MerveilleuseChiang-Mai

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WESSANDORN, LE PRINCE CHARITABLE - 547ème JATAKA 6/6


WESSANDORN, LE PRINCE CHARITABLE -  547ème JATAKA 6/6

(L'avant dernière renaissance du futur bouddha Sakamuni.)

                               มหาเวสสันดรชาดก

                           (Maha Wetsandon Chadok) ou (Maha Wessandorn Chadok)

                                   Et aussi Vessantara jātakā

 

                          - Sixième Chronique –

                                                                   … et …

  … troisième et dernière partie de la Troisième partie …

 

 

 

Les jātakā-s sont à l'origine, des contes populaires. Alors dans la présente chronique le jātakā intitulé ''Wessandorn le Prince charitable'' est réécrit très librement comme s'il était un conte occidental mais, en prenant soin de ne rien enlever à son contenu symbolique et religieux.

L'objet de ce  jātakā est de mettre en valeur le don de soi. Ce don est la 1ère des 10 vertus qu'un ''bodhisattva'', c'est-à-dire un être destiné à recevoir l'illumination pour ensuite devenir un Bouddha, doit faire sienne par un mode de vie adéquate au cours de ses différentes réincarnations.

En conséquence ce jātakā narre et détaille le parcours qui a conduit le ''bodhisattva'' ou le prince Wessandorn à porter à son paroxysme ce don de soi dont l'acte ultime de générosité est de donner son corps, ses yeux et son sang.

 

Nota bene :

Pour en savoir plus sur l'origine des jātakās, et comment la peinture murale du Lanna s'est éteinte et a été remplacée par des fresques communes à toute la Thaïlande, veuillez vous reporter à la 1ère chronique de cette série.

 

 

Résumé : Le dieu Indra, du haut des cieux veille au bon déroulement de la dernière réincarnation du futur Bouddha, que tout un chacun connaît alors sous le nom de prince Wessandorn.

La générosité de cet homme inquiète et comble tout à la fois son père, le roi Sanjay, (สัญชัย) car si le don est un acte louable, il ne doit pas pour autant porter préjudice au royaume.

Or Wessandorn va commettre l'irréparable en offrant le palladium du royaume, un éléphant blanc, au roi voisin. Cette offrande insensée va lui valoir d'être condamner à l'exil.

L'épouse du prince, la princesse Mathri, (พระนางมัทรี) tient à suivre son mari avec leurs deux enfants.

Après une longue marche au travers de la forêt des austérités les exilés arrivent à un ermitage. Et là, ils délaissent leurs vêtements royaux pour se couvrir de peaux de bêtes et commencer une vie de méditation et de contemplation.

Le conte pourrait s'arrêter là, mais c'est alors qu'entre en scène un certain Chuchok qui a pour dessein d'acquérir, sans bourse délier, les deux enfants du prince Wessandorn pour en faire les esclaves de son épouse. Le prince dont la générosité est sans limite, va lui faire l'offrande de ses deux enfants !....

 

    

 

 

                 Illustrations du 1er chapitre : Les dix souhaits ou les dix faveurs.

 

Le dieu Indra demande à la fille d'une deva de devenir la mère du prince Wessandorn. Elle le deviendra sous le nom de Nang Phusadi.

 

Peintures réalisées à partir du milieu de XXe siècle. (A partir des années 1950/60).

Photo 1 : Une carte postale de ce 1er chapitre photographiée dans une salle du Wat Nantharam ou Nantaram (วัดนันทาราม) de Chiang-Mai hors les murs. (Sud).

 

Photo 2 : Un mur intérieur, très riche en peintures, du viharn du Wat Phuak Pia (วัดพวกเปีย) de Chiang-Mai hors les murs. (Sud)

 

Peinture réalisée fin du XXe et début du XXIe siècle. (Néo-Lanna) (A partir des années 1990 … environ.)

Photo 3 : Un extrait d'une fresque néo-Lanna du viharn du Wat Sri Ping Muang (วัดศรีปิงมือง) de Chiang-Mai hors les murs (Sud).

 

 

Chapitre 10 : LE ROI DES DIEUX

กัณฑ์ที่ 10 : SAKKA BAP (สักกบรรพ   ) - (un chapitre de 43 stances)

 

La charité était la raison d'être du prince Wessandorn. Alors le Bodhisattva était prêt à tout donner pour atteindre la perfection du don, ses yeux, son cœur, son sang, ses enfants, mais aussi … son épouse !...

