MerveilleuseChiang-Mai

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C.V. de L’AUTEUR - 4 - PREADOLESCENCE

C.V. de L'AUTEUR - 4 -  PREADOLESCENCE

 

 

1959-1963

 

A Saran, la vie n'est plus comme à Gidy.

 

A Gidy l'habitat était petit, mais la ferme était immense, immense mais clôturée.

 

A Saran la maison a quatre pièces, mais la cour est petite, petite mais sans clôture ; et aux alentours il y a des champs, des vignes et des bois à perte de vue, sans parler du camp d'aviation où stationnait un contingent de l'armée américaine.

 

Alors tout d'un coup, pour le Jean et ses deux frères, Georges et Gérard, c'est la liberté !...

 

Malgré tous ses efforts, la mère Madeleine est obligée de relâcher sa surveillance, et de faire confiance à ses gamins, qui se prennent alors pour d'Artagnan et vont construire cabane sur cabane dans les bois voisins, et tout au fin fond.

 

 

Entre temps, un curé est nommé, car le maire a promis de reloger son secrétaire, alors le presbytère va se libérer. Et il se libèrera … effectivement.

 

Celui qui va venir l'occuper, l'abbé Porthault, Robert pour les intimes, va faire l'unanimité de ses ouailles. Et la paroisse, qui ronronnait, va tout d'un coup prendre vie.

 

Une association, ''l'espoir Saint martin'', du nom du patron de la paroisse, est créée. Et en son sein naissent différents groupes.

 

Le Jean, qui n'a alors que 14/15 ans, va s'occuper des plus jeunes, qui n'ont que 2 ou 3 ans de moins que lui. Et avec eux il va organiser des balades à vélo, des camps et aussi … monter des spectacles !....


Avec les plus grands, car il fait aussi parti de ce groupe mais … en pointillé, dans un attelage le Jean préfère la place du cocher à celle du passager, il ne participe alors qu'à l'activité théâtrale.

 


Son premier grand rôle fut celui d'un client difficile, du titre d'un sketch à deux personnages de Max Régner et de Pierre Ferrary, deux auteurs comiques des années trente.

 

Le sujet de leur pièce n'est pas de haute volée intellectuelle mais il déride les zygomatiques des spectateurs les plus coincés.

 

Un brave homme, qui a perdu sa femme et que le Jean interprétait malgré son jeune âge, vient la chercher au bureau des objets trouvés. Hélas, malgré tous les efforts de l'employé, ce client ''difficile'' ne trouvera pas son ''bonheur''.

 

Par contre, cette loufoquerie provoquera l'hilarité des spectateurs, et les compliments de nombreux d'entre eux. Ce qui ne fut pas pour déplaire à l'intéressé, et à François Roux son partenaire !...

 

 

Parmi les grands, il y en avait un de petite taille, et avec un tempérament de comique, Jean-Claude Brissard, alors le curé, toujours lui, eut l'idée de monter un numéro de clown en lui donnant le Jean comme partenaire.

 

Le succès des deux jeunes dépassa le cadre paroissial et même communal. Car le duo ''fil-de-fer'' et ''Boule-de-billard'' alla donner son numéro en maints endroits y compris jusque sur des scènes Orléanaises, à ne pas croire !...

 

 

L'année dernière, en 2009, alors que le Jean était de passage en France et invité à un dîner d'une centaine de convives, non loin de Saran, une dame, tout en rosissant, s'approcha de lui et lui dit : ''Alors c'était vous ''fil-de-fer'' ?...''

 

C'était bien lui, bien que n'ayant plus la ligne d'un … fil de fer !...

 

Comme elle reçu une réponse positive, elle enchaîna, en rougissant cette fois, ''Lorsque je vous ai vu, je devais avoir 4 ou 5 ans, et vous m'avez fait rêver au point que pendant des années j'ai demandé à mes parents à vous revoir. Et aujourd'hui, ça me fait tout drôle, de vous rencontrer !.... ça me rajeunit de cinquante ans !... ''.

 

Sympa non ?....

 

 

''Faire le guignol sur scène, comme disait le père André, c'est bien beau, mais ce n'est pas un métier. ''

 

Alors pour apprendre un métier, le Jean va se retrouver à Saint-Euverte, un lycée technique privé d'Orléans, dans le but d'y passer un CAP d'ajusteur-tourneur.

 

Là encore ce fut l'abbé Porthault, qui se mit en quatre pour l'inscrire dans cet établissement. Parce que si ses parents avaient écouté son instituteur et l'orienteur professionnel, le Jean serait allé … là où il y aurait eu une place !...

