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MONUMENT DE LA DEMOCRATIE 03 (La mise en oeuvre du monument)


MONUMENT DE LA DEMOCRATIE (3)

อนุสาวรีย์ประชาธิปไตย (DEMOCRATY MONUMENT)

 

 

Avertissement : Cette chronique est précédée de deux autres, qu'il vaut mieux avoir lues pour aborder le texte qui suit.

 



    

LA MISE EN ŒUVRE DU MONUMENT

 


 Lorsque le 14 juillet 1919 le corps expéditionnaire siamois défila avenue des champs Elysée il aurait pu y avoir dans la foule de badauds un certain Plaek Phibun Songkhram (1897-1964) (พิบล สงคราม) alors jeune étudiant et âgé tout juste de 22 ans ?!...

 

Mais Phibun n'était pas encore à Paris à cette date, encore que ?... sait-on jamais ?...

 

En tout cas il a du, en tant qu'élève militaire à Poitier et à Fontainebleau entre les années 1924 et 1927 participer à des défilés militaires.

 

A Paris il n'a pas été sans aller faire un tour près de l'arc de triomphe, commandé par Napoléon Ier, des champs Elysées et … de toutes les autres avenues qui depuis l'arc de triomphe partent dans toutes les directions, un détail qui … comme celui de ''Napoléon 1er'' … a son importance comme nous le verrons.

 

   

 

 

A gauche : Le monument commémorant le souvenir de 18 des 19 soldats Siamois tués lors de la 1ère guerre mondiale. Il se trouve place Sanam Luang (สนามหลวง) à Bangkok à l'opposé du palais royal.

 

Au centre : Avec à sa tête le général Phraya Pijaijarnit (พระยา พิชัยชาญถทธ์) les troupes Siamoises défilent sous l'arc de triomphe à l'occasion du grand défilé de la victoire du 14 juillet 1919, et non 1918 comme je l'ai souvent lu. C'est encore l'éléphant qui figure sur le drapeau siamois.

 

A droite : le mémorial de Den Chaï (เด่นชัย) province de Phrae consacré au dix-neuvième mort siamois de la guerre 14/18, le sergent major Charern Pirod (จ่านายสิบ เจรญพิรอด) mort en Allemagne le 26 janvier 1918.

 

 

 

Le monument de la démocratie et l'avenue Ratchadamnenklang (ราชดำเนินกลาง) de Bangkok ne sont donc pas sans rappeler ce site de la capitale française, et à bien des points de vues.

 

Phibun rêvait d'un grand Siam et d'une capitale digne de ''lui'' !...

Du grand Siam ou de Phibun ?...

Vraisemblablement des deux, mais passons au paragraphe suivant nous aurons l'occasion de revenir sur la mégalomanie de l'homme.

 

 

Le monument, oublions pour un temps son qualificatif de démocratie, avait pour but ''matériel'' de remodeler la ville de Bangkok, et de lui donner un nouvel essor en direction du nord, voire – peut-être - des terres à conquérir ?... qui sait ?...

 

En tout cas, en cas de conquête les troupes siamoises avec l'avenue Ratchadamnenklang (ราชดำเนินกลาง) (*) allaient avoir leur … champs Elysée et avec le monument de … ''la démocratie'' … leur arc de triomphe.

 

 

 

(*) Le nom Ratcha-damnen-klang (ราช ดำเนิน กลาง) est l'association de trois mots qui signifient, royal, avancer et centre. Ils pourraient se traduire par la rue ''royale qui donne accès au centre'', voire ''l'accès impérial au centre'' pour faire plus … Napoléonien !... Ce nom de prestige ne fait qu'apporter de l'eau à mon moulin.

 

 

 

En plus de l'aspect prestigieux de l'ensemble, le monument proprement dit allait être le départ de toutes les routes qui allaient couvrir et sillonner le royaume. Son centre est d'ailleurs toujours actuellement le kilomètre ''zéro''. 

 

 

Jusque dans les années 1950 les voies ''routières'' sont rares en Indochine. La réalisation du réseau routier n'a vraiment commencé au Siam qu'après les années 1900 et à un rythme fort lent. La plupart des voies de communication étaient alors fluviales.