 

Le roi des dieux, Indra, le savait, et pour lui, l'heure était venue d'entrer en scène pour protéger Mathri de la générosité de son mari, ou de sa détermination à atteindre la perfection du don.

 

Alors un matin, Indra vint sur terre en prenant les traits d'un vieillard. Il avait revêtu l'habit d'un brahmane et dans cette tenue avait pénétré dans l'ermitage des deux exilés.

Les deux époux le reçurent avec tous les égards, ils l'invitèrent même à se désaltérer, et à manger.

Puis après qu'Indra se fut reposer, Wessandorn lui demanda quel était  les raisons de sa visite. Le vieux brahmane, avec un tact et une diplomatie sans pareille, alla droit au but et lui demanda l'aumône de son épouse.

 

En entendant la demande de son visiteur Wessandorn se contracta un court instant … de la tête aux pieds et jusque dans le bout des doigts. De son côté Mathri s'était rapprochée et appuyée instinctivement contre son mari.

Après quelques secondes d'indécision, le prince prit la main de sa femme entre ses deux mains, et la pressa tendrement ; puis les deux époux se regardèrent en échangeant des flots d'amour et de tendresse, tandis que leurs cœurs battaient à l'unisson et s'entendaient très distinctement quelques mètres à la ronde.

 

Puis Wessandorn dit à haute voix, ''Je ne dois pas m'attacher aux biens que je possède. Si je devais donner mes yeux pour que les aveugles voient, mon cœur et mon sang pour que les malades retrouvent la santé je le ferai avec le plus grand des plaisirs, car il n'y a pas de plus grand don que celui de sa personne. Alors je ne peux pas vous refuser de vous donner ma femme qui est la chair de ma chair. ''.

Enfin, joignant le geste à la parole, Wessandorn posa solennellement la main de son épouse dans celle du brahmane, prit une cruche et en versa l'eau sur la main du vieillard, confirmant ainsi l'irréversibilité de son don.

Durant tout ce cérémonial Mathri souffrit le supplice mais sans jamais broncher. Car elle savait que ce don était d'une importance capitale pour que son compagnon atteignît la perfection du don.

 

    

 

 

 

                   Illustrations de ''Le roi des dieux'' ou ''L'intervention d'Indra''

 

                                                                   Au Lanna

.

Peintures réalisées à partir du milieu de XXe siècle. (A partir des années 1950/60).

Photo 1 : Une peinture murale du viharn du Wat Mae Kuang (วัดแมกวง) de Chiang-Mai hors les murs. (Nord-est) (Il y a dans cette peinture une influence indienne – regardez les vêtements et coiffures. L'artiste a-t-il copié un artiste indien ?...)

 

Photo 2 : Une peinture murale du viharn du Wat Ou Saï Kham (วัดอุ่ทรายคำ) de Chiang-Mai hors les murs. (Est – près de la porte Tha Phae). (*)

 

Photo 3 : Une peinture murale du viharn du Wat San Saï Ton Kok (วัดสันทรายต้นกอก) de Chiang-Mai hors les murs. (Nord-est). (*).

 

(*) De deux choses l'une. 1/ Le peintre est le même. 2/ Les copistes se sont référés à une même image … celle de l'artiste Thaïlandais Phra Thewaphinimmit (พระเทวาภินิมมิต) (1888/1942/47 ( ?).

 

 

Lorsque la dernière goutte d'eau fut tombée, Mathri sortit de son silence et … dans un élan d'amour d'exception elle murmura ''Seigneur, vous êtes mon maître, alors que votre volonté soit faite, et s'il vous avait plu de me vendre ou de me tuer je l'aurai accepté. ''

Sans rien laisser paraître de son ressenti, Indra se réjouissait au plus profond de lui-même puis, sans dévoiler sa véritable identité, il ouvrit la bouche et se mit à parler ainsi que l'aurait fait le plus saint des brahmanes :

'' Prince je sais que vous êtes prêt à tout donner pour atteindre la perfection du don … pour arriver à un état de sérénité, et parvenir à l'extinction de tout désir.  Mais l'amour que vous éprouvez l'un pour l'autre me touche beaucoup. Vous êtes vraiment digne l'un de l'autre. Alors Prince je vous confie Mathri, gardez-là pour moi et … n'oubliez pas que vous me l'avez donné. Ce qui signifie que vous ne pouvez donc plus la donner à qui que ce soit. ''.

