du Koutchéen Kumārajiva. L’Etasunien Burton Dewitt Watson fera paraître la sienne en anglais en 1993. A noter que la traduction chinoise de Kumārajiva diffère en de nombreux points avec l’original en sanskrit primitif de Burnouf, trouvé par Brian Houghton Hodgson au Népal, et réédité en 1973 ?!...

(3) Malgré son titre de ‘’Maître de Tiantai‘’, ce n’est pas Zhiyi (智顗) (538-597) qui a fondé l’école de Tiantai, mais Huiwen (慧文) (550-577). Zhiyi n’en a été que le troisième patriarche, un patriarche certes très important mais seulement patriarche, le deuxième patriarche fut son maître, il s’agit de … Huisi () (515-577).

 

 

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Photo 1 : Cette image d’un bodhiśattva en bois peint et doré, d’environ 1,20 mètre de haut, datant des Song du Sud (960-1279) a toutes les caractéristiques du bodhiśattva Avalokiteśvara. (Musée de Shanghai – photo d’octobre 2009)

Photo 2 : Cette image de Guan Ying est l’un des objets exposés au musée de Macao situé en bord de mer. Dans les temples de Macao son image côtoie souvent celle de ‘’Tian Hou‘’ car comme cette dernière elle est aussi considérée comme protectrice des marins et déesse de la navigation. (Photo d’octobre 2014)

Photo 3 : Une image ‘’moderne‘’ de Guan Yin d’environ trois mètres de haut, s’élevant sur le bas-côté de l’allée conduisant au temple Famen, ex temple Eyuwang.

Ce temple, situé à environ 120 kilomètres à l’ouest de X’ian, serait le plus ancien temple bouddhiste chinois. Le premier édifice daterait de la dynastie des Han de l’Est (25-220 après JC.). D’ancien il ne reste plus que la pagode, quant au temple il est déconcertant de modernité, regardez Guan Yin pour en avoir une idée. Cette dernière, comme dans la tradition est assise sur un dragon mais son pied gauche repose sur un … Lotus. (Photo du 25.10.2013)

 

 

Le Japon, le lotus et le Sutra du lotus et de la bonne loi :

(Hoke Kyō ou sutra du lotus et de la bonne loi)

(Hokke-gisho commentaires annotés du sutra du lotus en 4 volumes)

 

Le Lotus est omniprésent au Japon, au point que la nature elle-même participe à son omniprésence. C’est ainsi qu’autour d’un plateau, situé au sud d’Osaka, (*) s’élèvent huit monts qui donneraient à l’endroit l’apparence d’une fleur de lotus. De ce fait cette montagne devint sacrée et concentre aujourd’hui 117 temples. Il s’agit du mont Kōya ou se serait planté le vajra que le moine Kūkai (空海) (774-835), fondateur du premier temple de ce site, aurait lancé depuis la Chine … C’est en tout cas ce que raconte la légende ?!...

 

(*) Osaka portait naguère le nom de Maniwa. Cette ville était alors la capitale des premiers grands rois de la plaine du Yamato, berceau de la civilisation japonaise.

 

Si cette légende du Vajra est à prendre avec circonspection, plus concrètement, d’après le professeur Yoshihiko Kobayashi (1927-) ce serait depuis la Corée, et plus précisément du royaume de Pakce, Paekche ou Baekje ou encore de Kudara en japonais, que le bouddhisme serait arrivé à la vitesse … d’un vajra, au japon ou plus exactement au ‘’Wa no Kuni‘’ c’est-à-dire au pays des Wa, (*) comme disait alors les chinois. Ces Wa, quant à eux se désignaient sous le terme de Yamato c’est-à-dire ‘’pays de la source du soleil‘’. Puis est apparu le mot Nihon () ou Nippon qui signifie ‘’là où naît le soleil‘’ ou, le ‘’lieu d’origine du soleil‘’ et non le ‘’pays du soleil levant‘’.

 

 

(*) Au VIe siècle la péninsule de la Corée se constituait de trois royaumes, le Baekje au sud-ouest, le Silla ou Shilla (Shiragi en japonais) au sud-est et le Koguryō (Kōkuri en Japonais) au nord, ainsi que de 78 petits états tribaux. Dans les faits il y avait un quatrième royaume le Kaya ou Kara (Mimana en japonais) qui fut vite … absorbé par ses voisins.

