LOY KRATHONG ET SES ORIGINES CHINOISES
LOY KRATHONG ET SES ORIGINES CHINOISES:
Avertissement : Les événements historiques qui vont suivre sont rigoureusement exacts à un ou deux ans près. Par contre l'hypothèse qui les lie n'est que le fruit de mon imagination.
Une imagination trop débordante ou relativement proche de la réalité ?....
À vous de juger et à vous faire votre propre opinion.
Un peu d'histoire :
En prenant possession des terres qui constituent aujourd'hui le royaume de Thaïlande, les migrants T'aïs ont apporté avec eux leurs croyances et leurs rites.
A leur façon ils remerciaient alors les esprits ou les génies dont ils se sentaient redevables et les priaient au moyen d'offrandes d'être bienveillants à leur égard.
Ainsi en a-t-il été avec les génies ou la déesse de l'eau. Car elle était celle qui apportait la vie et qui lavait la terre nourricière des impuretés et des désordres causés par les hommes.
Avec le temps, et selon leur implantation géographique, ces rites archaïques et animistes, subirent diverses influences et ''s'enrichir'' ( ?) de nouveaux concepts.
Ainsi, à la fin du XIIIe siècle, deux nouveaux royaumes, celui du Lanna et celui de Sukhothaï allaient donner une nouvelle identité aux descendants de ces migrants t'aïs.
Le premier d'entre eux, le Lanna, était contigu à la Chine (Yunnan) et le second s'étendait jusqu'en Birmanie et en Malaisie, des régions alors hindouisées.
Ces rois d'un genre nouveau prirent modèles sur leurs aînés, c'est-à-dire sur Pagan et l'empire Khmer qui alors, n'étaient plus que l'ombre d'eux-mêmes, tandis que la Chine prenait leur relève en soumettant leurs anciens vassaux.
Pour ces raisons, Mengraï le roi du Lanna, sans renier ses anciennes croyances favorisa l'implantation du Bouddhisme. Son ami, Ramkhamhaeng, le roi de Sukhothaï avait à sa cour des brahmanes, comme les rois Khmers.
Enfin tous deux étaient vassaux de la Chine, alors sous la férule de Kubilaï Khan un fervent défenseur du bouddhisme.
Ce n'est donc pas par hasard si la Chine et surtout l'Inde sont pour beaucoup à l'origine de l'évolution des traditions t'aïs qui perdurent aujourd'hui.
Le bouddhisme, qui n'arrivera que par la suite, début du XIVe siècle, ne fera que ''prendre un train en marche'', encore que !... Cependant il saura trouver sa place et enrichir de son enseignement les us et coutumes existants.
C'est pourquoi Yi Peng et Loy Krathong ne sont pas des fêtes bouddhiques, mais profanes où néanmoins Bouddha à sa place et sa part de légendes.
Par ailleurs, sans mésestimer le rôle joué par Sukhothaï dans l'histoire de la Thaïlande, il ne faut pas prendre pour argent comptant tout ce qui a été écrit par les historiens officiels à son sujet.
Car leur mission était alors de créer un sentiment national, alors que nombre d'ethnies était encore sous le joug d'un féodalisme à la mode asiatique.
Mais tous les états-nations sont passés par là. L'histoire est écrite par les vainqueurs et non par les vaincus. Et c'est au lecteur à prendre du recul par rapport à ce qu'il peut lire.
Ces précisions étant apportées, venons-en à Loy Krathong.
LOY KRATHONG
Dans les temps anciens il existait nombre de fêtes qui consistaient à faire flotter des bougies.
En Chine :
La fête des fantômes ou la fête des esprits. (Zhong Yuan Jie) (中元节) ou (Jie Yulan) (盂兰盆) :
La fête des fantômes est une fête qui se célèbre le quinzième jour du septième mois lunaire.
Son origine remonterait aux Han (206 av. J.-C. et 220 ap. J.-C. C'était alors, juste après les récoltes, une simple cérémonie d'offrandes aux ancêtres des récoltes de l'année.