 

En entendant ces mots, Wessandorn s'inclina respectueusement tout en se demandant qui pouvait bien se cacher derrière les traits de ce brahmane qui lui avait permit d'être charitable à l'extrême tout en conservant le joyau de sa vie ?... d'autant que son visiteur avait poursuivit son intervention en les bénissant, lui et son épouse, et en priant les dieux de lui allouer … nombre de bienfaits !...

 

Indra avait prononcé les 10 bienfaits suivants en faveur de Wessandorn :

'' - Que son père revienne sur sa décision.

- Que son père le rappelle auprès de lui.

- Que ses sources d'aumônes soient intarissables.

- Que sa charité soit toujours aussi spontanée, glorieuse et joyeuse.

- Qu'il puisse aider les hommes toute sa vie durant.

- Qu'il puisse gracier un condamné à mort.

- Qu'il soit fidèle à son épouse.

- Que son fils lui succède et règne selon les 10 préceptes.

-  Qu'il reçoive de quoi manger chaque jour.

- Qu'il connaisse l'extinction de tous ses désirs et qu'ainsi il jouisse de la plénitude et du bonheur parfait … le Nibana. (Nirvana) ''.

 

 

(*) Sakka (สักกะ) est un des noms du dieu Indra – mais Sakka (สักกะ) ou Sakaya (สักยะ) est aussi le nom de famille de Bouddha ( ?!...)

 

 

     

 

 

 

                   Illustrations de ''Le roi des dieux'' ou ''L'intervention d'Indra''

 

                                                                   Au Lanna

.

Peintures réalisées fin du XXe et début du XXIe siècle. (Néo-Lanna) (A partir des années 1990 … environ.)

Photo 1 : Un extrait d'une fresque néo-Lanna du viharn du Wat Loi Khro (วัดลอยเคราะห์) de Chiang-Mai hors les murs (Est).

 

Photo 2 & 3 : Deux extraits d'une fresque néo-Lanna du viharn Sri Ping Muang (วัดศรีปิงเมือง) de Chiang-Mai hors les murs (Sud).

 

Nota bene : Par rapport à la série de peintures précédentes, il y a avec ces photos … création et même … ''conjugaison'' d'un même événement. Ainsi les images 2 et 3 concernent un même événement vu différemment.

 

 

Chapitre 11 : LE TRES GRAND ROI

กัณฑ์ที่ 11 : MAHARATCH (มหาราช ) - (un chapitre de 36 stances)

 

Dans la forêt des austérités, afin d'éviter de rencontrer l'ermite, le chasseur Chetabut et surtout ses chiens, Chuchok avait du faire des tours et des détours ; obligé ses jeunes prisonniers à mettre leurs pas dans les siens et surtout à le suivre à son rythme et sans se plaindre.

Chuchok n'avait aucune pitié pour les petits princes, et se souciait fort peu de ce qui pouvait leur arriver.

Ainsi la nuit, pour évité d'être la proie des animaux sauvages, Chuchok dormait toujours en haut d'un arbre, bien enveloppé dans une toile pour échapper aux piqûres des insectes ; alors que ses petits esclaves attendaient son réveil attachés au pied de son arbre sans la moindre protection, transits de froid et tremblant de frayeur.

 

En fait, à l'heure du sommeil, rien n'avait changé pour les enfants, car le dieu Indra avait chargé une divinité de veiller sur eux à l'instar de leur mère … Mathri.

Alors, dès que leurs paupières s'abaissaient, cette divinité dont les traits ressemblaient à ceux de Mathri, déliait chacun des enfants, les emmenait en lieu sûr, les baignait, massait leurs petits petons, les faisait manger et puis les berçait jusqu'à ce qu'ils s'endormissent. Puis à l'aube, à l'identique de la veille au soir, elle renouait leurs pieds et leurs mains.

Quant aux enfants, à leur réveil, ils étaient persuadés d'avoir rêvé, sans être étonnés d'être frais et dispo pour la journée !...

 

Le stratagème dura jusqu'au jour où, Chuchok, arrivé à une croisée de chemins, se dirigea par erreur vers la ville de Jayatoura, la capitale du royaume de Sivi, au lieu de celle de Kalingarath où l'attendait sa jeune épouse Amittada.