 

Je me souviens qu'au début des années 80 certaines grandes routes n'étaient pas encore goudronnées, qu'elles étaient tapissées de nids-de-poules, et qu'il fallait fermer les vitres des bus pour ne pas avoir le visage tout recouvert de poussières à l'arrivée.

 

 

 

   

 

 

A gauche : Cet endroit paisible, parfaitement ombragé, était celui où fut construit le monument de la démocratie. Nous sommes au début de la rue Dinso, (ถนน ดินสอ) qui aujourd'hui porte toujours ce nom.

 

Au centre : Le monument de la démocratie en construction. Nous sommes en 2482 ou 2483. (1939 ou 1940)

 

A droite : Quelques années plus tard … nous sommes sur l'avenue Ratchadamnenklang, (ถนน ราชดําเนินกลาง) les voitures se dirigent vers le monument de la démocratie qu'on distingue à peine, tout au fond de la photo.

 

 

 

Faire du ''monument'' un symbole de triomphe d'où partent toutes les routes du royaume était alors symptomatique de l'état d'esprit du nouveau ''guide'' siamois … Plaek Phibun Songkhram. (Le Napoléon 1er Siamois ?...)

 

 

 

En plus des objectifs ''matériels'' précédents il y avait aussi des visées … ''immatérielles'' peut-être devrai-je écrire ''spirituelles''. ( ?...)

 

Je pense, mais ce n'est que mon avis personnel, qu'elles devaient être de deux ordres.

 

La Thaïlande d'aujourd'hui, celle de 2011 ou de 2554 de l'ère bouddhique, est restée très attachée à ses traditions et à sa culture, alors à plus forte raison en 1930.

 

 

Nombre de ses traditions et une bonne part de sa culture lui viennent de l'empire Khmer. Or, chaque roi khmer avait son mont mérou, c'est-à-dire un axe autour duquel s'harmonisait la vie du royaume.

 

Le roi était un dieu sur terre, un ''Chakravartin'' ou devarājā, c'est-à-dire un monarque universel qui ne dépendait d'aucun suzerain puisqu'il était carrément un dieu. Le premier d'entre eux, Jayavarman II ( ?.../802/vers 830) c'était d'ailleurs libéré de la tutelle javanaise des Caïlendra.

 

Au Lanna Mengraï (1261-1319) en créant Chiang-Maï avait lui aussi son mont Mérou, avec le chédi ''Sadu Muang'' (เจดีสะดือเมือง) (Le nombril de la cité) qui se trouve, encore aujourd'hui, dans la cour du musée de la place des trois rois.

 

Chiang-Maï était une cité des dieux, et comme telle … soi-disant invulnérable … du moins c'était ce que croyaient les gens d'alors.

 

L'importance de ce mont était tel que l'un des descendants de Mengraï, Phraya Tilokarat (1441-1485) (พญาติโลกราช) fera agrandir le chédi Luang, (เจดีย์ลวง) pour obtenir un mont mérou de plus de 80 mètres de haut et qui sera considéré comme le nouveau centre du Lanna, ou, son nouvel axe.

 

 

Compte tenu des informations qui précèdent, la nouvelle Bangkok et le futur grand Siam se devaient d'avoir leur nouveau mont Mérou ; et à mon avis - ce n'est là que mon avis je le répète - Phibun, en bon bouddhiste, ne pouvait pas faillir à cette tradition.

 

La nouvelle Bangkok devait continuer à être une cité des dieux (*) et lui, Phibun son nouveau ''Chakravartin'' ou roi universel. Sa mégalomanie devait aller jusque là. D'ailleurs avec Mussolini, Hitler, et Hirohito nous n'avons à faire qu'à des mégalomanes.  (**)

 

Or il n'est un secret pour personne que Phibun avait de l'admiration pour Mussolini. Lors de la deuxième guerre mondiale il fut l'allié d'Hirohito.

 

Chassé par un coup d'état en octobre 1958, encore un, le 10ème  celui du maréchal Sarit Dhanaraj, ou Thanarat (1908-1958-1973) (สฤษดิ์ ธนะรัชต์) Phibun ira finir ses jours en exil au … Japon !...