 

Le jean garde encore une dent contre ces deux personnes. Elles étaient alors censées l'aider pour qu'il se détermine sur un choix de filière, et elles n'avaient rien trouvé de mieux que d'éclater de rire quand il leur répondit qu'il voulait être comédien !....

 

Ensuite, ces deux tristes individus s'étonnèrent que le Jean restât muet jusqu'à la fin de leur entretien !…

 

 

Souvent, le père André menaçait ses enfants de finir … ''au cul des vaches'' s'ils n'allaient pas jusqu'au certificat d'études, c'est-à-dire de devenir vacher.

 

Car pour lui ce certificat d'Etudes c'était la panacée, alors que les études suivantes n'étaient pas nécessaires pour travailler ; quand on voulait bien travailler…évidemment.

 

Le raisonnement était un peu abrupt, mais celui qui le tenait en était la preuve vivante ; à onze ans il avait quitté l'école, sans son certificat d'études, et cela ne l'avait pas empêché de trouver du travail. En son temps, c'était comme ça !...

 

Néanmoins malgré ces propos, taillés à coups de serpe, il accepta que le Jean entrât à Saint-Euverte.

 

Des années plus tard le Jean entendra, tout à fait fortuitement, une conversation de son père, disant que le curé lui avait alors rendu visite, en plein chantier, pour lui parler de l'avenir de son aîné ; et que ses camarades de travail l'avait ensuite pas mal ''charrié'' au sujet de cette rencontre !...

 

Jamais il n'en fit le grief à son fils, et jamais il ne fit la moindre allusion à ce sujet en sa présence !

 

Mais l'abbé Porthault était un sacré type. Il retournait comme une crêpe n'importe qui. Et ceux à qui il avait fait changer d'avis, étaient persuadés de l'avoir fait de leur plein gré !...

 

Pas mal non ?.... 

 

 

Les études du Jean devaient durer trois ans. Et c'est là que son beau mi-course de couleur bleu-ciel lui fut indispensable.

 

Un peu avant l'achat du vélo, son père avait dû déjà recevoir le curé et accepter ''Saint-Euverte''. Alors un deux roues devenait indispensable à son fils pour suivre ses études.

 

Par ailleurs, comme le Jean participa à un camp volant au guidon de ce vélo et que l'abbé ne lui demanda jamais de régler sa participation aux frais du camp, avec le recul le jean suppose que son père a dû le lui payer, et le lui offrir, à l'occasion de cette … ''rencontre de chantier'' !....


Dans le fond, le père André n'était pas un mauvais bougre. Et quelque part, le succès de ses enfants, c'était quand même aussi un peu le sien, seulement voilà, contrairement à sa femme, ce n'était pas un démonstratif !...

 

 

En tout cas, tous les jours et pendant ces trois années, le Jean fera deux fois l'aller et retour entre Saran et Orléans, c'est-à-dire la maison familiale et Saint-Euverte …soit seize kilomètres à vélo, qu'il pleuve ou qu'il vente !....

 

Et au moment de midi, il n'avait qu'une heure et demie, pour faire l'aller et retour et … déjeuner à Saran. La cantine de Saint-Euverte était trop chère !...

 

Comme ses parents impécunieux étaient aussi dans l'impossibilité de lui payer ''ces études'', pour ''gosses de riches'' comme disait alors son père, l'abbé Porthault, toujours lui, en trouva le financement.

 

Le Jean fut boursier de la société Thermor, qui préférait alors créer des bourses avec le montant de sa taxe d'apprentissage plutôt que de le verser à l'état.

 

 

Le Jean ne garde pas un souvenir impérissable de son passage à Saint-Euverte. C'était vraiment une école privée pour gosses de riches, où les prêtres, car c'était la grande école catholique de la région, donnaient la préférence à leur fonction plutôt qu'à leur apostolat.

 

Cependant il en est ressorti un peu plus ''savant'' qu'il n'y était entré, aussi un peu plus critique et circonspect à l'égard du clergé, mais … avec un CAP d'ajusteur-tourneur.

 


En tant que boursier, et conformément à son contrat avec la société Thermor, le Jean, dès l'obtention de son CAP, entre comme ''OS'' dans l'atelier ''entretien'' de cette vaste entreprise, productrice de cuisinières de renom, la ''rosière'', et de différents ustensiles électroménagers.


Bien évidemment, durant tout ce temps, l'idée d'être comédien ne l'avait pas quitté.

 

Et lors de cette période d'études et d'ouvrier d'usine, sa mère faisait tout ce qu'elle pouvait pour l'aider à concrétiser ses ambitions !...