 

En 538 d’après le ‘’Teisetsu‘’ ou 552 selon le ‘’Nihon shoki‘’, et en faisant l’impasse sur les controverses, ‘’Sōng Myōng‘’ (523-554) le roi du royaume du Paekche aurait offert à son homologue du clan Yamato du pays des Wa (futur japon), l’empereur Shikishima dit Kinmei (509-539-574) une image d’un Bouddha en bronze doré dans l’espoir d’une alliance contre le royaume de Silla ?! ...

 

Les japonais d’alors communiquaient avec leurs esprits et leurs divinités sans le recourt d’une statuaire. Néanmoins, comme lors de son arrivée en Chine le bouddhisme fut reçu avec bienveillance et s’affirma au fil des ans comme l’élément fédérateur dont avait besoin les japonais.

 

Au VIIe siècle, le Kudara allié au clan Yamato, fut envahi par le Silla et son allié Chinois de la dynastie des Tang (618-907). Ces derniers, en 663, à la suite d’une bataille navale sans précédent, sortirent vainqueur du conflit. Cette victoire eut pour conséquences, la disparition du royaume de Kudara, l’arrêt des visées continentales des japonais pour plus de neuf cents ans, et …  une migration massive des sujets de Kudara  vers le pays des Wa pour y trouver asile. Ces réfugiés, pour la plupart sinon tous, étaient … bouddhistes ?!....

 

 

Tandis que le bouddhisme s’installait progressivement et surement au Japon auprès des classes lettrés, des missionnaires chinois firent leur apparition pour apporter les textes indispensables à l’analyse et la méditation concernant le Dharma.  L’un des plus connus à l’époque fut le moine chinois Jianzhen () (688-763) de l’école Tiantai ; celle qui s’appuie sur le Sutra du lotus et de la bonne loi.

 

Mais d’après la tradition ce serait le moine japonais Saichō, connu aussi sous le nom de Dengya Daishi, (767-822) de l’école Tiantai qui, après un séjour en Chine vers 804, (*) apporta de nombreux et nouveaux textes de l’école Tiantai, dhyāna (chan-zen), Mikkyō (Bouddhisme ésotérique Shingon), et, en moins grand nombre, quelques-uns de l’école Vinaya. Un an plus tard, en 805, il créa un centre d’étude qui prit le nom d’école Tendai. L’enseignement de cette école se référait aussi et essentiellement au Sutra du Lotus. Tendai n’est que le nom japonais du nom Chinois Tiantai.

 

(*) Les Japonais n’ont jamais envoyé de mission en Inde pour une meilleure étude des textes bouddhiques, contrairement aux Chinois, sans doute parce qu’ils étaient dans l’incapacité de traduire le sanskrit ?!... Leurs sources littéraires sont donc essentiellement chinoises et Coréennes, dont les langues de ces pays étaient comprises, voire parlées, par les classes aisées. 

 

Grâce au soutien de la famille impériale, dont le prince Shōtoku Taishi (572-621) (*) avait déjà embrassé le bouddhisme Mahāyāna de l’école Tiantai, celui de la noblesse claniques, sans oublier les descendants des réfugiés coréens de 663, l’école Tendai trouva un terrain favorable à l’expansion de la bonne loi bouddhique qui, pour mieux pénétrer les peuples du japon accepta en son sein la présence de certains rites shintoïsmes, voire animistes, cultes des ancêtres ainsi que des réminiscences chamaniques. Ce syncrétisme shinto-bouddhique est appelé au japon ‘’Shinbutsu shūgō ‘’.

 

(*) Shōtoku Taishi (572-621) était le fils de l’empereur Yōmei (?-585-587) le 31è empereur du japon, et de l’impératrice Anahobe no hashihito (560-621). Sa tante Suiko Tennō (554-593-628), première impératrice à gouverner le japon, en 593, dès son accession au trône le désignera comme prince héritier (Kōtaishi) et régent (Sesshō).

 

En 594, cette même Suiko Tennō reconnaîtra officiellement le bouddhisme, soit une cinquantaine d’années seulement après le présent du bouddha en bronze doré à l’empereur Kinmei. Cette reconnaissance du bouddhisme va lui permettre d’affirmer la prééminence de son Clan, le clan Yamato sur les autres clans qui alors ne cessaient de s’affronter tout en défiant le pouvoir central, et ainsi de constituer un état centralisé sur le modèle chinois de la dynastie des Sui.