 

 

 

(*) Bangkok est la ville au nom le plus long du monde, puisque en thaïlandais son nom s'écrit avec tous les caractères qui suivent : ''กรุงเทพมหานคร อมรรัตนโกสินทร์ มหินทรายุธยา มหาดิลกภพ นพรัตน์ราชธานีบุรีรมย์ อุดมราชนิเวศน์มหาสถาน อมรพิมานอวตารสถิต สักกะทัตติยะวิษณุกรรมประสิทธิ์''. (Krung Thep mahanakhon amon rattanakosin mahintara ayuthaya mahadilok phop noppharat ratchathani burirom udomratchaniwet mahasathan amon piman awatan sathit sakkathattiya witsanukam prasit).

 

Certains de ces qualificatifs signifient : …ville des anges … ville imprenable du dieu Indra … palais royal pareil à la demeure céleste … règne du dieu réincarné … ville dédiée à Indra …. ?!... Je n'invente rien.

 

A noter que pour faire plus court les thaïlandais disent  Krugthep ''กรุงเทพ'' et le restant des hommes ''Bangkok'' ce qui est quand même moins fatiguant mais moins intéressant intellectuellement.

 

(**) Mussolini Président du conseil Italien en octobre 1922 se fit appeler ''Le Duce'' c'est-à-dire le ''Guide''. Hitler, d'abord chancelier du Reich en janvier 33 puis Président en 1934 se fit appeler ''Fuhrer'' c'est-à-dire le ''Guide''.

Les Siamois et par la suite les Thaïlandais appelleront Phibun ''Po'' (พ่อ) c'est-à-dire ''Père'' !...

 

Quand on connaît le respect que les Thaïlandais d'aujourd'hui portent encore à leur père et combien il est écouté, il n'est pas besoin d'entrer dans de grandes explications pour démontrer que la mégalomanie était l'un des points communs de ces hommes.    

 

 

 

   

 

 

A gauche : Le monument de la démocratie tel qu'il se présente aujourd'hui.

 

Au centre : Une ancienne vue aérienne prise depuis l'Est, avec le monument en premier plan, qui montre parfaitement l'orientation de ce dernier par rapport à l'avenue.

Il s'agit bien d'une voie … ''royale'' ou ''impériale'' que le soleil Phra Athit (พระ อาทิต) parcourt quotidiennement d'Est en Ouest sans avoir sa route coupée par une aile puisqu'elles se situent de part et d'autre de la voie. (*)

 

A droite : Une autre vue aérienne prise encore depuis l'Est mais avec le monument en arrière plan.

Au premier plan à gauche on devine le fort Mahakan (ป้อมมหากาฬ) et à droite, le khlogn (canal) Banglamphu (คลองบางลำพู) apparaît très nettement.

 

(*) Une légende raconte que tous les 2 décembre, date anniversaire de la bataille d'Austerlitz, la bataille des trois empereurs, 2/12/1805 le soleil apparaitrait à une heure donnée dans l'axe précis de l'arc de triomphe et des champs Elysées ?!...

Je n'ai rien trouvé confirmant cette légende.

Cependant, existerait-il la même concernant la position du soleil par rapport au monument de la démocratie le 24 juin ?...

Si oui, merci de me le faire savoir. Jusqu'à maintenant je n'ai rien trouvé concernant une telle légende !...  Mais !... sait-on jamais !...

 

 

 

           Photo provenant du site : www.oknation.net/blog/Shuttertd

 

 

Alors un nouveau mont Mérou ?... et pourquoi pas !...

 

Bien qu'elle fût construite dans un style de l'air du temps, le style art déco des années 30, cette montagne sacrée n'est pas sans répondre à un certain nombre de critères qui caractérisent les chédis ou prathats d'antan.

 

Personnellement je ne suis qu'un novice en la matière, j'en apprends encore tous les jours, il n'empêche qu'avec le peu que je connaisse un certain nombre de ces aspects caractéristiques m'ont sauté aux yeux. Pour faire court, car je ne les détaillerai pas tous, j'ai relevé :

 

1/ Le mont est orienté Est-ouest, comme la plupart des temples. Son ''vide'' central semble avoir été conçu dans le cadre d'une voie céleste empruntée quotidiennement par le soleil.

