MerveilleuseChiang-Mai

MerveilleuseChiang-Mai

PHRA SRI VICHAI (พระศรีวิชัย). (1878-1938) (1)

 Monument de Phra Kruba Sri Vichaï (Le)

                     (พระ ครูบา ศรี วิชัย)

 

 

                                  Ou

 

    Phra Sri Vichaï (พระศรีวิชัย). (1878-1938)

 

                         Première partie

 

Exceptionnellement je dédie la présente chronique et la suivante à mon frère Gérard pour me faire pardonner un oubli concernant une date qui lui tient tout particulièrement à cœur.

 

   

 

 

        L'une des statues de Phra Kruba Sri Vichaï à Chiang-Maï.

Celle-ci se situe au tout début de la route qui conduit au Wat Suthep. Elle fut sculptée par Corrado Feroci alias Silpa Bhirasi (ศิลป์พีระศรี) puis coulée en bronze.

Ses adorateurs la recouvrent de jour en jour de petites feuilles d'or et de monceaux de fleurs. À défaut d'être la plus importante, quoique !... c'est la plus vénérée de la ville sans conteste possible.

 

 

A Chiang-Maï il y a tant de sanctuaires qu'on finit par passer près d'eux sans y prêter attention. Eh bien c'est un tort, car c'est se priver d'une multitude d'histoires ou d'anecdotes qui font la richesse du glorieux passé de la ville.

 

Ainsi par exemple, sans mes recherches sur Corrado Feroci, (คอร์ราโด เฟโรชี) le père de l'art moderne thaïlandais et le fondateur de l'université des beaux arts de Bangkok, je serai encore aujourd'hui à ignorer l'histoire du plus glorieux et respecté bonze du Lanna … Phra Kruba Sri Vichaï, (1878-1938) (พระ ครูบา ศรี วิชัย) ou encore Phra Sri Vichaï (พระศรีวิชัย).

 

 

Phra Kruba Sri Vichaï a son ''image'' (*) dans de nombreux temple de la ville mais celle qui les supplante toutes se trouve au tout début de la route qui conduit au Wat Phrathat Doï Suthep Ratcha Woraviharn, (วัดพระธาตุดอยสุเทพราชวรวิหาร), plus communément appelé le Wat Suthep. Car c'est à l'initiative de ce bonze que cette route a été construite.

 

 

Mais ce moine, qui est aujourd'hui unanimement honoré et reconnu comme le plus grand du royaume du Lanna, en son temps a du faire face à bien des adversités. Car son charisme secréta de la méfiance et des détracteurs à cause desquels il connut la prison et … à plusieurs reprises.

 

Depuis, bien évidemment, la légende s'est emparée de Phra Kruba Sri Vichaï et comme à leur habitude les biographes thaïlandais ont ''oublié'' sciemment ce qui pouvait déranger dans ses prises de positions et, dans la réalisation de ses œuvres ternir l'aura du saint homme !....

 

Alors avant de conter la légende de Phra Sri Vichaï, qui laisse rêveur et rend l'esprit primesautier, il me paraît indispensable de rappeler le contexte de cette époque afin de mieux comprendre les aléas qui ont émaillé l'existence de cet homme et vraisemblablement contribué à l'écourter. Car la vie de Kruba Sri Vichaï s'est déroulée sur un fond politique haut en couleur et en bouleversements en tous genres.

 

Voici donc un bref rappel de ces événements qui ont ébranlé et carrément transformé la vie du Lanna en particulier, et du sud-est Asiatique en général puisqu'ils se situent aux tout débuts de la colonisation franco-anglaise.

 

 

En 1878, l'année de naissance de Sri Vichaï, c'est le roi Phra Chao Inthawitchayanon (1871-1884-1897) (พระเจ้า อินทวิชยานนท์) qui ''règne'' (si on peut dire) au Lanna, sous l'œil vigilant et inquisiteur de Bangkok.