 

De son vivant Shōtoku Taishi était appelé le prince Umayado ou Toyotomimi. En raison des décisions qu’il prit en faveur du Bouddhisme et du temps qu’il consacra à sa propagation, quelque temps après son décès Shōtoku Taishi se verra porter au rang de ‘’Père de la loi‘’(Hōō), sous-entendu … bouddhique, ou encore de ‘’père commun‘’ … des japonais. Puis la tradition en fera l’ancêtre du Bouddhisme japonais. Il n’est d’ailleurs pas rare que la période allant de 591 à 622 soit appelée l’ère du ‘’triomphe de la loi‘’ … bouddhique (cela s’entend), ou Hōkō en japonais.

 

Shōtoku Taishi mourut sans avoir régné, car sa tante lui survécut. Au fil des siècles les légendes vont pratiquement en faire un être d’exception, un nouveau Bouddha. En effet, la plupart des évènements qui émaillent son existence ne sont pas sans rappeler ceux qui se rapportent à la propre légende d’un certain … Siddhârta Gautama, c’est-à-dire le Bouddha Sakyamuni lui-même ?!.... De ce fait lorsque les peintres Sumiyoshi Keinin et son fils Shōjumaru en 1254 illustrèrent la vie du Bouddha Sakyamuni, ce dernier avait les traits d’un certain … Shōtoku Taishi ?!...

 

 

Le prince Shōtoku Taishi se dévoua corps et âme au bouddhisme, au point d’être considéré comme l’une des formes du bodhiśattva Avalokiteśvara.

A ce sujet, la légende raconte que le prince se serait transporté par la voie des airs jusque dans les monts chinois du Heng Chan, au pic du sud très exactement, pour aller récupérer un exemplaire du Sutra du lotus qui lui aurait appartenu lors de sa dernière incarnation. Dans les faits le manuscrit en question lui aurait été apporté par un certain ‘’Ono no Imoko‘’, à l’occasion d’une ambassade auprès de la cour des Sui (581-618) dont le bouddhisme était la religion officielle.

 

Il n’empêche que les indigènes du Heng Chan auraient affirmé à l’époque avoir vu le prince arriver chez eux par la voie des airs, dans un char tiré par un dragon vert, le vert étant le symbole de l’Orient, c’est-à-dire là où se trouve le japon par rapport au pic du Sud. ?!...

 

Le prince Shōtoku Taishi serait l’auteur du Hokke-gisho, une compilation de commentaires annotés du sutra du lotus en 4 volumes.

 

Il lui est aussi attribué la rédaction de trois textes, commentant chacun l’un des trois sutras suivants : Le Vimalakirrti-nirdesa, le saddharma-pundarika-sutra, et le Ratnamālā-devi-paripṛcchā. En fait, ces trois commentaires ou Sangyō Gisho en japonais (三経義疏) auraient – peut-être – été rédigés par ses secrétaires Coréens ?!...

 

 

Toujours est-il qu’en 748 le texte du Sutra du lotus sera copié en 1.000 exemplaires et allait initier nombre de cérémonies dont celle des ‘’mille sutras‘’ ou Hokke sembu-e.

Un demi-siècle plus tard, en 796 le prêtre Gonzō () de l’école des trois traités, quatre jours durant et en 8 sessions, va commenter le sutra du lotus.

 

Deux ans plus tard, en 798, le moine Saichō se livrera au même exercice mais … en 10 séances.

 

Avec le temps ce type de … performances va se ritualiser et prendre le nom de l’octave du lotus (Hokke hakkō). Cet attachement ou dévotion au Sutra du lotus et de la bonne loi va faire qu’à l’époque Nara (710-794), l’une des périodes les plus significatives du japon, le Sutra du lotus et de la bonne loi sera considéré comme le palladium du pays, c’est-à-dire le ‘’sutra qui protège le pays et efface ses fautes‘’.

 

A la fin du IXe siècle, à l’époque Heian (794-1185) (L’époque de la paix), les 28 chapitres du ‘’Sutra du lotus et de la bonne loi‘’ sont portés à 30 avec les apports d’un chapitre d’ouverture, et d’un chapitre de conclusion.

 

Puis au XIe siècle vont paraître les poèmes des 28 chapitres du Sutra du Lotus et de la bonne loi, (Hokekyō nijūhachihon waka).

 

Le développement du bouddhisme suscita la création de nombreuses écoles dont la rivalité n’a pas été sans créer de nombreux conflits. Mais il serait trop long d’entrer dans les détails.

 

A la lecture de ce qui précède force est de constater que le bouddhisme japonais a vraiment partie liée avec le Sutra du lotus et de la bonne loi, et ce n’est pas par hasard si les moines à l’origine des écoles Doden, Honen, Nichiren et shinran sont tous issus de l’école Tendai ; une école qui a dominé le bouddhisme japonais à un degré beaucoup plus élevé que l’école Tiantai a dominé le bouddhisme chinois.