2/ Pour accéder à la plate forme centrale il faut gravir dix marches ; dix vertus ou préceptes sont à la ''base'' de la pratique bouddhique.

3/ La construction centrale n'est pas sans rappeler le bol à aumônes renversé ou garbha, ou œuf des chédis traditionnels.

4/ Les quatre ailes dont les extrémités se fondent avec l'espace tout en donnant l'impression de se rejoindre dans le haut des cieux forment une espèce de ''Nâda'' (*) surdimensionné et transparent à l'envi qui symbolise l'espace contenant les quatre éléments (les quatre ailes) et sans lequel ces quatre principes ne pourraient exister.

5/ Des nagas, symboles ô combien importants dans le bouddhisme ont trouvé à prendre place dans un monument  de style … art déco. J'aimerai savoir s'il existe d'autres œuvres de style art déco avec des nagas ?... j'en doute !...

6/ Enfin, car je pourrai continuer mon énumération, contrairement aux arcs de triomphe habituels, ce n'est pas un monument qui se traverse, en passant sous une porte, mais qui se contourne comme pour effectuer les pradaksinā-s (**) des cérémonies bouddhistes.

 

 

(*) Le mot ''Nada'' désigne le cristal en forme de goutte d'eau qui termine la plupart des flèches qui sont équipées de parasols, en général neuf, et qui culminent au-dessus des temples et des chédis. C'est le symbole de l'état suprême à atteindre … le nirvana c'est-à-dire la dissolution totale dans le brahman ; tout comme une goutte d'eau qui ne fait plus qu'un avec l'océan.

 

(**)Le mot de ''pradaksinā'' vient du sanscrit. C'est un terme employé par les bouddhistes et les brahmanes pour nommer les marches rituelles autour d'une personne ou d'objets sacrés.

 

 

 

Une fois encore, peut-être que mon imagination est trop débordante ?!.... Alors je vous laisse en déduire les conclusions que vous voudrez bien en tirer et, revenons-en à des considérations plus concrètes.

 

 

 

L'autre objectif de ce monument était d'en faire un objet de propagande pour développer et asseoir le nationaliste siamois afin de constituer une ''nation'' de type occidentale typiquement siamoise, c'est-à-dire une et indivisible ce qui était alors loin d'être le cas.

 

 

 

 

A gauche : L'Italien Corrado Feroci (1892-1962) qui deviendra sujet thaïlandais sous le nom de Silpa Bhirasri. (ศิลป์ พีระศรี).

 

Au centre : L'épreuve d'un bronze qui se trouve à l'université des beaux-arts de Bangkok représentant RAMA VI.

 

L'œuvre finale de  Thanee Klinkhajorn (1952) (นาย ธานี กลินขจร) élève de Corrado Feroci, se trouve au palais de Sanam Chan (พระราชวัง สนามจันทร์) dans la province de Nakhon Pathom. (นครปฐม)

 

A droite : Un autre bronze de Vajiravudh (วชิราวุธ) ou Rama VI qui se laissait photographier sans la moindre information. (Le bronze, pas Rama VI).  Alors vous n'en saurez pas plus que moi !... C'est un bronze de Rama VI, point.

 

 

 

Un peu d'histoire :

 

Plaek Phibun Songkhram accède au pouvoir le 16 décembre 1938. Dès 1939, voire peut-être fin 1938, l'idée d'une avenue de prestige pour recevoir les hôtes étrangers ainsi que de ce monument est lancée, et confiée au département des beaux arts.

 

Ce département si cher à Rama VI, un roi qui tenait les arts en haute estime, comptait parmi ses employés un italien, ''Corrado Feroci'' (1892- 1962).

 

Corrado Feroci fut d'abord engagé en tant que sculpteur en janvier 1923 et, par le roi Rama VI lui-même, ou Vajiravudh (1881-1910-1925). Rama VI était le frère de Rama VII l'abdicataire (1893-1925-1935-1941).

 

 

Le travail et les initiatives de cet artiste italien lui valurent la considération des autorités siamoises en général et du département des beaux arts en particulier.

