MerveilleuseChiang-Mai

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VENTE EST UN ART ASIATIQUE (LA)

LA VENTE EST UN ART ASIATIQUE

 

 

 

 

La vente est un art. Alors n'est pas vendeur qui veut.

 

En France, cet exercice est souvent considéré avec une pointe de mépris, et comme secondaire, parce qu'il touche à l'argent.

 

Mais ce n'est pas parce que cette activité n'aura jamais ses lettres de noblesse en France, qu'elle ne les a pas acquises, et depuis des siècles, en d'autres pays.

 

 

Ainsi, en Asie, et plus particulièrement en Chine, la vente a trouvé son terrain de prédilection. Car les hommes de ce pays se mettent à son service comme nulle part ailleurs !...

 

 

D'abord, et contrairement aux apparences, les Chinoises ne mettent pas au monde des Chinois, mais des commerçants. Et ce n'est que par la suite que leurs enfants deviennent des Chinois !...

 

Dans l'empire céleste les hommes ont la bosse du commerce, non par tradition mais par hérédité.

 

Et lorsque la vie fait d'un Chinois autre chose qu'un commerçant, chez le pauvre déshérité le naturel revient au galop à la moindre occasion. Alors il n'y a pas de meilleur spectacle que de regarder un Chinois vendre à un … Chinois !...

 

Entre les deux compatriotes, c'est à qui gagnera un yuan sur le dos de l'autre. Non pour gagner un ''sou'', mais pour le seul plaisir de remporter la manche d'un duel de marchandage.

 

Car les Chinois, sont non seulement des commerçants dans l'âme, mais sont aussi des joueurs innés et invétérés !....




Au Lanna, et surtout à Chiang-Maï, la vente a aussi trouvé ses lettres de noblesses. Mais pour des raisons qui n'ont rien à voir avec celles des Chinois.

 

En effet, ce que le ''Khon Chiang-Maï'' recherche dans la vente, c'est asseoir sa situation ; ou plus exactement bénéficier d'une situation assise pendant son travail.

 

Et pour cela, la vente est idéale. Mais à un point qu'on ne peut pas, nous autres Farangs, imaginer. Car pour être assis et allongé à longueur de journée, le ''Khon Chiang-Maï'' pourrait tuer père et mère.


En effet, le ''Khon Chiang-Maï'' a horreur de marcher …  car c'est un adepte du moindre effort.

 

C'est un être qui ne vit pas debout, sur ses pieds, mais assis, et sur ses fesses.


Un homme qui use beaucoup plus ses fonds de pantalons que les semelles de ses chaussures.

 

Ce n'est donc pas par hasard si les étals du ''talat khon deun'' (ตลาดคนเดิน), plus connu des touristes sous le nom de ''marché du dimanche'', qui à leurs débuts ne couvraient que les cinq cents premiers mètres des trottoirs de la thanon Tha Phae, tel un cancer, se répandent maintenant sur tous les trottoirs de la ville, y compris sur le beau milieu des rues.

 

Au train où vont les choses, Chiang-Maï ne sera plus, le dimanche après-midi, une ville mais un immense marché !...

 


Attendre le client en grignotant quelques grains de riz, et marchander des articles proposés à trois ou quatre fois leur valeur, sont les deux activités qui font de la vie d'un ''Khon Chiang-Maï'' un plaisir de vivre !...

 

Mais à la condition que les touristes n'achètent pas trop d'articles d'un coup, sous prétexte d'obtenir une plus grosse ristourne.


Car la machine à calculer d'un vendeur n'est pas prévue pour ce genre d'opération, et encore moins son cerveau que la moindre addition d'un chiffre perturbe !...



Donc, à Chiang-Maï, on ne vend pas pour vendre, mais pour être assis en gagnant son riz quotidien.

 

Il y a même des vendeurs qui sont si fatigués d'être assis durant leur travail qu'ils n'hésitent pas à s'allonger sous, et sur leur comptoir, pour y faire un somme !...

 

Heureusement les voleurs sont rares, les clients honnêtes, et tous les vendeurs ne dorment pas !...

 

En effet, il y a ceux qui mangent, qui téléphonent, ou qui se refont une beauté, comme se revernir les ongles des … orteils, assis ou accroupis derrière leur comptoir.