 

 

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Photo 1 : Le régent Shōtoku Taishi du haut de sa chaire commente le sutra de la reine Srīmālā-simha-nada-sutra. (勝鬘経) (Shōman gyō) Une reine à qui Bouddha prophétisa que dans une vie prochaine elle deviendrait un bouddha nommé ‘’lumière universelle‘’. (Reproduction éditée par Kodansha – Tokyo).

Photo 2 : Cette œuvre du calligraphe Sugawara Mitsushige, réalisée sur papier, à l’encre, couleur et or, est extraite d’un rouleau de 24,6 x 934,9 cm et concerne le 25è chapitre du sutra du lotus. Elle est datée de 1257 (période de kamakura) et est conservée au Métropolitan museum of art de New York.

Photo 3 : Une image du régent Shōtoku Taishi daté de 1121. De ce fait elle est considérée comme étant la première statue du régent. Elle est en bois peint, haute de 84,2 cm et trouve asile au temple de Horyuji de Ikaruga un bourg de la préfecture de Nara – Japon.

 

 

Le Lanna, et le lotus :

 

 

D’après certains textes et de récentes découvertes, la culture Dvāravati (VIe-XIe siècle), s’étendait bien au-delà de la plaine de Bangkok. Des vestiges ont été découverts au nord de Vientiane au Laos.

 

Bouddhistes, la statuaire des môns Dvāravati se rapportait tout à la fois à une tradition Bouddhique et hindouiste. Chiang-Saen, sur les rives du Mékong a-t-elle été touchée par la culture Dvāravati ?... La question reste posée, mais c’est tout à fait probable étant donné la statuaire qui va naître dans cette région et les événements dont il va être question ci-dessous.

 

D’ores et déjà on sait que des réfugiés bouddhistes Mahāyāna venus de l’Inde du Nord-Est à la fin du XIe siècle (*) ont conduit leurs pas, pour y trouver asile, vers les royaumes Shans (Birmanie), voire jusqu’au Nord-Est du Laos d’aujourd’hui, y compris le Lanna, dont le nom n’existait pas encore mais, dont la culture de cette aire est identique, en bien des points, à celle de ses voisins Shans et surtout Laos.

 

(*) En Inde, la dynastie des Pala, adepte du bouddhiste Mahāyāna, après environ quatre siècles de règne, est chassée du Bengale par la dynastie des Sena, une dynastie hindouiste.

Par ailleurs, le français Jean Boisselier (1912-1996) avançait l’hypothèse qu’à la fin des IXe et Xe siècle les populations du Lanna devaient relever de l’école bouddhique Mahāyāna ?!...

 

J’en veux pour preuve le culte rendu à un certain Théra Upagupta (1) sur l’ensemble de ces territoires, alors qu’il est absent de la tradition Théravāda du Sri Lanka.

 

L’un des rôles de ce Théra quelque peu magicien consisterait à protéger le bon déroulement de toutes cérémonies, et de sauvegarder tout un chacun des dangers de la vie courante, à la condition, bien évidemment, de le solliciter selon des rites bien précis. Il est aussi associé à la fertilité des rizières en raison de sa proximité avec les eaux.

 

Ce Théra, qui serait le fils du Bouddha Sakyamuni, (2) quitterait son palais du fond des mers, une fois l’an, un mercredi de pleine lune vers l’heure de minuit. Comme il serait toujours vivant, son bol (pātra) en main il va par les rues ou les pistes recevoir l’aumône. Ses donateurs seraient alors bénis et recevraient moultes richesses en contrepartie, mais, encore faut-il que ces donateurs croisent sa route ?!... Une possibilité loin d’être évidente ?!...

 

La particularité de ce Phra Upakhut est d’être représenté assis en posture de … lotus avec son pātra reposant sur son bas ventre ; sa main droite plonge dans ce bol, et sa tête, légèrement relevée, est couverte d’une feuille de … lotus. Ce qui pourrait signifier qu’il vit effectivement dans un palais, au fin fond des océans, et qu’il protège de toutes les attaques du mal, à savoir celles des œuvres néfastes de Māra (มาร) le maître des illusions ou le prince des démons. (3) Dans ce cas, la feuille de lotus pourrait alors être identifiée au capuchon du Naga polycéphale Muchalinda, le roi des nagas protégeant le Bouddha Sakyamuni en méditation, de la pluie et … de la noyade. Cependant, Upakhut n’est pas toujours coiffé d’une feuille de lotus, il l’est le plus souvent, mais le plus souvent ne signifie pas … toujours ?!...