 

Le Lanna avec l'aide du Siam, vient depuis un siècle de se libérer du joug des Birmans. Mais en retour de cette aide il a reconnu la suzeraineté du Siam. Alors ce n'est plus un royaume indépendant, mais … sous surveillance.

 

 

En 1878 au Siam, c'est le roi Chulalongkorn ou Rama V (1853-1868-1910) (จุฬาลงกรณ์) qui est au pouvoir depuis déjà 10 ans.

 

C'est un roi aux aguets et sur le qui-vive. Il a hérité de ses ancêtres d'un vaste royaume, loin d'être unifié, et sur lequel lorgnent les Occidentaux.

 

Depuis onze ans déjà les français ont fait main basse sur une partie du Cambodge, et de leur côté les anglais depuis cinquante deux ans se sont emparés du Tenasserim, dit aussi Tanatharé, une province du sud de la Birmanie, ce qui diminua d'autant la surface du royaume Siamois.

 

Alors Rama V engage de grandes réformes dans le but d'unifier son royaume et de le doter de structures administratives fortes. C'est comme une course contre la montre.

 

Il doit être d'une vigilance sans faille car le danger de voir son royaume réduit à une peau de chagrin est très grand. Jugez-en plutôt.

 

 

 

 

Photo 1 : Le roi du Lanna Phra Chao Inthawitchayanon (1871-1884-1897) (พระเจ้า อินทวิชยานนท์)

 

Photo 2 : La carte du Siam en 1878. Une partie du Cambodge (Fr.) et le Tenasserim (Brit.) viennent de lui être soustrait par la France et l'Angleterre. La Cochinchine a été ''cédée'' par l'Annam à la France entre 1862 et 1867. Saigon fut pris en 1859.

 

Photo 3 : la princesse Dara Rasamee ou Dara Ratsami (1873-1933) (ดารารัศมี) la fille du roi Inthawitchayanon.

 

 

A l'est du ''grand Siam'', il y a la France qui a pris pied en Cochinchine (1862-67) et au Cambodge (1867), et à l'ouest ce sont les Anglais qui vont s'installer en Birmanie et qui vont lier des relations privilégiées avec le …Lanna, un vassal du Siam.

 

Ne disait-on pas à l'époque, en 1883, que la reine Victoria allait devenir la marraine de la princesse Dara Rasamee (*) ou Dara Ratsami (1873-1933) (ดารารัศมี) la fille du roi Inthawitchayanon, alors roi du Lanna.

 

 

(*) En 1886 la princesse Dara Rasamee, ou la princesse de Chiang-Maï, deviendra par l'unique volonté de Rama V, l'une de ses nombreuses concubines !...

 

Cette fois là, les Anglais avaient trouvé plus rapide qu'eux. Alors … le Lanna leur passa sous le nez et entra définitivement dans le giron du Siam !

 

 

 

Dans les zones conquises, dès leur arrivée les Européens imposent leurs modèles sociaux, politiques et économiques ; ce qui va frapper de plein fouet les indigènes et surtout les plus pauvres.

 

Comme l'ancien système volait en éclat et que le nouveau ne répondait pas aux attentes culturelles de ces gens, qui étaient pour la plupart bouddhistes ou animistes, des ''jacqueries'' vont éclater un peu partout durant nombre d'années.

 

 

Au Siam tout ne va pas pour le mieux. Depuis 1880 des tribus Hmongs s'installent dans le nord et en 1888, toujours dans le nord, Rama V doit faire face à des actes de brigandage de la part des Hos (Haw) ; des bandes de pirates originaires de l'ex-sultanat de Dali, qui furent pourchassés par l'armée impériale chinoise et qui s'illustrèrent aussi sous le nom de ''Pavillons noirs''. Ils vont, entre autres, mettre à sac Luang Prabang.

 

 

Par ailleurs Rama V a besoin d'argent pour mettre en place ses nouvelles réformes et aussi constituer une véritable armée.

 

Or l'argent était détenu principalement par les commerçants, qui étaient pour la plupart d'origine chinoise et dont la fibre siamoise était le dernier de leur souci.