 

 

 

A Shanghaï, lorsqu'un vendeur est absent de son stand, ce n'est pas forcément pour dormir dans un coin comme à Chiang-Maï, mais pour jouer avec les vendeurs voisins sur le rayon d'à côté ou le trottoir d'en face.

 

Cependant, le vendeur chinois a toujours un œil sur son stand, car en Chine les voleurs courent sur leurs deux jambes et non sur leur derrière … comme à Chiang-Maï.

 

Et son œil est si exercé qu'il n'interrompra sa partie qu'à coup sûr. C'est-à-dire que neuf fois sur dix il réalisera une vente après s'être déplacé ! 

 

 

 

A Chiang-Mai l'art de vivre dans la position assise est tellement évident, qu'il a réussi à sortir, cul par-dessus tête, des grands temples du commerce moderne, les règles de conduite les plus strictes importées d'occident.

 

Alors dans les supermarchés de la ville, mis à part quelques Farangs à cheval sur les principes, pas un client du cru ne trouve à redire sur la conduite un tantinet indolente, oisive, mollassonne et nonchalante de ses compatriotes soi-disant … vendeurs.


Ils s'en offusquent d'autant moins que s'ils avaient à les remplacer ils agiraient tous, très exactement, de la même manière.

 


Alors il n'est pas rare, dans les allées des grandes surfaces de Chiang-Mai, de croiser du personnel le derrière par terre, en train de tailler une bavette et dépoussiérant une boîte de conserve qui doit être la même depuis des mois, tant ses arêtes renvoient avec éclats les faibles reflets des néons avoisinants ?!…

 

 

Cependant, ce qui est agréable à Chiang-Maï c'est que les vendeurs ont toujours le sourire ; y compris lorsqu'un client vient les déranger … durant leur sommeil ou lors de leurs papotages.

 

Alors qu'à Shanghaï, c'est loin d'être le cas !....

 

 

 

A Shanghaï un vendeur n'est pas là pour sourire, et encore moins pour faire des politesses, même si parfois l'entrée des clients est ponctuée par un ou une série de ''Huan ying guang lin'' (欢迎光临 ) !....


Ces mots, crié(s) tout à l'autre bout du restaurant ou de la boutique par un aboyeur payé tout spécialement pour, signifieraient ''bienvenue'', sans doute ou sous-entendu … à l'illustre visiteur ?!...

 

Car, à Shanghaï, si la politesse est restée une valeur ''bourgeoise'', la main-d'œuvre est très bon marché !...

 

 

Donc, à Shanghaï, un vendeur est là pour vendre … tout et n'importe quoi, mais pour vendre !

 

C'est une personne qui vous arrache des mains l'article que vous envisagez d'acheter et que vous manipulez déjà avec amour et tendresse, qui vous bouscule sans un mot d'excuse, qui vous prend votre billet et vous rend votre monnaie comme je n'avais encore jamais osé donner à manger à un chien.


Mais le vendeur, hormis ces quelques points de détail, vend très bien ses produits !...




À Chiang-Maï, une fois de plus, c'est très différent.

 

Tous les vendeurs vous souhaitent le bonjour, sur tous les tons, dans toutes les positions et … avec le sourire. Il ne manque bien souvent qu'un orchestre pour faire de ces salutations un ballet moderne typiquement ''Lannanais''.

 

Le vendeur a la délicatesse de regarder le client faire son achat sans oser l'importuner.

 

Il se tient même en retrait, un retrait très respectueux, dans l'attente du départ du client, et très certainement dans la crainte d'avoir à répondre aux questions que le chaland pourrait lui poser concernant son achat … éventuel.

 

Un article dont le vendeur a dû oublier tous les arguments de vente, y compris qu'il est censé de le vendre !...

 

 

 

À Shanghaï, le vendeur, contrairement à la passivité de son collègue de Chiang-Maï, fait, lui, du ''forcing''.

 

Il sait ce qu'il vend, connaît tous les défauts de ses produits, et il a tous les arguments pour répondre aux questions qui ne lui sont pas posées, mais qui font que le client achète sans en avoir eu l'envie.


Et quand il n'a pas l'article que cherche son client, il sait où le trouver, et le trouvera.