 

La veille au soir dans la bonne ville de Jayatoura, son souverain, le roi Sanjay, le père de Wessandorn avait fait un rêve … aussi merveilleux qu'énigmatique !...

Le roi venait de s'endormir quand il se vit assis sur un trône d'or recevant un homme de couleur noir qui venait lui offrir deux merveilleux et superbes lotus. Le roi Sanjay les prit avec délicatesse et posa chacun d'eux derrière ses oreilles, quand … l'un des lotus tomba sur sa poitrine et … le réveilla !...

 

Les devins qu'il fit appeler pour interpréter son rêve tombèrent tous d'accord. Le roi allait retrouver des êtres chers dont il avait été séparé par le destin !...

Les paroles des astrologues ne firent que confirmer le pressentiment du souverain.

Alors ce matin là, le roi, persuadé que ces retrouvailles étaient imminentes, s'habilla et se parfuma comme pour recevoir le dieu Indra ; puis d'un pas alerte mais qui trahissait son excitation il remonta le couloir qui conduisait à la salle du trône.

Rien ne pouvait le distraire. Cependant quand il passa devant l'une des fenêtres du couloir, il s'arrêta net, à la surprise de tous et du roi lui-même.

Tout en bas, dans la rue, parmi le fourmillement humain, un drôle de bonhomme, sale et crasseux, à la démarche lourde, tirait derrière lui deux enfants.

Intrigué par ce trio atypique, le roi Sanjay l'envoya chercher, en recommandant de le bien traiter, afin qu'aucune des trois personnes ne puisse prendre peur.

 

Le roi, après avoir offert le boire et le manger, à Chuchok et aux enfants, pressa le vieux brahmane de questions pour tenter de comprendre son geste. Car il ne s'expliquait toujours pas pourquoi, il avait demandé qu'on lui amène cet étrange convoi humain … encore que … les deux enfants l'intriguaient de plus en plus !...

 

     

 

 

 

 

                                                               Illustrations de

           ''Le très grand roi'' ou ''Les enfants retrouvent leurs grands-parents''

 

                                                                   Au Lanna

.

Peintures réalisées à partir du milieu de XXe siècle. (A partir des années 1950/60).

Photo 1 : Une peinture murale du viharn du Wat Mae Kuang (วัดแมกวง) de Chiang-Mai hors les murs. (Nord-est) (Il y a dans cette peinture une influence indienne – regardez les vêtements et coiffures. L'artiste a-t-il copié un artiste indien ?...)

 

Photo 2 : Une peinture murale du viharn du Wat Dao Dung (วัดดาวดึงษ์) de Chiang-Mai hors les murs. (Sud).

 

Photo 3 : Une peinture murale du viharn du Wat Khun Se (วัดขุนเส) de Chiang-Mai hors les murs. (Sud-ouest).

 

 

 

A chacune des questions que le roi Sanjay lui posait, Chuchok, qui ne manquait ni de rouerie ni de duplicité, répondait en se mettant en valeur. Mais … plus le vieux bonhomme s'écoutait parler et plus le roi Sanjay était persuadé de connaître l'identité des deux enfants.

Ne tenant plus, le roi finit par demander au vieux brahmane qui étaient les deux enfants ?... Alors Chuchok, tout en vantant la générosité du prince Wessandorn, expliqua que c'étaient ses enfants, et que le prince les lui avait donnés comme esclaves.

 

A ces mots, la sérénité qui régnait dans la salle du trône laissa place au tumulte des champs de foire. Les ministres, les conseillers et tous ceux qui assistaient à l'entretien traitèrent Chuchok de menteur et de voleur d'enfants.

Car si tous ces gens savaient que le prince Wessandorn était le plus charitable des hommes, aucun d'entre eux ne pouvait imaginer que Wessandorn irait jusqu'à donner ses enfants. La charité a ses limites.

 

Pour tenter de retourner son auditoire en sa faveur, Chuchok donna alors le spectacle d'un pauvre hère implorant la pitié de ses accusateurs. Mais ses simagrées et ses paroles doucereuses ne servirent à rien ; plus Chuchok se faisait humble et tentait de s'expliquer et plus il était montré du doigt.