 

(1) Le Théra Upagupta est aussi connu sous les noms de Upakut ou Upakhut (อุปคุต) en sanskrit, ainsi que de Shin Upagutta, Shin Upagot ou encore Phra Bua Khem (พระบัวเข็ม) ce qui signifierait le bouddha au lotus - piqué d’aiguilles. Des traducteurs avertis rajoutent ‘’d’aiguilles tranchantes‘’ ou ‘’pique d’aiguille‘’ ?!...

A mon humble avis Phra Bua Khem veut tout simplement dire le Bouddha au Lotus rouge, ce qui me semble logique d’autant que : Le mot vient du pali Khema et du sanskrit Kṣma qui signifie, entre autres, rouge.

En tout cas, les khmers l’ont adopté en lui donnant ce sens. Puis du Cambodge ce mot est passé au Siam en gardant le même sens, le sens de rouge, un sens qui tombera dans l’oubli, mais le mot restera ! …

Le lotus rose (Padma) se rapporte au Bouddha, Siddhârta Gautama.

Le lotus rouge (Kamala) est le lotus des Bodhisattvas, de la grande compassion. Ce qu’est Phra Bua Khem ?!...

Le lotus bleu (Utpala) symbolise la victoire de l’esprit sur les sens. De ce fait contrairement aux autres lotus il n’est jamais représenté épanoui. L’intelligence suprême ne pouvant être vue par le premier homme venu.

Par ailleurs, en Thaïlande, il existe une fleur rouge, appelée ixora coccinea ou ixora écarlate que les thaïs nomment … dok Khem ‘’ดอกเข็ม‘’ et dont, soyons honnête les fleurs rouges ressemblent à … des pointes, mais à des pointes de couleur … rouge ?!... Cela étant écrit, ‘’Khem‘’ a aussi le sens d’aiguille et d’épingle, d’Ixia et de hampe florale, des sens que la mémoire humaine n’a pas encore oublié.

 

Ce moine de la forêt ou ‘’sarvāstivādin‘’ est aussi appelé le Seigneur des nagas, un titre qu’il ne faut pas confondre avec celui de roi des Nagas que porte l’amphibien Mucilinda, Mucalinda ou Muchalinda. Ce dernier est connu pour avoir protégé Sakyamuni de la pluie en le couvrant de son capuchon et de la noyade en le mettant hors des eaux au moyen de ses anneaux. Donc, alors que Mucilinda protège Bouddha en personne, Phra Upakhut protège les œuvres humaines en général.

A Chiang-Mai Phra Upakhut a son temple personnel non loin du pont Nawarat, rive ouest … qui mérite un détour. 

 

(2) Une légende Lao raconte qu’il serait le fils du Bouddha Sakyamuni et de la déesse des poissons ‘’Nang Matsa‘’ (นางมัจฉา). Cette dernière aurait absorbé par mégarde de la semence du Bouddha Sakyamuni qui, selon un texte se serait détachée de la robe du Bouddha lors d’un lavage et selon un autre, aurait été répandue dans les eaux à la suite d’un acte volontaire de Sakyamuni pour prouver sa virilité auprès de certains détracteurs. Selon un autre texte, il serait aussi le fils d’un coiffeur. Bref, les légendes ne manquent pas au sujet du père de Phra Bua Khem ?!...

 

Quoiqu’il en soit, Upakhut est venu au monde, peu importe par quel miracle ou autre procédé. Seulement, les légendes ne sont pas toujours en phase avec la réalité.  D’après ce qui précède Upakhut aurait vécu, à dix ou vingt ans près, du temps de son père, le Bouddha Sakyamuni. Or des textes en font le contemporain de l’empereur Ashoka qui vécut quelques deux siècles après la mort du bouddha Sakyamuni ?!... Il est vrai qu’Upakhut serait immortel puisqu’il revient en chair et en os une fois par an sur terre ?!... Mais quand même ?!...

 

(3) Māra pourrait être comparé au Satan de l’évangile tentant le Christ à plusieurs reprises. Māra signifierait ‘’Mort‘’ en sanskrit, ainsi que … monde des mortels, et au pluriel, ‘’habitants des enfers‘’.