 

Car il n'est pas question de perdre la moindre affaire … quelle qu'elle soit !....

 

 

Alors qu'à Chiang-Maï il n'est pas rare qu'un vendeur vous déclare ne pas avoir ce que vous lui demandez alors que l'article lui brûle les yeux.

 

 

''Vendre pour vendre'' pourrait être le titre d'une saga sur le commerce à la chinoise. Alors qu'à Chiang-Maï ce serait plutôt ''Moins vendre pour mieux se prélasser''.



Dans l'empire céleste, soixante ans de communiste n'ont pas suffi à tordre le cou à cet art venu de la nuit des temps. Les gènes du commerce sont apparemment plus coriaces que les idées, dites nouvelles !...

 

Je dirai même que ces sombres années ont donné à la vente une nouvelle jeunesse. Elles l'ont comme requinquée, voire même carrément dopée.

 

Pour gagner un yuan, le Chinois n'économise ni ses efforts ni sa matière grise. Pour lui, un produit qui ''dort'', c'est de l'argent qui ne rapporte pas.

 

Alors plutôt que de garder une marchandise qui ne se vend pas, il préfère la liquider à son prix d'achat, voire moins. Ce qui lui permet alors de racheter d'autres articles, d'une qualité tout aussi douteuse, et qui lui rapporteront peut-être aussi deux fois rien, mais deux fois rien, c'est mieux que rien !...

 


Au Lanna, comme c'est le communisme qui s'est fait tordre le coup avant d'imposer sa dictature, alors le commerce a poursuivi son petit bonhomme de chemin, cahin-caha  et sans le moindre soubresaut.


Même l'apparition des grandes surfaces n'a pas vraiment remis en cause la façon de faire, et quelque peu désuète, des petits commerçants.

 

Dans certains de leurs magasins, la poussière recouvre des produits qui ont vingt ou trente ans d'âge et qui attendent l'arrivée d'un … collectionneur. Car, pour certains d'entre eux, des nouveautés les ont remplacés depuis belle lurette.

 


Ainsi, j'ai vu dans la vitrine d'un tailleur, située près de la porte Tha Phae, au moins dix ans durant, trois mannequins revêtus des mêmes costumes, dont le soleil avait fini par brûler les couleurs et les fibres des tissus qui, par endroits, se disloquaient et pendaient en lambeaux.

 

Cet étalage, qui naguère devait être la perle du quartier et qui aujourd'hui ne plaide pas en faveur de l'artisan, n'a pas l'air de lui nuire et d'empêcher la clientèle de franchir le seuil de sa boutique ?!...   




Le Chinois, à la place du cerveau, a une machine à calculer. Il est capable de donner la somme d'une opération avant même d'en poser les chiffres.

 

Alors que le ''Khon Chiang-Maï'', dont le cerveau redoute les excès de surchauffe, a besoin d'une calculatrice pour additionner un et un, et sans que l'emploi de la calculette garantisse le bon résultat de l'opération !...

 

 

 

Bref, à Shanghaï, pour ne donner que quelques exemples, les restaurants font des promotions sur certains plats. La plupart des boutiques de pains viennois, une heure avant leur fermeture, baisse leurs prix de 20%. Le personnel fait le trottoir pour inviter les piétons à goûter les produits maisons, etc… etc…

 

Alors les restaurants sont pleins, et dans l'heure qui suit la baisse tous les pains sont vendus !....

 

Car pour un commerçant chinois, il vaut mieux perdre 20% sur un produit que de le perdre en totalité.

 


 

A Chiang-Maï, la mentalité est toute différente. On attend en sommeillant que les clients viennent d'eux-mêmes, car on ne peut à la fois être assis sur son derrière et courir après la clientèle.

 

Alors on ne se bouscule pas dans les restaurants, et la marchandise fraîche, qui finira par moisir, sera donnée en pâture aux poissons qui peuplent la douve, entre autres !...  

 


 

Bref !... si la vente est un art typiquement asiatique, il faut quand même savoir qu'à Shanghaï un commerçant n'a pas les deux pieds dans le même sabot.

 

Alors qu'à Chiang-Maï, à vivre assis sur leur derrière, les commerçants n'ont qu'un fond de pantalon … en guise de sabot !....



13/11/2009
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