Comprenant alors que rien ne pourrait le sauver, Chuchok finit par se taire et à se résigner à entendre la triste fin qui allait lui être annoncé, quand … le petit prince Jali, en prenant la parole mit fin au tumulte ambiant et aux gestes menaçants en direction de Chuchok.

Le jeune garçon, avec un calme et une assurance ''royale'' qui forçaient à l'admiration, confirma les dires de l'infâme Chuchok et expliqua que la charité était la raison d'être de son père.

''Mon père ne veut pas s'attacher aux biens qu'il possède. S'il devait donner ses yeux pour que les aveugles voient, son cœur et son sang pour que les malades retrouvent la santé il le ferait avec le plus grand des plaisirs, car il n'y a pas de plus grand don que celui de sa personne. Alors quand il n'a plus d'éléphant à donner, de chevaux et de char il ne peut donner que la chair de sa chair c'est-à-dire … ses enfants. ''

En entendant ces paroles l'émotion générale fut à son comble. Le roi Sanjay, qui ne pouvait retenir ses larmes en pensant que seul un futur roi pouvait parler de la sorte, alors se leva de son trône, prit le petit Jali par la main et, comme il ne pouvait plus dire un seul mot tant il avait la gorge noué, le pria d'un geste de la tête de venir s'asseoir sur ses genoux, en tendant l'autre main vers la petite Kanha.

Très respectueusement le jeune prince déclina l'invitation en expliquant que sa condition d'esclave ne lui permettait pas d'agir comme le demandait son grand-père, le roi Sanjay, à moins qu'ils soient, lui et sa sœur, rachetés aux prix fixé par leur père.

 

Sans en entendre plus, le roi Sanjay fit verser la somme correspondant au rachat de ses deux petits enfants. Il offrit même une somptueuse demeure au vil Chuchok et l'invita à un grand festin … qui lui fut fatal. Car Chuchok s'empiffra tant qu'il mourût … d'indigestion !...

Comme personne ne connaissait d'héritier à Chuchok, tous ses biens retombèrent dans les caisses du royaume à la grande satisfaction de tous les sujets de Sivi. Chuchok avait fait l'unanimité contre lui.

 

Au palais, au fil des jours, le roi Sanjay et la reine Phusadi redécouvrirent la joie d'avoir des petits-enfants. Mais ils apprirent aussi combien leur fils et son épouse avaient une vie difficile, combien les enfants désiraient revoir leurs parents.

Alors le roi Sanjay, faisant amende honorable, décida d'aller chercher son fils et son épouse en grande procession ; ce qui mit la ville en fête.

Comme une bonne nouvelle n'arrive jamais seule, les huit brahmanes du royaume voisin ramenèrent ''Patchaï Nak'' l'éléphant blanc qui avait redonné vie et fertilité à leurs terres et qui … depuis peu … était l'auteur de quelques inondations un peu trop fréquentes ; en tous cas qui n'étaient pas du goût du roi voisin.

En fait, ces derniers temps, Patchaï Nak était gagné par le mal du pays et voulait retourner dans le royaume de Sivi le plus tôt possible. Alors il provoquait quelques inondations, jamais bien graves, mais suffisamment ennuyeuses pour qu'on finisse par se séparer de lui !... 

 

       

 

 

 

                                                                           

                                                               Illustrations de

           ''Le très grand roi'' ou ''Les enfants retrouvent leurs grands-parents''

 

                                                                   Au Lanna

.

Peintures réalisées fin du XXe et début du XXIe siècle. (Néo-Lanna) (A partir des années 1990 … environ.)

Photo 1 & 2 : Deux extraits d'une fresque néo-Lanna du viharn du Wat Tha Maï I (วัดท่าใหม่อิ) de Chiang-Mai hors les murs (Sud). (Le roi Sanjay interroge Chuchok – Chuchok prend du plaisir.).

 

Photo 2 & 3 : Deux extraits d'une fresque néo-Lanna du viharn Sri Ping Muang (วัดศรีปิงเมือง) de Chiang-Mai hors les murs (Sud). (Le roi Sanjay interroge Chuchok – Chuchok mourant d'indigestion.).

 

Nota bene : Par rapport à la série de peintures précédentes, dans les deux cas les artistes ont peint des scènes inédites et s'attarde sur Chuchok.