 

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Photo 1 : Une image de Phra Upakut. Elle s’élève à gauche de l’autel du viharn du Wat Phra Upakut de Chiang-Mai. Le bol à aumône est absent mais l’artiste sculpteur a pris une autre liberté, car c’est apparemment une corolle de fleur de lotus qui couvre sa tête, et non une feuille ?!... Tout au bas de la photo il y a un bouquet de boutons de lotus. (Photo de 2013)

Photo 2 : Deux fleurs d’Ixora coccinea parmi d’autres. Il en existe de plusieurs couleurs et elles attirent l’œil au sein d’arbustes haut d’un mètre cinquante environ, qui sont pléthores à Chiang-Mai. (Photo de 2000)

Photo 3 : Une image plus traditionnelle de Phra Upakut. Comme la précédente elle repose sur l’autel du viharn du Wat Phra Upakut de Chiang-Mai, mais à droite. (Photo de 2013).

 

 

Vers le XIe siècle, aux environs de Chiang-Saen, va naître un art de la statuaire Bouddhique dont les œuvres, pour certaines, vont présenter des influences de l’Inde du Nord (style pāla), du Népal et même du Tibet.

 

Ces images présentent une tête en forme de bouton de lotus, qui par la suite, sous l’influence de l’art de Sukhothai, va légèrement s’allonger.

La chevelure de ces images de bouddha est constituée par de grandes boucles dont l’extrémité, tournée vers la droite, peut être à l’origine d’un arc de cercle imaginaire qui va d’Est en Ouest, tout comme la course du soleil. (*)

Tout en haut du crâne l’ancien chignon des images de Gandhara, est devenu une bosse crânienne. Cette dernière symbolise la puissance spirituelle et porte le nom d’ushnisha. (**)

Au-dessus de cette ushnisha, s’élève un bouton de lotus. Un signe distinctif des images de l’école de Chiang-Saen, donc … de l’art du Lanna à ses débuts.

 

Quant à l’ensemble de l’image (statue) elle repose sur un socle (āsana) de couleurs rose ou bleue, décoré de pétales de lotus stylisés couronné d’étamines. Le socle est parfois double à l’image d’un sablier.

 

(*) Les mèches de cheveux bouclées en spiral sont sujettes à diverses légendes où il est question que ces boucles seraient des escargots ou des œufs. Personnellement, mais ce n’est qu’une hypothèse, je pense que ces bouclettes pourraient être -peut-être- des boutons de lotus qui en s’ouvrant couvriraient la tête du bouddha de … mille pétales de couleur or ainsi qu’il est dit dans le chapitre concernant le septième chakra, le chakra situé en haut de l’occiput (brahmarandhra), chakra symbolisé par un lotus de mille pétales de couleur or. Ce chakra, précisé-je s’ouvre dans le stade ultime de la kuṇḍalinīyoga parce qu’il est le centre psychique de l’union divine ?!...   

(**) Le mot ushnisha vient du sanscrit ‘’uṣṇīṣa‘’. Ce mot se traduit par turban, dont le rôle était alors de protéger du soleil, celui qui le portait. Avec le temps la touffe de cheveux, traité en chignon prit ce nom. Ce chignon était alors considéré comme une marque de dignité princière, tout comme l’allongement du lobe des oreilles censé avoir porter de riches et lourdes boucles d’oreilles.

Avec le bouddhisme ce chignon est devenu une bosse crânienne, symbole de l’éveil de la sagesse et de la puissance spirituelle.

 

 

Vers le XVe siècle, cette école dite de Chiang-Saen a développé un style influencé par Sukhothai, qui a pris le nom d’école de Chiang-Mai. L’une comme l’autre de ces écoles est rattachée à une culture qui n’appartient qu’au Lanna.

Sous la dénomination ‘’école de Chiang-Mai‘’ la tête des bouddhas a pris une forme plus ovale, les grandes mèches bouclées sont devenues plus petites, et le bouton de lotus a été remplacé par une flamme (ramsi) (*) symbolisant la puissance et plus particulièrement la relation permanente entre bouddha et le cosmos au sens le plus large.

 

(*) Le mot sanskrit ‘’raśmi‘’ à la signification de rayon de lumière, de splendeur et ‘’raśminati‘’ celle de ‘’qui irradie‘’ et ‘’rayonnant‘’.

 

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                                Quelques coiffures de style Gandhara :

Tout d’abord il s’agit d’une tête de Boddhisattva, puis une suite de têtes du Bouddha Sakyamuni.

Les artistes d’alors commençaient par sculpter des Boddhisattvas pour parfaire leurs techniques et atteindre le sublime en matière d’art, alors, quand ils atteignaient la perfection, et seulement à cette condition, ils créaient des chefs-d’œuvre dignes de leur modèle, à savoir … le Bouddha Sakyamuni.

 

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                           Les coiffures du Bouddha Sakyamuni … suite !...

