MENGRAÏ - 15 D- Des dessous ... Invasions de l'Annam et du Champa.2
Brefs résumés des trois invasions mongoles, de l'Indochine de l'Est, dont les deux dernières se font sous la bannière chinoise.
DEUXIEME PARTIE
1282-1285 : 2ème campagne ou tentative d'invasion.
1/
1280 : Khoubilaï Khan est enfin empereur de toute
Sans perdre de temps et mettant à profit sa nouvelle situation, il envoie des émissaires aux rois des pays satellites de
2/
Le roi d'Annam, (a) Trần Nho'n-Tông, ou Trần Nhân Tông (1279-1293), est convoqué à Xandu, (Chang-tou) près de Pékin, la résidence d'été de Khoubilaï Khan.
Son père, Trần Thánh Tông, (1258-1278), n'a jamais adressé le moindre tribut triennal à Khoubilaï Khan, contrairement aux promesses faites par Trần Thái Tông, (1225-1258), le père de Trần Thánh Tông.
3/
Le mahârâdja du Champa, Indravarman VI, après s'être dérobé à deux reprises, 1278 et 1280, à l'invitation de Khoubilaï Khan à se rendre à Pékin, par crainte, finit par accepter le protectorat du nouveau maître de
4/
1281 : En Annam, le roi, méfiant, répond aux dernières sommations de Khoubilaï Khan en envoyant à sa place son oncle, Trần Di Ái. (b)
Khoubilaï Khan est furieux. Depuis Xandu, il destitue le roi d'Annam et nomme à sa place son représentant, qu'il renvoie à Thăng Long, la future Hanoï, accompagné d'une escorte de mille soldats, qui à leur arrivée seront tous faits prisonniers par les Annamites.
5/
Au Champa, tandis que Sögëtü et Lieou Cheng mettent en place une colonisation pure et dure, le peuple, soutenu et excité par le prince héritier Harijit, s'oppose à cette sinisation. Il se révolte et s'insurge.
Alors Khoubilaï Khan charge Sögëtü de faire ''entendre raison'' à ces rebelles au moyen de la manière forte.
6/
1282 : (automne) Le général mongol Sögëtü, venant du Yunnan, demande au royaume d'Annam, ennemi héréditaire du Champa, un droit de passage sur son sol pour pouvoir accéder et pénétrer au Champa.
Sögëtü aurait la mission d'aller libérer des ambassadeurs Chinois retenus par les Chams. En fait son objectif est d'envahir le Champa par voie terrestre, de l'occuper et de mettre en place une administration Chinoise, pure et dure, autrement écrit, de faire du Champa une province chinoise.
L'Annam refuse pensant, à juste raison, qu'elle serait ensuite prise en étau, et deviendrait une proie facile pour les Sino-mongols.
Sögëtü prend acte, et à cause de la chaleur fait demi-tour, sans chercher à forcer le passage.
Mais l'Annam ne perd rien pour attendre !...
7/
1283 : En Annam : Le roi Tran-nho'n-tông, (1279-1293), qui s'attend à une réaction armée de la part deKhoubilaï Khan, nomme Trần Hưng Đạo (c) à la tête de ses armées.
8/
Au Champa : Une flotte chinoise, sous les ordres de Sögëtü, (Toa Đô, ou Gogetu pour les Vietnamiens) et de Omanhi, Ô Ma Nhi ou Omar, partie de Canton,
débarque sur les côtes de ce pays.
Les Mongols, comme à leur habitude, ne font pas dans la demi-mesure. Vidjaya (Cha-ban), la capitale, près de l'actuelle Bình Ðinh, est occupée et mise à sac, ainsi que toutes les villes qu'ils rencontrent sur leur passage.
Le centre et le nord du pays sont très vite occupés.
Alors Sögëtü en profite pour envoyer un corps expéditionnaire de mille hommes, commandé par Sulayman, en pays Khmer.
Pas un soldat ne reviendra de cette expédition !... (d)
Leurs confrères, qui sont restés au Champa, et l'occupent, sont alors victimes du climat, des maladies tropicales, et du manque de ravitaillement à cause de la guérilla.
Ne pouvant faire face à ces difficultés l'armée de Sögëtü, de plus en plus mal en point rembarque, après seulement quelques mois d'occupation.
Alors Khoubilaï Khan, furieux, tel un enfant gâté, décide de frapper un grand coup, et d'en finir tant avec le Champa qu'avec l'Annam.
9/
1284 : (Hiver) En Annam : Les armées sino-mongoles attaquent sur deux fronts.
Au nord, le chef d'armées et fils de l'empereur de Chine, Toghan, (Thoát Hoan ou encore Thoac Hoang pour les Vietnamiens) et son second, le Chinois Li Heng, pénètrent en Annam par la ville de Lang Chau, future Lang Son.
Les Sino-mongols investissent successivement les villes de Kha Li, Lọc Châu, près de Băc-ninh, puis s'emparent de Thăng Long, la future Hanoï, qu'ils mettent à sac.