 

 

Chapitre 12 : LES SIX MEMBRES DE LA FAMILLE ROYALE

                                               (LES SIX ROIS)

กัณฑ์ที่ 12 : CHAK SATRI (ฉกษัตริย์ ) - (un chapitre de 36 stances)

 

Jamais de mémoire d'homme un cortège aussi grandiose n'avait quitté la ville de Jayatoura (Sivi). En plus de l'armée et des musiciens nombre de sujets avaient voulu être du voyage.

Alors de la forêt des austérités, d'ordinaire très calme, se répandait un brouhaha fait de sons musicaux, de barrissements, de hennissements, de cris de joies qui s'entendaient à des kilomètres à la ronde.

 

Lorsque Wessandorn et son épouse entendirent ce tumulte ils se précipitèrent sur une colline voisine pour tenter de comprendre ce qui se passait.

La princesse Mathri crut d'abord qu'une armée venait les massacrer, puis elle se souvint des deux premiers souhaits prononcés par le dieu Indra, quand il confia sa garde à Wessandorn. Alors elle scruta l'horizon du mieux qu'elle put et finit par reconnaître les couleurs des armées de Sivi.

Sur ce constat, Wessandorn la prit par la main, et ils retournèrent méditer.

 

    

 

 

 

                                                               Illustrations de

                                         ''La famille royale au grand complet''

 

                                                                   Au Lanna

.

Peintures réalisées à partir du milieu de XXe siècle. (A partir des années 1950/60).

Photo 1 : Une peinture murale de la sala du bouddha couché du Wat Muen Mgen Kong (วัดหมื่นเงินกอง) de Chiang-Mai intra-muros.

 

Photo 2 : Une peinture murale du viharn du Wat Dao Dung (วัดดาวดึงษ์) de Chiang-Mai hors les murs. (Sud).

 

Photo 3 : Une peinture murale du viharn du Wat Ou Saï Kham ou U Saï Kham (วัดอุ่ทรายคำ) de Chiang-Mai hors les murs. (Est – près de la porte Tha Phae).

 

 

Lorsque le cortège arriva tout près de l'ermitage, le roi Sanjay demanda qu'on l'attendît et alla seul à la rencontre de Wessandorn et de Mathri.

Ces deux derniers, lorsqu'ils l'aperçurent, se précipitèrent vers lui et se prosternèrent à ses pieds. L'émotion fut si intense qu'aucun d'entre eux ne put prononcer le moindre mot.

 

Après de tendres étreintes Wessandorn, qui avait retrouvé sa voix demanda si son père avait des nouvelles de ses enfants. Sanjay allait lui répondre quand, son épouse la reine Phusadi fit son apparition en tenant par la main les deux petits princes.

Wessandorn exulta de joie au point qu'il tomba évanoui, et comme l'émotion fut générale toutes les personnes présentes s'évanouirent aussi, y compris les chevaux et les éléphants … sauf … Patchaï Nak, l'éléphant blanc, qui alors fit tomber une pluie salvatrice, qui ranima tout le monde !...

 

     

 

 

                                                               Illustrations de

                                         ''La famille royale au grand complet''

 

                                                                   Au Lanna

.

Peintures réalisées fin du XXe et début du XXIe siècle. (Néo-Lanna) (A partir des années 1990 … environ.)

Photo 1 : Un extrait d'une fresque néo-Lanna du viharn du Wat Loi Khro (วัดลอยเคราะห์) de Chiang-Mai hors les murs (Est).

 

Photo 2 & 3 : Deux extraits d'une fresque néo-Lanna du viharn Sri Ping Muang (วัดศรีปิงเมือง) de Chiang-Mai hors les murs (Sud). (Le roi Sanjay part chercher son fils – Les retrouvailles familiales.).

 

 

Chapitre 13 : LA GRANDE VILLE ou LA CAPITALE

กัณฑ์ที่ 13 : NAKHON (นครกัณฑ์ ) - (un chapitre de 49 stances)

 

Si Patchaï Nak avait redonné vie à tous, en forçant quelque peu sur la quantité d'eau, les heureux bénéficiaires étaient loin d'avoir retrouvé la joie et l'allégresse qui les accompagnaient sur le chemin de l'ermitage,  car tout près des salas l'avenir du royaume semblait se jouer.

 

Après l'évanouissement général et le retour à la vie de chacun, le roi Sanjay demanda pardon à son fils pour l'avoir banni en accordant du crédit à la demande de son peuple.