Puis avec l'arrivée du Bouddhisme en Chine au milieu du premier siècle cette tradition se teinta de culture hindoue et plus particulièrement des couleurs de ''l'ullambana'' ou ''avalambana''.
L'ullambana était alors une réunion extraordinaire de tous les moines bouddhistes, qui sortaient de leur retraite d'été.
Elle se tenait elle aussi, par hasard ou après un petit coup de pouce, ( ?...) Bouddha n'est plus que le seul à le savoir, le 15ème jour du 7ème mois lunaire.
L'OFFRANDE DE L'AUMÔNE AUX BONZES
… un autre grand rassemblement de bonzes …
Celui-ci s'est tenu dans la matinée du 28 novembre 2010 à Chiang-Maï .
L'importance du nombre des moines aurait donné alors aux prières de cette assemblée une force et une énergie sans précédent, capable de renverser les condamnations post mortem venues … ''d'en-haut'' !...
Lors de cette assemblée il était remis à la communauté religieuse les offrandes qui naguère étaient destinées aux ancêtres.
Alors les nouveaux dépositaires de ces offrandes, comme pour perpétuer la tradition tout en ''l'améliorant'', les offraient à leur tour dans un ''Pho To Hwee'' (*) aux esprits ; c'est-à-dire aux ancêtres en général et plus particulièrement aux esprits en peine et sans descendance pour leur permettre de renaître et de reprendre leur cycle normal de renaissances. (**)
(*) ''Pho To Hwee'' ou Pudu ?... se traduirait par … ''Traversée générale'' sous entendu des âmes.
(**) Je préfère ''renaissance '' à ''réincarnation''.
La prière destinée à aider les … ''défunts qui étaient suspendus la tête en bas'' … quelque part en enfer s'appelait alors, ''Yu Lan Phoen'' ou ''Wu Lan po na'' qui serait une transcription phonétique du sanscrit ''avalambana'' !...
C'est une prière qui découlerait, ou serait à l'origine d'une légende bouddhique.
Cette légende raconte comment le bodhisattva Maudgalyāyana, appelé Mulian en Chine et de différents noms ailleurs, alors disciple de Bouddha, libéra au moyen des prières de toute la communauté des moines présents d'alors (Le sangha) sa mère défunte du poids de son karma.
Cette dernière, à cause de sa cupidité sur terre, était retenue dans le monde des esprits affamés. Dès qu'un aliment lui était présenté il se transformait en braise au moment d'être porté à sa bouche.
Elle était donc condamnée à être affamée et sans la possibilité de renaître durant un certain laps de temps, mille ans d'après les écritures.
Grâce aux prières de son fils Mulian, associées à toutes celles des autres moines sa peine fut commuée.
Elle put alors entrer dans le royaume des bienheureux et … renaître. C'est-à-dire reprendre son cycle ''normal'' de renaissances pour atteindre le nirvana.
Cette fois, si le bouddhisme a pris le train en marche, il a par ailleurs totalement ''récupéré'' cette fête. La légende qui précède en fait foi, ainsi que les événements historiques qui vont suivre.
A gauche : Un extrait de gravure de Mulian et de sa mère
A droite : L'empereur Wudi (梁武帝) (464-502-549)
D'après l'orientaliste Néerlandais Marinus Willem de Visser, (1876-1930) la première célébration officielle d'un ullambana en Chine aurait eu lieu en 538 à l'instigation de l'empereur Wudi (梁武帝) (464-502-549) (*) le fondateur de la dynastie des Liang, la 3ème des dynasties du sud.
(*) L'empereur Wudi, après deux tentatives, abdiquera définitivement pour endosser une troisième et dernière fois l'habit safran.
Pour la petite histoire il faut savoir qu'à cette époque l'Inde et le bouddhisme étaient très en vogue aussi bien à Nankin la capitale des Liang, qu'à Luoyang la capitale des Wei du nord.
Luoyang comptait alors plus de mille moines bouddhistes venus du Tarim et de l'Inde, plus d'un million de bonzes et bonzesses Chinois, et plus de treize mille pagodes !....