Photo 1 : Une image d’un bouddha de style Chiang-Saen. Le Bouddha est assis en ‘’padmāsana‘’ (position de lotus), la sȧnghāti (manteau) pliée sur l’épaule gauche s’arrête au-dessus du sein, la tête forme un bouton de lotus, la chevelure est constituée de grosses bouclettes et un bouton de lotus (joyau) couronne le tout. (Wat Upakut photo de 2013)

Photo 2 : Le dessus de la tête d’un Bouddha de style Khmer. La chevelure ne présente aucune bouclette, par contre une fleur de lotus a été sculptée sur le haut du crâne ?!... (Photo trouvée sur la toile)

Photo 3 : Une image trouvée sur la toile illustrant le septième chakra, ou ‘’Sahasrara Chakra‘’, le ‘’Chakra couronne‘’ situé en haut de l’occiput (brahmarandhra). C’est ce chakra qui est symbolisé par un lotus de mille pétales de couleur or.

Photo 4 : Une image contemporaine, vraisemblablement d’un Boddhisattva, car au-dessus de sa tête, dont les cheveux ne sont pas bouclés, il y a un lotus non épanoui qui fait penser au lotus bleu (Utpala). Le détail de cette tête a été photographié sur une image en pied sans la moindre explication. Je ne peux donc en écrire plus !... (Wat Upakut – photo 2013).

 

On ne peut faire un tour d’horizon sur le lotus et le Lanna sans parler de la grande fête de Yi-Peng appelée sous les cieux de Sukhothai, Loï Kratong.

 

Naguère, au Lanna et ses environs, c’était la Lune qui donnait le ‘’La‘’, et non le soleil. Yi-peng au Lanna, Boun Maha That au Laos et Tan Ta au Sipsongpanna marquaient alors la fin de la saison des pluies. Ce jour tant attendu tombait, et tombe toujours invariablement à la deuxième (Yi) pleine lune (Pèng) du douzième mois lunaire. C’est donc une fête mobile et non fixe.

 

Pour tout un chacun c’est alors l’occasion de tourner la page, et d’en écrire une nouvelle. Alors mettant la théorie en pratique, sur tout le territoire du Lanna, une grande vague de confection de ‘’krathong‘’, voyait et voit encore le jour.

 

Le Krathong est une petite corbeille destinée à être mise à flot afin d’emporter le plus loin possible toutes les énergies négatives qui ont gâchées l’existence de son confectionneur. Ce dernier espère en retour attirer, bonheur, chance, mérites, prospérité, santé, bref tout ce qu’un être espère pour vivre pleinement heureux.

 

De ce fait, plus le Krathong dont il est fait offrande aux divinités montre une dévotion sans borne, et plus les souhaits ont de chance de se concrétiser. Alors la petite corbeille réalisée à partir d’humbles feuilles de bananier va prendre des formes auspicieuses en se référant à des symboles prestigieux comme un stupa, un oiseau mythique (cygne) ou … un lotus … la fleur du bouddha.

 

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Photo 1 : Une œuvre de l’artiste Chalerm Nakhiraks (Chalœ̄m Nākhīrak - เฉลิม นาคีรักษ์) (1917-2002) mettant en scène les traditions Thaïlandaises.

Photo 2 : Un krathong (กระทง) en forme de lotus.

Photo 3 : Une œuvre de l’artiste Chalerm Nakhiraks (Chalœ̄m Nākhīrak - เฉลิม นาคีรักษ์) (1917-2002) mettant en scène l’une des traditions Thaïlandaise, la mise à l’eau collective de Krathongs.

 

Par ailleurs, au Lanna, la fleur de lotus s’intègrent dans diverses décorations et apparaît sur les coiffes et les habits de nombreuses images (Statues).

 

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Photo 1 : Le plafond d’un temple du Lanna datant du XVe siècle représentant un lotus. Cette pièce est exposée au musée de Bangkok.

Photo 2 : Un décor en relief de la balustrade circulaire (vedikā) qui entoure le chemin de circumambulation du grand stupa de Sanchi (IIIe siècle av. JC). Il faudra attendre le IVème siècle après JC, soit plus de 5 à 6 siècles plus tard, pour que des monuments hindous soient aussi imposants et équivalent artistiquement.

Avec ce médaillon on distingue parfaitement tous les éléments composant la fleur de lotus. Tout au centre de cette fleur, sur la surface de la ‘’pomme d’arrosoir‘’, ou le dessus du carpophore définit par un cercle, il y a 7 alvéoles avec chacune son pistil. Puis une série de 36 étamines forme une première couronne. Les 12 pétales en constituent une deuxième. Enfin, une dernière couronne réunie les 36 rayons du soleil.