 

Alors pour tenter d'échapper à l'impôt ces Chinois vont fomenter des troubles. En 1889, par exemple, Chiang-Maï sera le théâtre d'un grand soulèvement, appuyé peut-être en sous-main par les anglais … qui sait ?.... avec ce que l'on voit de nos jours il n'y a rien d'impossible !...

 

Des deux côtés, occidental et siamois, ces mouvements de piraterie et sociaux trouvèrent leurs chefs parmi des individus un tantinet charismatiques du genre messie, devin, médium, illuminé, guérisseur et … moine ou bonze ; cette engeance d'individus était alors plus communément appelée les ''Phomiboun'' (พอมีบุญ) c'est-à-dire ''Les maîtres qui ont des mérites ou des vertus'' ; des ''maîtres'' qui avaient surtout de l'ascendant sur de pauvres et simples gens.

 

Ces groupuscules de miséreux, hormis les pirates, n'avaient bien souvent, pour affronter leurs ennemis, que des talismans leur garantissant l'invulnérabilité ?!...

 

Autant dire que ces révoltes étaient vouées à l'échec, mais certaines d'entre elles firent couler beaucoup de sang et favorisèrent un climat d'insécurité, d'autant que famines et épidémies restaient de la partie.

 

   

 

 

Le bouddhisme c'est aussi … entre autres pratiques !...

 

Photo 1 : Les cérémonies pour appeler les khouanes !... Cette photo prise le 13 janvier 2011 rue Suthep montre un autel construit à même le trottoir, en face du commerce pour lequel va avoir lieu la cérémonie.

 

Photo 2 : Les amulettes !... Cette photo de 2010 prise au marché des amulettes de Chiang-Maï montre que les moines sont loin d'être les derniers parmi les acheteurs et surtout que certains d'entre eux se font les promoteurs de ces talismans. Il y a dans pratiquement tous les temples un petit marché aux amulettes !...

 

Photo 3 : Les maisons des esprits !.... Il y en a partout et de différentes tailles. Elles sont faites pour accueillir les esprits mais surtout pour se concilier leurs bonnes grâces.

Ces esprits de tous ordres sont logés mais aussi nourris et priés.

 

 

Outre cet aspect politico-social il faut aussi prendre en compte le bouddhisme dont le poids n'est pas à négliger. Car si le roi protège la communauté des moines, en retour le sangha honore et fait honorer le souverain, nous dirions aujourd'hui qu'il créé l'opinion publique.

 

Autrement écrit, un souverain qui n'a plus l'appui du sangha est un roi qui va perdre son trône !... (*)

 

 

(*) Curieusement, c'est après s'être opposé aux vénérables du sangha que le roi Taksin (1734-1768-1782), le pourfendeur des Birmans et le libérateur du Siam, fut accusé de folie et perdit son trône à la suite d'une rébellion en …1782, environ un siècle avant la naissance de Phra Kruba Sri Vichaï !...

 

 

 

L'aire géographique occupée aujourd'hui par la Thaïlande est une région bouddhiste depuis le XIIIe siècle. Mais le bouddhisme qui s'y pratique a toujours composé avec les cultes locaux les plus divers. De ce fait ce n'est pas, et c'est loin d'être, un bouddhisme ''pur'' et ''dur''.

 

Alors nombre de monarques thaïs ont cherché à le réformer tant pour revenir à une orthodoxie plus conforme à la tradition initiale que pour mieux contrôler les communautés religieuses de leur royaume, faisant ainsi d'une pierre deux coups.

 

Le roi Mongkut dit Rama IV (1804-1851-1868), le père de Rama V, qui fut moine vingt sept ans durant, fut le dernier de ces réformateurs royaux.

 

Les premiers balbutiements de sa réforme datèrent de 1830 environ ; et son officialisation se fera en 1902 sous le nom de secte ''Thammayut Tika Nikaya'' (ธรรมยุตินิกาย) ce qui signifie ''en conformité avec le Dharma'' c'est-à-dire l'enseignement du Bouddha.