A cause du nombre des vocations des familles entières s'éteignaient. Ce qui fit écrire à un certain Li-tchang, un confucéen convaincu, un placet qui commençait par ces mots : '' La pire des impiétés est celle qui prive les ancêtres défunts des offrandes qui leur reviennent … ''
Sans entrer dans la polémique, l'institution de l'ullambana tombait à point nommé. Elle faisait taire ce genre de critique et surtout, elle répondait aux angoisses des parents privés de descendances, concernant leur vie outre tombe.
À partir de 766, l'empereur Dai-Zong, (代 宗) (763-779) le 9ème empereur de la dynastie des Tang, fera officiellement célébrer chaque année une réunion d'ullambana pour secourir les esprits en peine, ou … les … ''fantômes''.
Au fil des ans cette cérémonie s'enrichira de nombreux rites. Ainsi sous les Ming, (1368-1644) pour aider ces âmes errantes et victimes d'une injustice non réparée à trouver leur chemin de retour, des lampes en forme de lotus ou de tortue étaient mises sur les bords des routes et sur les eaux des rivières.
Mais cette tradition était bien antérieure aux Ming, comme nous le verrons.
Au XXe siècle le communisme a fait table rase des croyances du passé, sans pour autant donner l'avenir radieux qu'il promettait.
Alors comme il nous était difficile de nous appuyer sur la fête telle qu'elle ''ressuscite'' aujourd'hui dans la république populaire et dite ''démocratique'' de Chine, nous sommes allés à Java.
Car ce fut dans l'île de Java que s'établirent des soldats Chinois qui, pour garder leur tête sur leurs épaules, avaient préféré ne pas rentrer au pays à la suite d'une défaite.
Autrement dit, à Java mais aussi à Singapour, Taïwan et autres endroits qui ont échappé à la folie destructrice du communisme, la fête des fantômes est beaucoup plus proche de la façon dont elle se fêtait autrefois en Chine, que dans la Chine d'aujourd'hui.
Quelques lampions, torches et flambeaux du défilé du dimanche 21 novembre 2010. Le défilé le plus important fut celui du lundi 22.
A Java ces fêtes durent plusieurs jours. Il y a des processions avec des torches et des lampions, et le soir à la tombée de la nuit chacun dispose des rangées de lampes et de lanternes pour éclairer les chemins à l'intention des esprits.
Un autel est dressé près d'une rivière et de cet endroit, le dernier jour des festivités, sont mises à l'eau des centaines de lampes. Il s'agit de lampes en papier huilé qui sont plantées dans des petits morceaux d'écorce de tronc de bananier.
Ces ''lampes d'eau '' ou ''Tjoei Ting'' qui ne sont pas sans rappeler les ''krathongs-saï'' ont pour mission d'inviter les esprits des eaux à '' … se rendre à la grande remise d'aumônes …'' (Cf. BEFEO 1975 article de Madame Claudine Lombard-Salmon''.)
La remise d'aumônes en question, ou ''pudu'' se fait en plein air et souvent autour d'un fabuleux tas de victuailles que les vivants se partageront après avoir laissé les ''fantômes'' prendre leurs parts.
Les victuailles sont d'autant plus importantes qu'un dicton Chinois dit à ce sujet : ''Si nous ne sortons pas notre argent pour la grande traversée, (Le pudu) la maladie sera là devant nous''.
Autrement écrit, ''si nous ne sommes pas généreux envers les esprits il faut s'attendre aux pires calamités de leur part''. Alors … il vaut mieux vaut dépenser son argent en nourriture qu'en médicament. C'est le bon sens même.
Outre ces colonies de Chinois de l'étranger, la fête des fantômes a aussi fait souche au Japon, où on la retrouve sous le nom de la fête d'obon ou de l'urabon dont le nom serait une déformation phonétique de … ullambana.
Mulian est devenu Mokuren et le dernier jour de ces fêtes des petites lanternes en papier, des ''tôrô nagashi'', sont mises à l'eau dans le but d'aider les esprits à rentrer … chez eux.