 

Alors après le coup d'état de 1932 il lui fut demandé de rédiger un cahier des charges pour créer une école des beaux arts à Bangkok.

 

Il s'agissait alors de former des artistes aux techniques et à l'esthétique occidentale qui soient capables d'exalter le sentiment national. Les intentions étaient clairement exprimées.

 

 

Pour beaucoup ce … ''Corrado Feroci'' serait le maître d'œuvre du monument. Pour d'autres il n'aurait été que le sculpteur des bas reliefs qui se trouvent sur les bas côtés des quatre piédestaux servant de supports aux ailes.

 

 

Au fil de mes lectures j'ai découvert que le concepteur du projet serait en fait Jit Sen (Mew) Aphaiwong (นาย จิตรเสน (หมิว) อภัยวงศ์), un frère de Khuan Aphaiwong (1902-1968) (ควง อภัยวงศ์). (*)

 

 

(*) Pour rappel, Khuan Aphaiwong (1902-1968) (ควง อภัยวงศ์) était l'un des membres fondateurs du parti du peuple. Il fit ses études à Lyon et deviendra le onzième premier ministre de la Thaïlande, de 1944 à 1945, et le redeviendra à trois autres reprises.

 

 

 

Jit Sen (Mew) Aphaiwong (นาย จิตรเสน (หมิว) อภัยวงศ์), était à l'époque un architecte de renon. C'est lui qui a construit le fameux ''dôme'' de l'université de thammasat  (มหาวิทยาลัยธรรมศาสตร์) de Bangkok dont la première pierre fut posée en 1934.

 

Peut-être était-il alors professeur d'architecture à l'école des beaux arts ?.... (Les informations à son sujet se font rares.)

 

 

Toujours est-il que cet homme aurait été, et de façon certaine,  l'architecte d'une quinzaine d'immeubles de haut standing destinés à donner à la nouvelle avenue, thanon Ratchadamnoenklang  (ถนนราชดำเนินกลาง) ses lettres de prestige.

 

Alors il ne serait pas étonnant qu'il ait été le concepteur de l'ensemble de la réalisation. Car on ne m'enlèvera pas de l'esprit qu'il fallait être de culture bouddhique pour concevoir le monument.  Ce qui ne signifie surtout pas que Corrado Feroci n'aurait fait que de sculpter les bas côtés des piédestaux.

 

En effet il y a dans ce monument un mélange de deux cultures. Alors il est plus que probable que les deux hommes aient étroitement collaboré.

 

À l'heure actuelle il me semble bien difficile de pouvoir dire qu'elle est la part de chacun dans cette œuvre bien particulière et … par certains côtés … anachronique.

 

Cependant aujourd'hui le monument de la démocratie symbolise Bangkok, au même titre que la tour Eiffel … Paris qui, en son temps était loin de recueillir tous les suffrages. D'ailleurs elle devait être démontée après l'expo de 1889. Imaginez le tollé si on devait le faire aujourd'hui ?!....

 

 

 

Le projet de rénovation et de prestige fut mené tambour battant, au grand dam des occupants des lieux qui se firent expropriés et chassés manu militari de leurs terres, qui d'ailleurs ne leur appartenaient peut-être pas ?!...

 

La plupart de ces expropriés, des petits commerçants, étaient d'origine chinoise. Alors compte tenu de la haute estime que Phibun leur portait … il n'a pas du avoir d'état d'âme à leur sujet !...

 

 

Ces victimes ont eut 60 jours pour plier bagages. Autant dire que ces travaux commencèrent dans un climat d'hostilité de la part du peuple. Une hostilité d'autant plus grande que plus de … deux cent arbres allaient être abattus.

 

Nombre de textes soulignent que le risque de perturbations climatiques, provoqué par la disparition de ces arbres, aurait renforcé le mécontentement populaire.

 

Hélas à l'époque on se souciait bien peu du changement climatique. Par contre on craignait beaucoup plus l'aliénation des esprits.

 

Or les arbres étaient à l'époque, et sont toujours, les demeures des esprits. Les Thaïlandais en sont encore aujourd'hui persuadés et d'autant plus qu'ils sont d'un naturel très, mais très superstitieux … alors en 1930 !...