 

Cette ''réforme'' ne trouva que peu d'écho, et Mongkut, qui connaissait ses bonzes, ne chercha pas à l'imposer.

 

En vingt sept ans il avait largement eu le temps de connaître les principaux chefs de pagode et ainsi de se constituer un réseau de renseignements qui devait lui tenir tout autant à cœur que sa réforme, une réforme qui en étant imposée aurait peut-être réduit à néant ce … réseau dont bénéficia Rama V.

 

Alors quand un moine, à cette époque, cherchait à atteindre l'éveil en recourant directement à l'enseignement de Bouddha, sans passer par les coutumes et rites traditionnels bouddhiques siamois, y compris quand ils venaient d'être réformés, ce bonze devenait suspect à bien des égards !....

 

Et, surtout lorsque son charisme remuait des foules !...

Ce qui fut le cas de Phra Kruba Sri Vichaï.

 

 

En gardant à l'esprit les explications et les détails qui précèdent, le lecteur devrait maintenant pouvoir remettre dans un contexte plus terre à terre la légende qui va suivre et ainsi lui redonner sa véritable dimension humaine.   

 

   

 

 

Photo 1 : La carte de la province de Lamphun, et un peu au-delà, situant les différents lieux fréquentés par Phra Sri Vichaï durant son adolescence et jusqu'à ses 40 ans environ.

Ban Pang, son village natal était vraiment perdu dans la montagne, ne pas oublier qu'à l'époque il n'y avait pas de route, mais des pistes. La plupart des déplacements se faisaient par voies fluviales.

 

Photo 2 : Un extrait d'une peinture murale se trouvant dans le monument funéraire de Phra Kruba Sri Vichaï à Ban Pang. Il représente la naissance de Phra Kruba Sri Vichaï dans la ''fermette'' de ses parents à Ban Pang.

 

Photo 3 : Le Thème astrologique de Phra Kruba Sri Vichaï trouvé au Wat Muen San (วัด หมื่นสาร) de Chiang-Maï où il y a un magnifique sanctuaire en fer repoussé à la gloire de Kruba Sri Vichaï, entre autres personnes.

 

 

La naissance de Phra Kruba Sri Vichaï :

 

L'entrée en scène dans notre monde de Phra Kruba Sri Vichaï se fit par un sombre après midi d'orage et dans le petit village de Ban Pang (บ้าน ปาง)

 

Ban Pang est situé à environ soixante-dix kilomètres de Lamphun (ลำพูน) et cent kilomètres de Chiang-Maï.

 

Les astrologues relevèrent alors que c'était le onzième jour de la lune croissante du neuvième mois de l'année du tigre c'est-à-dire le 11 juin 2421 ou le 11 juin 1878.

 

Ce jour là, comme les deux naissances précédentes, une accoucheuse était venue assister la mère du nouveau né avec ses herbes et deux petits pots d'eau, un rempli d'eau froide et l'autre d'eau chaude, selon la tradition.

 

Car ''Fuane'' (เฟือน) ou ''Intha Fuane'' (อินทร์เฟือน) (*), c'est ainsi que fut appelé le nouveau né, fut précédé d'un aîné,  Waï (ไหวนาย ไหว) (อินทร์ไหว) (ถึงแก่กรรมกอน) et d'une sœur, Ouane (อ้วน นาง อ้วน) (ถึแก่กรรมือ).

 

Après sa naissance une autre sœur, Wène (แว่น) et un petit dernier Tha (ทา) viendront s'ajouter à la fratrie qui comptera alors en tout et pour tout cinq enfants.

 

 

(*) En fait il reçu les noms de Aï-Fa-Rogn (อ้ายฟ้าร้อง) ce qui signifie ''Le Tonnerre'' et de Indra ou Intha-Fuane (อินทร์เฟือน) ce qui veut dire ''L'oublieux Indra '' ou ''L'agité Indra'' ( ?).

 

Dans d'autres versions il est écrit que c'était le quatrième enfant de la fratrie ?...