Photos 3 : Un décor en relief sur le pourtour de l’Ubosot du Wat Upakut de Chiang-Mai, sur la base de fleurs de lotus. (Photo du 31.01.2014)

Photo 4 : Détail de vêtement (le bas d’une ceinture) d’une statue andromorphe représentant un gardien de l’univers. Ce détail se compose de quatre feuilles de ficus religiosa (arbre de la bodhi), d’une fleur de lotus de 6 pétales et d’un rappel des cinq couleurs du bouddhisme, le bleu (Est), le rouge (Ouest) (parfaitement placés.) puis le jaune (Sud), le vert (Nord) et le Blanc au centre. (Photo du 08.07.2018)

 

Il y aurait encore beaucoup à dire sur le lotus, par exemple l’architecture, mais restons au Lanna avec ces dernières photos de toiles peintes par des artistes du … Lanna et concernant … le Lotus.

 

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Photo 1: ‘’Lotus rose à Mae Tang‘’ une huile de Kamthorn Thamprasert (กำธร ธรรมประเสริฐ). Cette toile de 80 x 120 cm était exposée à la ‘’116 art Gallery‘’ de Chiang-Mai. (Photo de 2009)

Photo 2 : ‘’Bouddha 2‘’ de Nisachol Chompupan (นิศาชล ชมภูพันธ์). Cette œuvre de 80 x 55 cm, réalisée sur papier, au moyen d’acrylique, d’huile, de pastel et de crayon, était exposée au centre ‘’Nacha‘’ aujourd’hui disparu. (Photo de 2013).

Photo 3 : ‘’Lotus dans la rivière – saison 3 -1 ‘’ de Jireanan Takan (จีระน้นท์ ต๊ะกัน). Cette œuvre de 100 x 120 cm était exposée au centre Culturel de Chiang-Mai dans le cadre de ‘’Art Thésis 2015.

 

 

Au Siam, après la destruction d’Ayutthaya et de tout son patrimoine littéraire, le roi Taksin fonda Thonburi et s’attacha à reconstituer cette littérature du passé, dont la réécriture du traité de cosmologie bouddhique des trois mondes ou Triloka. Ces trois mondes sont : le ciel (svarga), la terre (bhūmi) et l’enfer (pātāla).

 

Des images ont été créées pour illustrer le texte, dont certaines sous forme de cartes comme la présente image. Cette dernière, la 33ème de la série représente le lac ‘’Anotatta‘’ dont le nom vient de la limpidité de ses eaux.

 

Quatre rivières prennent leur source à partir de ce lac, et toutes vont se jeter dans la mer. Cependant à la différence de trois d’entre elles, la rivière du Sud, avant de rejoindre la mer va au préalable irriguer les villes et se diviser en 5 fleuves ‘’sacrés‘’, Gaṅgā, Yamunā, Aciravati, Mahi, Sarabhū.

 

La carte présente donc le lac Anotatta, un lac jamais à sec, et ses quatre sources. Chacune d’elles part d’un point cardinal à flanc de montagne dont la particularité est de ressembler à un animal. Ainsi la montagne de l’Est rappelle un éléphant, celle du Nord un lion, celle de l’Ouest un bœuf et celle du sud un Cheval, et … des lotus viennent agrémenter cette carte édifiante.

 

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Si l’on m’avait dit que le lotus allait m’entraîner aussi loin je me demande si j’aurai pris la plume. Mais je ne regrette rien et j’espère qu’il en a été de même pour le lecteur que vous avez été.

 

 

 

Merci à ou au :

 

 

Portail Gallica et la BNF –

Portail Persée et le ministère de l’éducation nationale

Portail BHL (Biodiversity Heritage Library)

Gérard Huet pour son excellent dictionnaire Sanskrit-Français

Louis Gabaude pour ses précisions sur le Mahāyāna et le Théravāda.

René de Wolf pour le prêt de quelques livres sur le sujet.

 

 

 

Mais … dommage que Google larde maintenant ses propositions de recherches avec des pages publicitaires qui n’ont rien à voir avec la recherche et qui font perdre beaucoup de temps.  La publicité fait vivre, c’est vrai mais point trop n’en faut.

 

 

… enfin merci pour ses encouragements à Monsieur Alain Amic, un membre fidèle, passionné de botanique auteur d’un site botanique à qui je dédie la présente rédaction.

 

 

 

                                                        Juillet 2018 – Jean de la Mainate



13/07/2018
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