  

 

Ainsi un jour elle lui présenta une petite annonce, qu'elle avait découverte dans une revue, pour devenir comédien … par correspondance.

 

Pour cela, il suffisait d'envoyer cinquante francs par la poste, et en retour les candidats recevaient leurs cours.

 

Cinquante francs représentaient alors une bonne petite somme, mais comme le Jean était devenu salarié, il adressa un mandat de ce montant, à la direction de cette école sise avenue de la grande armée à Paris.

 

C'était une adresse à faire rêver !...

 

Quelques jours plus tard, une grosse enveloppe arriva par courrier. Le Jean l'ouvrit le cœur battant, et en sortit tout un paquet de polycopiés.

 

Sur certains d'entre eux des termes techniques, propres au cinéma, étaient expliqués au moyen de dessins. Et sur tous les autres il y avait des extraits de scénarii dont ''l'élève'' devait apprendre les scènes, dans le but de les passer en audition … un jour … à Paris.

 

A l'occasion d'un voyage dans la capitale, voulant faire d'une pierre deux coups, le Jean découvrira que cette école n'avait pas pignon sur rue.

 

Son adresse devait correspondre à une domiciliation-commerciale, comme c'est souvent le cas dans ce genre d'escroquerie.


Cette entourloupe fut la première, et la dernière du genre.

 

Mais il fallait bien que le Jean en goûtât une, pour éviter par la suite, de boire toutes celles qu'on ne manquât pas de lui présenter !...

 

Et dans ce métier, il en rencontra, de toutes les formes et de toutes les couleurs, à commencer par les dossiers photos !...


 

 

Un autre jour, à sa grande surprise, sa mère lui annonça qu'un réalisateur de la ''télévision'', voulait le rencontrer.

 

À cette époque on ne disait pas encore … ''de la télé'', car la télévision était alors une grande dame très respectée.

 

Ce réalisateur, Monsieur Jean-Claude Bergeret, était un ami du couple chez qui sa mère allait faire quelques ménages.

 

Bavarde comme elle était, et qu'elle est toujours à 87 ans, fière de ses rejetons, la mère Madeleine avait dû en divers occasions leur parler de son ''Jean'' … qui voulait faire du théâtre.

 

Alors, sans doute pour lui faire plaisir, car la mère Madeleine est une femme attachante, généreuse, toujours prête à rendre service, et sans compter les suppléments d'heure, son ''patron'' lui avait fait ce cadeau un peu particulier et original.

 

 

Monsieur Bergeret donc, était un ami de ces gens, mais il habitait Suresnes, près de Paris.

 

Alors le Jean, un beau matin, lui qui n'avait pour ainsi dire jamais quitté son bled, prit tout seul, comme un grand, le train pour Paris.

 

Le plus beau fut qu'il arriva à l'heure à son rendez-vous, et sans s'être égaré une seule fois.


En y repensant cinquante ans plus tard, il se demande encore comment il a bien pu accomplir pareil exploit. Car à l'époque, pour un gamin de la campagne, qui n'avait jamais pris le train, et encore moins le métro, ça ne pouvait être qu'un exploit.

 

 

L'entretien commença par un déjeuner. Ensuite le Jean se retrouva dans un salon à dire et redire, de mille et une manières, suivant les indications de cet homme, un poème de Robert Lamoureux, qu'il affectionnait tout particulièrement, ''la lettre à Dédé''.

 

Le sujet du texte est grave, puisque c'est un copain qui répond à un autre pour le dissuader de mettre fin à ses jours.

 

Mais la rédaction de cette lettre est de toute beauté, car les mots qui la servent s'enchaînent avec une sensibilité et un crescendo à émouvoir les cœurs les plus durs.

 

 

Hélas, le poème et le talent de son jeune interprète ne suffiront pas à cet homme pour qu'il encourage son visiteur, dans la voie qu'il se trace.

 

Il lui conseillera même d'abandonner cette idée. Car le théâtre, selon lui, est un métier de chien, dont très peu de comédiens peuvent se vanter d'en vivre décemment.

Ce en quoi il avait raison, hier et encore aujourd'hui !

 

Mais il en fallait beaucoup plus pour dissuader le Jean. Car comme disaient ses parents, pour une fois d'accord à son sujet, ''quand il a une idée en tête, il ne l'a pas ailleurs''.

 

Et sa nouvelle idée, qui là opposera ses parents, ce fut de … ''monter'' à Paris.

 


Alors une fois de plus, il faudra l'intervention de l'abbé Porthault, pour que le Jean puisse avancer sur un chemin qui corresponde à ses désirs, mais dont le sol ressemblait plus à un chemin de traverse qu'à une grande avenue !...



31/01/2010
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