 

 

 

L'accouchement donc se fit lors d'un violent orage qui cessa soudainement lorsque l'enfant parut. Pour les témoins de ce phénomène météorologique il s'agissait alors, et sans conteste, d'un signe annonciateur d'un destin hors du commun pour l'enfant !...

 

Ce qui à posteriori fut le cas !...

 

 

L'enfance de Phra Kruba Sri Vichaï :

 

Quelques historiographes commencent la biographie du saint homme en signalant que son grand-père exerçait l'honorable profession de soigneur d'éléphants ou de cornac.

 

C'était en effet le grand-père de Phra Sri Vichaï qui avait la charge des éléphants du 7ème prince de Lamphun, Chao Luang Daradirekratphairot (1871-1891) (1871-1888 pour WikipediA ?) (เจ้าหลวงดาราดิเรกรัตน์ไพโรจน์).

 

La précision de cette charge, dont peut se passer le lecteur, n'est donnée que parce qu'elle apporte du crédit à l'aura de Phra Kruba Sri Vichaï.

 

Soigneur d'éléphants était alors une profession … très honorable étant donné le prestige de ces animaux ; ce qui ne sera pas le cas avec le métier du père de Sri Vichaï que certains biographes, curieusement … passent … à la trappe pour ne pas … ternir … cette aura.

 

 

 

Les parents de Phra Kruba Sri Vichaï étaient à la tête d'une toute petite exploitation familiale.

 

De ce fait, son père, Naï Khway (นาย ควาย) et sa mère, Nang Ousah (นาง อุสาห) n'étaient pas bien riches et comme on dit en France, … ''tiraient le diable par la queue pour joindre les deux bouts'' !...

 

Alors pour élever au mieux sa petite famille Naï Khway en plus de la culture et de l'élevage s'adonnait … à la chasse, ce qui est contraire à l'un des huit préceptes bouddhistes qui demande à ses fidèles de s'abstenir de tuer !...

 

Autrement écrit, la profession du père de notre saint homme était beaucoup moins honorable que celle de son grand-père, voire même indigne de la part d'un bouddhiste pratiquant.

 

C'est pourquoi certains biographes passent sous silence ce que faisait le père de Kruba Sri Vichaï et préfèrent donner le métier du grand-père, dont on pourrait se passer à moins d'être bouddhiste !....

 

 

Phra Kruba Sri Vichaï respectera le précepte en question ''Tu ne tueras pas'', au pied de la lettre en devenant végétarien et en ne prenant qu'un seul repas par jour durant toute son existence.

 

En se conformant à cette règle de vie a-t-il voulu ''racheter'' les ''crimes'' de son père en plus de se conformer à la règle bouddhique ?... lui seul pourrait le dire.

 

 

Toujours est-il que malgré le comportement répréhensible, pour un bouddhiste, de son père, le gamin fut aimé de ses parents et vécu une enfance comme celle de la plupart des gosses de son âge … de ce temps là.

 

Mais à la différence de ses camarades, qui s'échappaient souvent quand on avait besoin d'eux, Sri Vichaï était toujours là pour rendre service.

 

Aux jeux turbulents et parfois violents il préférait le calme et la solitude, qu'il allait chercher à l'écart de son village.

 

Son grand plaisir était alors de conduire à leur pâture les quelques buffles familiaux qu'il avait en affection, comme tous les animaux.

 

Non loin d'eux, à l'ombre d'un arbre il aimait à retrouver l'atmosphère douce et pénétrante qui se dégageait du temple de son village.

 

Car dès son plus jeune âge Sri Vichaï voulait embrasser la vie religieuse pour amener, comme il disait, ses semblables à faire le bien.

 

   

 

 

Photo 1 : Phra Kruba Sri Vichaï posant avec ses camarades à l'occasion d'un passage au Wat Phra Singh (วัด พระสิงห์) de Chiang-Maï. Le bâtiment devant lequel pose les moines existe toujours.