Loin de se plaindre, Wessandorn, bien au contraire remercia son père de lui permettre de vivre comme un anachorète et de pouvoir ainsi méditer sans répit à longueur de journée.

 

    

 

 

 

                                                               Illustrations de

                               ''La grande ville'' ou ''Le retour triomphal à Sivi''

 

                                                                   Au Lanna

.

Peintures réalisées à partir du milieu de XXe siècle. (A partir des années 1950/60).

Photo 1 : Une peinture murale du viharn du Wat Dao Dung (วัดดาวดึงษ์) de Chiang-Mai hors les murs. (Sud).

 

Photo 2 : Une peinture murale de la sala du bouddha couché du Wat Muen Mgen Kong (วัดหมื่นเงินกอง) de Chiang-Mai intra-muros.

 

Photo 3 : Une peinture murale du viharn du Wat Dok Kham (วัดดอกคำ) de Chiang-Mai intra-muros.

 

 

Sanjay alors devint grave et insista auprès de son fils sur la nécessité qu'il avait d'accomplir ses devoirs filiaux, c'est-à-dire de quitter ses peaux de bêtes et de ceindre la couronne.

Les ministres qui suivaient de loin la conversation entre les deux hommes s'étaient rapprochés d'eux, au point d'entendre distinctement les dernières paroles du roi Sanjay. 

Comme Wessandorn tardait à répondre, le plus âgé des ministres, sans se soucier du protocole, sortit du groupe et vint s'agenouiller devant Wessandorn ; puis reprenant les paroles de son roi, il supplia son prince d'accomplir son devoir filial !...

 

Wessandorn se retira sans dire un mot. Il fit trois fois le tour rituel de son ermitage, et selon les coutumes en usage enleva ses peaux de bêtes. Ses cheveux furent coupés, peignés avec de l'eau lustrale et après avoir été parfumé il revêtit des vêtements royaux et … les siens firent de même.

Alors Wessandorn monta sur son éléphant blanc, prit la tête du cortège et se dirigea vers la grande ville de Jayatoura dans une atmosphère de liesse inimaginable.

 

Lorsque le cortège arriva à jayatoura, Indra fit tomber une pluie de gouttelettes d'or qui rendit inépuisable les caisses du royaume et permit à Wessandorn de continuer à faire l'aumône et à gouverner en suivant les dix préceptes des grands rois bouddhiques.

 

Son fils Jali lui succéda, et Wessandorn dans sa réincarnation suivante devint … Bouddha. 

 

                      

 

 

                                                               Illustrations de

                               ''La grande ville'' ou ''Le retour triomphal à Sivi''

 

                                                                   Au Lanna

.

Peintures réalisées fin du XXe et début du XXIe siècle. (Néo-Lanna) (A partir des années 1990 … environ.)

Photo 1 : Un extrait d'une fresque néo-Lanna du viharn Sri Ping Muang (วัดศรีปิงเมือง) de Chiang-Mai hors les murs (Sud).

 

 

                                                         FIN

 

 

Le petit plus en forme de conclusion !...

 

C'est en voulant connaître la signification des peintures murales qui se trouvent dans les temples du Lanna que j'ai découvert le Wessantara jātakā.

Et c'est en m'intéressant à ce jātakā que l'histoire est entrée dans la partie, d'abord l'histoire ancienne et ensuite l'histoire contemporaine.

 

L'histoire ancienne m'a permis de découvrir l'origine des jātakā-s et d'apprendre comment ils s'étaient répandus en Extrême-Orient ; l'histoire contemporaine m'a éclairé sur la manière dont l'art du Lanna est passé de vie à trépas avec le concours, bien malgré lui, du bouddhisme.

 

Dans l'intention d'être à l'égal des occidentaux, et de se protéger de leurs visées coloniales, les Siamois d'abord et les Thaïlandais de Bangkok ensuite, ont tout fait pour rendre leur nation ''une et indivisible''.

Entre autres choses ils ont imposé leur écriture et ''recadré'' le bouddhisme, dont son iconographie, dans les royaumes annexés comme le Lanna, l'Isaan et les sultanats du sud.

Alors pour des raisons de ''thaïfication'', mais aussi d'autres comme les causes climatiques, la plupart des fresques d'antan du Lanna sont passées de vie à trépas ; et dans le mouvement … sa culture en a fait autant !...