 

 

Donc à mon avis ce sont beaucoup plus les croyances de l'époque qu'il faut prendre en compte pour justifier ce mécontentement général au sein du peuple et vraisemblablement parmi certaines couches de la haute société.

 

Il ne faut pas oublier qu'alors, les ouvriers employés à la réalisation des routes refusaient d'abattre les arbres par crainte d'avoir à en découdre avec les génies qui étaient censés les habiter. C'étaient alors les prisonniers qui étaient contraints et forcés d'abattre les arbres !...

 

 

 

Les travaux pour l'édification du monument auraient débuté le 24 juin 2482 (1939) et ce seraient terminés un an plus tard, le 22 juin 2483 (1940) à 24.00 heures A.M. La précision est … sidérante, surtout quand on connaît la ponctualité … élastique des Thaïlandais !...

 

 

      

 

 

A gauche : Une carte du vieux Bangkok.

De couleur magenta, Thonburi la capitale du roi Taksin. Son mont Mérou était le chédi du Wat jang qui a été rasé et remplacé par le Wat Arun construit dans un style Khmer ?!... Ce Wat est dédié au dieu Indien Aruna. C'est le temple de l'aube !... (Levé du soleil). Il a abrité le bouddha d'Emeraude.

De couleur bistre foncé l'île de Rattanakosin la capitale des Chakri. Son mont Mérou est le Wat Phra Kaew qui abrite le Bouddha d'Emeraude. Ce Wat a été consacré en 1784, l'année où Bangkok est devenue la capitale du Siam. Le Wat Phra Kaew était son axe, son centre.

De couleur bistre claire, l'aire de la première extension de Bangkok. Le monument de la démocratie s'élèvera sur l'endroit marqué d'un ''3''. Ce sera le nouveau centre, le kilomètre ''zéro''.

 

Au centre : Le monument prêt à être inauguré le 24 juin 1940 ou 24 Mi-thou-na-yon (มิถุนายน) 2483

 

A droite : Le nouveau visage de Bangkok suite à la construction du monument de la démocratie. Tout s'est organisé autour de lui.

 

 

 

L'inauguration eut lieu le 24 juin 2483 (1940) et en la présence de Plaek Phibun Songkhram. Ce dernier aurait déclaré en substance que … ''l'endroit serait un nouveau centre de progrès et le lieu d'où toutes les routes quitteront Bangkok … ''. (*) C'était donc bien une place de l'étoile à la mode siamoise que voulait Phibun, mais aussi son mont Mérou.

 

Ce monument aurait coûté la bagatelle de 250.000 bahts. Corrado Feroci était payé en 1926, 900 bahts par mois, ce qui représente grosso modo 250 mois de salaire ou vingt cinq ans d'un bon salaire de fonctionnaire !...

 

Je vous laisse faire le calcul par rapport aux salaires des fonctionnaires d'aujourd'hui.

 

 

(*) Je ne sais pas s'il a prononcé le nom de ville en son entier ou seulement … Krugthep ''กรุงเทพ'' mais je pense qu'il n'est pas important de le savoir.

 

 

Il nous reste à voir maintenant le symbolisme du monument de la démocratie.

Alors pour cela je vous convie à lire la prochaine chronique, intitulée :

 

MONUMENT DE LA DÉMOCRATIE (4)

La symbolique du monument




Nota bene : Les photos d'archives ont été prises sur le net. Et très honnêtement il m'est difficile d'en donner la paternité à un site plutôt qu'à un autre.

 

Alors pour limiter le texte et ne pas faire de jaloux je n'ai cité personne. Mais je suis prêt à rendre à César ce qui appartient à César … en cas de réclamation.


 

Ce texte appartient à un ensemble de cinq chroniques toutes classées dans la rubrique ''Tout sur le Siam''

 

Monument de la démocratie 01 - Naissance de l'idée de démocratie

Monument de la démocratie 02 - Contexte de l'époque

Monument de la démocratie 03 - Mise en œuvre du monument

Monument de la démocratie 04 - Symbolique du monument

 


 

 



20/06/2011
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