Phra Kruba Sri Vichaï est assis au premier rang. C'est le deuxième en partant de la gauche. Il semble faire la grimace et se tient de guingois, serait-il mal assis ?...

 

Photo 2 : Aout 2010, la tradition perdure, de jeunes moinillons provenant du Wat Sri Soda, (วัดศรีโสดา)  un Wat situé près du monument Sri Vichaï, au pied du Doï Suthep, arrêtés à un feu non loin de Wat Phra Singh où ils se rendent. Pour y faire aussi une photo de groupe ?...

 

Photo 3 : Phra Kruba Sri Vichaï durant son noviciat, vers l'âge de 18 ans (1896).

 

 

Les débuts de la vie religieuse de Phra Kruba Sri Vichaï :

 

Après bien des hésitations et les requêtes de Kruba Kattiya, (ครูบา ขัตติยะ) (*) le supérieur du Wat de son village, ses parents se laissèrent fléchir et l'enfant fut mit au service du moine qui l'initia à l'étude du pali et du sanskrit.

 

A dix-huit ou dix-neuf ans il est ordonné ''sāmanera'' c'est-à-dire novice ; et un an plus tard, en 1899 au Wat Ban Hogn Luang (วัดบ้านโฮ่งหลวง) du village de Ban Hogn, ''bhikkhu'' (ภิกขุ) (*) sous le nom pali de ''Sri Vichyo'' (สิริวิชโย).

 

Mais les gens de son village qui n'avaient cure du pali l'appelleront plus simplement Sri Vichaï, cela faisait plus couleur locale.

 

Le nom lui restera pour … l'éternité et sans pour autant porter préjudice à la langue palie !....

 

 

 

(*) Kruba Kattiya, (ครูบา ขัตติยะ) était aussi appelé familièrement par les villageois sous le sobriquet de ''Kruba Tègn tè'' (ครูบาแฅ่งแฅะ) parce qu'il boitait.

 

(*) Un bhikkhu (ภิกขุ) est un ''moine-mendiant'' qui a prononcé des vœux et qui s'engage à respecter un code monastique ou ''pātimokkha'' comprenant deux cent vingt sept règles comme, ne pas voler, ne pas accepter d'argent, ne pas créer de discorde entre des bhikkhu-s, ne pas toucher une femme, et cætera et cætera !…

 

 

 

Comme c'est un élève attentif et doué, Kruba Kattiya confiera alors Sri Vichaï à Phra Kruba Upala (พระ ครูบาอุปัชฌาย์ ou ครูบาอุปละ) le supérieur d'un Wat voisin situé à Doï Tae (วัดดอยแต) et dont la spécificité était alors d'étudier et de mettre en pratique la méditation ou ''vipassanā kammatthāna''. (*)

 

Là encore le jeune homme impressionnera son entourage tant par sa mémoire que par son attention.

 

Après un an d'étude il retournera auprès de son premier maître, Kruba Kattiya, qu'il remplacera quelques trois ans plus tard à la tête du Wat de Ban Pang, suite au décès de ce dernier.

 

C'était en 1903 et Kruba Sri Vichaï avait alors … 25 ans.

 

 

(*) Le ''vipassana'' est une technique de méditation propre au bouddhisme qui s'appuie et se réfère à 40 propositions ou objets appelés ''kammatthana''.

Cette technique se pratique plus particulièrement au sein des communautés monastiques vivant en dehors des villes, c'est-à-dire, en général, au plus profond des forêts.

On reconnaît ces moines à la couleur brune de leur vêtement.

 

 

 

 

Le premier acte de bâtisseur ou de moine entrepreneur de Phra Kruba Sri Vichaï :

 

Sa première grande œuvre matérielle fut de redonner un nouveau temple à son village. L'ancien tombait en ruine.

 

Il le fit construire un peu à l'écart des habitations, un kilomètre environ et sur une colline, pour favoriser sa méditation.

 

S'il revenait aujourd'hui, il ne pourrait plus y méditer car c'est devenu … très animé et un lieu recouvert de nombreuses constructions … à sa gloire !...