… tout du moins pendant un certain temps !... un bon demi siècle !... Car … comme ''on'' dit parfois … ''chassez le naturel, il revient au galop'' !...

 

Depuis une vingtaine d'années, au Lanna, quelques temples en bois, comme on les construisait naguère, surgissent de terre et les murs maçonnés de certains temples se couvrent de peintures murales ''nouveau style'' ou de style ''néo-Lanna''.

Ce n'est pas une peinture qui cherche à copier les œuvres d'antan, dont les artistes – pour beaucoup - manquaient alors de technique, mais une peinture dont les peintres ont acquis une technique via – pour la plupart – les beaux arts de Bangkok ; une peinture qui respire l'air du Lanna mais … sans s'accrocher au passé car elle est à la pointe d'un renouveau qui va de l'avant !...

Il y a dans ces œuvres de la naïveté, de l'ingénuité, de la souplesse dans les personnages et une foi merveilleusement mise en valeur au moyen d'une palette riche et haute en couleurs.

Ce style ''néo-Lanna'', loin de diviser le pays, ne fait qu'enrichir son patrimoine culturel et démontre que l'unité d'une nation peut se faire dans la diversité, à la condition d'une confiance et d'un respect mutuels.

 

Ci-dessus vous trouverez quelques exemples illustrant les présents propos.

 

    

 

 

 

                                                             Présentation de

                  ''Quelques temples dont les murs sont couverts de fresques''

 

                                                                   Au Lanna

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Peintures réalisées à partir du milieu de XXe siècle. (A partir des années 1950/60).

Photo 1 : L'intérieur du viharn du Wat Nantharam ou Nantaram (วัดนันทาราม) de Chiang-Mai hors les murs. (Sud). (Le lecteur reconnaîtra un certain nombre de tableaux du Wessantara jātakā.)

 

Peintures réalisées à partir du milieu de XXe siècle. (A partir des années 1950/60) et aussi … fin du XXe et début du XXIe siècle. (Néo-Lanna) (A partir des années 1990 … environ.)

Photo 2 : Le mur du fond du viharn du Wat Chetawan  (วัดเชตวัน) de Chiang-Mai hors les murs. (Est). (Un Wat de la rue Tha Phae … souvent fermé ... hélas !...)

 

Ce mur est un bel exemple de l'évolution picturale des cinquante dernières années. Sur les murs latéraux il y a des peintures réalisées dans les années 1960, et sur le mur du fond, percé de trois portes, deux types de peintures style néo-Lanna, en haut un style traditionnel … mais qui va de l'avant, illustrant la vie de Bouddha ; et en dessous des scènes de la vie religieuse actuelle peintes à la manière Lanna d'aujourd'hui : à gauche ''Offrande aux moines'' (ตานก๋วยสลาก) et à droite ''Loy Krathong'' (ลอยกระทง).

 

Photo 3 : Un mur latéral du viharn du Wat Ko Klang (วัดเกาะกลาง) de Chiang-Mai hors les murs. (Sud). Un ''néo-Lanna'' très … flamboyant.

 

 

    

 

 

 

                                                             Présentation de

                  ''Quelques temples dont les murs sont couverts de fresques''

 

                                                                   Au Lanna

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Peintures réalisées fin du XXe et début du XXIe siècle. (Néo-Lanna) (A partir des années 1990 … environ.)

Photo 1 : Une peinture d'une sala du Wat Khun Se (วัดขุนเส) de Chiang-Mai hors les murs. (Sud-ouest). (นางอินคำ ผมขาว และ นายกฤษดา).

 

Photo 2 : La sala du Wat Khun Se (วัดขุนเส) de Chiang-Mai hors les murs. (Sud-ouest) où se trouve la peinture de gauche.

 

Photo 3 : Une peinture du viharn du Wat Roi Chan (วัดร้อยจันทร์) de Chiang-Mai hors les murs. (Sud-ouest). Une peinture curieuse non ?!...

 

 

C'était au sujet du 547ème jātakā …

                        ''Wessandorn le prince charitable'' !...

 

Nota bene : Pour en savoir plus sur les fresques murales du Lanna n'hésitez pas à consulter la Thèse de Sébastien TAYAC. Un très bel ouvrage. Il s'en trouve une à l'EFEO de Chiang-Mai.

 

 

 

                                                           

 

 




06/05/2013
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