Très vite donc,
Au sud, concomitamment, le chef d'armées Sögëtü et l'amiral Omanhi, débarquent avec leurs troupes dans le nord du Champa et l'occupent.
Ensuite ils doivent envahir les provinces annamites de Thanh Hóa et Nghề Yến, dans le sud du royaume et remonter vers le nord afin de faire la jonction avec les troupes de Toghan pour prendre les Annamites en tenailles.
Le chef des armées Annamites, Trần Hưng Đạo (c) pour faire face à la situation, et surtout à la force de frappe des Sino-mongols, met en place une stratégie dite du faible face au fort ou du ''court face au long'' selon ses propres termes.
C'est une tactique de guérillas et de harcèlements, doublée d'une politique de la terre brûlée et de la mobilisation de toute la population. (e)
Cette stratégie de défense porte ses fruits. Les Sino-mongols, au nord comme au sud, s'enlisent dans les combats, ne supportent pas le climat, tombent malades, et surtout, finissent par manquer de vivres.
10/
1285 : (Eté) Au nord, sentant le vent tourner, Trần Hưng Đạo prend la décision de contre attaquer. Et pour neutraliser la puissante cavalerie sino-mongole il l'entraîne dans des zones fluviales.
Les Sino-mongols tombent dans son piège. Et la situation se renverse.
(En juillet) Au sud, tandis que Sögätu se dirige vers le nord de l'Annam, via les villes de Nghệ An et de Thanh Hoa, aujourd'hui chef lieu des provinces du même nom, le général Trần Quang Khải, (1241-1294), leur résiste et les mets en difficulté.
Alors, sans savoir qu'elle était la situation dans le nord, ils rembarquent et font route vers le delta du fleuve rouge pour remonter le Sông Hồng dans l'espoir de rejoindre Toghan et de lui prêter main forte.
Mais dès leur arrivée, ils se font surprendre par leurs adversaires, à Tay-Kiêt, et massacrer sans la moindre pitié. Sögätu y laissera la vie et mourra décapité.
Devant son courage, le roi Tran-nho'n-tông lui rendra solennellement les honneurs.
Sans chercher à sauver le sien, (d'honneur) l'amiral Omar prendra lamentablement la fuite en jonque.
Mais, cette défaite n'est rien comparées à deux autres.
En effet, la bataille navale de Hàm Tử Quan dans la province de Hưng Yên, remportée par l'Annamite Trần Nhật Duật, et surtout celle de Chương
Les soldats du grand Khoubilaï Khan, acculés à la retraite, prennent leurs jambes à leur cou. Mais ils sontrejoints dans leur fuite, par les Annamites, à Vạn Kiếp, qui sera le point d'orgue de cette défaite.
Aux dires des chroniqueurs de l'époque, il y aurait eu dans cette ville (f) un véritable carnage. Le Sông Hồng un des bras du fleuve rouge, aurait charrié, sans discontinuer et des jours durant, un nombre incalculable de cadavres.
Le fils de l'empereur de Chine, Toghan, n'aurait trouvé son salut qu'en fuyant à cheval, et après s'être caché dans un récipient en bronze.
Le Chinois Li Heng lui, atteint par une flèche empoisonné passera de vie à trépas. Et un grand nombre de ses soldats, fuyant vers le royaume de Da-Li et le Yunnan, connaîtront sont sort. Car ils seront harcelés en cours de route par des montagnards ''patriotes'' appartenant à des tribus Hmongs et Yaos.
Pour la deuxième fois consécutive, les Mongols, même sous la bannière chinoise, connaissent un cuisant échec pour avoir voulu envahir l'est de l'Indochine.
Les Chinois désignaient l'Annam sous le nom de Ngan Nan. Ce royaume était aussi connu sous celui de Daï-Viet.
Trần Nhân Tông, ou Trần Nho'n Tông, ( ? -1278-1293) venait tout juste de succéder à son père, qui abdiqua en sa faveur pour se consacrer au bouddhisme.
Khoubilaï Khan prit cette succession comme prétexte pour lui demander de venir en personne lui rendre hommage et faire acte de vassalité.
Mais Khoubilaï Khan avait-il vraiment besoin d'un prétexte pour agir selon son bon vouloir ?...
(b)
Trần Di Ái ou Trần Ích Tắc (1254-1329) prit l'investiture royale, que lui accorda Khoubilaï Khan, très à cœur. Cependant son parent, et neveu, le roi Trần Nhân Tông, se trouvant très bien sur son trône refusa de le lui céder.
Alors, et certainement dans l'espoir de s'y asseoir un jour, avec le concours de quelques autres ''grands du royaume'' il ''collabora'' avec l'ennemi lors de cette 2ème invasion, et aussi lors de la troisième !...