 

Ce temple, qui demanda une année d'efforts, fut terminé le premier jour de la lune décroissante du troisième mois de l'année du dragon c'est-à-dire en 1904, et appelé le Wat Sri Don Chaï Tray Mun Bun Reagn de Ban Pagn  (วัดศรีดอนชัยทรายมูลบุญเรืองบ้านปาง).

 

 

Très vite, sous la houlette de Phra Kruba Sri Vichaï le Wat Sri Don Chaï devint comme un centre d'entre-aide régionale très en vogue.

 

En cet endroit se côtoyaient, non seulement toutes les couches de la population mais aussi toutes les populations locales, c'est-à-dire celles vivant dans la plaine et acquises au bouddhisme et celles vivant dans les montagnes, en tribu, et pratiquant des cultes animistes.

 

Car Sri Vichaï alla donner des soins et porter l'enseignement de Bouddha au sein même des tribus qui avaient trouvé refuge aux alentours de Ban Pang.

 

C'est à l'occasion de ces visites qu'il apprit à maîtriser certaines de leurs langues comme le Méo (Miao ou Méau) Yao ou Mien et le Karen.

 

C'est aussi à la suite de ces visites que les ressortissants de ces tribus, sans pour autant être bouddhistes, vinrent lui faire des offrandes pour le remercier de ses bonnes œuvres.

 

 

Hélas … tandis que Sri Vichaï croulait sous les offrandes, qu'il faisait redistribuer aux plus pauvres, les moines des alentours voyaient les leurs se raréfier et commençaient à regarder Sri Vichaï d'un œil moins confraternel.

 

L'affaire des ordinations mettra le feu aux poudres. Elle sera au cœur de la première épreuve de force entre Phra Kruba Sri Vichaï et ses … ''chers collègues'' !...

 

   

 

 

Photo 1 : Un extrait d'une peinture murale se trouvant dans le monument funéraire de Phra Kruba Sri Vichaï à Ban Pang. Il représente le Wat Sri Don Chaï Tray Mun Bun Ruang de Ban Pang  (วัดศรีดอนชัยทรายมูลบุญเรืองบ้านปาง) qui vient de remplacer l'ancien tombant en ruine.

 

Photo 2 : Le même Wat que sur la peinture murale, tel qu'il se présente aux visiteurs d'aujourd'hui (mars 2012).

 

Hélas entre 1938 et maintenant les alentours se sont bâtis, à chaque fois avec une bonne intention, celle d'honorer Sri Vichaï, mais à chaque fois en détruisant un peu plus la sérénité et la majesté du lieu.

 

C'est un mal propre à de nombreux temples du Lanna d'aujourd'hui … construire … construire … au détriment du cadre de vie et surtout du recueillement !....

 

Photo 3 : L'un des deux accès qui conduit au temple. Celui-ci est l'escalier principal qui montre, depuis l'entrée du temple, que ce dernier a vraiment été construit à l'écart du village et sur une ''vraie'' hauteur afin d'être propice à la méditation … ce qu'il devient de moins en moins.

 

 

 

                      La première arrestation

                                       ou

                     L'affaire des ordinations.

 

En pays bouddhiste il est d'usage pour un jeune garçon de consacrer quelques temps de sa vie à Bouddha et pour cela de revêtir l'habit safran.

 

En agissant ainsi un jeune homme acquiert des mérites pour lui et pour ses parents. Ces mérites auraient pour avantages de permettre une renaissance, c'est-à-dire une autre vie sur terre après la mort, dans de meilleures conditions matérielles, d'où l'importance de cet acte de piété.

 

Cette entrée dans la vie monastique est alors l'occasion d'une grande et belle cérémonie que préside un moine. Mais ce dernier ne peut officier qu'après avoir reçu l'autorisation d'un conseil. (*)

 

 

Comme pour les offrandes, Kruba Sri Vichaï croulait sous les demandes d'ordination. Car les parents des jeunes garçons voulaient à tout prix que ce fut Sri Vichaï et personne d'autre qui ordonnât leur(s) enfant(s).