Si cette fête est allée ''migrer'' en ces différents endroits, pourquoi n'aurait-elle pas fait ''souche'' au Lanna et au royaume de Sukhothaï ?....
Au XIIIe siècle l'expansion mongole puis sino-mongole a été à l'origine de nombreux bouleversements, mais aussi de transformations … en douceur.
Le Lanna comme le royaume de Sukhothaï sont les enfants des conséquences de ces bouleversements. (Chute de Pagan) Ils ont aussi vraisemblablement été des terres d'accueil sans le vouloir.
Car les troupes de Kubilaï Khan, conduites par son propre fils, ont connu et à trois reprises consécutives, de sérieuses défaites en Annam. (1257/58 – 1282/85 et 1287/88) C'est-à-dire dans une région très proche.....
A l'occasion de ces défaites en terre d'Annam il y a eu de forte chance pour que des déserteurs se soient réfugiés dans le nord de la Thaïlande d'aujourd'hui, c'est-à-dire dans les royaumes du Lanna et de Sukhothaï, car ils ne pouvaient aller nulle part ailleurs, à moins de prendre la mer.
Ces migrants d'un genre particulier ont du pour certains, fonder un foyer et vivre selon leurs traditions comme le feront les ''rescapés'' de Java.
Par ailleurs la Chine étant relativement proche, des Chinois ''civils'' n'ont pas été sans immigrer à l'intérieur de ces nouveaux royaumes, ne serait-ce que pour commercer !...
Déjà sous les Song du sud, (1127-1279) des artisans potiers Chinois chassés par les Mongols s'étaient installés dans les environs de Sukhothaï, et à Sawankhalôk encore renommée aujourd'hui pour ses céramiques.
Durant son règne Ramkhamhaeng, le roi de Sukhothaï à l'occasion de l'une de ses visites en Chine ramènera des artisans céramistes !....
Bref, les contacts avec la Chine ne manquaient pas.
Maintenant il reste à savoir si ces migrants tant militaires que civils ont eu ou non une réelle influence sur loy krathong ?....
Ce qui précède le laisse à penser. Car les Chinois, encore aujourd'hui, ne s'implantent pas quelque part sans recréer leur environnement d'origine. Mais sans documents fiables toutes les hypothèses sont permises !...
Quelques décorations de rue et … un kratong sur l'eau
Une dernière remarque : Ces petites embarcations ne sont pas sans rappeler la fête des lumières indienne, ''Diwali'' qui fait suite à la présente chronique.
Alors ces deux fêtes ne se seraient-elles pas … interpénétrées ?... ou l'une aurait-elle donné des idées à l'autre que d'autres, dont loy Krathong auraient reprises ?....
Malgré tout ce qu'on peut en dire et trouver à leur sujet l'origine de ces fêtes se perd dans la nuit des temps et bien malin qui pourrait prétendre démêler l'écheveau des fils qui les unis et qui les différencient tout à la fois !....
Pour en savoir un peu plus sur le ''pudu'' de Java !...
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/befeo_0336-1519_1975_num_62_1_3853
Le petit plus !...
Au cours de mes lectures, et surtout en lisant Henri Maspero, (1883-1945) alors que je croyais que les chinois étaient soit Bouddhistes ou Taoïstes ou Confucianistes j'ai découvert qu'ils étaient tout cela à la fois sans se sentir particulièrement attaché à l'une de ces … ''églises''.
En Chine les trois cultes se célébraient en se côtoyant, et chacun venait y prendre selon ses aspirations et ses besoins du moment. Ce qui signifie qu'un religieux taoïste pouvait très bien participer en tant qu'individu à une fête Bouddhiste, et vice-versa.
Un parfait exemple d'œcuménisme non ?...
Cependant les trois philosophies n'étaient pas sans chercher à avoir les faveurs du prince. Alors parfois … évidemment … l'œcuménisme n'était plus ce qu'il aurait du être !...
Mais la nature humaine à ses raisons qui ne sont pas toujours celles de l'esprit !...
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