A la suite des événements, qui ne lui furent pas très favorables, il s'exila en Chine, à Wuchang, aujourd'hui un quartier de la ville de Wuhan, dans la province de Hubei, où il vécut jusqu'à l'âge de 76 ans et mourut comme un souverain … sans royaume !...
L'empereur de Chine lui versa des revenus fixes pour l'entretien de sa famille, et à sa mort il ordonna qu'on lui fît des obsèques royales, lors desquelles l'empereur prononça, lui-même, son éloge funèbre !....
Aujourd'hui, Trần Di Ái est considéré comme un traître par les Vietnamiens.
(c)
Trần Hưng Đạo ou Chữ nho (陳 興 道) (v.1228-1300) est un chef d'armées Annamites.
Pour avoir repoussé à deux reprises l'invasion de son pays par les Mongols, en 1284-1285 et 1287-1288, il est devenu une figure légendaire Vietnamienne, voire un dieu. Il a ses temples, son culte et ses médiums.
Les temples de Kiếp Bạc, province de Hải Dương, Bảo Lộc et Tức Mạc, province de Nam Ðịnh, tous trois situés dans le nord Vietnam, sont des lieux de pèlerinage consacrés au ''grand immortel''.
Toutes les villes du Vietnam ont pratiquement une rue à son nom.
D'origine noble, c'était le neveu du premier roi de la dynastie Trần, Trần Thái Thong (1225-1258).
Cet homme se destinait à la poésie tout en se passionnant pour l'art militaire et en particulier les écrits d'un grand stratège Chinois.
Mais si ses poèmes comptent parmi les plus beaux Chefs-d'œuvre de la poésie Vietnamienne, c'est surtout son traité de stratégie militaire, ''Binh Thư Yếu Lựơc'' qui est devenu un … ''best-seller'' avant l'heure.
Il est né à Nam Ðịnh entre 1226-1228, sous le nom de Trần Quốc Tuấn (陳國峻), et est mort des suites d'une maladie en 1300 vers sa soixante-treizième année.
Son corps fut incinéré et ses cendres enfouies sous son chêne préféré, tout près de Hanoï, ainsi qu'il en avait fait la demande. Car ses adieux au monde se firent dans la plus stricte intimité.
Et la réponse qu'il fît à son roi, qui lui demandait comment faire pour vaincre les Sino-mongols après sa mort, ''Combattre le long avec le court, tel est l'art militaire'' aurait pu lui servir d'épitaphe !...
(d)
Malgré cette ''victoire'' khmère contre le corps expéditionnaire conduit par Sulayman, le Cambodge enverra tribut à Khoubilaï Khan en 1285, le 6 octobre, en même temps qu'une ambassade chame !...
(e)
Là encore, la petite histoire mérite quelques lignes.
En effet, pour mobiliser tous les Annamites, Trần Hưng Đạo aurait eu l'idée d'employer un stratagème hors du commun et digne d'une intervention divine.
Car seuls les dieux, pour les gens d'alors, superstitieux et avides de merveilleux, ne pouvaient communiquer avec eux de la manière qui va suivre.
L'idée géniale fut la suivante, Trần Hưng Đạo fit copier, non avec de l'encre mais du miel, sur des feuilles d'arbres un texte appelant à la mobilisation et à la résistance, générales, contre les Chinois.
Comme il était poète, son ''appel'' a dû être un chef d'œuvre du genre, et surtout d'un style … divin, qu'à l'époque, les dieux eux-mêmes n'ont pas dû renier.
Bref, au fur et à mesure que les feuilles étaient écrites, elles étaient données à des fourmis qui se faisaient un plaisir d'en récupérer le miel.
Comme ces petits insectes ne laissent rien perdre, ils récupéraient aussi toutes les parties du végétal qui avaient été emmiellées.
Alors les feuilles, grâce à la voracité des fourmis, se trouaient en suivant le dessin des lettres. Et l'appel à la mobilisation général devenait lisible de ce fait.
Ces tracts avant l'heure, furent jetés dans les rivières. Et, emportés par les courants ils échouèrent, paraît-il, jusque dans les villages les plus éloignés.
La magie de l'opération, galvanisa tout le peuple annamite.
Trần Hưng Đạo, en plus d'être un excellent stratège, se révéla alors être un fin psychologue et un ''communiquant'' avant l'heure, hors pair !...
Cependant, la légende ne donnent ni le tonnage des feuilles utilisées, ni le temps qu'il a fallu pour les ''écrire'' et encore moins comment elles ont pu se répandre dans tout le pays.
Mais chacun sait que dans les légendes, tout le monde sait lire, que les feuilles vont jusqu'à voguer à contre courant car sinon ce ne seraient plus des légendes !...
(f)
Van kiêp serait aussi l'un des multiples noms, en Vietnamien, du fleuve rouge, tout comme Fou-léang-Kiang, yuán jiāng, (元江), Sông Hồng, Hồng Hà, hóng hé (红河), et certainement bien d'autres encore !...
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