 

De ce fait, ses confrères se retrouvaient alors sans, ou peu, de garçons à ordonner.

 

Privés d'offrandes et d'ordinations ces moines quelques peu délaissés acceptaient plutôt mal la situation ; d'autant qu'ils ne vivaient, ou survivaient, que des dons de leurs fidèles !...

 

 

En général, l'autorisation d'ordonner s'accorde dans les plus brefs délais. Mais cette fois la réponse des supérieurs de Sri Vichaï n'en finissait pas de tarder ?!...

 

Alors Sri Vichaï ordonna … sans autorisation. (*)

 

Cet acte lui a valu une ''retenue'' de 23 jours au Wat Chai Muang Lamphun (วัด ชัยเมืองลำพูน) et une condamnation de la part de ses pairs, qui lui retirèrent le titre de supérieur de Wat, et le condamnèrent à l'exil. (**)

 

Phra Kruba Sri Vichaï, soutenu par ses fidèles, resta à Ban Pang et poursuivit ses activités comme par le passé. L'épreuve de force avec sa hiérarchie ne faisait alors que de commencer.

 

C'était en 1908 et Phra Kruba Sri Vichaï avait alors 30 ans.

 

 

(*) D'après ce que j'ai cru comprendre, l'autorisation d'ordonner  venait d'être instituée par Bangkok, peut-être à la suite de la réforme de Rama IV en 1902 concernant la secte bouddhiste ''Thammayut Tika Nikaya'' ( ?...) et vraisemblablement pour mieux contrôler le ''clergé'' des régions conquises récemment par le Siam.

 

Phra Kruba Sri Vichaï était très attaché aux us et coutumes de son Lanna ce qui n'était pas pour plaire aux autorités qui étaient alors soumises à Bangkok. Et parfois le soumis à tendance à être … plus royaliste que le roi ?!...

 

(**) Phra Kruba Sri Vichaï était allé à Lamphun pour donner les raisons de son attitude et s'expliquer. Mais à peine arrivé il fut arrêté.

Après 23 jours de ''détention'', sa condamnation lui fut alors signifiée.   

 

 

   

 

 

Quelques monuments à la gloire de Phra Kruba Sri Vichaï à Chiang-Maï, capitale du Lanna.

 

Photo 1 : Le monument officiel de Phra Kruba Sri Vichaï, au pied de la route Sri Vichaï qui conduit au Wat Suthep (วัด สุเทพ) du Doï Suthep à Chiang-Maï.

 

Photo 2 : Un sanctuaire consacré à Phra Kruba Sri Vichaï qui se trouve au Wat Buppharam (วัด บุปผาราม) rue Tha Phae à Chiang-Maï.

 

Photo 3 : Un monument tout aussi grand que le monument officiel, artistement œuvré en métal repoussé, qui mérite une visite pour son sanctuaire d'à côté, et qui se situe au Wat Muen San (วัด หมื่นสาร) déjà cité à l'occasion du thème astrologique. Le Wat Muen San donne dans la rue Wualaï du marché du samedi soir.

 

 

 

L'affaire des ordinations fut vraisemblablement un … ''coup monté'' pour pouvoir atteindre Kruba Sri Vichaï dans ce qu'il avait de plus sacré et de plus précieux, c'est-à-dire dans l'exercice de son sacerdoce.

 

En fait, le but de l'opération était de le faire … ''tomber'' ou plus exactement de le faire taire mais … sans faire état des véritables raisons.

 

Alors si vous voulez connaître ces ''véritables'' raisons et en savoir encore un peu plus sur Phra Kruba Sri Vichaï …il vous suffit de lire … la deuxième partie.

 

 

 

Une image de Phra Kruba Sri Vichaï qui se trouve dans le sanctuaire qui lui est consacré au Wat Suan Dok (วัด สวนดอก) de Chiang-Maï.

 



09/03/2012
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 308 autres membres